Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 31 JANVIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12332 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7A2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Avril 2021 rendu par le tribunal judicaire de Paris - RG n° 19/09379
APPELANT
Monsieur [R] [O] né le 1er mars 1941 à [Localité 5] (Arménie),
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Abderrazak BOUDJELTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0094
(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/024177 du 25/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIME
LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 décembre 2022, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
M. François MELIN, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 1er avril 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté M. [R] [O] de l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [R] [O], né le 1er mars 1941 à [Localité 5] (Arménie), n'est pas français, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, débouté M. [R] [O] de sa demande sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et l'a condamné aux dépens dans les conditions propres à l'aide juridictionnelle ;
Vu la déclaration d'appel en date du 1er juillet 2021 et les conclusions notifiées le 23 septembre 2021 par M. [R] [O] qui demande à la cour de :
- En la forme, dire que l'appel est recevable, les dispositions de l'article 1043 du code de procédure ayant été satisfaites,
- Au fond, le dire fondé et en conséquence, infirmer le jugement, dire et juger que M. [R] [O] est français, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamner l'Etat au versement de 1 800 euros à Maître BOUDJELTI qui s'engage dès lors à renoncer à l'indemnité compensatrice de l'aide juridictionnelle, et ce en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile et mettre les dépens à la charge du ministère public ;
Vu les conclusions notifiées le 16 décembre 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, confirmer le jugement de première instance et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 11 octobre 2022 ;
MOTIFS :
Sur la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 10 septembre 2021 par le ministère de la Justice.
Sur le fond
M. [R] [O], né le 1er mars 1941 à [Localité 5] (Arménie)), a épousé le 15 octobre 1997 à [Localité 5] (Arménie), Mme [P] [D], née le 07 juillet 1959 à [Localité 5] (Arménie) déclarée française par jugement rendu le 06 mars 2008 par la cour d'appel de Paris.
M. [R] [O] a souscrit le 20 janvier 2018 une déclaration d'acquisition de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-2 du code civil.
Par une décision du 5 octobre 2018, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'enregistrement de cette déclaration au motif que M. [R] [O] ne justifiait pas d'une connaissance orale suffisante de la langue française, son niveau vérifié par un agent de la préfecture étant inférieur au niveau B1 oral du cadre européen commun de référence pour les langues fixé par les dispositions de l'article 14 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993.
M. [R] [O] a alors saisi par acte d'huissier du 7 août 2019 le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir dire et juger qu'il est français.
Le jugement du 1er avril 2021 l'a débouté de cette demande.
Moyens des parties
Pour conclure à l'infirmation du jugement, M. [R] [O] soutient notamment se prévalant des dispositions de l'article 14-1 10° du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 qu'il aurait dû être dispensé de tout examen de langue, étant âgé de 77 ans à la date de la décision, et souffrant de surcroît de maladies invalidantes qui ne lui permettaient pas de suivre un enseignement de langue française lors de son arrivée en France. Il relève qu'il a été dispensé par l'administration, elle-même, d'un suivi de formation le 13 novembre 2009. Il conteste en outre l'évaluation de niveau de langue réalisée par la préfecture sur le fondement de l'article 15 du même décret faisant valoir qu'il est installé depuis seize ans en France, comprend le français et le parle 'correctement', « même si son accent et son handicap compliquent la qualité des échanges qu'il peut avoir ».
Pour conclure à la confirmation du jugement, le ministère public réplique notamment que la charge de la preuve incombe à M. [R] [O] dont la déclaration de nationalité française a fait l'objet d'un refus d'enregistrement, de sorte qu'il doit établir qu'il remplissait les conditions prévues par l'article 21-2 du code civil au jour de sa déclaration, soit le 20 janvier 2018 et notamment la condition de connaissance suffisante de la langue française.
Textes applicables
L'article 21-2 du code de la nationalité dispose notamment que « l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ['] Le conjoint étranger doit également justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d'évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
L'article 14 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française précise, dans sa version applicable, que pour l'application de l'article 21-2 du code civil, tout déclarant doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques " écouter ", " prendre part à une conversation " et " s'exprimer oralement en continu " du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) 7 du 2 juillet 2008. Un arrêté du ministre chargé des naturalisations définit les diplômes permettant de justifier d'un niveau égal ou supérieur au niveau requis.
A défaut d'un tel diplôme, le déclarant peut justifier de la possession du niveau requis par la production d'une attestation délivrée soit par un organisme reconnu par l'Etat comme apte à assurer une formation "français langue d'intégration", soit à l'issue d'un test linguistique certifié ou reconnu au niveau international, comportant des épreuves distinctes permettant une évaluation du niveau de compréhension du déclarant et, par un entretien, celle de son niveau d'expression orale, et figurant sur une liste fixée par un arrêté du ministre chargé des naturalisations.
L'article 14-1 10° du même code prévoit dans sa version applicable que pour souscrire la déclaration prévue à l'article 21-2 du code civil, le déclarant doit notamment fournir un diplôme ou une attestation justifiant d'un niveau de langue égal ou supérieur à celui exigé en application de l'article 14 et délivré dans les conditions définies par cet article ou, à défaut, une attestation délivrée dans les mêmes conditions justifiant d'un niveau inférieur. Sont toutefois dispensées de la production de ce diplôme ou de cette attestation les personnes titulaires d'un diplôme délivré dans un pays francophone à l'issue d'études suivies en français. Bénéficient également de cette dispense les personnes souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgées d'au moins soixante ans.
Enfin l'article 15 du même décret dans sa version applicable ajoute notamment que font l'objet d'un entretien individuel destiné à vérifier qu'ils maîtrisent un niveau de langue correspondant à celui exigé en vertu de l'article 14 les déclarants souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgés d'au moins soixante ans.
Réponse de la cour
Il est constant que M. [R] [O] était âgé de 77 ans lorsqu'il a souscrit le 20 janvier 2018 une déclaration d'acquisition de la nationalité française sur le fondement des dispositions de l'article 21-2 du code civil.
Toutefois, au regard du contenu des dispositions précitées, il ne peut valablement soutenir qu'il aurait dû, du fait de son âge, être dispensé de tout examen de langue alors, comme l'a justement relevé le jugement, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, que la dispense de production d'un diplôme ou d'une attestation d'un niveau de langue égal ou supérieur à celui exigé en application de l'article 14 dont bénéficient notamment les personnes âgées d'au moins soixante ans, ne constitue pas une dispense de la connaissance de la langue française, les déclarants âgés d'au moins 60 ans faisant l'objet selon l'article 15 du décret d'un entretien individuel destiné à vérifier leur niveau de français.
M. [R] [O] ne peut pas plus valablement contester l'évaluation du niveau de langue effectuée par la préfecture sur le fondement de l'article 15 précité sans produire aucun élément justifiant d'une connaissance orale suffisante de la langue française correspondant à celle exigée en application de l'article 14 précité, qui aurait dû être objectivement constatée dans les conditions précédemment indiquées.
Le jugement est donc confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La demande présentée par M. [R] [O] sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 alinéa 2 du code de procédure civile est rejetée.
M. [R] [O] est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement ;
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Rejette la demande fondée sur les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Condamne M. [R] [O] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE