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08/02/2023 | FRANCE | N°21/11045

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 08 février 2023, 21/11045


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 08 FÉVRIER 2023



(n° 2023/ 26 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11045 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3OP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2020038252





APPELANTE



S.A. SADA (SA DEFENSE ET D'ASSURANCE) prise en la personne de ses représentants légaux

domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIRET : 580 201 127



Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

assistée de Me...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 08 FÉVRIER 2023

(n° 2023/ 26 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11045 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3OP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2020038252

APPELANTE

S.A. SADA (SA DEFENSE ET D'ASSURANCE) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIRET : 580 201 127

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

assistée de Me Alain DUFLOT, SELARL DUFLOT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE

S.A.R.L. RENNES DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

N° SIRET : 505 34 9 7 53

Représentée par Me Vandrille SPIRE de l'AARPI 186 Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0538

assistée de Me Claire DUMONT, avocat au barreau de PARIS, l'AARPI 186 Avocats, avocat plaidant, toque D0010

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M. Julien SENEL, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Champeau-Renault, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 janvier 2023, prorogé au 08 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.

*****

La SARL RENNES DISTRIBUTION exploite un commerce d'achat et de vente de vêtements pour hommes, femmes et enfants, situé [Adresse 1].

Dans le cadre de cette activité, elle a souscrit le 25 juin 2015 une police d'assurance multirisque professionnelle 'OPTIMA PRO' auprès de la SA DEFENSE et D'ASSURANCES (ci-après dénommée SADA), filiale du groupe allemand DEVK VERSICHERUNGEN, à effet au 1er août 2015. Au titre des garanties sont notamment prévues les pertes d'exploitation, couvrant une période de 18 mois, à concurrence de la somme de 320.000 euros.

Par une série de lois, décrets et arrêtés (applicables dès la mi-mars 2020) des mesures générales ont été prises dans le cadre de l'urgence sanitaire pour faire face à la propagation de l'épidémie de Covid-19 interdisant notamment à certains lieux d'accueillir du public.

La SARL RENNES DISTRIBUTION, estimant subir un préjudice, suite à la fermeture de son commerce liée à la crise sanitaire du fait d'un événement garanti, a effectué par courrier du 17 juin 2020 une déclaration de sinistre auprès de la SADA sollicitant la prise en charge de sa perte d'exploitation résultant de la fermeture totale de son établissement du 16 mars au 11 mai 2020.

Par courrier du 19 juin 2020, la SADA a refusé la prise en charge du sinistre essentiellement aux motifs que :

- la garantie perte d'exploitation peut être mise en 'uvre à la suite d'un dommage matériel ayant donné lieu à une indemnisation au titre des garanties « Incendies et événements assimilés », « Evénements Climatiques », « Catastrophes Naturelles », « Dégâts des Eaux » ce qui n'est pas le cas en l'espèce » ;

- s'agissant de l'extension de garantie relative à la perte d'exploitation résultant d'une fermeture administrative de l'activité (arrêté de péril ou raison sanitaire) située dans les locaux professionnels et à la condition que le fait ne puisse être imputable à l'assuré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet la fermeture administrative actuelle découle d'un arrêté général applicable à l'essentiel des commerces en FRANCE en raison d'un risque épidémique.

Le 8 juillet 2020, la SARL RENNES DISTRIBUTION a vainement mis en demeure son assureur de lui proposer une prise en charge de son préjudice de perte d'exploitation consécutif à la fermeture administrative de son établissement.

Par assignation, régulièrement autorisée, délivrée à bref délai le 9 septembre 2020, la société RENNES DISTRIBUTION a sollicité devant le tribunal de commerce de PARIS la condamnation de la SADA à lui payer une somme de 27.919 euros au titre de ses pertes d'exploitation, outre celle de 1.954,33 euros au titre des honoraires d'experts, celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens.

Le 26 novembre 2020, la SARL RENNES DISTRIBUTION a adressé à la SADA une nouvelle déclaration de sinistre pour la 2ème fermeture de son magasin de vêtements pour la période du 29 octobre au 27 novembre 2020.

