Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 31 JANVIER 2023
(n° / 2023, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17465 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXWG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019028433
APPELANT
Monsieur [U] [G]
Né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6] (14)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assisté de Me Frédéric PELTIER de la SELAS PELTIER JUVIGNY MARPEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099,
INTIMÉE
S.A.S. SAGARD, en qualité de société de gestion SAGARD 3, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 439 725 524,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,
Assistée de Me Nicolas CONTIS de la SELARL KALLIOPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0412,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été pésenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HEÉERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
Le 8 janvier 2015, le FCPI Sagard a investi dans la société Les Délices des 7 Vallées (D7V), société spécialisée dans la fabrication de viennoiseries et pâtisseries industrielles surgelées haut-de-gamme, aux côtés de la famille [B], fondatrice de D7V, afin de lui apporter les moyens d'étendre ses capacités industrielles et de poursuivre son développement en France et à l'international, dans le cadre d'une opération de type LBO, au travers d'un véhicule d'investissement (FCPI 2 ) dénommé Sagard 3 ' Millesime 1.
Cette opération s'est matérialisée par l'acquisition, le 19 mai 2015, des titres D7V par le biais d'une holding d'investissement contrôlée par Sagard, à savoir la société Deval ayant pour président M.[W] [B].
Sagard a souscrit un certain nombre d'actions dans la société Deval afin notamment que certains managers de D7V puissent participer à l'opération et investir dans le capital social de la société Deval (et donc indirectement dans D7V) par le biais de plusieurs sociétés dites sociétés de cadres.
Les sociétés de cadres Mandeval 1 et Mandeval 2 ont été constituées respectivement le 24 novembre 2014 et le 27 mars 2015 et ont procédé, auprès de Sagard à l'acquisition de titres de la société Deval. Ces acquisitions de titres ont été financées par des émissions d'actions nouvelles des sociétés des cadres (dites Actions SDC) intégralement souscrites et libérées en numéraire par quatre cadres actionnaires, dont M. [U] [G] et par compensation de créances par Sagard 3, représentée par la société Sagard.
M.[G] a ainsi souscrit au capital de Mandeval 1 à hauteur de 15% et de Mandeval 2 à hauteur de 23,07%, pour un montant total de 150.000 euros.
Le 19 mai 2015, les associés des Sociétés des Cadres Mandeval 1 et Mandeval 2 ont conclu un pacte d'actionnaires afin de déterminer les conditions qu'elles entendaient respecter lors du transfert de tout ou partie des Actions SDC qu'elles détenaient et de régir leurs relations entre elles. Le pacte prévoyait notamment des clauses dites de liquidités des actions détenues par les Cadres Actionnaires afin de bénéficier du droit de céder leurs titres notamment lors de la cession directe ou indirecte du contrôle de D7V. Aux termes du Pacte, il était également prévu que les Actions SDC souscrites par la société Sagard dans le cadre de la constitution des Sociétés des Cadres et des augmentations de capital survenues postérieurement en leur sein (à l'exception des actions de préférence et de 265.972 actions Mandeval 1) constitueraient des actions en réserve (Actions en Réserve) qui pourraient être rétrocédées aux Cadres Actionnaires et/ou à de nouveaux salariés ou mandataires sociaux du groupe, dans certaines conditions.
Le 19 mai 2015, la société Sagard, société de gestion du FCPI Sagard 3, a adressé à M. [G] une lettre, dont il a approuvé les termes, dans laquelle il lui était, en substance, donné la possibilité, sous réserve de l'accord du président de la société Deval, de procéder à un investissement complémentaire dans Mandeval 1 et Mandeval 2 par voie d'acquisition d'Actions en Réserve, dans la limite d'un montant global de cinquante mille euros.
Par lettre du 18 juin 2018, M. [G] a écrit à Sagard afin de solliciter la possibilité de procéder à un investissement complémentaire à hauteur de 50.000 euros dans les sociétés Mandeval 1 et Mandeval 2, par voie d'acquisition d'Actions en Réserve.
Suivant lettre du 25 juin 2018, la société Sagard a notifié à M. [G] le refus de M. [B] ' soucieux de conserver une réserve substantielle de titres Mandeval 1 et Mandeval2 (susceptible d'être rétrocédés ) dans les prochains mois ou années conformément aux dispositions du pacte'.
