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01/02/2023 | FRANCE | N°21/03156

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 01 février 2023, 21/03156


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 01 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03156 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEGS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2019 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 17/07356





APPELANTE



Madame [Y] [N]

née le 18 Décembre 1995 à [Loca

lité 6] (93)

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Cordel...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 01 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03156 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEGS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2019 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 17/07356

APPELANTE

Madame [Y] [N]

née le 18 Décembre 1995 à [Localité 6] (93)

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocat plaidant Me Cordelia de MONTMORT, avocat au barreau de PARIS, toque : B228

INTIMEE

Madame [Z] [M] [S] veuve [V]

née le 18 Septembre 1967 à [Localité 11] (37)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Marc BORTOLOTTI de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

ayant pour avocat plaidant Me Charlène FEVRE, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

[C] [H] est décédé le 25 novembre 2015, laissant pour lui succéder sa petite-fille [Y] [N], venant en représentation de son père, [D] [H], prédécédé.

[C] [H] laissait un testament olographe, daté du 20 janvier 2014, confié à la SCP [X] [E], [U] [B] et [G] [I], notaires à [Localité 1] (91), rédigé comme suit :

« Je soussigné [C] [H], né le 21 octobre 1924 à [Localité 9] (Ain) et demeurant [Localité 1] déclare par la présente faire don de mes biens mobiliers et immobiliers à Mme [Z] [V], née le 18 septembre 1953 à [Localité 11] et demeurant [Adresse 3].

Je déclare être de pleine possession de mes facultés.

Pour ce que de droit.

Etabli le 20 janvier 2014. »

Par acte d'huissier du 10 novembre 2017, Mme [Y] [N] a assigné Mme [Z] [S] devant le tribunal de grande instance d'Evry aux fins d'annulation du testament.

Par jugement du 17 mai 2019, le tribunal de grande instance d'Evry a statué dans les termes suivants :

-déboute Mme [Y] [N] de sa demande tendant à voir déclarer nul le testament daté du 20 janvier 2014 établi par M. [C] [H], sur le fondement des dispositions de l'article 909 du code civil,

-ordonne la réouverture des débats aux fins de :

*précisions par les parties sur l'existence d'une mesure de tutelle ordonnée en faveur de M. [C] [H] et à cette fin de production par Mme [Y] [N] d'un acte intégral de naissance du défunt et, le cas échéant du jugement prononçant l'ouverture d'une telle mesure de protection,

*observations des parties, le cas échéant, sur la nullité, en application des dispositions de l'article 476 du code civil, du testament ainsi établi,

-révoque l'ordonnance de clôture et renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 17 septembre 2019, à 9h30, pour production par Mme [N] des pièces demandées et conclusions des parties.

Mme [Y] [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 février 2021. L'acte d'appel vise comme chef critiqué, celui qui l'a déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul le testament daté du 20 janvier 2014 établi par [C] [H], sur le fondement de l'article 909 du code civil, s'agissant d'ailleurs du seul chef qui ait tranché une partie du principal.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022, l'appelante demande à la cour de :

-déclarer recevable et bien fondée Mme [Y] [N] en son appel

y faisant droit :

-infirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance d'Evry en date du 17 mai 2019 en ce qu'il a débouté Mme [Y] [N] de sa demande tendant à voir déclarer nul le testament daté du 20 janvier 2014 établi par feu [C] [H] sur le fondement des dispositions de l'article 909 du code civil,

en conséquence y faisant droit :

-prononcer la nullité du testament en date du 20 janvier 2014,

-débouter Mme [Z] [M] [S] de l'intégralité de ses demandes,

-condamner Mme [Z] [M] [S] à régler à Mme [Y] [N] la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jeanne Baechlin, Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2022, Mme [Z] [S], intimée, demande à la cour de :

-dire Mme [Y] [N] irrecevable et à tout le moins non fondée en son appel du jugement du Tribunal de Grande Instance d'Évry du 17 mai 2019,

en conséquence,

-confirmer ce jugement en toutes ses dispositions,

-condamner Mme [Y] [N] à verser à Mme [Z] [V] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-condamner Madame [Y] [N] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 novembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 13 décembre 2022.