Par courrier du 8 décembre 2020, la SADA ayant, une nouvelle fois, refusé de prendre en charge ce sinistre, la SARL RENNES DISTRIBUTION a actualisé ses demandes en cours de procédure.

Par jugement du 8 juin 2021, le tribunal, a :

- débouté la SADA de sa demande de question préjudicielle ;

- jugé que la garantie 'Pertes d'Exploitation' de la SADA doit être mise en oeuvre ;

- condamné la SADA à verser à la SARL RENNES DISTRIBUTIONS la somme de 48.805,67 euros à titre d'indemnité assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2020, outre la capitalisation des intérêts ;

- condamné la SADA à verser la somme de 5.497,12 euros à la société RENNES DISTRIBUTIONS au titre des honoraires d'expert ;

- condamné la SADA à payer la somme de 5.000 euros à la société RENNES DISTRIBUTION au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- condamné la SADA aux dépens, dont ceux à recouvrer parle greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

Par déclaration électronique du 14 juin 2021, enregistrée au greffe le 17 juin, la SA SADA a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement.

Par conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 24 juin 2022 , l'appelante demande à la cour, au visa de l'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), des dispositions des articles 15, 16, 49 du code de procédure civile, des dispositions des articles 1188, 1190, 1192, 1315 du code civil, L 113-5 du code des assurances, du contrat d'assurance,

du jugement rendu par le tribunal de commerce de PARIS le 8 juin 2021, dont appel, de:

- REFORMER le jugement susvisé en ce qu'il a :

* débouté la SADA de sa demande de question préjudicielle ;

* jugé que la garantie Pertes d'Exploitation de la SADA doit être mise en 'uvre ;

* condamné la SADA à verser à la SARL RENNES DISTRIBUTION la somme de 48.805, 67 euros à titre d'indemnité assortie des intérêts aux taux égal à compter du 08 juillet 2020, outre la capitalisation des intérêts ;

* condamné la SADA à verser 5.497,12 euros à RENNES DISTRIUBTION au titre des honoraires d'expert ;

* condamné la SADA à payer 5.000 euros à RENNES DISTRIBUTION au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif * condamné la SADA aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA ;

STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL,

' en l'absence de « fermeture administrative »,

' compte-tenu de l'absence de « fermeture administrative » spécifique au local de l'assuré;

' en raison de la dénaturation du contrat d'assurance et de son objet et de l'existence d'un préjudice anormal et spécial ;

' en raison de la catégorie M de l'établissement de l'intimé, non visée par l'ensemble des textes successifs ;

' REJETER les demandes de la société RENNES DISTRIBUTION ;

' avant dire droit, accueillir la question préjudicielle formée par la concluante en ce qui concerne la qualification de fermeture administrative attribuée à l'interdiction de recevoir du public et saisir la juridiction administrative compétente à ce titre, en l'occurrence le Conseil d'Etat ;

' ORDONNER en tant que de besoin la restitution des sommes versées par la concluante au titre de l'exécution provisoire ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR LE QUANTUM,

' en l'absence de justification des demandes par des éléments probants ;

' Vu l'attestation privée de l'expert-comptable et son caractère non-contradictoire,

' Vu l'absence de fermeture des établissements de la catégorie de celle de l'intimé (Catégorie M) non visée par toutes les décisions gouvernementales ;

' REJETER les demandes de la société RENNES DISTRIBUTION

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

' LIMITER la demande de condamnation à la seule marge brute, non justifiée à ce jour, sous déduction du délai de carence de trois jours, de la franchise égale à 0,3 fois l'indice FFB et dans la limite du plafond de garantie prévu par la police ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

' CONDAMNER l'intimée à payer à la concluante la somme de .4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' CONDAMNER l'intimée aux dépens d'instance et d'appel. 

Par conclusions (n°1) notifiées par voie électronique le 10 novembre 2021, l'intimée demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170, 1179 et suivants, et 1343-2 du code civil, des articles L. 113-1 et L. 113-5 du code des assurances, de :

- CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 08 juin 2021 (RG

n°2020038252) en toutes ses dispositions ;

- REJETER la SADA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions .; et

- CONDAMNER la SADA à verser à la SARL RENNES DISTRIBUTION la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance. 

Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La compagnie SADA sollicite la réformation du jugement notamment en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de question préjudicielle, a jugé que la garantie Pertes d'Exploitation doit être mise en 'uvre et l'a condamnée à verser à la SARL RENNES DISTRIBUTION la somme de 48.805, 67 euros à titre d'indemnité assortie des intérêts aux taux égal à compter du 08 juillet 2020, outre la capitalisation des intérêts, les frais d'honoraires d'expert et les frais irrépétibles et demande le rejet de l'ensemble des demandes de la société RENNES DISTRIBUTION.

Elle fait essentiellement valoir que :

- la garantie perte d'exploitation peut être mise en 'uvre à la suite d'un dommage matériel ayant donné lieu à une indemnisation au titre des garanties « Incendies et événements assimilés »,

« Evénements Climatiques », « Catastrophes Naturelles », « Dégâts des Eaux » mais tel n'est pas le cas en l'espèce » ;

- s'agissant de l'extension de garantie, la fermeture administrative doit être démontrée par l'assuré ; par application des articles 1188, 1189, 1190 et 1192 du code civil, l'interprétation du contrat ne doit pas conduire à sa dénaturation dès lors que les termes en sont clairs ;

- en l'espèce, l'assurée n'a pas subi de fermeture administrative mais seulement une interdiction d'accueillir du public ; la fermeture administrative constitue une mesure complémentaire et distincte de l'interdiction d'accueillir du public et ne peut s'assimiler à cette dernière ;

- aucune décision de fermeture administrative générale au niveau national n'a été prise et le local de l'assurée n'a subi aucune fermeture administrative en raison d'un risque intrinsèque ; cet établissement pouvait notamment continuer une activité de vente à emporter ou de livraison, ce qu'une fermeture administrative ne permettrait pas ;

- contrairement aux allégations de l'assurée, la clause définissant l'étendue de la garantie et ses caractéristiques ne peut être analysée en une clause d'exclusion soumise aux dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances et pouvant être réputée non écrite si elle n'est pas formelle et limitée ;

- en tout état de cause, le caractère systémique du sinistre pandémique constitue un préjudice anormal et spécial faisant obstacle à la mutualisation du risque ;

- aucun élément probant n'est versé par la partie adverse afin de vérifier les sommes sollicitées.

Subsidiairement, elle considère être fondée à opposer sa franchise (0,3 fois l'indice FFB à la date du fait générateur) et sa limite de garantie ainsi que le délai de carence de 3 jours de perte, tel qu'ils figurent aux conditions particulières et qui n'ont pas été déduits du montant alloué à l'intimée.

L'intimée sollicite la confirmation du jugement et l'indemnisation de son préjudice tiré de la perte d'exploitation consécutive à la fermeture de son établissement à deux périodes différentes.

Elle fait essentiellement valoir que :

- l'interprétation faite par SADA de son contrat d'assurance ne saurait s'appliquer à l'extension de garantie telle que prévue par les conditions particulières qui permettent de couvrir au-delà des seuls dommages matériels initialement prévus par le contrat ; aucune restriction quant à l'origine du dommage n'est expressément ni clairement visée par la clause ;

- l'objet du contrat et notamment de la garantie spécifique pour pertes financières est de garantir l'assuré des conséquences de la fermeture de son établissement dès lors que cette fermeture est indépendante de sa volonté et provient d'une autorité administrative quelconque ;

- la fermeture du magasin pendant la période du 15 mars au 11 mai 2020 puis du 29 octobre 2020 au 18 mai 2021 doit être qualifiée de fermeture administrative, imposée respectivement par l'arrêté du 14 mars 2020 et le décret du 29 octobre 2020 afin de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 en FRANCE ; il est courant qu'une fermeture administrative intervienne pour d'autres raisons qui ne sont pas liées à une infraction commise par l'établissement ; ainsi, l'interdiction de recevoir du public doit être juridiquement considérée comme une fermeture administrative de sorte que les conditions d'application de la garantie sont réunies ;

- si certains établissements pouvaient maintenir l'ouverture de leur commerce (notamment pour pratiquer de la vente à emporter), une telle opportunité commerciale ne lui était pas offerte (s'agissant d'un magasin de vêtements et non d'un restaurant) ;

