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15/02/2023 | FRANCE | N°21/01003

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 15 février 2023, 21/01003


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 15 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01003 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC52N



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2020 - TJ d'EVRY - RG n° 14/09297





APPELANTS



Madame [R] [I] épouse [U]

née le [Adresse 1] Mai 1968 à [Localité

8] (92)

[Adresse 6]

[Localité 18]



Monsieur [O] [I]

né le [Adresse 1] Septembre 1970 à [Localité 16] (91)

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01003 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC52N

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2020 - TJ d'EVRY - RG n° 14/09297

APPELANTS

Madame [R] [I] épouse [U]

née le [Adresse 1] Mai 1968 à [Localité 8] (92)

[Adresse 6]

[Localité 18]

Monsieur [O] [I]

né le [Adresse 1] Septembre 1970 à [Localité 16] (91)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

ayant pour avocat plaidant Me Marine ROGE, substituant Me Agnès PARTY-BOURDIE, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [V] [I] épouse [A]

née le 06 Janvier 1951 à [Localité 18] (91)

[Adresse 7]

[Localité 18]

représentée par Me Aude LACROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : E1971

ayant pour avocat plaidant Me Fanny CHARPENTIER, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller,

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[D] [I] et [B] [H] se sont mariés le 6 mai 1944.

[D] [I] et [B] [H] ont changé de régime matrimonial le 5 août 1988 pour adopter le régime de la communauté universelle, avec attribution intégrale de la communauté à l'époux survivant.

[D] [I] est décédé le 10 mai 2010.

[B] [H] est décédée le 27 février 2013, laissant pour lui succéder :

-sa fille, Mme [V] [I],

-ses deux petits-enfants, Mme [R] [I] et M. [O] [I], venant par représentation de leur père, [L] [I], décédé le 4 février 2002.

Au cours de leur vie, les époux [I] ont pris plusieurs dispositions concernant leur patrimoine.

Par acte notarié en date du 28 novembre 1978, [B] [H] a fait donation à sa fille [V] d'un terrain situé à [Adresse 1], lieudit '[Adresse 10] et, par un autre acte notarié du même jour, celle-ci a échangé ce terrain avec son frère [L] en contrepartie d'un appartement situé dans un immeuble en copropriété à [Adresse 13].

Mme [V] [I] a vendu cet appartement en 1981 pour le prix de 370 000 francs (56 406 euros).

[D] [I] et [B] [H] ont financé des travaux sur le bien immobilier situé [Adresse 1] dont ils avaient fait donation de la nue-propriété à leur fille [V] en 2001 et dont ils avaient conservé l'usufruit.

Par acte notarié en date du 6 avril 2002, Mme [V] [I] a reçu en donation de ses parents, hors part successorale, la pleine propriété d'un terrain situé [Adresse 1] (91).

Par acte notarié en date du 17 décembre 2005, Mme [V] [I] a reçu en donation de ses parents, hors part successorale, la somme de 76 225 euros.

M. [W] [A], Mme [E] [A] et Mme [K] [A], les trois enfants de Mme [V] [I], ont reçu en donation de leurs grands-parents, [D] [I] et [B] [H] :

- la somme totale de 45 734,72 euros par acte notarié en date du 22 juin 2002,

- la somme de 30 000 euros chacun par dons manuels enregistrés à la recette des impôts le 18 octobre 2005,

- la somme totale de 105 000 euros par acte notarié en date du 17 décembre 2005.

[D] [I] et [B] [H] avaient souscrit en co-adhésion les contrats d'assurance-vie suivants au profit de leur fille [V] [I] :

- le 13 décembre 2006, le contrat Cardif Multi-Plus 2 pour un montant de 180 000 euros,

- le 22 décembre 2006, le contrat Fipa Vie Premium pour un montant de 200 000 euros.

Par acte d'huissier de justice signifié les 3 et 29 octobre 2014, Mme [V] [I] épouse [A] a assigné Mme [R] [I] et M. [O] [I] devant le tribunal de grande instance d'Évry afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [B] [H].

Par jugement du 12 octobre 2020, le tribunal judiciaire d'Evry a notamment statué dans les termes suivants :

-ordonne qu'aux requêtes, poursuites et diligences de l'une quelconque des parties à la présente instance, en présence de Mme [V] [I] épouse [A], Mme [R] [I] et M. [O] [I], ou ceux-ci dûment appelés, il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [D] [I] et de la succession de [B] [H],

-commet M. le Président de la Chambre des Notaires de l'Essonne pour procéder à ces opérations, avec faculté de délégation à tout membre de sa compagnie,

-déboute Mme [R] [I] et M. [O] [I] de leur demande de réintégration dans l'actif successoral des primes d'un montant de 380 000 euros versées sur les deux contrats d'assurance vie souscrits les 13 et 22 décembre 2006 par [B] [H] et [D] [I],

-dit que Mme [V] [I] épouse [A] doit rapporter à la succession de [B] [H] la somme de 381 500 euros au titre de la donation qui lui a été faite en date du 28 novembre 1978 d'un terrain situé à [Adresse 1] et cadastré section B n°[Cadastre 5] lieudit '[Adresse 10],

-déboute Mme [R] [I] et M. [O] [I] de leur demande de rapport des sommes de 13 970 euros et 8 110 euros au titre des retraits en espèces des années 2011 2012,

-déclare irrecevables Mme [R] [I] et M. [O] [I] en leur demande de rapport de la somme de 17 032 euros au titre des chèques utilisés pour payer des impôts et de taxes,

-déboute Mme [R] [I] et M. [O] [I] de leur demande de rapport de la somme de 132 132 euros au titre des chèques utilisés pour payer des travaux sur le bien immobilier situé [Adresse 1],

-déboute Mme [R] [I] et M. [O] [I] de leur demande de rapport de la somme de 380 000 euros au titre des deux contrats d'assurance vie souscrits par [B] [H] le 22 décembre 2006,

-déboute Mme [R] [I] et M. [O] [I] de leur demande fondée sur le recel successoral,

-déboute Mme [R] [I] et M. [O] [I] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

-dit que la donation en date du 6 avril 2002 au profit de Mme [V] [I] épouse [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 310 000 euros,

-dit que la donation en date du 17 décembre 2005 au profit de Mme [V] [I] épouse [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 76 225 euros,

-dit que la donation en date du 22 juin 2002 au profit de M. [W] [A], Mme [E] [A] et Mme [K] [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 45 734,72 euros,

-dit que la donation en date du 18 octobre 2005 au profit de M. [W] [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 30 000 euros,

-dit que la donation en date du 18 octobre 2005 au profit de Mme [E] [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 30 000 euros,

-dit que la donation en date du 18 octobre 2005 au profit de Mme [K] [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 30 000 euros,

-dit que la donation en date du 17 décembre 2005 au profit de M. [W] [A], Mme [E] [A] et Mme [K] [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 105 000 euros,

-dit que la donation indirecte en date du 17 décembre 2005 au profit de M. [W] [A], Mme [E] [A] et Mme [K] [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 15 000 euros,

-déclare Mme [R] [I] et M. [O] [I] irrecevables en leur demande tendant à voir constater que les sommes à imputer sur la quotité disponible excèdent le plafond de quotité disponible calculée par le notaire dans le projet de déclaration de succession, et en leur demande subséquente de voir juger que les sommes excédant le plafond de la quotité disponible seront rapportées à la succession ou s'imputeront sur la réserve de Mme [V] [I],

-dit que, le cas échéant, par application de l'article 924 du code civil, le paiement de l'indemnité due par Mme [V] [I] épouse [A] se fera en moins prenant et en priorité par voie d'imputation sur ses droits dans la réserve,

-déclare Mme [R] [I] et M. [O] [I] irrecevables en leurs demandes tendant à voir ordonner la vente des titres et à voir juger que la valeur des comptes-titres sera évaluée au jour de leur vente et que le partage du prix de vente se fera eu égard aux droits des parties,

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [R] [I] et M. [O] [I] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11 janvier 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2021, les appelants demandent à la cour de :

-déclarer Mme [R] [I] et M. [O] [I] recevables et bien fondés en leur appel,

-infirmer le jugement rendu le 12 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire d'Évry,

et statuant a nouveau :

sur la donation du 28 novembre 1978 au profit de Mme [V] [A] :

-condamner Mme [V] [A] à rapporter à la succession la somme de 598 955 € au titre de la donation qui lui a été faite le 28 novembre 1978 d'un terrain situé à [Adresse 1] et cadastré section B[Cadastre 5] lieudit "[Adresse 11],

en conséquence,

-dire et juger que Mme [V] [A] ne pourra prétendre à aucune part dans les droits recelés, Mme [A] ayant dissimulé au notaire chargé de la déclaration de succession et à ses co-héritiers le remploi fait par elle le 18 décembre 1981 de la donation du 28 novembre 1978, ce en fraude des droits de Mme [R] [I] et de M. [O] [I],

sur les assurances-vie :

-juger que les deux contrats d'assurances-vie souscrits les 13 et 22 décembre 2006 pour un total de 380 000 € par [B] [I], 84 ans, et [D] [I], 85 ans, étaient dénués d'aléa et d'utilité pour les de cujus et que les primes versées étaient excessives,

en conséquence,

-condamner Mme [V] [A] à rapporter à la succession la somme de 380 000 € correspondant aux primes versées par [B] et [D] [I] sur les deux contrats d'assurances-vie des 13 et 22 décembre 2006,

-dire et juger que Mme [V] [A] ne pourra prétendre à aucune part dans les droits recelés, Mme [A] ayant dissimulé au notaire chargé de la déclaration de succession et à ses co-héritiers les contrats d'assurances-vie des 13 et 22 décembre 2006, ce en fraude des droits de Mme [R] [I] et de M. [O] [I],

sur le rapport à la succession des autres sommes détournées et sur le recel successoral :

-condamner Mme [A] à rapporter à la succession les libéralités non déclarées et les donations déguisées dont elle a bénéficié, notamment :

*la somme de 447 573 € ayant disparu entre 2008 et 2012 des comptes bancaires de [B] [I], sur lesquels Mme [V] [A] avait procuration,

*les nombreux chèques utilisés pour payer les travaux de Mme [A], qui avait seule la charge des gros travaux en sa qualité de nu-propriétaire, pour un total de 132 132 €,

*les espèces retirées par Mme [A], notamment lorsque [B] [I] était en maison de retraite : 13 970 € en 2011, 8 110 € en 2012,

*les chèques utilisés par Mme [A], notamment lorsque [B] [I] était en maison de retraite,

*les chèques utilisés pour payer les impôts et de taxes de Mme [A], pour un total de 17 032 €,

-juger que ces sommes ont été détournées et recelées par Mme [A],

-dire et juger que Mme [V] [A] ne pourra prétendre à aucune part dans les biens et droits détournés ou recelés,

-dire et juger que seront rapportées à la succession les libéralités non déclarées et les donations déguisées réalisées par les de cujus au profit des trois enfants de Mme [A], notamment :

*la somme totale de 64 900 € versée par les de cujus sur la période de juillet 2008 à juillet 2012 par chèques à Mmes et M. [E], [K] et [W] [A],

*la donation de trois véhicules Renault Clio neufs donnés par les de cujus à Mmes et M. [E], [K] et [W] [A] en 2004,

*la somme totale de 188 422 € versée par les de cujus sur la période de 1995 à 2005 sur les contrats d'assurance-vie de Mmes et M. [E], [K] et [W] [A] (âgés en cette période de 9 ans à 19 ans),

-juger que s'imputera également sur la quotité disponible la valeur au jour de la succession de la donation en date du 17 décembre 2005 de la somme de 76 225 €, au profit de Mme [A] sans remploi déclaré, dont la valeur de remploi devra être fixée,

-débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-confirmer pour le surplus le jugement rendu le 12 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire d'Évry,

en tout état de cause :

-condamner Mme [V] [A] à payer à Mme [R] [I] et à M. [O] [I] la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner Mme [V] [A] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Edmond Fromatin sur le fondement des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2021, Mme [V] [I], intimée, demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

*dit que Mme [V] [I] épouse [A] doit rapporter à la succession de [B] [H] la somme de 381 500 € au titre de la donation qui lui a été faite en date du 28 novembre 1978 d'un terrain situé à [Localité 18] et cadastré Section B n°[Cadastre 5] lieudit « [Adresse 9] »,

*débouté Mme [V] [I] épouse [A] de sa demande formée au visa des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

-dire et juger que Mme [I] épouse [A] doit rapporter à la succession de Mme [B] [H] la somme de 56 406,14 € au titre de la donation en date du 28 novembre 1978 correspondant au prix de vente de l'appartement sis à [Adresse 13], reçu en échange du terrain sis à [Adresse 1], objet de ladite donation,

à titre infiniment subsidiaire,

-dire et juger Mme [I] épouse [A] doit rapporter à la succession de Mme [B] [H] au titre de la donation en date du 28 novembre 1978 :

*pour la somme remployée (101 695 [Localité 12]), la moitié de la valeur du seul terrain à la date de sa vente, soit au 22 juillet 2005, conformément aux dispositions de l'article 860-1 du Code Civil,

*pour la somme non remployée, correspondant au différentiel entre le prix encaissé (370 000 [Localité 12]) et la somme employée dans l'acquisition du terrain (moitié prix d'achat, soit 101 695 [Localité 12]), à hauteur du montant nominal, soit la somme de 268 305 [Localité 12], ou 40 902,83 €.

-dire et juger que le montant du rapport, déterminé sur la valeur du terrain seul, sera fixé par le Notaire judiciairement désigné, le cas échéant avec le concours d'un expert,

-débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

-dire et juger que Mme [A] n'est tenue à aucun autre rapport à la masse que ceux expressément visés et quantifiés par Maître [X], Notaire, aux termes de la déclaration de succession,

-condamner Mme [R] [I] et M. [O] [I] au paiement d'une somme de 10 000 € au visa des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

-condamner Mme [R] [I] et M. [O] [I] au paiement d'une somme de 10 000 € au visa des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles supportés en cause d'appel,

-condamner solidairement les appelants aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 11 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la donation du 28 novembre 1978 au profit de Mme [V] [A]

Il est constant et non contesté que, par acte notarié en date du 28 novembre 1978, [B] [H] a fait donation à sa fille [V] d'un terrain situé à [Adresse 1] (cadastré section B n°[Cadastre 5] lieudit '[Adresse 10]) et que, par un autre acte notarié du même jour, celle-ci a échangé ce terrain avec son frère [L] en contrepartie d'un appartement situé dans un immeuble en copropriété à [Adresse 13].

L'appartement sis à [Adresse 13] a été vendu en 1981 pour le prix de 370.000 [Localité 12] soit 56.406,14 euros.

C'est donc cette somme que le notaire a retenu tant au titre de l'article 922 que de l'article 843 du code civil.

Madame [V] [A] ne contestant pas avoir acquis avec son époux séparé de biens, le 18 décembre 1981 un terrain situé à [Adresse 1] pour le prix de 203.390 francs, soit 101.695 francs chacun, sur lequel ils ont fait édifier la maison qu'ils ont ensuite habitée, et qu'ils ont ensuite vendu ce bien le 22 juillet 2005 pour le prix de 763.000 euros, les appelants demandent à la cour de condamner Mme [V] [A] à rapporter à la succession la somme de 598 955 € au titre de cette donation et de dire et juger que Mme [V] [A] ne pourra prétendre à aucune part dans les droits recelés, Mme [A] ayant dissimulé au notaire chargé de la déclaration de succession et à ses co-héritiers le remploi fait par elle le 18 décembre 1981 de la donation du 28 novembre 1978, ce en fraude de leurs droits.
Ils soutiennent que le prix de vente de l'appartement situé à [Adresse 13], soit la somme de 370.000 francs, a été employé pour l'acquisition du terrain situé à [Adresse 1] et la construction de la maison.

Ils font valoir que le prix de vente de 370.000 [Localité 12] aurait été employé par leur tante dans

l'acquisition avec son époux d'un terrain à construire sis à [Adresse 1], pour le prix de 203.390 [Localité 12], soit 101.695 [Localité 12] chacun, et que le reliquat de ce prix de vente, après paiement de la moitié du terrain, soit la somme de 268.305 [Localité 12], aurait été employé dans le financement de la construction à laquelle Monsieur [A] n'aurait nullement participé.

Ils estiment que le montant du rapport dû à la masse successorale par l'intimée de ce chef serait de 78,5 % du prix de vente des biens de [Localité 18], cédés selon acte en date du 22 juillet 2005 pour le prix de 763.000 €, soit la somme de 598.955 €.

Formant appel incident sur ce point, Madame [A] demande à la cour de dire et juger qu'elle doit ne rapporter à la succession de Mme [B] [H] que la somme de 56 406,14 € au titre de la donation litigieuse.

Elle conteste l'emploi du prix de cession de l'appartement d'[Localité 14] en indiquant n'être plus en mesure de justifier du financement eu égard à l'ancienneté de l'opération, et fait valoir qu'en tout état de cause, il n'est pas sérieux de soutenir que son époux, bien que propriétaire de la moitié du « tout », aurait financé la moitié du prix d'acquisition du terrain mais n'aurait ensuite pas mis le moindre centime dans la construction de la maison.

Aux termes de l'article 860 du code civil, le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de l'acquisition.

Si Madame [A] justifie qu'en 1981 elle et son époux, veuf et en charge d'une fille de 16 ans, avaient des revenus et charges leur permettant selon elle de financer leur projet, il n'en demeure pas moins qu'elle n'est pas en mesure de justifier comment chacun des époux l'a pour sa part réellement financé.

Le premier juge a donc, à juste titre, relevé la concomitance de la vente de l'appartement situé à [Adresse 13] et de l'acquisition du terrain situé à [Adresse 1] et l'absence de justification par Madame [A] de sa participation au coût de la construction de la maison au-delà de la somme de 203.390 francs (370.000 - 101.695), soit le solde du prix de vente de l'appartement situé à [Adresse 13] après paiement de sa part du prix d'acquisition du terrain situé à [Adresse 1].

Le remploi est donc acquis.

N'étant pas contesté que les époux [Y] étaient mariés sous le régime de la séparation de biens et que le terrain de [Adresse 1] a été acquis en indivision, et le rapport à la succession de sa mère auquel est tenue Madame [V] [Y] devant être fixé au regard de la valeur du bien immobilier lors de son aliénation le 22 juillet 2005, soit à hauteur de la somme de 763.000 euros, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé le montant du rapport à la succession de sa mère par Madame [Y] à la somme de 381.500 euros (763.000 / 2), soit la part lui revenant dans la vente du 22 juillet 2005.

Le recel successoral vise toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage successoral. Pour prétendre à l'application des sanctions prévues à l'article 778 du code civil, il faut caractériser un élément matériel, à savoir le procédé tendant à priver les cohéritiers d'un ou plusieurs biens de la succession ou à dissimuler l'existence d'un héritier, et l'élément intentionnel de cette rupture d'égalité qui a ainsi une dimension frauduleuse.

Outre le rapport à la masse successorale de la chose ou les droits recelés, l'héritier receleur en application de l'article précité se voit ainsi privé de tout droit dans la succession sur ceux-ci. Il est également réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net.

Il est admis que le repentir de l'héritier qui révèle avant poursuite et spontanément les biens ou droits précédemment occultés ne le constitue pas receleur.

Pas plus qu'en première instance il n'existe en cause d'appel d'élément de nature à caractériser un quelconque recel puisque Madame [A] n'a jamais cherché à dissimuler la donation de 1978, puis l'acte d'échange, et enfin, la vente de l'appartement d'[Localité 14], puisque le prix perçu à cette occasion ayant été expressément mentionné au titre des rapports par Maître [X] aux termes de la déclaration de succession, le débat ne portant ici que sur la question du remploi.

