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14/02/2023 | FRANCE | N°21/15414

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 14 février 2023, 21/15414


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 14 FEVRIER 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15414 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIO5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 juillet 2021 rendu par le tribunal judiciaire de MEAUX - RG n° 20/00065





APPELANTE



Madame [L] [Y] née le 28 avril 1975 à [Localit

é 6]

comparante



[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Michel APELBAUM, avocat au barreau de PARIS, toque : E1826





INTIME



Monsieur [F] [X] [C] né le 18 mars 19...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 14 FEVRIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15414 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIO5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 juillet 2021 rendu par le tribunal judiciaire de MEAUX - RG n° 20/00065

APPELANTE

Madame [L] [Y] née le 28 avril 1975 à [Localité 6]

comparante

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Michel APELBAUM, avocat au barreau de PARIS, toque : E1826

INTIME

Monsieur [F] [X] [C] né le 18 mars 1984 à [Localité 4] (Cameroun),

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Elisabeth ARCHIMBAUD, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 décembre 2022, en chambre du conseil, les avocats des parties et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, faisant fonction de président lors des débats et Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté à l'audience par Mme Laure de CHOISEUL PRASLIN, avocat général, magistrat honoraire

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Mme [L] [Y] épouse [X], née le 28 avril 1975 à [Localité 6] (France), de nationalité française, et M. [F] [X] [C], né le 18 mars 1984 à [Localité 4] (Cameroun), de nationalité camerounaise, se sont mariés le 30 juin 2018 à [Localité 5] (France), sans faire précéder leur union d'un contrat de mariage.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Par acte d'huissier du 26 novembre 2019, Mme [L] [Y] épouse [X] a assigné M. [F] [X] [C] aux fins de :

- Annuler le mariage contracté entre Mme [L] [Y] épouse [X] et M. [F] [X] [C] le 30 juin 2018 par devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 5],

- Dire en conséquence que le dispositif du jugement à intervenir sera mentionné en marge de l'acte de mariage des époux, dressé le 30 juin 2018 par devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 5] ainsi que sur les actes de naissance des époux,

- Condamner M. [F] [X] [C] à lui verser la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamner M. [F] [X] [C] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Meaux a sursis à statuer dans l'attente de la communication du verso de l'acte de mariage du 11 août 2014 entre M. [F] [X] [C] et Mme [P] [D].

Par jugement contradictoire du 09 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Meaux a rejeté l'ensemble des demandes de Mme [L] [Y] épouse [X], rejeté la demande de M. [F] [X] [C] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [L] [Y] épouse [X] aux dépens de l'instance et ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour rejeter la demande de nullité du mariage, le tribunal a retenu qu'il résulte des éléments produits aux débats qu'à la date du mariage célébré entre Mme [L] [Y] et M. [F] [X] [C], le mariage entre ce dernier et Mme [P] [D] avait été annulé de sorte qu'il n'était pas en état de bigamie. Pour rejeter la demande de dommages et intérêts, le jugement a considéré que dès lors que M. [X] [C] n'était pas en état de bigamie, aucune circonstance liée à son mariage avec Mme [Y] ne peut être considérée comme une faute de sa part, que la dissimulation de son précédent mariage n'est pas constitutive d'une faute délictuelle et n'a causé aucun préjudice à cette dernière, l'introduction de l'instance ayant pour origine le comportement de la première épouse.

Le 09 août 2021, Mme [L] [Y] a interjeté appel du jugement.

Dans ses conclusions d'appelante, notifiées le 02 novembre 2021, Mme [L] [Y] demande à la cour de :

- La dire et juger recevable et bien fondée en ses écritures,

- Et y faisant droit, infirmer intégralement le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- Et statuant à nouveau, annuler le mariage contracté entre Mme [L] [Y] et M. [F] [X] [C], le 30 juin 2018 par devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 5] (bigamie),

- Dire en conséquence que le dispositif de l'arrêt à intervenir sera mentionné en marge de l'acte de mariage dressé le 30 juin 2018 par devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 5] ainsi que sur les actes de naissance des époux,

- Condamner M. [F] [X] [C] à lui verser la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamner M. [F] [X] [C] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de sa demande d'annulation de son mariage avec Mme [L] [Y] fait valoir d'une part, la contrariété à l'ordre public français de l'état de bigamie de ce dernier, qui était déjà marié au Cameroun avec Mme [M] [D] lors de leur mariage et d'autre part, qu'il l'a épousée sans réelle intention matrimoniale dans le seul but de régulariser et pérenniser sa situation sur le territoire national français.

Elle explique que M. [X] [C] est parti au Cameroun entre le 21 janvier et le 10 avril 2019, prétextant une visite de famille ; qu'en mars 2019, elle a reçu des messages de Mme [P] [D], laquelle prétendait être l'épouse de M. [X] [C] depuis le 11 août 2014 et avoir eu deux enfants avec ce dernier.

Elle estime que les premiers juges ne pouvaient retenir que ce précédent mariage avait été annulé par jugement rendu le 30 septembre 2016 par le tribunal de première instance de Douala, alors que la rupture de ce lien matrimonial n'apparaît pas sur leur acte de mariage tel que cela résulte des constatations des autorités françaises au Cameroun.

Elle se prévaut en cause d'appel d'une lettre en date du 06 septembre 2021 des services de la présidence de la République camerounaise aux termes de laquelle il est certifié que la grosse du jugement d'annulation produite en première instance par M. [X] [C] est un faux et que les documents produits par ce dernier en vue de son mariage sont également des faux. Elle fait valoir que le témoignage de Mme [D], certainement complice de M. [X] [C], est également un faux.

Mme [L] [Y] invoque par ailleurs un préjudice moral résultant du comportement de M. [X] [C] qui lui a menti pendant plusieurs mois sur sa situation d'homme marié et père de plusieurs enfants et a mis en 'uvre un stratagème pour la tromper incluant de faux documents.

Dans ses conclusions d'intimé, notifiées le 10 décembre 2021, M. [F] [X] [C] demande à la cour de :

- Débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 4 500 euros de dommages et intérêts pour son préjudice moral,

- Condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens.

M. [X], se prévalant de l'attestation de sa première épouse et d'un jugement en date du 30 septembre 2016 prononçant l'annulation de son premier mariage, conteste tout état de bigamie au moment de la célébration du mariage avec Mme [Y]. Il critique l'authenticité de la photocopie aux cachets illisibles de la lettre produite par Mme [Y], datée du 06 septembre 2021 selon laquelle les documents qu'il produit sont des faux.

M. [X] [C] sollicite par ailleurs le versement de dommages et intérêts pour préjudice moral invoquant les accusations mensongères et diffamatoires de Mme [Y], son acharnement judiciaire et les procédés qu'elle a employés pour lui nuire.

Dans un avis du 28 novembre 2022, le ministère public conclut à l'infirmation du jugement attaqué et en conséquence, à l'annulation du mariage célébré le 30 juin 2018 à Noisel entre Mme [Y] et M. [X] [C].

Le ministère public fait notamment valoir que le mariage de M. [X] [C] et de Mme [D] n'a pas fait l'objet d'une annulation de sorte que ce dernier était bien en état de bigamie lors de la célébration de son second mariage avec Mme [Y] ; que des vérifications ont été effectuées à la demande du parquet par le consulat général de France à [Localité 4] aux fins d'authentification de l'acte de naissance de M. [X] [C], de son acte de mariage et du verso de son acte de mariage lequel s'est avéré vierge de toute mention de même que le recto ne mentionne aucune indication d'annulation en date du 04 février 2021,

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

MOTIFS

Sur la loi applicable

Il résulte des éléments de la cause que par jugement en date du 13 novembre 2020 le tribunal judiciaire de Meaux a statué sur la loi applicable au litige. La cour n'est donc pas saisie de cette question, le jugement du 13 novembre 2020 n'ayant pas fait l'objet d'un appel.

Sur l'annulation du mariage

L'article 147 du code civil dispose qu'«on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier ».

L'article 184 du même code ajoute que tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues dans cet article 147 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public.

La mise en oeuvre de ces dispositions suppose que soit produite la preuve de l'existence d'un premier mariage non dissout à la date de célébration du second mariage.

En l'espèce, il est établi que M. [F] [X] [C] a épousé le 11 août 2014 au Cameroun Mme [P] [D] et qu'il a épousé Mme [L] [Y], née le 28 avril 1975 à [Localité 6] (France), de nationalité française, le 30 juin 2018 à [Localité 5] (France).

Pour soutenir que le mariage célébré le 11 août 2014 au Cameroun a été annulé avant la célébration du mariage le 30 juin 2018 avec Mme [L] [Y], M. [F] [X] [C] se prévaut d'un jugement n° 852-88-87 du 30 septembre 2016 rendu par le tribunal de première instance de Douala qu'il produit aux débats en pièce n°1.

Mais, comme le relève justement le ministère public, M. [F] [X] [C] n'établit pas le caractère définitif de ce jugement. En effet, l'article 39 de la convention franco-camerounaise du 21 février 1974 prévoit que la partie à l'instance qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire doit produire notamment un certificat de greffier constatant qu'il n'existe contre la décision, ni opposition, ni appel, ni pourvoi en cassation. Or, M. [F] [X] [C] ne produit pas ce certificat de greffier et se contente de verser aux débats une pièce n°2 improprement intitulée « acte d'enregistrement de l'annulation du mariage au centre d'état civil ». En effet, cette pièce, non datée, qui se présente sous la forme d'une décision de l'officier d'état civil d'un centre d'état civil non identifiable annulant le mariage n°004/2014, ne vise pas le jugement du 30 septembre 2016 et ne peut donc être considérée comme une transcription du jugement précité attestant de son caractère définitif.

Par ailleurs, l'acte de mariage n°004/2014 de M. [F] [X] [C] avec Mme [P] [D] produit par l'appelante en pièce n° 3 ne porte pas transcription de ce jugement du 30 septembre 2016.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être constaté que M. [F] [X] [C] était engagé dans les liens d'une précédente union qui n'était pas dissoute lors de la célébration de son mariage avec Mme [L] [Y] le 30 juin 2018.

Dès lors, le mariage entre ce dernier et Mme [L] [Y] est nul conformément aux dispositions de l'article 147 du code civil précité.

Il convient en conséquence d'annuler le mariage de M. [F] [X] [C] et Mme [L] [Y]. Le jugement est infirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi

En application de l'article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le préjudice moral subi par Mme [L] [Y] résultant du comportement de M. [X] [C] qui lui a menti durant plusieurs mois sur sa situation d'homme marié et l'a épousée le 30 août 2018 alors que son premier mariage avec Mme [P] [D] n'était pas dissous, doit être réparé par l'allocation d'une somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Au regard des développements qui précèdent, M. [F] [X] [C] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement est complété sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [F] [X] [C], succombant à l'instance est condamné aux dépens et à verser à Mme [Y] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Annule le mariage contracté le 30 juin 2018 à [Localité 5] (Seine-et-Marne) entre M. [F] [X] [C], né le 18 mars 1984 à [Localité 4] (Cameroun) et Mme [L] [Y] née le 28 avril 1975 à [Localité 6] (France),

Ordonne la transcription de cet arrêt en marge de l'acte de mariage n° 29 établi par la mairie de [Localité 5] (Seine-et-Marne) le 30 juin 2018,

Dit qu'aucun acte d'état civil, extrait ou copie, où figurait la transcription du mariage ne pourra être délivrée sans que mention relative à l'annulation de mariage n'y figure ;

Condamne M. [F] [X] [C] à verser à Mme [L] [Y] la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Déboute M. [F] [X] [C] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne M. [F] [X] [C] à verser à Mme [L] [Y] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [F] [X] [C] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/15414
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;21.15414 ?
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