- l'ambiguïté des termes d'une clause d'exclusion de garantie suppose une interprétation préalable de son sens par les parties et par conséquent exclut le caractère formel et limité de la clause, tel qu'imposé par l'article L. 113-1 du codes assurances ;

- aucune exclusion de garantie relative à l'existence d'une épidémie et/ou pandémie n'est comprise dans les conditions particulières et générales du contrat d'assurance ;

- l'assureur ne peut exclure la garantie aux motifs que l'épidémie de covid-19 dépasserait le périmètre d'intervention du contrat en raison de son ampleur et ne serait, à ce titre, pas un risque sanitaire mutualisé ;

- sur le quantum, elle considère que la SADA est tenue de l'indemniser pour la perte d'exploitation subie après les deux fermetures de son établissement, et ce à concurrence de 48.805,67 euros (41.649 + 7.156,67) ainsi qu'à la somme de 5.497,12 euros (3.691,92 + 1.805,2) au titre des honoraires d'expert.

Sur l'application de la garantie perte d'exploitation consécutive à une fermeture administrative

La société RENNES DISTRIBUTION a souscrit le 25 juin 2015 auprès de la compagnie SADA un contrat multirisque Professionnelle 'OPTIMA PRO' au titre de son activité dans le commerce de l'habillement.

Ce contrat est constitué :

* des conditions générales SADA 'OPTIMA PRO' Multirisque Professionnelle V03 1/03/2013;

* des conditions particulières du contrat comprenant une extension 'perte d'exploitation'.

Les conditions générales du contrat prévoient :

« TITRE 2 ASSURANCES DES PERTES FINANCIERES

CHAPITRE 1

'

Pertes d'exploitation et frais supplémentaires

A. PERTES D'EXPLOITATION

I. ÉVÉNEMENTS ET DOMMAGES GARANTIS

Nous garantissons en cas d'interruption ou de réduction d'activité de votre entreprise consécutive à un dommage matériel ayant donné lieu à indemnisation au titre d'une des garanties suivantes:

' « Incendie et événements assimilés », « Événements Climatiques », «Catastrophes Naturelles», « Dégâts des Eaux ».

Le paiement d'une indemnité correspondant :

' soit à la perte de marge brute, soit à la perte de revenus ou d'honoraires ;

' aux honoraires de l'expert que vous avez choisi, dans la limite de 8 % de la perte de marge brute, de revenus ou d'honoraires ;

' aux frais supplémentaires d'exploitation ».

Les stipulations particulières du contrat prévoient en outre une extension de garantie (Pack Pro Habillement) après fermeture administrative (page 5) rédigée comme suit :

« La perte d'exploitation à la suite de difficulté d'accès

(...)

La perte d'exploitation après fermeture administrative :

La garantie perte d'exploitation est étendue en cas d'interruption ou de réduction d'activité de votre entreprise consécutive à une fermeture administrative de votre activité (arrêté de péril ou raison sanitaire) située dans vos locaux professionnels.

Seules sont indemnisées les pertes d'exploitation subies durant la période pendant laquelle est constatée la baisse de chiffre d'affaires et débutant après un délai de carence de 3 jours.

Cette période prend fin au jour de la reprise normale de votre activité dans les conditions les plus diligentes à dire d'expert (c'est-à-dire dès que les résultats de votre entreprise ne sont plus affectés par le sinistre), sans pouvoir excéder la durée maximale d'indemnisation Perte d'Exploitation.

Vous serez déchus de la garantie si la fermeture administrative fait suite à un fait dont la responsabilité peut vous être imputée.

La garantie ne s'applique pas à la fermeture définitive de votre entreprise ».

La perte d'exploitation après vol de marchandise et/ou de matériels

(...).

C'est la clause ' perte d'exploitation après fermeture administrative' issue de l'extension de garantie qui est invoquée par la SARL RENNES DISTRIBUTION. Cette clause permet à l'assuré de bénéficier d'une couverture d'assurance plus étendue, élargissant la couverture initiale en cas de perte d'exploitation de l'établissement assuré prévue dans les conditions générales.

L'article 1188 du code civil dispose :

« Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens

littéral de ses termes.

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait

une personne raisonnable placée dans la même situation ».

Aux termes de l'article 1189 du même code :

« Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à

chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier ».

Enfin, selon l'article 1190 du même code :

« Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur,

et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé ».

S'agissant des conditions de mise en 'uvre d'une garantie, en application des dispositions de l'article 1315 du code civil, il appartient à l'assuré de démontrer que celles-ci sont remplies.

Les clauses des conditions particulières d'une police d'assurance prévalent sur celles des conditions générales au cas où les premières sont inconciliables avec les secondes.

En l'espèce, aux termes des conditions particulières prévoyant l'extension de la garantie perte d'exploitation, telle que souscrite par l'assuré lors de la conclusion du contrat OPTIMA PRO, la SADA ne conditionne pas la mise en oeuvre de cette extension de garantie à la survenance d'un dommage matériel préalable tel qu'indiqué dans les conditions générales.

La clause de la police SADA définit l'étendue de la garantie et ses caractéristiques. Elle ne peut en conséquence s'analyser en une clause d'exclusion directe ou indirecte soumise aux dispositions de l'article L 113-1 alinéa 1 du code des assurances qui énonce que ' les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police'.

Le tribunal de commerce a considéré que l'interdiction de recevoir du public telle que visée par les dispositions de l'arrêté du 15 mars 2020 et des textes subséquents doit être analysée comme une 'fermeture administrative'.

Le terme de 'fermeture administrative' n'est pas défini au contrat. Il est prévu que les conditions de son application résultent d'un arrêté de péril ou d'une raison sanitaire. Il n'est pas indiqué qu'elle doit exclusivement s'entendre comme une mesure de police ayant pour but de prévenir et d'empêcher des comportements illicites ou constitutifs d'un trouble à l'ordre public.

Par arrêté ministériel du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation et transmission du virus Covid-19, complété par l'arrêté du 15 mars 2020, les magasins de vente se sont vus interdire l'accueil du public jusqu'au 15 avril 2020. Cette date a ensuite été remplacée par celle du 11 mai 2020 à l'occasion d'un décret du 14 avril 2020. De nouvelles mesures ont été prises par le Gouvernement à l'occasion d'un décret du 29 octobre 2020 parmi lesquelles figure une nouvelle interdiction d'accueil du public à l'encontre des magasins de vente. Par décret du 18 mai 2021 modifiant celui du 29 octobre, le Gouvernement a pris plusieurs dispositions permettant la réouverture, sous conditions, des magasins de vente sur le territoire national.

Il résulte des motifs de ces dispositions que le respect des règles de distances dans les rapports interpersonnels étant l'une des mesures les plus efficaces pour limiter la propagation du virus, afin de favoriser leur observation, il y a a lieu de ' fermer les lieux accueillant du public non indispensable à la vie de la Nation, tels que les cinémas, bars ou discothèques' et 'qu'il en va de même des commerces à l'exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse'. Ces établissements étant ainsi énumérés de manière non exhaustive, il y a lieu d'y inclure les commerces de vêtements, objets des mesures concernant les établissements recevant du public édictées par l'arrêté en question, reprenant en cela les catégories mentionnées à l'article GN1 de l'arrêté du 25 juin 1980.

Ces décisions ont bien été prises par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assuré, pour des raisons sanitaires afin de ralentir la propagation du virus Covid-19.

La cour ne peut suivre la SADA lorsqu'elle soutient que la fermeture administrative constitue une mesure complémentaire et distincte de l'interdiction d'accueillir du public. Il ne peut être considéré que les mesures prises n'ont pas eu pour conséquence d'entraîner la fermeture, à tout le moins partielle, des établissements concernés. En effet, cette interdiction totale de recevoir du public s'assimile pour un établissement dont l'activité principale oblige à en recevoir, à une fermeture au moins partielle (réduction d'activité). La définition donnée de l'évènement garanti n'exige pas une fermeture totale de l'établissement. Il s'en infère qu'une interruption partielle de l'activité exercée suffit.

L'interdiction de recevoir du public telle que visée par les dispositions de l'arrêté du 15 mars 2020 et des textes subséquents doit bien être analysée comme une fermeture administrative totale ou partielle sans qu'il soit besoin de saisir préalablement la juridiction administrative d'une question préjudicielle sur ce point.