Le 12 décembre 2018, la société D7V a été cédée au groupe Mademoiselle [R], leader européen dans le domaine de la patisserie surgelée, par le biais de la cession de l'ensemble des actions des sociétés, les actions de Mandeval 1 étant cédées au prix unitaire de 9,20 euros et celles de Mandeval 2 au prix unitaire de 8,81 euros.
Faisant valoir que du fait de l'absence de cession des actions en réserve, telle que prévue dans le pacte d'actionnaire, plus de 40% du montant de prix de cession des actions ordinaires Mandeval 1 et Mandeval 2 avaient été perçus par la société Sagard, soit un montant total de 3.358.648,03 euros, et que du fait du refus injustifié qui lui avait été opposé d'acquérir, selon les termes du pacte d'actionnaires, pour 50.000 euros d'actions en réserve, il avait été privé, par la faute de la société Sagard, de gains à hauteur de 383.520,55 euros, et avait subi un préjudice moral évalué à 75.000 euros, M. [G] a, le15 mai 2019, fait assigner la société Sagard, en sa qualité de société de gestion de Sagard 3-Millesime 1, devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 23 octobre 2020, assorti de de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à payer 20.000 euros à la société Sagard au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a mis à sa charge les dépens de l'instance.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a, d'abord, constaté qu'il existait deux actes signés entre des personnes distinctes permettant à M.[G] de souscrire des actions en réserve, qu'il résultait des pièces versées aux débats que M. [G] avait été conseillé et avait négocié et qu'il avait accepté les termes de la lettre du 19 mai 2015 laquelle lui donnait une possibilité complémentaire d'obtenir des actions en réserve, à des conditions différentes et pour un volume défini à l'avance en complément des conditions prévues au pacte, que M. [G] avait dans son courrier du 18 juin 2018 visé la lettre du 19 mai 2015, et non pas le pacte, qu'il savait que l'agrément pourrait lui être refusé, qu'il n'a pas avant la présente instance, contesté la position de M. [B] et qu'il ne pouvait prétendre à des dommages-intérêts en l'absence de toute faute commise par la société Sagard.
Par déclaration du 2 décembre 2020, M.[G] a interjeté appel de ce jugement et sollicité son infirmation en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, condamné à payer 20.000 euros à Sagard ès qualités au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire, et l'a condamné aux dépens .
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 21 décembre 2021 par RPVA, M.[G] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions, l'infirmer en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires, mais uniquement lorsqu'il le déboute, l'infirmer en ce qu'il l'a condamné à payer 20.000 euros à Sagard sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, l'infirmer en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire, statuant à nouveau, le dire recevable et bien fondé en ses demandes, dire que le pacte d'actionnaires et le courrier signés le 19 mai 2015 lui confèrent le droit d'acquérir de nouvelles actions à hauteur de 50.000 euros minimum, dire qu'il a valablement exercé ce droit, juger que Sagard a commis une violation grave du pacte d'actionnaires en date du 19 mai 2015 et fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations contractuelles à son égard, condamner Sagard à lui payer la somme de 383.520,55 euros au titre du préjudice financier subi, et celle de 75.000 euros au titre du préjudice moral subi, en tout état de cause, condamner Sagard à lui payer la somme de 40.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner Sagard aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 31 mai 2021par RPVA, la société Sagard, agissant en qualité de société de gestion du Fonds Sagard 3, demande à la cour de déclarer M.[G] mal fondé en son appel, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter M.[G] de l'ensemble de ses demandes, y ajoutant, le condamner à lui verser la somme supplémentaire de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.
SUR CE
- Sur la responsabilité de la société Sagard
M.[G] soutient que la société Sagard a engagé sa responsabilité pour avoir manqué de mauvaise foi à ses obligations envers lui au titre du pacte d'actionnaires et que le refus qu'elle a opposé à son investissement complémentaire, alors qu'il avait la volonté d'acquérir des actions en réserve, lui a causé un préjudice certain et parfaitement évaluable.
Il expose que la société Sagard lui a, en violation de ses obligations, refusé la cession d'actions supplémentaires en utilisant une man'uvre déloyale pour contourner son droit et le vider purement et simplement de sa substance, et ce compte tenu de la cession qui devait intervenir avec la société Mademoiselle [R], qui lui a permis d'accaparer la plus-value qui devait lui revenir, les actions étant revendues à un prix huit fois supérieur et qu'ainsi l'opposition à l'investissement supplémentaire de sa part signifiée le 25 juin 2018 constitue une faute contractuelle qui doit être réparée. Il précise que sa demande exprimée le 18 juin 2018 demeurait parfaitement valable, même s'il y avait été opposé un refus et qu'il conservait l'entière possibilité de faire exécuter sa demande d'acquérir un complément d'Actions en Réserve et gardait la possibilité de contester ultérieurement l'absence d'exécution de ses obligations par Sagard, tout en évitant de perturber le processus de cession en cours avec Mademoiselle [R].
Il fait valoir que le Pacte d'Actionnaires et le courrier du 19 mai 2015 sont indissociables, qu'ils forment un ensemble contractuel dès lors qu'ils concourent à une même opération économique, son opération d'investissement dans Les Délices des
7 Vallées, que rien dans le Pacte d'Actionnaires ne permet à un tiers de décider à la place de Sagard la cession des Actions en Réserve aux Cadres Actionnaires et que la référence à un accord du président de Deval ajoutée dans le courrier du 19 mai 2015 ne saurait faire échec au droit qui lui a été consenti par le Pacte d'Actionnaires, qu'il y a lieu de rechercher la commune intention des parties, que la référence au pacte dans la lettre datée du même jour, laquelle n'est qu'un acte d'exécution, démontre qu'il dispose d'un droit absolu et unilatéral sur l'acquisition des Actions en Réserve, que le courrier du 19 mai 2015 ne lui confère donc pas un droit distinct sur les Actions en Réserve défini à l'article 9 du Pacte, que le fait qu'il ait mentionné dans son courrier du 18 juin 2018 la lettre du 19 mai 2015 et non le Pacte d'Actionnaires est indifférent, dès lors que c'est bien l'exercice de son droit sur les Actions en Réserve au titre dudit pacte dont il était question et que les conditions préalables à la cession d'Actions en Réserve étaient entièrement satisfaites lorsque il a adressé sa demande d'investissement complémentaire, puisqu'il était un Cadre Actionnaire, partie au Pacte d'Actionnaires, qu'il a manifesté sa volonté d'acquérir les Actions en Réserve, et disposait des fonds nécessaires à cet effet.
Il ajoute que son absence de consentement à l'égard de la nouvelle condition malicieusement introduite par Sagard dans le courrier du 19 mai 2015, résulte des échanges des parties lors de l'élaboration de cette lettre et qu'à supposer même que la lettre du 19 mai 2015 ait une autonomie juridique au regard des dispositions du Pacte d'Actionnaires, la justification qui a conduit au refus constitue une exécution de mauvaise foi du Pacte d'Actionnaires, puisque les Actions en Réserve qui lui étaient destinées n'ont jamais été cédées à un autre Actionnaire Cadre, et que la cession en cours de la Société excluait cette hypothèse. Il en conclut qu'il ne pourra qu'être constaté la nullité de la réserve de l'accord du président de Deval pour la cession des Actions en Réserve, faute de présence d'une telle disposition dans le Pacte d'Actionnaires, dont elle vient totalement neutraliser les droits des parties fixés par l'article 9, et que lui opposer un agrément de Sagard, son obligé au titre dudit pacte, constituerait une condition purement potestative à son droit d'acquérir des Actions en Réserve puisque l'exécution de ce droit serait dans les mains exclusives de Sagard.
La société Sagard soutient que la lettre, représentant les termes d'un accord négocié entre avocats, entre elle même et M. [G], venait se rajouter aux droits que ce dernier pouvait tirer de l'article 9 du Pacte et qu'il y avait donc ainsi une cohabitation entre cette lettre et le Pacte. Elle retient que la demande de M. [G] a été formulée sur le fondement de la lettre du 19 mai 2015, et non des dispositions du Pacte, et qu'ainsi son droit à l'acquisition des actions en cause était conditionné non pas à son accord, mais à celui de M.[B], lequel n'a pas jugé opportun d'allouer les titres concernés à M.[G]. Elle précise que l'opération envisagée initialement avec Mademoiselle [R] n'était pas de céder D7V mais de fusionner les deux groupes et que ce n'est qu'à la fin de l'année 2018, et contre toute attente, après une rupture des discussions entre les parties qui a duré de juin à novembre 2018, que Mademoiselle [R] a changé sa stratégie, en faisant le 9 novembre 2018 une offre d'acquisition non sollicitée sur la totalité du capital de D7V.Elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute, que M. [G], qui a perçu un prix de 1.366.401,42 euros au titre de la vente de ses titres qui avaient été acquis pour un prix de 150.000 euros, a monté un dossier de toutes pièces pour tenter d'obtenir des avantages indus. Elle insiste sur le fait que la lettre du 19 mai 2015, qui constitue un accord autonome, a été négociée entre les parties et que M.[G], qui en a accepté les termes savait pertinemment qu'il n'avait pas de droit acquis, que l'allocation des Actions en réserve serait soumise à l'approbation d'un tiers, et qu'il s'est expressément et uniquement référé à la lettre du 19 mai 2015. Elle précise qu'en outre le pacte ne prévoit pas une allocation automatique des actions en réserve à M.[G] mais que l'investissement complémentaire a toujours été une possibilité soumise à son agrément, que M. [G] n'a jamais sollicité, qu'elle a dès réception du courrier du 18 juin 2018 et en application de l'accord du 19 mai 2015 contacté M. [B] pour qu'il indique sa position, lequel a refusé, cette décision n'ayant pas été contestée.
Elle considère avoir toujours agi de bonne foi et loyalement et rappelle qu'en juin 2018, lors de la notification du refus de M.[B], les pourparlers entre Sagard et la société Mademoiselle [R] étaient à l'arrêt et n'ont repris qu'à la fin de l'année 2018.
Il résulte des pièces aux débats, tout d'abord que M.[G] a signé deux documents le 19 mai 2015: un pacte d'actionnaires et une lettre sur laquelle il a apposé les mentions 'Bon pour accord' ainsi que sa signature.
Le Pacte a été signé entre les associés des sociétés Mandeval 1 et Mandeval 2 , soit les investisseurs Sagard, désignés à l'acte comme étant Sagard 3- Millésime 1, et
MM. [G], [L], [Y], et [O] , désignés comme étant les cadres actionnaires d'origine . Cette convention prévoit à son article 9 intitulé
'Actions en réserve', au paragraphe (b) que ' les Investisseurs Sagard 1 céderont les Actions en Réserve (qui sont les actions ordinaires émises par ManDeval 1 et par ManDeval 2 détenues par Sagard) qu'ils détiennent à des Cadres Actionnaires et/ou à de nouveaux salariés ou mandataires sociaux du Groupe agréés par eux, sous réserve que lesdits Cadres Actionnaires et/ou nouveaux salariés ou mandataires sociaux du Groupe aient la volonté de les acquérir, disposent des fonds nécessaires à cet effet et soient Parties au Pacte ou y aient préalablement adhéré'. Le paragraphe (c)définit le mode de calcul du prix de cession des Actions en réserve cédées. Le paragraphe( d) prévoit que les Actions en réserve qui n'auraient pas été cédées dans les conditions stipulées à l'article 9(b) seront conservées par les investisseurs Sagard et que ces derniers pourront librement les céder dans le cadre d'une sortie totale .
La lettre du même jour, à l'entête de FCPI Sagard 3-Millésime1, a été signée uniquement par M. [G], et non par les autres cadres actionnaires d'origine. Elle est ainsi rédigée :
' Cher Monsieur,/ Vous avez manifesté le souhait de participer, à nos côtés, à l'opération de reprise avec effet de levier de la société Les Délices des 7 Vallées SAS ( D7V), Opération pour laquelle nous avons constitué la société Deval SAS (Deval ) en tant que véhicule d'acquisition de l'intégralité des titres D7V./
Dans ce contexte, vous avez ce jour (x)investi à hauteur de cent cinquante mille euros(150.000 €), aux côtés d'autres cadres de D7V, dans les sociétés de cadres ManDeval I SAS ( ManDeval 1 ) et ManDeval 2 SAS ( ManDeval 2) , sociétés regroupant l'investissement des cadres de D7V, lesquelles détiennent pour leur part, des actions de Deval et (y) conclu un pacte avec les autres associés de ManDeval l etManDeval2(1e Pacte)/ [....]
