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15/02/2023 | FRANCE | N°22/05791

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1- a, 15 février 2023, 22/05791


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1- A



ARRET DU 15 FEVRIER 2023



(n° /2023 , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05791 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3QM



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Mai 2022 - Conseiller de la mise en état de PARIS - RG n° 216523





DEMANDERESSE A LA SAISINE



S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]
>

Représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168





DEFENDEURS A LA SAISINE



Madame [L] [R] [D] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Fiodor RIL...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1- A

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° /2023 , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05791 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3QM

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Mai 2022 - Conseiller de la mise en état de PARIS - RG n° 216523

DEMANDERESSE A LA SAISINE

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurent JAMMET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

DEFENDEURS A LA SAISINE

Madame [L] [R] [D] [F]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : P0157

S.A. BPCE INTERNATIONAL ET OUTRE MER- BPCE IOM agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 5]

N° SIRET : 420 69 8 9 79

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

S.A. BPCE

[Adresse 3]

[Localité 5] / France

N° SIRET : 493 455 042

Représentée par Me Guillaume BORDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre

M. Fabrice MORILLO, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine DA LUZ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Léa FAUQUEMBERGUE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Léa FAUQUEMBERGUE, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

Seize salariés ou anciens salariés du Crédit Foncier de France, dont Mme [D]-[F], ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre des sociétés Crédit Foncier de France, BPCE et BPCE International et Outre-Mer (ci-après dénommée BPCE IOM).

Ces requêtes s'inscrivaient dans le cadre d'un contentieux plus large concernant plusieurs centaines de salariés ou anciens salariés du Crédit Foncier de France. Plusieurs séries sont ainsi actuellement pendantes devant les sections commerce et encadrement du conseil de prud'hommes de Paris.

Le 24 mars 2021, les demandeurs ont adressé des conclusions d'incident afin que soit ordonnée la communication par le conseil de prud'hommes d'une liste de 25 séries de pièces, notamment contractuelles, comptables et financières, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir.

Par jugement du 18 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté les demandeurs et a ordonné la mise hors de cause de la société BPCE IOM.

Par déclaration du 15 juillet 2021, enregistrée le 02 août 2021, Mme [L] [R] [D] [F] et les 15 autres salariés concernés ont interjeté appel de ces jugements.

La société BPCE a soulevé devant le magistrat en charge de la mise en état l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il était dirigé contre un jugement avant-dire droit.

Par ordonnances du 10 mars 2022, le conseiller de la mise en état a fait droit à cette demande dans 15 dossiers et déclaré les appels irrecevables. Celles-ci ont été frappées d'un déféré par les salariés.

En ce qui concerne Mme [D]-[F], le magistrat en charge de la mise en état, par ordonnance du 31 mai 2022, a jugé que l'appel de cette dernière était recevable, en considérant que le jugement critiqué ne s'était pas limité à rejeter la demande de pièces présentée avant dire droit par la salariée mais avait également statué sur la demande reconventionnelle de mise hors de cause de la société BPCE IOM en appréciant au fond l'existence d'une situation de co-emploi.

Par requête du 10 juin 2022, la société Crédit Foncier de France a formé un déféré à l'encontre de cette ordonnance et demande l'infirmation de celle-ci outre le paiement d'une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Au soutien de sa requête, le société fait notamment valoir les moyens suivants :

- Les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident ne mettant pas fin à l'instance sont insusceptibles d'un appel immédiat (Cass. 2 ème Civ. 20 janvier 1983 ; Cass. 3 ème Civ. 24 février 1982, n°80-15143). Ces décisions peuvent néanmoins faire l'objet d'un appel différé, soit en même temps que l'appel principal ;

- le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris est, vis-à-vis de la société Crédit Foncier de France, un jugement avant dire droit ;

- la qualification impropre faite d'une décision par la juridiction qui l'a rendue n'a pas d'autorité de la chose jugée et le fait qu'elle ait été rendue en dernier ressort ne la rend pas susceptible d'appel si cette qualification a été donnée à tort ;

- le conseiller de la mise en état ne peut se contenter d'affirmer qu'en mettant hors de la cause la société BPCE IOM, il a tranché une partie du litige au fond ;

- aucune demande au fond n'était portée par la salariée, cette dernière se contentant de solliciter de la société Crédit Foncier de France la communication de plusieurs documents et ce, au visa notamment des articles R1454-19, R.1454-4 et R.1454-14 du code du travail.

Par requête du 13 juin 2022, la société BPCE IOM a également formé un déféré à l'encontre de l'ordonnance entreprise dont elle demande également l'infirmation outre 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

Elle fait notamment valoir les moyens suivants :

- Aux termes de leurs conclusions d'incidents, les demandeurs n'ont sollicité que des demandes de communication de pièces, mais aucune demande au fond ;

- Comme l'a relevé le conseiller de la mise en état, par les 15 ordonnances du 10 mars 2022, la mise hors de cause de BPCE IOM se fonde sur l'absence de lien entre la salariée et le Crédit Foncier de France et sur le défaut d'intérêt à agir à l'égard de cette entreprise et « non sur une démonstration d'une absence de co-emploi ''. Cela signifie qu'il n'y a pas eu de débat au fond sur la question du prétendu co-emploi entre les sociétés défenderesses ;

- En déclarant l'appel de Mme [D] recevable, la question du prétendu co-emploi à l'égard des trois sociétés, Crédit Foncier de France, BPCE SA et BPCE IOM, n'a pas pu être analysée et jugée par le conseil de Prud'hommes de Paris.

Par requête du 14 juin 2022, la société BPCE, société anonyme, a, à son tour, formé un déféré à l'encontre de cette ordonnance.

Elle a demandé à la cour d'appel de :

- infirmer l'ordonnance du magistrat en charge de la mise en état du 31 mai 2022 ;

- déclarer irrecevable à l'égard de la société BPCE l'appel interjeté par Mme [D]-[F] à l'encontre du jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 18 juin 2021 ;

- condamner Mme [D]-[F] à verser à la société BPCE une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [D]-[F] aux entiers dépens.

Au soutien de sa requête, la société fait notamment valoir que les jugements préparatoires, qui se bornent dans leur dispositif à ordonner une mesure d'instruction ou une mesure provisoire, ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond, sauf dans les cas spécifiés par la loi (article 544 du Code de procédure civile).

En l'espèce, la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de communication de pièces visant à permettre à cette juridiction "de trancher le litige relatif au coemploi" ou encore "de permettre au conseil de trancher le litige relatif à l'immixtion de la société BPCE dans la gestion économique et sociale de CFF".

Le conseil de prud'hommes n'était donc pas invité par les demandeurs à se prononcer sur le fond du litige, et pour cause, puisque les parties n'avaient toujours pas échangé leurs pièces et arguments sur le fond, mais uniquement sur l'incident de communication de pièces soulevé par les demandeurs. Le conseil de prud'hommes n'a donc pas tranché dans son dispositif ne serait-ce qu'une partie du principal, qui porte à titre principal sur l'existence d'une situation de co-emploi entre BPCE et les salariés demandeurs et la nullité de leurs licenciements et, à titre subsidiaire, sur l'absence de cause réelle et sérieuse des licenciements, le non-respect de l'obligation de reclassement et la violation de l'article L.1224-1 du code du travail.

Le seul autre point que le conseil de prud'hommes a tranché est la mise hors de cause de la société BPCE IOM, prononcée à la demande de cette dernière (et non pas de la société BPCE), en raison de l'absence de tout argument des demandeurs sur la présence de cette partie à l'instance. Or, BPCE IOM est une partie distincte de la société BPCE, de sorte que cette partie de la décision du conseil de prud'hommes ne concerne nullement les autres parties au litige, et notamment BPCE. Aussi, la cour ne pourra que constater qu'à l'égard de la société BPCE, le jugement, n'a tranché aucune fraction du principal et s'est contenté de rejeter la mesure d'instruction (communication de pièces) qui était sollicitée par les demandeurs. Dès lors, il s'agissait bien, à tout le moins vis-à-vis de la société BPCE, d'un jugement avant-dire droit insusceptible d'appel indépendamment du jugement sur le fond. L'appel formé ne pouvait donc qu'être déclaré irrecevable à l'égard de la société BPCE. Il n'y a pas d'indivisibilité du litige entre d'une part BPCE SA et d'autre part BPCE IOM, l'une pouvant être reconnue co-employeur et pas l'autre. Ce, d'autant plus que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur la question d'un éventuel co-emploi entre BPCE et BPCE IOM, qui n'a jamais été soulevée par les demandeurs (et pour cause, puisqu'ils étaient salariés du crédit foncier de France).