Cependant les stipulations particulières du contrat précise également que : 'La garantie perte d'exploitation est étendue en cas d'interruption ou de réduction d'activité de votre entreprise consécutive à une fermeture administrative de votre activité (arrêté de péril ou raison sanitaire) située dans vos locaux professionnels'.

Comme l'arrêté de péril qui ne peut toucher que l'établissement concerné,le risque sanitaire à l'origine de la fermeture administrative doit donc être intrinsèque à l'établissement assuré ce qui signifie que la fermeture administrative doit avoir été décidée en raison d'un motif propre à l'établissement concerné. La garantie proposée en cas de fermeture ne trouve à s'appliquer que dans le cas d'une décision individuelle, interdisant toute activité professionnelle exercée dans le local exploité et il ne peut ainsi s'agir d'un événement extérieur.

Compte tenu de la rédaction de la clause contestée la garantie d'assurance ne peut s'appliquer que si l'ensemble des conditions de sa mise en oeuvre sont réunies (au cas particulier : une raison sanitaire intrinsèque à l'établissement ayant eu pour conséquence la fermeture de cet établissement par une autorité administrative compétente).

Or, la société RENNES DISTRIBUTION ne démontre pas qu'elle a été obligée de fermer son établissement pour des motifs qui lui étaient spécifiques tels qu'un arrêté de péril ou pour raison sanitaire à l'intérieur des locaux, mais en raison d'une interdiction générale de recevoir du public.

En conséquence, la perte d'exploitation subie qui ne résulte pas d'un fait générateur prévu au contrat n'est pas garantie. La SARL RENNES DISTRIBUTION sera déboutée de ses demandes au titre des indemnités et honoraires d'expert et le jugement infirmé.

Sur la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire

La SADA sollicite de voir ordonner en tant que de besoin à la SARL RENNES DISTRIBUTION la restitution des sommes versées par elle au titre de l'exécution provisoire. La SARL RENNES DISTRIBUTION ne répond pas sur ce point.

La décision d'infirmation constitue un titre exécutoire permettant de poursuivre les restitutions sans que le juge d'appel ne l'ordonne expressément. La décision d'appel venant modifier la décision de première instance et se substituant à celle-ci, elle met nécessairement à néant les dispositions contraires du jugement, de sorte que le simple rapprochement des deux décisions permet de déterminer les dispositions qui n'ont plus lieu d'être et, en conséquence, de justifier la restitution. Il sera rappelé que le point de départ de l'obligation de restitution est constitué par la notification de la décision ouvrant droit à restitution.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SADA à payer la somme de 5.000 euros à la société RENNES DISTRIBUTION au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et confirmé en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif.

En cause d'appel, il n'y a pas lieu en équité de condamner la SARL RENNES DISTRIBUTION à payer à la SADA une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL RENNES DISTRIBUTION sera en revanche condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant par défaut, publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- jugé que la garantie 'Pertes d'Exploitation' de la SADA doit être mise en oeuvre ;

- condamné la SADA à verser à la SARL RENNES DISTRIBUTIONS la somme de 48.805,67 euros à titre d'indemnité assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2020, outre la capitalisation des intérêts ;

- condamné la SADA à verser la somme de 5.497,12 euros à la société RENNES DISTRIBUTIONS au titre des honoraires d'expert ;

- condamné la SADA à payer la somme de 5.000 euros à la société RENNES DISTRIBUTION au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SADA aux dépens, dont ceux à recouvrer parle greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

- le CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- dit que la perte d'exploitation invoquée par la SARL RENNES DISTRIBUTION ne résulte pas d'un fait générateur garanti ;

- déboute la SARL RENNES DISTRIBUTION de ses demandes au titre des indemnités et honoraires d'expert ;

Y ajoutant,

- rappelle que la décision d'infirmation constitue un titre exécutoire permettant de poursuivre les restitutions sans que le juge d'appel ne l'ordonne expressément ;

- condamne la SARL RENNES DISTRIBUTION aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- déboute la SADA de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejette toutes autres demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/11045
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;21.11045 ?
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