Comme vous le savez, nous avons souhaité conserver un certain nombre d'Actions en Réserve afin de les rétrocéder, en concertation avec le Président de Deval, dans les conditions prévuesaux Articles 9(b) et 9(c) du Pacte.
Nous vous confirmons toutefois, sous réserve de l'accord du Président de Deval, que si à la premiere des dates suivantes : (x) le 8 janvier 2018 ou (y) la date de lancement d'une Procédure de Liquidité, certaines Actions en Réserve n'ont pas été rétrocédées à des cadres de D7V dans les conditions prévues aux Articles 9(b) et 9(c) du Pacte, nous vous donnerons la possibilité de procéder à un investissement complémentaire dans ManDeval 1 et ManDeval 2, par voie d'acquisition d'Actions en Réserve, dans la limite d'un montant global de cinquante mille euros (50.000 €) augmenté d'un intérét capitalisé de 9% à compter de la date des présentes, et ce nonobstant les stipulations de l'Article 9(d) du Pacte. Le prix des Actions en Réserve ainsi acquises sera alors déterminé conformément à ce qui est prévu à l'article 9(c)(ii) du Pacte.[.....]'
La version définitive de ce courrier, signée par M.[G] sous la mention 'Bon pour accord' dans les termes ci-dessus, comporte des modifications par rapport au projet qui avait été rédigé, le 11 mai 2015 par M. [G] et son avocat.
En effet, ont été supprimées de la version initiale, notamment les passages suivants : ' Nous faisons référence au pacte d'associés des sociétés Mandeval 1SAS et Mandeval 2 SAS devant être conclu ce jour'... 'Nous vous avons donné notre accord pour que l'investissement initial intervienne à la date de réalisation de l'investissement des cadres et nous vous avons par la suite indiqué que nous souhaitions conserver une partie des Actions en réserve afin de les rétrocéder à un nouveau cadre de D7V qui investirait dans Mandeval 1 et Mandeval 2 au plus tard le 21 décembre 2015.' ... 'Dans ce cadre , si à la date du 1er janvier 2016, l'investissement du nouveau cadre n'a pas été réalisé de manière définitive, nous nous engageons, à vous céder en priorité sur tout cadre actionnaire ou tout nouveau cadre D7V, une partie des Actions en Réserve correspondant au montant complémentaire ( 50.000€ ) , à un prix égal à la valeur de revient des Actions en Réserve , étant précisé pour éviter toute ambiguité que la valeur de revient sera égale à un euro par action et ne sera en aucun cas augmenté d'un intérêt de portage'..' il est précisé que le droit de priorité qui vous est accordé par la présente sera applicable pour autant que la réalisation de l'investissement du montant complémentaire intervienne avant le 30 juin 2016" ( pièce n°7 de l'appelant )
A été discutée également, avant la signature de cette lettre, la date à compter de laquelle M. [G] pourrait procéder à un investissement complémentaire, qui était initialement celle du 8 janvier 2019, M.[G] ( pièce n°18) s'étant dit le 12 mai 2015 un peu perplexe quant à la proposition de courrier concernant un éventuel complément de 50.000€ , l'échéance stipulée ( 2019) ainsi que les 9% d'intérêts rendant selon lui la proposition caduque.
Le 18 juin 2018, M. [G] a adressé à la société Sagard une lettre dont l'objet est ' investissement complémentaire Mandeval 1 et Mandeval 2" qui est ainsi rédigée :
' Conformément à votre courrier du 19 mai 2015 en annexe, je sollicite la possibilité de procéder à un investissement complémentaire à hauteur de 50.000€ dans Mandeval 1 et Mandeval 2, par voie d'acquisition d'Actions en Réserve' .
Le 25 juin 2018, la société Sagard lui a répondu 'Comme vous le savez , nous avons tenu jusqu'à ce jour à n'allouer les titres que nous avons conservés dans Mandeval 1 et Mandeval 2 qu'avec l'accord et sur la recommandation de Monsieur [W] [B], le président de Deval . C'est pour cette raison que nous avions conditionné l'engagement pris dans le courrier de vous céder les titres allouables à l'obtention de l'accord du président de Deval .