Sur les assurances-vie

Il est constant et non contesté que [D] [I] et [B] [H] ont souscrit en co-adhésion les contrats d'assurance vie suivants :

- le 13 décembre 2006, le contrat Cardif Multi-Plus 2 pour un montant de 180.000 euros,

- le 22 décembre 2006, le contrat Fipa Vie Premium pour un montant de 200.000 euros.

Le tribunal a débouté Mme [R] [I] et M. [O] [I] de leur demande de réintégration dans l'actif successoral des primes d'un montant total de 380 000 euros ainsi que de leur demande de rapport de la somme de 380 000 euros au titre de ces deux contrats d'assurance vie.

Les appelants demandent à la cour de juger que les deux contrats d'assurances-vie souscrits les 13 et 22 décembre 2006 étaient dénués d'aléa et d'utilité pour les défunts et que les primes versées étaient excessives, de condamner Mme [V] [A] à rapporter à la succession la somme de 380 000 € correspondant aux primes versées par [B] et [D] [I] sur ces deux contrats et de dire et juger que Mme [V] [A] ne pourra prétendre à aucune part dans les droits recelés, Mme [A] ayant dissimulé au notaire chargé de la déclaration de succession et à ses co-héritiers l'existence de ces contrats d'assurances-vie, en fraude des leurs droits.

Mme [V] [A] demande à la cour de confirmer le jugement sur ce point.

Aux termes de l'article L.132-13 du code des assurances figurant dans le chapitre qui traite des assurances vies et des opérations de capitalisation « le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. »

Le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des revenus, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ainsi que de l'utilité du contrat pour celui-ci.

Il existe donc un critère quantitatif consistant à apprécier la proportion des primes versées par rapport aux revenus et au patrimoine du souscripteur et un critère qualitatif reposant notamment sur l'utilité de l'opération pour le souscripteur, ainsi que de son âge, son état de santé, son espérance de vie. Ces critères sont cumulatifs.

En l'espèce c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il résultait de la déclaration à l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de l'année 2007 que le montant de l'actif net de [D] [I] et [B] [H] s'élevait alors à la somme de 1.858.413 euros de sorte que les primes litigieuses ne représentaient que 20% du patrimoine des souscripteurs qui par ailleurs avaient déjà fait plusieurs donations à leurs enfants et petits-enfants (pour un montant total de 1.049.012 euros entre 1995 et 2005, y compris la propriété et la nue-propriété de biens immobiliers ; que l'utilité des contrats litigieux apparaissait suffisamment établie en vue de la diversification du patrimoine des souscripteurs ; que si ceux-ci étaient âgés au moment de la souscription de 84 et 85 ans, il n'était pas démontré que leur état de santé était particulièrement altéré, [B] [H] n'étant d'ailleurs décédée que six ans plus tard, de sorte qu'il ne pouvait être soutenu que les contrats ne présentaient aucun aléa.

Le montant des primes provenait du produit des ventes réalisées par les époux [I] à la fin de l'année 2005 pour un montant total de 1.562.000 € qu'il leur était utile de placer en vue d'un meilleur rendement de leur épargne et dans le but de protéger le conjoint survivant par la souscription de ces contrats en co-adhésion.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de réintégration des primes non manifestement excessives dans l'actif successoral, à hauteur de 380 000 euros, ainsi que les demandes de rapport de ces primes à la succession et au titre du recel.

Sur le rapport à la succession des autres sommes détournées

- concernant Mme [V] [A]

Les appelants demandent à la cour de condamner Mme [V] [A] à rapporter à la succession les libéralités non déclarées et les donations déguisées dont elle a bénéficié, notamment :

*la somme de 447 573 € ayant disparu entre 2008 et 2012 des comptes bancaires de [B] [I], sur lesquels Mme [V] [A] avait procuration,

*les nombreux chèques utilisés pour payer les travaux de Mme [A], qui avait seule la charge des gros travaux en sa qualité de nu-propriétaire, pour un total de 132 132 €,

*les espèces retirées par Mme [A], notamment lorsque [B] [I] était en maison de retraite : 13 970 € en 2011, 8 110 € en 2012,

*les chèques utilisés par Mme [A], notamment lorsque [B] [I] était en maison de retraite,

*les chèques utilisés pour payer les impôts et de taxes de Mme [A], pour un total de 17 032 €,

-juger que ces sommes ont été détournées et recelées par Mme [A],

-dire et juger que Mme [V] [A] ne pourra prétendre à aucune part dans biens et droits détournés ou recelés.

L'intimée demande la confirmation du jugement en ce qu'il a qui a rejeté ces demandes.

*sur les retraits en espèces à hauteur de 13 970 euros

Madame [V] [A] qui avait procuration pour faire fonctionner les comptes bancaires de sa mère, hébergée en maison de retraite à compter du 17 juin 2010, ne conteste pas que des retraits en espèces ont été faits sur les comptes bancaires de [B] [H] à hauteur de la somme totale de 13.970 euros au cours de l'année 2011 et à hauteur de la somme totale de 8.110 euros au cours de l'année 2012.

Alors que ces retraits apparaissent limités à la somme de 1164 euros par mois en moyenne en 2011 et à la somme de 675 euros par mois en moyenne en 2012 et, eu égard aux revenus et au patrimoine de la défunte (qui a notamment perçu au titre de l'année 2012, 6.880,00€ de pension de retraite, et 27.950,00 € de revenus locatifs ), adaptés à ses dépenses courantes et à ses soins personnels, les appelants ne justifient pas que ces sommes auraient en réalité bénéficié à Madame [A].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Madame [R] [I] épouse [U] et Monsieur [O] [I] de leur demande de rapport des sommes de 13.970 euros et 8.110 euros.

*sur la somme de 447 573 € ayant disparu entre 2008 et 2012 des comptes bancaires de [B] [I]

Il s'agit d'une demande nouvelle en appel.

Les appelants affirment dans leurs écritures que sur la période considérée, la « disparition » de cette somme s'explique par les donations déguisées faites par [B] [H] au cours des dernières années de sa vie et ce, dans le cadre du financement de travaux sur le bien de leur tante (pour 132.132 €), du paiement des charges personnelles de cette dernière (17.032 €), de l'émissions de chèques au profit de ses petits enfants (pour 64.900 €), à des retraits espèces (pour 22.080 €) ou à l'abondement des contrats d'assurance vie des enfants [A] (pour 188.422 €), dont ils sollicitent également le rapport à la masse, poste par poste (pour un montant total de 424.566 € ).

Ce chef de demande qui fait ainsi doublon avec avec les autres demandes de rapport formées à l'encontre de Madame [V] [A] examinées par ailleurs, ne sera donc pas examiné par la cour.

*sur les chèques utilisés par Mme [A], notamment lorsque [B] [I] était en maison de retraite

C'est à juste titre que le tribunal, faute par les appelants d'indiquer le montant total des dépenses courantes de Madame [V] [A] qui auraient été payées par chèques tirés sur les comptes bancaires de [B] [H] et de préciser la nature de ces dépenses (hormis en ce qui concerne le paiement de réparations immobilières et d'impôts), a déclaré la demande non chiffrée et imprécise irrecevable.

Eu égard à l'absence d'élément nouveau en cause d'appel, le jugement sera confirmé sur ce point.

*sur la somme de 17.032 euros

Les appelants soutiennent que la copie de plusieurs chèques tirés sur les comptes bancaires de [B] [H] fait apparaître d'importants paiements au profit du Trésor public et de l'URSSAF alors qu'il ressort des relevés de comptes bancaires Crédit Agricole de la défunte qu'existaient déjà des prélèvements automatiques mensuels pour l'URSSAF et de ses relevés de comptes bancaires Société Générale que l'ensemble des impôts et taxes était payé par TIP chaque année en octobre.

Ils font ainsi état notamment de :

- un chèque d'un montant de 3.039 euros

- un chèque d'un montant de 6.270 euros

- un chèque d'un montant de 679 euros

- un chèque d'un montant de 4.044 euros

- un chèque d'un montant 3.000 euros

soit pour un montant total de 17.032 euros.

Mme [P] répond qu'avant son entrée en maison de retraite en 2010, sa mère bénéficiait d'aides à domicile, qu'après juin 2010, elle avait conservé sa femme de ménage pour effectuer des travaux de nettoyage afférents aux parties communes de l'immeuble entier dont elle avait conservé l'usufruit [Adresse 2] et qu'en ce qui concerne les chèques au Trésor Public, la charge fiscale supportée par ses parents puis par sa mère seule était très lourde tant au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (l'usufruitier étant tenu d'intégrer dans sa déclaration la valeur en pleine propriété des biens dont il a la jouissance), des prélèvements sociaux, et des taxes foncières pour :

- l'immeuble [Adresse 1], en sa qualité d'usufruitière (immeuble donné en nue-propriété à Monsieur [L] [I]),

- l'immeuble [Adresse 1], en sa qualité d'usufruitière (immeuble donné en nue-propriété à Madame [V] [A] ),

- les terres agricoles dont elle était encore propriétaire, à savoir :

- Sur la commune de [Localité 17] : ZX [Cadastre 15] pour une superficie de 32.714 m2,

- Sur la commune de [Localité 18] : Parcelles [Cadastre 20] pour une 26.799 m2, Y 78 pour 29.539 m2, Y 15 pour 23.520 m2, Y 114 pour 10.896 m2 et la moitié indivise de la parcelle [Cadastre 19] pour 4.244 m2.

Il apparaît des pièces produites que le chèque de 3 000 euros est établi à l'ordre de [D] [I] et non du Trésor public, que les chèques de 3.039 euros, 6.270 euros, 679 euros et de 4.044 euros établis à l'ordre de la Trésorerie de Bièvres ou du Trésor public, et signés par [B] [H] elle-même les13 octobre 2004, 5 octobre 2005 et 13 novembre 2008 étant précisé que le chèque d'un montant de 4.044 euros n'est pas daté.

L'intimée justifie que la somme de 4 044 euros correspond au paiement des taxes foncières dues par les époux [I] en 2009 et les appelants ne justifient pas qu'au moment des autres chèques, d'autres versements auraient été fait par leur tante au Trésor public par virement ou TIP pour payer les impôts ou taxes foncières et d'habitation dont elle-même et son époux étaient tenus.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rapport de la somme de 17.032 euros, étant observé qu'il a bien débouté les demandeurs dans ses motifs de fond, mais a déclaré par erreur la demande irrecevable dans son dispositif.

*sur la somme de 132.132 euros

Selon les appelants, les relevés de comptes bancaires des époux [I] révèlent l'existence de nombreux chèques de montants élevés à l'ordre d'entreprises de travaux, dont un nombre important comporte la signature de Madame [A] qui avait procuration sur le compte bancaire de sa mère, alors que depuis 2005, les époux [I] ne bénéficiaient plus que de l'usufruit de leurs biens (leur grande maison sise [Adresse 1] ayant été vendue en 2005) et qu'ils n'avaient à assumer aucuns travaux importants.

Ils font valoir que si des gros travaux avaient été nécessaires dans ces biens immobiliers, c'est juridiquement à la nu-propriétaire de ces biens, Madame [A], qu'il appartenait de supporter lesdits travaux ; que ces travaux n'ont pas amélioré le revenu locatif de [B] et [D] [I] puisqu'ils ont été absorbés par le montant total de ces travaux pour 132.132,29 € et n'ont pas amélioré le confort au quotidien de leurs grands-parents qui ont dû supporter depuis leur petit appartement, le bruit et la poussière récurrents dans l'immeuble et sont entrés en maison de retraite, [D] [I] le 30 juillet 2007 et [B] [H] le 17 juin 2010.

Ils considèrent que ces paiements constituent des donations déguisées, à rapporter à la succession.

Madame [Y] répond qu'elle a produit l'ensemble des factures correspondantes, lesquelles démontrent que lesdits travaux ont tous été réalisés, à la demande de [D] [I] et [B] [H], sur les deux immeubles dont ils avaient conservé l'usufruit, sis [Adresse 1], en rappelant que ces derniers ont emménagé début 2006 dans l'appartement du rez-de-chaussée du [Adresse 1] après avoir vendu leur maison sise au [Adresse 1] de cette même rue à la fin de l'année 2005.

Elle fait valoir qu'en réalisant des travaux sur l'immeuble sis [Adresse 1], il s'agissait pour ses parents, non seulement d'entretenir au mieux les appartements donnés à bail en se garantissant ainsi des rendements locatifs importants, mais également de préserver au mieux leur propre cadre de vie.

Il n'est pas contesté que les défunts ont financé des travaux sur le bien immobilier situé [Adresse 1] dont ils avaient fait donation de la nue-propriété à leur fille [V] en 2001 et dont ils avaient conservé l'usufruit.

Ce bien était divisé en quatre logements donnés en location, et à compter du début de l'année 2006, [D] [I] et [B] [H] ont habité l'un de ces logements après avoir vendu leur maison voisine située [Adresse 1].

En vertu de l'article 605 du code civil, l'usufruitier est tenu de veiller à la conservation de l'immeuble et de le maintenir en conséquence en bon état d'entretien et de réparation.

La liste des grosses réparations incombant au nu-propriétaire telle que figurant à l'article 606 du code civil est limitative et ne concerne que les travaux touchant la structure même de l'immeuble.

Enfin, aux termes du second alinéa de l'article 599 du code civil, l'usufruitier ne peut, à la cessation de l'usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu'il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée.

En l'espèce, Madame [A] a produit l'ensemble des factures récapitulées sous forme de tableau dans ses écritures.

Ont ainsi été réalisés :

- réfection d'une cour (devis en date du 12 avril 2007 d'un montant total de 9.316,84 euros ; pièce n°17-5 )

- rénovation complète d'un appartement (facture en date du 18 novembre 2008 d'un montant total de 17.572,52 euros)

- rénovation complète d'un appartement (facture en date du 27 janvier 2010 d'un montant total de 24.256,79 euros )

- mise en peinture d'un logement, d'une cage d'escalier, des boiseries extérieures et des ferronneries (2 factures en date des 30 mai et 16 juin 2006 d'un montant total de 13.134,75 euros ;)

- mise en peinture d'un appartement type F1 (facture en date du 27 novembre 2007 d'un montant total de 3.616,75 euros)

- travaux de peinture sur le pignon gauche du bâtiment et mise en peinture des grilles et gardes corps (facture en date du 25 juin 2011 d'un montant total de 7.126,53 euros )

- lessivage des peintures dans un logement et de tous les volets roulants de l'immeuble (facture en date du 25 septembre 2012 d'un montant total de 1.140 euros )

- remplacement de deux portes en bois par deux portes en alu (facture en date du 25 septembre 2009 d'un montant total de 4.467,93 euros )

- remplacement d'une porte par une porte en alu (facture en date du 9 juin 2012 d'un montant total de 4.579,60 euros )

qui sont des travaux d'entretien,

et

- construction d'un garage (facture en date du 9 février 2007 d'un montant total de 31.048 euros )

- réalisation d'une clôture et réalisation d'un petit mur et d'une dalle sur l'allée d'accès au pavillon

(devis en date du 14 octobre 2006 d'un montant total de 13.187,50 euros)

- création de deux puisards (facture en date du 29 juin 2009 d'un montant total de 3.882,40 euros )

- fourniture et pose d'un auvent en aluminium (facture en date du 28 décembre 2009 d'un montant total de 6.498,80 euros ;)

- installation d'un interphone pour les 4 logements (facture en date du 11 juin 2012 d'un montant total de 2.878,30 euros )

qui sont des travaux d'amélioration démontrant, comme l'a souligné le premier juge, la volonté des usufruitiers d'améliorer leur nouveau cadre de vie à partir de 2006 et de proposer à leurs locataires une prestation de qualité permettant de maintenir le niveau des loyers.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rapport de la somme de 132.132 euros.

-concernant les enfants de Madame [A]

Les appelants demandent à la cour de dire et juger que seront rapportées à la succession les libéralités non déclarées et les donations déguisées réalisées par les défunts au profit des trois enfants de Mme [A], notamment :

*la somme totale de 64 900 € versée par les de cujus sur la période de juillet 2008 à juillet 2012 par chèques à Mmes et M. [E], [K] et [W] [A],

*la donation de trois véhicules Renault Clio neufs donnés par les de cujus à Mmes et M. [E], [K] et [W] [A] en 2004,

*la somme totale de 188 422 € versée par les de cujus sur la période de 1995 à 2005 sur les contrats d'assurance-vie de Mmes et M. [E], [K] et [W] [A] (âgés en cette période de 9 ans à 19 ans).

L'intimée souligne qu'aucune demande n'est dirigée contre elle à cet égard et qu'elle ne saurait être tenue de rapporter des sommes prétendument remises à ses enfants.

Si Madame [R] [U] et Monsieur [O] [I] évoquaient déjà dans leurs conclusions de première instance les « libéralités non déclarées » au profit des trois enfants de Madame [A], aucune demande n'était formée de ce chef.

Ces demandes de rapport à la masse successorale ne sont dirigée à l'encontre de personne et en tout état de cause pas à l'encontre de Madame [A] qui ne saurait être tenue de répondre des donations consenties à ses enfants par leurs grands-parents.

Or, [E], [K] et [W] [A] ne sont pas parties à la procédure, et en tout état de cause, ne sont pas tenus au rapport puisqu'ils ne sont pas héritiers réservataires.

Cette demande sera par suite jugée irrecevable.

Sur la donation du 17 décembre 2005

Les appelants demandent à la cour de juger que s'imputera également sur la quotité disponible la valeur au jour de la succession de la donation en date du 17 décembre 2005 de la somme de 76 225 €, au profit de Mme [A] sans remploi déclaré, dont la valeur de remploi devra être fixée.

Or le tribunal a déjà dit dans son dispositif que la donation en date du 17 décembre 2005 au profit de Madame [V] [I] épouse [A] s'imputera sur les quotités disponibles à hauteur de la somme de 76.225 euros.

L'intimée, qui répond que dans le cadre des opérations notariales, elle a, en toute transparence, rappelé l'ensemble des donations dont elle avait bénéficié afin que celles-ci soient dûment intégrées dans les opérations successorale et qu'en ce qui concerne cette somme reçue en décembre 2005, elle a toujours précisé qu'elle n'avait pas été remployée dans une acquisition immobilière, ne forme pas appel incident sur ce point.

Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour de statuer sur cette demande dont elle n'est pas saisie d'une demande d'infirmation.

Sur le recel successoral

En droit, il ne saurait y avoir de recel sans donation rapportable ou réductible comme le tribunal l'a à juste titre rappelé.

Dès lors que Madame [A] n'a bénéficié d'aucun autre avantage rapportable que ceux objet des actes de donation visés dans la déclaration de succession, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le recel.

Sur les demandes accessoires

Le tribunal a fait une exacte appréciation des faits de la cause et de l'équité au titre des frais irrépétibles de première instance qu seront confirmés.

En cause d'appel, l'équité commande de faire droit à la demande de l'intimée présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; les appelants sont condamnés à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Partie perdante, les appelants ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement des chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant,

Dit irrecevable la demande de rapport à la succession des libéralités non déclarées et des donations déguisées réalisées par les défunts au profit des trois enfants de Mme [A] ;

Condamne in solidum Madame [R] [I] et Monsieur [O] [I] à payer à Madame [V] [A] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Madame [R] [I] et Monsieur [O] [I] aux dépens de l'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/01003
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;21.01003 ?
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