MOTIFS

L'objet de l'appel porte donc sur la demande en nullité du testament fondée sur l'article 909 du code civil, cet article disposant que « Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci. »

Il est ainsi institué par cet article une présomption irréfragable de captation d'héritage indépendamment des liens d'affection qui peuvent exister entre le disposant et le gratifié de sorte que la preuve de ces liens d'affection ne pourrait pas la renverser.

Portant atteinte à la capacité de recevoir et à la liberté de disposer, ce texte est d'interprétation stricte ; c'est sur l'héritier qui argue de l'incapacité du gratifié que repose la charge de la preuve que les conditions de l'article 909 sont réunies.

Il n'est pas contesté que Mme [Z] [V] qui est infirmière exerce une profession d'auxiliaire médicale.

Mme [Z] [V] déclare ne plus avoir prodigué des soins au défunt à compter du mois de février 2015 du fait qu'à compter du mois de mars ce dernier a été hospitalisé à l'hôpital privé des [8], son assertion qu'elle n'étaye pas par des pièces est contredite par le Docteur [A] [W] qui était le médecin traitant du défunt et qui, dans un courrier du 18 mai 2018 adressé à Mme [Y] [N] indique que Mme [Z] [V] était son infirmière jusqu'à son hospitalisation au Magnolias en août 2015 et qu'avant son hospitalisation, il résidait depuis plusieurs mois en maison de retraite « La [10] à [Localité 12] ». La directrice de cette maison de retraite atteste que [C] [H] a été admis dans l'établissement le 18 septembre 2015.

Au vu de ces éléments, il est retenu que Mme [Z] [V] est intervenu auprès du défunt dans le cadre de l'exercice de sa profession d'infirmière libérale jusqu'au mois d'août 2015. Par ailleurs, les soins prodigués visés par l'article 909 peuvent consister uniquement dans l'administration d'un traitement par voie uniquement médicamenteuse ; l'argument soutenu par Mme [Z] [V] selon lequel son intervention en tant qu'infirmière n'aurait consisté qu'à administrer à [C] [H] son traitement ou préparer ses médicaments est inopérant.

Cependant pour que le testament soit annulé, il importe que des soins ont été prodigués par cette dernière pendant la maladie dont est mort [C] [H] et que ce dernier ait été atteint au jour de la rédaction du testament de cette maladie.

Les éléments concernant la maladie d'Alzheimer dont [C] [H] était probablement déjà atteint lors de la rédaction du testament litigieux comme il résulte du certificat médical du Dr [K] en date du 11 décembre 2002, s'ils pourraient avoir une utilité dans le cadre de l'action en nullité du testament pour insanité d'esprit, en sont dépourvus dans le cadre du présent appel puisque cette maladie n'est pas létale.

Il résulte du compte-rendu d'hospitalisation et de décès établi par le Docteur [R] [J] du groupement hospitalier Nord Essonne où [C] [H] a été hospitalisé du 16 novembre 2015 jusqu'au 25 novembre 2015, date de son décès, que le motif de son hospitalisation réside dans un « choc septique sur pneumopathie bilatérale ». Ce compte-rendu explique que le décès est intervenu « dans un contexte de détresse respiratoire aigüe sur pneumopathie hypoxémiante bilatérale avec sepsis sévère compliquée d'une encéphalographie respiratoire chez un patient polypathologique, fragile, hospitalisé de manière récurrente pour pneumopathie les mois précédents ».

Il se déduit de l'indication figurant dans ce compte-rendu d'une sortie d'hospitalisation le 5 novembre, avant d'être hospitalisé de nouveau le 16 novembre, que [C] [H] a fait un séjour qui a précédé de 11 jours sa dernière hospitalisation au sein du même établissement. S'il n'est pas produit le compte-rendu de cette précédente hospitalisation, le compte-redu d'hospitalisation et de décès fait état d'une « pneumopathie du libre supérieur droit en septembre 2015 » qui fait suite à la découverte de « deux  nodules pulmonaires en postero-basal droit associés à une formation à contours spiculés avec connexion pleurale lobaire supérieure » visibles par le scanner thoracique (TDM) réalisé au mois d'août 2015.

Il résulte de ces éléments que le décès trouve sa cause dans des infections pulmonaires auxquelles le défunt âgé de 91 ans et polypathologique n'a pas pu résister et qui se sont succédé à compter du mois d'août 2015.

Ce compte-rendu mentionne également, à la suite d'une chute de sa hauteur en 2004, l'existence de fractures sur plusieurs côtes droites et un épanchement pleural droit ainsi qu'un épanchement pleural gauche accompagné d'une décompensation cardiaque avec OAP (oedème aigu du poumon) compliquant une pleuro-pneumoathie en octobre 2012.

Il est produit le compte-rendu d'hospitalisation au service de pneumologie et d'oncologie thoracique du centre hospitalier de [Localité 7] du 25 au 29 octobre 2012 afférent à cet épisode. [C] [H] a été hospitalisé pour une dyspnée associée à une toux sèche, outre une aggravation de ces troubles cognitifs ; le patient traité par oxygène, diurétiques et antibiotiques a connu « une évolution rapidement favorable ». Il est conclu à « une décompensation cardiaque gauche avec 'dème pulmonaire (épanchement non ponctionné) à l'occasion d'une surinfection bronchique ». Le traitement à sa sortie comportait une prescriptions d'Augmentin trois fois par jour pendant 5 jours.

Le compte-rendu d'hospitalisation et de décès ne fait pas état d'hospitalisations, ni d'accidents ou de problèmes de santé particuliers survenus au cours des années 2013 et 2014.

Aucune pièce médicale concernant l'année 2013 et 2014 et jusqu'au mois d'aout 2015 n'est produite. Il n'est donc pas établi que [C] [H] a été hospitalisé au cours de cette période, ni même qu'il a connu des infections pulmonaires pour lesquelles il a été traité.

Même s'il est probable que les infections pulmonaires ayant frappé [C] [H] en 2004 puis en 2012 ont fragilisé son système respiratoire, cette fragilité ne suffit pas à caractériser en elle-même la maladie dont il mourra en novembre 2015. Ainsi, il n'est pas justifié qu'après la prescription d'Augmentin à sa sortie d'hospitalisation au mois d'octobre 2012, [C] [H] ait suivi un traitement par voie médicamenteuse ou que d'autres soins lui ont été prodigués pour le soigner ou le soulager d'infections ou autres pathologies pulmonaires. Il ne peut donc être considéré qu'à la date du testament litigieux que [C] [H] était déjà atteint de la pathologie pulmonaire qui a entraîné sa mort.

Dans ces circonstances, Mme [Y] [N] sur laquelle repose la charge de la preuve n'établit pas qu'à la date du testament litigieux, la maladie dont [C] [H] mourra était déjà déclarée.

En conséquence, c'est à juste titre que les premiers ont débouté Mme [Y] [N] de sa demande en nullité du testament sur le fondement des dispositions de l'article 909 du code civil, s'agissant du seul chef du jugement dévolu à la cour par l'acte d'appel.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

Mme [Y] [N] qui échoue en son appel en supporte les dépens et se voit déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; celle présentée par Mme [Z] [V] est accueillie à hauteur de la somme de 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le chef du jugement dévolu à la cour, ayant débouté Mme [Y] [N] de sa demande en nullité du testament daté du 20 janvier 2014 sur le fondement des dispositions de l'article 909 du code civil ;

Condamne Mme [Y] [N] à payer à Mme [Z] [V] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Met à la charge de Mme [Y] [N] les dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/03156
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;21.03156 ?
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