Par conclusions responsives notifiées le 26 juillet 2022, Mme [D]-[F] a demandé la confirmation de l'ordonnance entreprise outre une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La concluante fait notamment valoir qu'en mettant hors de cause la société BPCE IOM, le jugement entrepris a tranché une partie du litige au fond, constitué notamment par la demande relative au coemploi. En effet, en déboutant la salariée de ses demandes fondées sur le coemploi à l'égard de la société BPCE IOM mise en cause comme coemployeur, le conseil des prud'hommes de PARIS a nécessairement débouté cette même salariée de l'une de ses demandes au principal relatives au coemploi à l'égard de la société Crédit Foncier de France. L'immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de cette dernière de la part de la société ne peut être jugée dans le cadre de deux procédures séparés. Il s'agit bien d'un jugement tranchant la demande au principal relative au coemploi à l'égard de l'une des sociétés défenderesses et la voie de recours ouverte est bien l'appel à l'encontre de tous les défendeurs.

Par ailleurs, le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris ne mentionne pas le caractère avant dire-droit du jugement mais fait état d'un jugement contradictoire. Il s'agit bien d'un jugement au fond.

Aux termes de conclusions notifiées par RPVA le 18 août 2022, la société BPCE IOM sollicite de plus fort l'infirmation de l'ordonnance entreprise.

L'ordonnance de fixation a été rendue le 20 décembre 2022, et par exploit du même jour la société BPCE IOM a signifié aux autres parties la requête en déféré et l'ordonnance de fixation.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la date de délibéré fixée au 15 février 2023.

MOTIFS

Il sera observé en premier lieu que l'appel a été interjeté dans les délais et selon les formes prescrites et n'encourt aucune irrecevabilité de ces chefs. Du reste, cela n'est pas contesté dans le cadre de l'instance en déféré.

L'article 544 du code de procédure civile dispose que « Les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal. Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l'instance ».

Par conclusions d'incident délivrées pour le 25 mars 2021, devant le conseil de prud'hommes de Paris, Mme [D]-[F] a sollicité qu'il soit ordonné sous astreinte aux sociétés crédit Foncier de France, à la société BPCE et à la société BCPE internationale et outre mer de produire diverses pièces contractuelles et comptables.

S'il est constant qu'aux termes de ces écritures, la salariée s'en est tenue à cette demande de communication, il reste qu'elle l'a expressément fondée aux fins d'"appréciation d'une situation de co-emploi par le juge". Surtout, si les deux premières sociétés se sont opposées à une telle demande, la société BPCE IOM, au delà du rejet de cette communication, a demandé sa mise hors de cause en exposant abondamment son absence d'immixtion dans la gestion économique et sociale de la société CFF.

Aux termes de son jugement du 18 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [D]-[F] de ses réclamations et a mis hors de cause la société BPCE IOM après avoir exposé dans ses motifs que les sociétés BPCE IOM et le Crédit Foncier de France avaient des secteurs d'activité différents et délimités, qu'il n'était pas établi qu'il ait existé de confusion d'intérêts, d'activité ou de direction entre les sociétés et qu'il n'était pas établi non plus que la société BPCE IOM se serait jamais immiscée, même partiellement, dans la gestion économique et sociale de la société CFF.

Ce faisant, les premiers juges ont tranché au fond une partie du litige de sorte que le jugement précité ne peut apparaître comme un simple jugement avant dire droit, insusceptible d'un appel immédiat, contrairement à ce qu'allèguent les sociétés.

Il s'agit bien d'un jugement mixte qui peut faire immédiatement l'objet d'un appel pour la partie du litige qui a été tranchée sur le fond.

En outre, l'article 553 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'invisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l'instance ; l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

Le jugement a bien tranché la demande au principal relative au co-emploi à l'égard de l'une des sociétés et la voie de recours ouverte est l'appel à l'encontre de toutes les sociétés défenderesses en raison de l'indivisibilité du litige entre elles.

Il sera observé enfin que le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris ne mentionne pas le caractère avant dire-droit du jugement mais fait état d'un jugement contradictoire.

Dès lors, l'appel interjeté par Mme [D]-[F] est recevable et l'ordonnance entreprise sera confirmée.

Il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve à charge ses propres dépens et ses propres frais irrépétibles. Les demandes de ces chefs seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE l'appel recevable ;

RENVOIE la présente affaire à la mise en état sous le N°RG 21/06523 pour fixation de l'affaire au fond ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1- a
Numéro d'arrêt : 22/05791
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;22.05791 ?
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