Après échange avec Monsieur [W] [B] sur ce point, nous comprenons qu'il ne souhaite pas que nous cédions les titres concernés . Il est en effet soucieux de conserver une réserve substantielle de titres Mandeval 1 et Mandeval 2 que nous pourrons rétrocéder si le besoin dans les prochains mois ou années conformément aux dispositions du Pacte ( sic) . Je comprends d'ailleurs qu'il vous a fait part de cette position lors d'un échange que vous avez eu avec lui sur ce sujet il y a quelques mois . Sa position n'ayant pas évolué depuis lors , nous sommes au regret de ne pas pouvoir donner suite à votre demande.'
M.[G] n'a pas contesté ce refus, et n'a pas formulé postérieurement une autre demande d'acquisition complémentaire de titres.
Il résulte de ce qui précède,d'une part, que la lettre du 19 mai 2015, qui fait la loi des parties, est l'aboutissement d'une négociation entre les avocats des deux parties, que la société Sagard s'est opposée à ce que M.[G] ait un droit de priorité acquis et inconditionnel à l'acquisition complémentaire de titres à hauteur de 50.000 euros et que M. [G], en signant sous la mention 'Bon pour accord' a accepté que cette possibilité d'investissement complémentaire dépende de l'accord du président de la société Deval,
M. [B], d'autre part, que le 18 juin 2018 , M.[G] a formulé sa demande expressément et uniquement dans les termes de la lettre, joint à son envoi recommandé, en employant le mot 'possibilité', de sorte qu'il est mal fondé à alléguer avoir bénéficié d'une promesse unilatérale de vente et à avoir levé l'option entraînant la formation de la vente et le transfert de propriété du bien promis .
En conséquence M.[G] ne peut sérieusement prétendre que la société Sagard a violé ses obligations découlant du pacte d'actionnaires, puisque la demande d'investissement complémentaire a été formulée, non pas en application des stipulations du pacte d'actionnaires, qui au surplus prévoyait son agrément, mais conformément à celles de la convention spéciale et autonome qu'il avait conclue avec la société Sagard et qui impliquait l'accord, non pas de la société Sagard, mais de M.[B], qui a revendiqué d'avoir pris sa décision seul après consultation de deux personnes faisant office de conseil financier et de directeur général de la société D7V et non de la société Sagard, laquelle lui a seulement transmis la demande de M.[G] qu'il a refusée. Il ne peut non plus pertinemment soutenir que le pacte d'actionnaires et le courrier du 19 mai 2015 sont indissociables et que ce dernier constitue un acte d'exécution du premier, dès lors que le courrier, qui n'a pas été signé par l'ensemble des cadres actionnaires, fixe d'autres conditions que celles contenues dans le pacte, ce qui était loisible aux parties de prévoir, est relatif aux actions qui n'ont pas été attribuées dans le cadre du pacte et prévoit un accord préalable de M.[B], qui n'est pas signataire du pacte, ainsi que l'époque à laquelle l'investissement peut être demandé.
Les termes de ce courrier approuvés par M. [G] sont clairs et précis et ne nécessitent aucune interprétation. En transmettant la demande de M. [G] à M.[B], la société Sagard a agi conformément aux stipulations contractuelles et n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi ou déloyauté.
M.[G] ne démontre pas que le refus de M.[B], lequel n'est au demeurant pas à la procédure, aurait été abusif et motivé par la volonté de réaliser une substantielle plus-value des titres lors de la cession à la société Mademoiselle [R] et il sera retenu qu'à la fin du premier trimestre 2018, un rapport de la société Sagard expliquait que les discussions entre les deux groupes, en vue alors d'une fusion et non d'une cession, avaient échoué en raison d'une vision divergente de la valorisation relative des deux sociétés.
Le jugement déféré sera donc confirmé et M.[G] débouté de ses demandes indemnitaires.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M.[G] qui succombe et sera condamné aux dépens ne peut prétendre à l'octroi d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées sauf à réduire le montant alloué par les premiers juges à la société Sagard sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 5.000 euros.
M.[G] sera condamné à verser en outre à la société Sagard au titre des frais irrépétibles exposés en appel la somme de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné M. [G] à payer à la société Sagard la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne M.[U] [G] à payer à la société Sagard agissant en qualité de société de gestion du Fonds Sagard 3-Millésime 1,la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ainsi que la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Déboute M.[G] de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale,
Condamne M.[G] aux dépens d'appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT