Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2023
(n°2023/ 29 , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07612 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4QY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS (8è chambre 3è section) - RG n° 17/03730
APPELANTE
S.A. AXA FRANCE recherchée en qualité d'assureur de la société BLUE SELECT, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 10]
représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : K0111
et Me Stéphanie BOYER, avocat plaidant au barreau de Paris, toque D1538
INTIMÉS
Monsieur [P]-[V] [J]
[Adresse 7]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphane BRIZON, avocat au barreau de PARIS, toque : D2066
S.C.I. K MIU prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 9]
représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat postulant au barreau de PARIS, toque: L0053 et Me Jean PATRIMONIO, avocat plaidant au barreau de Paris, toque : B344
S.A.R.L. BLUE SELECT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 11]
défaillante
Signification de la déclaration d'appel le 28 juillet 2020, à personne.
S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 2]
[Localité 8] /France
N° SIRET : 542 11 0 2 91
représentée par Me Jean-marie COSTE FLORET de la SCP SOULIE COSTE-FLORET & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0267
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Laurence FAIVRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
M. Julien SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 février 2023, prorogé au 15 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
********
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCI K MIU est propriétaire non occupante d'un appartement situé au 1er étage de l'immeuble situé [Adresse 5] , soumis au statut de la copropriété. L'appartement était donné en location, le locataire a résilié son bail en décembre 2013.
Monsieur [P]-[V] [J] est propriétaire de l'appartement situé au-dessus au 2ème étage.
La copropriété est assurée auprès de la société Gan Eurocourtage aux droits de laquelle vient la société ALLIANZ IARD.
Fin 2010, des infiltrations se sont produites dans l'appartement de la SCI K MIU en provenance de l'étage supérieur.
A la suite de l' expertise amiable, Monsieur [J] a fait remplacer en juin 2012, la douche par la société BLUE SELECT, assurée auprès de la société AXA France.
Les infiltrations n'ont pas cessé.
PROCÉDURE
Reféré
La SCI K MIU a, suivant assignation en référé du 30 septembre 2014, sollicité une expertise à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 12 novembre 2014, désignant Monsieur [S], en qualité d'expert judiciaire, au contradictoire de Monsieur [J], du syndicat des copropriétaires et de la société ALLIANZ IARD. L'ordonnance a été rendue commune à la société BLUE SELECT le 12 mars 2015 et à la société AXA France le 30 juillet 2015.
Le rapport a été déposé le 15 décembre 2015.
Par ordonnance du 11 janvier 2017, le juge des référés a condamné Monsieur [J] à payer à la SCI K MIU une provision de 9.500 euros au titre des préjudices matériels et immatériels consécutifs au trouble de voisinage, ainsi qu'à une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire. Il a rejeté les demandes de garantie contre la société BLUE SELECT, la société AXA France et la société ALLIANZ IARD.
Procédure au fond
Par actes d'huissier de justice des 2 et 8 mars 2017, la SCI K MIU a assigné, devant le tribunal de grande instance de Paris, Monsieur [J] et la société ALLIANZ IARD aux fins d'indemnisation.
Par actes d'huissier de justice du 14 septembre 2017, Monsieur [J] a assigné en intervention forcée et en garantie la société BLUE SELECT et l'assureur de celle-ci, la société AXA France.
Les procédures ont été jointes le 20 février 2018.
Par décision contradictoire du 24 janvier 2020 , le tribunal judiciaire de Paris a :
*Dit que les installations de l'appartement de Monsieur [P]-[V] [J] sont à l'origine des dommages subis par la SCI K MIU et consécutifs aux infiltrations objets du rapport d'expertise de Monsieur [S] du 15 décembre 2015 survenues dans l'appartement de la Sci K Miu situé [Adresse 5], *Fixé le préjudice matériel de la SCI K MIU à la somme de 4.500 euros ttc,
* Fixé le préjudice immatériel de jouissance de la SCI K MIU à la somme de 26.350 euros,
Condamné Monsieur [P]-[V] [J] à payer à la SCI K MIU :
- la somme de 4.500 euros ttc au titre de son préjudice matériel,
- la somme de 26.350 euros au titre de son préjudice immatériel de jouissance, soit un total de 30.850 euros, sous déduction des provisions allouées par le juge des référés dans son ordonnance du 11 janvier 2017 à hauteur de 9.500 euros, soit un solde restant dû de
21.350 euros,
* Débouté la SCI K MIU du surplus de ses demandes contre Monsieur [P]-[V] [J] et de ses demandes dirigées contre la société ALLIANZ IARD,
*Condamné in solidum la société BLUE SELECT et la société AXA France Iard à garantir Monsieur [P]-[V] [J] des condamnations mises à sa charge dans la limite de 29.500 euros en principal,
*Dit que dans ce cadre, la société BLUE SELECT et la société AXA France Iard devront in solidum rembourser à Monsieur [P]-[V] [J] les provisions qu'il a réglées à l' issue de l'ordonnance de référé du 11 janvier 2017 dans la limite de la somme de 8.150 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2017,
*Condamné in solidum Monsieur [P]-[V] [J], la société BLUE SELECT et la société AXA France Iard aux dépens, qui comprendront ceux des procédures de référé-expertise, de référé-provision et les frais de l'expertise judiciaire de Monsieur [S] du 15 décembre 2015,
*Condamné Monsieur [P]-[V] [J] à payer à la SCI K MIU la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*Condamné in solidum la société BLUE SELECT et la société AXA France lard à payer à Monsieur [P]-[V] [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*Rejeté les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*Dit que la société BLUE SELECT et la société AXA France in solidum garantiront Monsieur [P]-[V] [J] du chef des dépens et de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*Rejeté les plus amples demandes des parties,
* Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration électronique notifiée le 19 juin 2020 , enregistrée au greffe le 22 juin 2020, la compagnie AXA FRANCE IARD a interjeté appel.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 11 mars 2021, l'appelante la compagnie AXA FRANCE IARD demande à la cour :
«'Vu les conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la SARL BLUE SELECT auprès de la compagnie AXA France IARD,
Vu le rapport d'expertise de Monsieur [X] [S] du 15 janvier 2015,
Vu l'article 1384 alinéa 1 du code civil (aujourd'hui article 1242 alinéa 1),
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile,
- DECLARER la compagnie AXA FRANCE IARD recevable et bien fondée en son
appel,
Y faisant droit,
- INFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a :
* Fixé le préjudice immatériel de jouissance de la SCI K MIU à la somme de 26 350 euros,
* Condamné in solium la société BLUE SELECT et la société AXA France IARD à garantir Monsieur [J] des condamnations mises à sa charge dans la limite de
29 500 euros en principal,
En conséquence,
A titre principal, sur l'absence de mobilisation de la garantie de la compagnie AXA France
IARD :
- CONSTATER la résiliation de la police souscrite par la société BLUE SELECT
auprès de la compagnie AXA France IARD au 1er janvier 2014 ;
- CONSTATER que la réclamation de la SCI K MIU s'entend de l'assignation en
référé expertise délivrée le 30 septembre 2014. 14 ;
Par conséquent :
- DIRE ET JUGER que les garanties de la compagnie AXA France IARD n'ont pas
vocation à être mobilisées.
A titre subsidiaire, sur le préjudice immatériel (préjudice de jouissance)
- DIRE ET JUGER que le préjudice immatériel subi par la SCI K MIU doit s'analyser comme une perte de chance de pouvoir remettre en location le bien et que, dans ces conditions et conformément à ce qu'a estimé à bon droit le juge des référés, cette perte ne saurait excéder à la somme de 5.000,00 euros ;
Par conséquent,
- DIRE ET JUGER que le préjudice immatériel de la SCI K MIU ne saurait excéder la
somme de 5.000,00 euros ;
A titre infiniment subsidiaire :
- DIRE ET JUGER que le préjudice immatériel subi par la SCI K MIU ne saurait en aucun cas excéder la somme retenue par l'expert Judiciaire, à savoir la somme de 16.433,46 euros TTC ;
- DIRE ET JUGER que compte tenu de la répartition des responsabilités retenue par l'Expert Judiciaire, la somme finalement mise à la charge de la Compagnie AXA
FRANCE IARD, ès-qualité d'assureur de la Société BLUE SELECT, ne saurait excéder la somme de 11.510,42 euros TTC (70% de 16.833,46 euros TTC) ;
En tout état de cause
- DIRE ET JUGER bien fondée la compagnie AXA FRANCE IARD à opposer les
limites de sa police ainsi que la franchise applicable ;
- DEBOUTER toutes les parties de leurs demandes contre la concluante,
- CONDAMNER in solidum tous succombants à payer à la Compagnie AXA FRANCE IARD la somme de 5.000,00 euros sur le fondement des dispositions de
l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER in solidum tous succombants aux entiers dépens dont distraction en application de l'article 699 du CPC.'»
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 11 décembre 2020, la SCI K MIU demande à la cour :
«'Vu l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l'article 544 du code civil,
Confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a fixé le préjudice immatériel de la SCI K MIU à la somme de 26.350 € ;
Statuant à nouveau,
Fixer le préjudice immatériel de la SCI K MIU à la somme de 31.140,98 €
En conséquence,
Condamner Monsieur [J] à payer à la SCI K MIU la somme de 31.140,98 € au titre du préjudice immatériel, et subsidiairement 95 % de cette somme, provision allouée par le juge des référés et non déduite
Débouter AXA FRANCE de l'ensemble de ses demandes
Y ajoutant,
Condamner AXA FRANCE à payer à la SCI K MIU la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel
Condamner AXA FRANCE ou tout succombant aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'»
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 10 décembre 2020, l'intimé M. [J] [V], demande à la cour :
«Vu le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [X] [S],
Recevoir Monsieur [J] en ses conclusions et l'y déclarer bien fondé,
Confirmer le jugement dont appel,
Subsidiairement,
Ramener le préjudice immatériel de la SCI K MIU à de plus justes proportions,
Y ajoutant,
Condamner la société AXA FRANCE à payer à Monsieur [P]-[V] [J] la somme de 5.000,00€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 10 décembre 2020, l'intimée SA ALLIANZ IARD, demande à la cour :
«'Vu la loi du 10 juillet 1965,
Vu l'article 699 du code de procédure civile ,
Vu l'article 700 du code de procédure civile ,
- DIRE et JUGER que les infiltrations trouvent leur origine dans les installations privatives de Monsieur [J]
- DIRE et JUGER que la SCI K MIU et Monsieur [J] ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une garantie souscrite auprès de la compagnie ALLIANZ IARD ;
- CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formulées à l'encontre d'ALLIANZ IARD ;
CONDAMNER AXA à régler à la concluante la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.'»
La SARL BLUE SELECT n'est pas représentée bien que la compagnie AXA FRANCE IARD ait signifié à sa personne la déclaration d'appel le 28 juillet 2020 et les premières conclusions d'appel, le 25 septembre 2020.
La clôture est intervenue le 19 septembre 2022.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
I Sur la mise en cause de la société ALLIANZ IARD
La société ALLIANZ IARD demande la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées contre elle, en faisant valoir qu' il est établi que les infiltrations litigieuses trouvent leur origine dans les installations privatives de M. [J] et que la compagnie AXA FRANCE IARD ne demande pas l'infirmation du chef du dispositif du jugement qui a statué sur ce point, que, par ailleurs, aucune des parties ne forme de demande à son égard.
Sur ce,
La cour rappelle qu'en première instance le tribunal avait dit que les installations de M. [J] étaient à l'origine des dommages subis par la SCI K MIU et avait débouté celle-ci de ses demandes dirigées contre la société ALLIANZ IARD.
En appel, il est constaté qu'aucune des parties ne demande l'infirmation de ces deux chefs de dispositif concernant la société ALLIANZ IARD.
Dès lors, il y a lieu de constater que ces deux chefs de dispositifs sont devenus définitifs, sans qu'il y ait lieu de les confirmer.
II Sur le préjudice immatériel
A l'appui de son appel, la compagnie AXA FRANCE IARD fait valoir que le préjudice immatériel sollicité par la SCI K MIU, s'analyse en une perte de chance et doit être fixé à 5 000 euros et très subsidiairement à 16 433,46 euros, montant proposé par l'expert judiciaire. Elle demande, en outre, l'application du partage de responsabilité qu'il proposait à savoir que 70% de la responsabilité incombe à la société BLUE SELECT.
la SCI K MIU forme un appel incident portant sur le montant du préjudice immatériel, demandant qu'il soit fixé à 31 140,98 euros. Elle fait valoir que son appartement est resté inhabitable aussi longtemps que M. [J] n'a pas procédé aux travaux mettant fin à la cause des désordres, soit en septembre 2016. Elle précise que le tribunal a fait droit à sa demande à l'exception des charges récupérables dont elle demande en appel l'indemnisation. Elle ajoute que si son préjudice était qualifié de perte de chance, il devrait être considéré que cette perte de chance serait totale, subsidiairement qu'elle serait de 95%.
En réplique, M. [J] fait siennes l'analyse et les demandes de la compagnie AXA FRANCE IARD concernant le préjudice immatériel.
Sur ce,
Sur la nature du préjudice
Il est constant que la perte de chance est constituée par une disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'au moment où le dégât des eaux a débuté, la SCI K MIU donnait son appartement en location.
Il ressort aussi du rapport d'expertise judiciaire que cet appartement qui était un studio d'environ 20 m2, faisait l'objet selon les constatations de l'expert judiciaire effectuées en 2015, «'d'importantes traces d'infiltration aux plafonds et sur le haut des murs de toutes les pièces.'» et qu'il était «' inhabitable en l'état et ne peut être mis en location.'» (pièce ' 2 ' la compagnie AXA FRANCE IARD)
Il n'est pas non plus contesté que l'expert judiciaire a déposé son rapport le 15 décembre 2015 et que M. [J] a procédé aux travaux de réparation de l'installation de douche en septembre 2016.
Par ailleurs, il a été établi en première instance et non remis en cause en appel, que la locataire de la SCI K MIU a fait valoir comme motif de résiliation de son bail, son âge (90 ans) et la nécessité d'aller en maison de retraite.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice de perte de jouissance du bien de la SCI K MIU s'analyse en une disparition quasi totale d'une éventualité favorable de remettre son bien en location postérieurement au départ de sa locataire et donc de percevoir des loyers pendant la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 1er octobre 2016. Il y a ainsi lieu de fixer à 95% le taux de perte de chance de percevoir des loyers pendant cette période.
Il en résulte que l'indemnité du préjudice de jouissance subi par la SCI K MIU doit être fixée à 26 647 euros et que M. [J] sera condamné à payer cette somme à la SCI K MIU au titre de son préjudice immatériel de jouissance.
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
Sur le partage de responsabilité entre la société BLUE SELECT et M. [J]
Le tribunal a analysé par des motifs pertinents que la cour adopte, les éléments de fait justifiant le partage de responsabilité entre M. [J] et la société BLUE SELECT ainsi que la charge incombant à chacun. En revanche, la cour ne saurait suivre son analyse en ce qu'il a fait une distinction entre le préjudice matériel et le préjudice immatériel et a considéré que la société BLUE SELECT devait garantir M. [J] de la totalité de la condamnation au titre du préjudice immatériel.
La cour considère que les causes des deux préjudices sont identiques et justifient un partage de responsabilité dans les rapports entre le maître d'ouvrage et son locateur d'ouvrage pour les deux préjudices. En effet, ceux-ci procèdent de la même cause, à savoir le manquement de la société BLUE SELECT à ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage et pour chacun des deux préjudices, sa responsabilité est partiellement exonérée par le fait que M. [J] n'a pas effectué la totalité des travaux préconisés par la société BLUE SELECT et les a partiellement effectués lui-même avec un ami, selon les constatations non contestées de l'expert judiciaire. ( rapport d'expertise judiciaire page 16)
Il s'ensuit que le partage de responsabilité retenu par le tribunal pour le préjudice matériel s'applique aussi au préjudice immatériel et que M. [J] supportera dès lors, à titre définitif ,30% du montant de la condamnation portant sur le préjudice immatériel.
En conséquence, la société BLUE SELECT est condamnée à garantir M. [J] de la condamnation mise à sa charge au titre du préjudice immatériel dans la limite de
70% x 26 647 = 18 653 euros.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
III Sur la garantie de la compagnie AXA FRANCE IARD
A l'appui de son appel, la compagnie AXA FRANCE IARD rappelle que la société BLUE SELECT a souscrit une police d'assurance auprès d'elle le 1er janvier 2012, l' a résiliée le 29 octobre 2013 avec effet au 31 décembre 2013 et en a souscrit une nouvelle auprès de MMA le 1er janvier 2014. Elle estime que ses garanties sont fondées sur la réclamation et que celle-ci étant constituée par l'assignation en référé formée par la SCI K MIU, le 30 septembre 2014, ses garanties ne sont pas mobilisables.
M. [J] fait valoir que dans une police d'assurance en base réclamation, l'ancien contrat doit trouver application si à la souscription du nouveau contrat, l'assuré savait que les travaux seraient susceptibles de causer un dommage et si la réclamation est intervenue avant l'expiration du délai subséquent. Il estime que la société BLUE SELECT dès lors qu'elle lui avait consenti une remise commerciale parce qu'il était mécontentent de la qualité des travaux, savait qu'ils étaient susceptibles de causer un dommage et qu'elle n'avait pas mis en place d'étanchéité et que son intervention était liée à des infiltrations affectant l'appartement du dessous.
Sur ce,
La cour constate que le moyen soulevé par la compagnie AXA FRANCE IARD pour contester sa garantie, porte sur la durée de celle-ci.
la compagnie AXA FRANCE IARD communique la police d'assurance n° 5065464104 souscrite par la société BLUE SELECT. (pièces 1 et 5 ).
Elle est constituée des conditions générales BT Plus de mars 2011 et des conditions particulières.
Les conditions particulières prévoient une garantie au titre de la responsabilité décennale pour les chantiers ouverts entre le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2013 et notamment une garantie pour les dommages matériels subis après réception par les existants et qui sont la conséquence directe de l'exécution des travaux neufs et dont la responsabilité incombe à l'assuré et une garantie pour les dommages immatériels résultant directement d'un dommage entraînant le versement d'une indemnité au titre des garanties citées notamment à l'article 2.14 des conditions générales et une garantie pour les préjudices causés aux tiers avant ou après réception.
S'agissant de la durée de garantie, celle-ci est définie par les conditions particulières et les conditions générales.
Les conditions particulières prévoient que la garantie s'applique aux faits dommageables survenus entre le 1er janvier 2012 et la date d'expiration de la garantie et qui ont fait l'objet d'une réclamation notifiée à l'assureur à compter du 1er janvier 2012.
Les conditions générales prévoient à l'article 3.2 intitulé «' Limites des prestations de garantie dans le temps'», que les garanties énoncées ci-dessus et autres que la garantie décennale, sont déclenchées par la réclamation conformément aux dispositions de l'article L.124-5 du code des assurances.
Il est stipulé que «'la garantie s'applique dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à l'assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent de 10 ans à sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres.
[']
Toutefois, l'assureur ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite [...]'»
En l'occurrence, il ressort du jugement et des pièces communiquées que la société BLUE SELECT a assigné en référé M. [J] et la société ALLIANZ IARD le 30 septembre 2014 et que l'expertise a été ordonnée le 12 novembre 2014 et rendue commune à la société BLUE SELECT par ordonnance du 12 mars 2015 et à la compagnie AXA FRANCE IARD par ordonnance du 30 juillet 2015.
La compagnie AXA FRANCE IARD estime que l'assignation du 30 septembre 2014 vaut réclamation. A défaut d'autre élément, la cour fait droit à ce moyen.
Il n'est pas contesté que le fait dommageable, à savoir les travaux exécutés par la société BLUE SELECT sont intervenus en juin 2012, c'est-à-dire entre la date de souscription et la date d'expiration du contrat.
Selon la police d'assurance souscrite auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD, la réclamation pouvait intervenir pendant un délai subséquent de 10 ans à compter du 1er janvier 2013.
Mais la compagnie AXA FRANCE IARD fait valoir que la société BLUE SELECT avait souscrit un nouveau contrat auprès d'un autre assureur lorsqu'elle a connu le fait dommageable.
La compagnie AXA FRANCE IARD communique à cet effet les conclusions de 1ère instance de la société BLUE SELECT . Celle-ci fait valoir que lors de son intervention, M. [J] avait fait appel à elle pour une rénovation de salle de bain et lui avait caché l'existence de fuites dans l'appartement situé sous celui de M. [J] et que ce n'est que le 12 mars 2015 qu'elle apprenait qu'une fuite provenant de l'appartement de M. [J] provoquait des infiltrations chez la SCI K MIU.
La cour observe, par ailleurs, que la société BLUE SELECT n'a pas appelé en garantie la compagnie AXA FRANCE IARD en 1ère instance.
Il est observé que M. [J] ne rapporte pas la preuve que son locateur d'ouvrage avait connaissance au moment des travaux, qu'ils étaient justifiés par des infiltrations dans l'appartement de la société BLUE SELECT.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il s'en déduit que la société BLUE SELECT n'a eu connaissance du fait dommageable que par l' ordonnance de référé du 12 mars 2015 lui étendant les opérations d'expertise.
Il est établi qu'à cette date, la police souscrite avec la compagnie AXA FRANCE IARD était expirée et que la société BLUE SELECT avait souscrite une nouvelle police avec MMA.( pièce 4 - la compagnie AXA FRANCE IARD)
En conséquence, la cour considère que la compagnie AXA FRANCE IARD ne couvre pas le sinistre résultant du fait dommageable connu de la société BLUE SELECT postérieurement au 31 décembre 2013 date de résiliation de la police alors qu'elle avait resouscrit une nouvelle police auprès d'un autre assureur.
M. [J] n'est donc pas fondé à demander à être garanti par la compagnie AXA FRANCE IARD des condamnations prononcées à son encontre au bénéficie de la société BLUE SELECT.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société BLUE SELECT et la compagnie AXA FRANCE IARD à garantir M. [J] des condamnations prononcées à son encontre;
III Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Parties perdantes, M. [J] et la société BLUE SELECT seront condamnées aux dépens d'appel et à payer à la société BLUE SELECT, en application de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 2 000 euros.
Les autres demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition publique de la décision au greffe,
Infirme partiellement le jugement déféré dans ses dispositions contestées en appel,
statuant à nouveau,
Fixe l'indemnité du préjudice de jouissance subi par la SCI K MIU à 26 647 euros ;
Condamne la société BLUE SELECT à garantir M. [J] de la condamnation mise à sa charge au titre du préjudice immatériel dans la limite de 18 653 euros ;
Dit que la compagnie AXA FRANCE IARD ne couvre pas le sinistre résultant du fait dommageable connu de la société BLUE SELECT postérieurement à la date de résiliation de la police alors qu'elle avait resouscrit une nouvelle police auprès d'un autre assureur ;
Dit que M. [J] n'est pas fondé à demander à être garanti par la compagnie AXA FRANCE IARD des condamnations prononcées à son encontre au bénéficie de la société BLUE SELECT ;
Condamne M. [J] et la société BLUE SELECT aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [J] et la société BLUE SELECT à payer à la SCI K MIU la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les autres parties de leur demande formée de ce chef.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE