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19/01/2023 | FRANCE | N°19/10007

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 19 janvier 2023, 19/10007


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 19 JANVIER 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10007 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXIO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 18/01453





APPELANTE



Madame [J] [O]

[Adresse 1]

[Localité

3]



Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136





INTIMÉE



SAS LA ROMAINVILLE

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Christel PHILI...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 19 JANVIER 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10007 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXIO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 18/01453

APPELANTE

Madame [J] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMÉE

SAS LA ROMAINVILLE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christel PHILIPPART, avocat au barreau de PARIS, toque : C1701

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [O] a été engagée par la société La Romainville dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée du 3 septembre 2001 en qualité d'opératrice spécialisée pâtisserie.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la boulangerie-pâtisserie industrielle.

Le 1er janvier 2000, la société La Romainville a dénoncé une prime dite de production.

La dénonciation de cette prime a été réitérée par la société La Romainville le 2 mars 2011 puis le 30 mars 2015.

Une prime d'assiduité a par ailleurs été créé par accord collectif à effet du 1er février 2010.

Cet accord collectif a été dénoncé le 26 janvier 2016 et, à compter du 1er avril 2017, la société La Romainville a, en l'absence d'accord dans le cadre des négociations engagés avec les partenaires sociaux, d'une part, cessé de verser la prime d'assiduité et, d'autre part, mis en place une nouvelle prime dite de production.

Contestant la dénonciation des primes successives, par acte du 16 mai 2018, Mme [O] saisissait le conseil de prud'hommes de Bobigny.

Par jugement du 24 avril 2019, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

-condamné la société la Romainville à régler à Mme [O] les sommes de :

*2 497,44 euros au titre de rappel de salaire

*249,74 euros au titre des congés payés y afférents

*500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-dit que la société la Romainville devra consigner cette somme à la caisse de dépôt et de consignation, ce dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement,

-dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la présente décision deviendra exécutoire,

-dit qu'en cas de difficulté relative à la consignation ou à la remise des fonds, il en sera référé au juge de l'exécution,

-dit que Mme [O] pourra se faire remettre les fonds consignés sur présentation d'un certificat de non appel ou d'un arrêt rendu par la cour d'appel à concurrence de la somme allouée par ladite cour,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-condamné la société la Romainville aux entiers dépens.

Par déclaration du 3 octobre 2019, Mme [O] a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 8 avril 2022, Mme [O] demandait à la Cour :

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur le quantum de la prime de production,

en conséquence,

-de condamner la société la Romainville à verser à Madame [O] les sommes de :

*9 929,20 euros à titre de rappel salaire sur prime de production,

*992,20 euros de congés payés y afférents.

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et discrimination salariale et de rappel de salaire au titre du maintien de rémunération,

en conséquence,

-de condamner la société la Romainville à lui verser les sommes de :

*4 720 euros à titre de rappel de salaire (maintien de rémunération avril 2017 à février 2022),

*472 euros de congés payés y afférents.

-de condamner la société la Romainville à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et discrimination salariale,

-de débouter la société la Romainville de l'ensemble de ses demandes,

-de condamner la société la Romainville à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et appel,

-d'assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal,

-de condamner la société la Romainville aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 3 juin 2022, la société la Romainville demandait à la Cour :

in limine litis et pour une bonne administration de la justice,

-d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'expiration du délai d'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny à venir,

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 24 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société La Romainville à régler à Mme [O] les sommes suivantes :

*2 497,44 euros au titre de rappel de salaire sur prime de production,

*249,74 euros au titre des congés payés y afférents,

*500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit qu'elle devra consigner cette somme à la Caisse de Dépôt et de Consignation, ce dans un délai de 2 mois à compter de la notification du jugement

-dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la présente décision deviendra exécutoire,

-dit qu'en cas de difficulté relative à la consignation ou à la remise des fonds, il en sera référé au juge de l'exécution,

-dit que Mme [O] pourra se faire remettre les fonds consignés sur présentation d'un certificat de non appel ou d'un arrêt rendu par la Cour d'appel à concurrence de la somme allouée par ladite Cour,

-l'a débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens,

en conséquence, statuant à nouveau,

-de dire et juger qu'aucun rappel de salaire au titre de la prime de production n'est dû à Mme [O],

-de débouter Mme [O] de ses demandes à ce titre,

-de dire et juger que les sommes séquestrées en exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny lui seront restituées.

Pour le surplus,

-de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes ayant débouté Mme [O] de ses autres demandes,

dès lors :

-de dire et juger que les demandes de Mme [O] ne sont nullement justifiées,

-de dire et juger qu'aucun rappel de salaire au titre de la prime d'assiduité (maintien de la rémunération) n'est dû à Mme [O],

-de dire et juger qu'elle n'a commis aucune résistance abusive,

-de dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de discrimination salariale ou inégalité de traitement à l'encontre de Mme [O],

en conséquence et en tout état de cause :

-de débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-de condamner Mme [O] à payer une amende civile de 1 000 euros au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

-de condamner Mme [O] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 juin 2022 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 20 juin 2022.

Par conclusions notifiées par RPVA 16 juin 2022, Mme [O] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de révocation de l'ordonnance de clôture et notifié de nouvelles conclusions au fond.

Par ordonnance du même jour, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture.

Le 17 juin 2022, M. Mme [O] a notifié de nouvelles conclusions par RPVA.

Par arrêt du 22 septembre 2022, la Cour d'Appel a :

- révoqué l'ordonnance de clôture

- fixé la clôture au 29 novembre 2022,

- enjoint les parties de produire le jugement du conseilde prud'hommes de Bobigny du 13 juillet 2022 (RG 20/01896) ainsi qu' un certificat de non appel ou la déclaration d'appel afférente à ce jugement,

-renvoyé le dossier à l'audience du 5 décembre 2022,

- réservé les demandes et les dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 25 novembre 2022, Mme [O] demandait à la Cour :

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur le quantum de la prime de production,

en conséquence,

-de condamner la société la Romainville à verser à Madame [O] les sommes de :

*10 937,10 euros à titre de rappel salaire sur prime de production,

*1093,71 euros de congés payés y afférents.

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et discrimination salariale et de rappel de salaire au titre du maintien de rémunération,

en conséquence,

-de condamner la société la Romainville à lui verser les sommes de :

*52800 euros à titre de rappel de salaire (maintien de rémunération avril 2017 à février 2022),

*528 euros de congés payés y afférents.

-de condamner la société la Romainville à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et discrimination salariale,

-de débouter la société la Romainville de l'ensemble de ses demandes,

-de condamner la société la Romainville à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et appel,

-d'assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal,

-de condamner la société la Romainville aux dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 28 novembre 2022, la société la Romainville demande à la Cour :

in limine litis et pour une bonne administration de la justice,

-d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'expiration du délai d'appel du jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny à venir,

-d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny en date du 24 avril 2019 en ce qu'il a condamné la société La Romainville à régler à Mme [O] les sommes suivantes :

*2 497,44 euros au titre de rappel de salaire sur prime de production

*249,74 euros au titre des congés payés y afférents

*500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-dit qu'elle devra consigner cette somme à la Caisse de Dépôt et de Consignation, ce dans un délai de 2 mois à compter de la notification du jugement,

-dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la présente décision deviendra exécutoire,

-dit qu'en cas de difficulté relative à la consignation ou à la remise des fonds, il en sera référé au juge de l'exécution,

-dit que Mme [O] pourra se faire remettre les fonds consignés sur présentation d'un certificat de non appel ou d'un arrêt rendu par la Cour d'appel à concurrence de la somme allouée par ladite Cour,

-l'a débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens.

en conséquence, statuant à nouveau :

-de dire et juger qu'aucun rappel de salaire au titre de la prime de production n'est dû à Mme [O],

-de débouter Mme [O] de ses demandes à ce titre,

-de dire et juger que les sommes séquestrées en exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny lui seront restituées,

Pour le surplus,

-de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes ayant débouté Mme [O] de ses autres demandes,

dès lors :

-de dire et juger que les demandes de Mme [O] ne sont nullement justifiées,

-de dire et juger qu'aucun rappel de salaire au titre de la prime d'assiduité (maintien de la rémunération) n'est dû à Mme [O],

-de dire et juger qu'elle n'a commis aucune résistance abusive,

-de dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de discrimination salariale ou inégalité de traitement à l'encontre de Mme [O],

en conséquence et en tout état de cause :

-de débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-de condamner Mme [O] à payer une amende civile de 1 000 euros au titre de l'article 32-1 du Code de procédure civile,

-de condamner Mme [O] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 novembre 2022 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 5 décembre 2022.

Par note en délibéré du 8 décembre 2022, Mme [O] a adressé à la Cour, ainsi qu'elle y était autorisée, le jugement du Conseil de Prud'hommes du 12 septembre 2022 qui l'a notamment deboutée de ses demandes formées à titre de rappel de prime de production sur la période du 7 août 2017 au 7 mai 2021 et la déclaration d'appel de ce jugement qu'elle a établie le 6 décembre 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu' aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- Sur la demande de sursis à statuer

S'il ressort du jugement du conseil de prud'hommes du 12 septembre 2022 que cette juridiction a été saisie pour partie des mêmes demandes que celles dont la cour est saisie dans le cadre de la présente instance, il résulte de ce jugement que Mme [O] été déboutée de ses demandes.

Aussi et quand bien même Mme [O] a-t-elle interjeté appel de ce jugement, son appel sera examiné devant la cour à une date qui n'est pas encore fixée de sorte que chacune des parties pourra se prévaloir de la présente décision notamment concernant les demandes définitivement tranchées.

Il ne paraît donc pas être d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer sur les demandes.

La demande de sursis à statuer sera en conséquence rejetée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu' aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

II- Sur les demandes au titre de la prime d'assiduité

A - Sur la dénonciation de la prime d'assiduité

Il est admis que les conventions ou les accords collectifs à durée indéterminée demeurent en vigueur tant qu'ils n'ont pas été régulièrement dénoncés ou mis en cause et que la dénonciation irrégulière d'un accord collectif est inopposable aux salariés.

En l'espèce, la prime d'assiduité d'un montant mensuel de 80 euros a été mise en place par accord collectif du 15 avril 2010 dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (pièce commune 17 du salarié et de l'employeur).

Cette prime a été dénoncée par un accord collectif issu des négociations annuelles obligatoires signé par l'ensemble des organisations syndicales le 26 janvier 2016 (pièce commune de l'employeur 19).

Aussi, contrairement à ce que soutient Mme [O], cette prime a été dénoncée à l'ensemble des signataires et aucune irrégularité ne peut donc être reprochée à la société intimée de ce chef .

En revanche, si la société intimée fait valoir qu'elle ne devait pas consulter préalablement le comité d'entreprise devenu comité social économique en application des dispositions de de l'article L.2312-14 du code du travail qui dispose que 'les projets d'accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à la consultation du comité social économique', cet argument ne peut prévaloir dés lors que cet article n'est entré en vigueur que le 1er janvier 2018 soit postérieurement à la dénonciation litigieuse.

Aussi, conformément à l'article L.2321-1 du code du travail alors en vigueur, l'employeur avait l'obligation d'informer le comité d'entreprise de la dénonciation de la prime litigieuse qui avait pour objet, comme l'a souligné l'employeur dans le cadre des négociations annuelles obligatoires de 2015, de réduire l'absentéisme (pièce 19) et qui touchait donc à l'organisation du travail.

Le défaut de consultation préalable du comité d'entreprise rend donc la dénonciation de la prime d'assiduité inopposable aux salariés.

B- Sur le cumul des prime d'assiduité et de production

Il est admis que les avantages ayant le même objet ou la même cause ne se cumulent pas et que seul le plus favorable peut être accordé.

En l'espèce, une prime de production a été mise en place par l'employeur le 12 février 1992 et une nouvelle prime de production crée le 12 janvier 2017.

Une prime d'assiduité a en outre été mise en place par accord collectif en 2009.

Le fonctionnement de la prime de production a été défini par l'employeur dans une note 12 février 1992 dans laquelle il est indiqué qu'elle concerne tous les salariés ayant plus d'un an d'ancienneté au 31/12/91, que c'est une prime forfaitaire journalière basée sur la présence du salarié à son poste de travail et fixée en fonction du niveau et de l'échelon et de la gratification annuelle. Si son montant peut varier en fonction de la valeur du salarié appréciée par le responsable d'exploitation, son versement est conditionné à la présence du salarié et ainsi il est précisé que toute absence du salarié (sauf congés payés et repos compensateur) entraîne la perte de la totalité de la prime (pièce 1 du salarié).

La nouvelle prime de production d'un montant journalier de 6 euros crée par l'employeur par engagement unilatéral du 12 janvier 2017 repose sur la présence du salarié, son professionnalisme, sa mobilité et son adaptabilité, l'absence du salarié entraînant la suppression de la prime tandis que que le manque d'adaptabilité et de professionnalisme peuvent, sur appréciation des responsables de production, entraîner une réduction de 25 % de la prime (pièce 18 de l'employeur : procés verbal de désaccord portant sur les négociations annuelles de 2016)

Concernant la prime d'assiduité, l'accord l'instaurant précise qu'elle s'élève à 80 euros par mois, qu'elle est réduite de 50 % si le salarié est absent un jour dans le mois et n'est pas maintenue s'il est absent deux jours et que ses conditions d'attribution en seront transformées si le taux d'absentéisme ne diminue pas et qu'alors une journée d'absence équivaudra à la perte de la prime (cf PV des négocations annuelle de 2009 -pièce 17 du salarié et de l'employeur).

Ainsi, si le montant de la prime de production peut varier en fonction du niveau du salarié (ancienne prime de production) et de sa valeur (ancienne et nouvelle prime de production), les primes de production et d'assiduité reposent néanmoins sur le même objet : la présence du salarié de sorte que c'est exclusivement en cas d'absence du salarié que leur versement est supprimé.

Aussi, ces deux primes ayant le même objet, elles ne peuvent se cumuler.

En conséquence, la salariée, bénéficiaire de la prime de production, dont le montant est supérieur, ne peut revendiquer le paiement de la prime d'assiduité.

Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

III- Sur la demande de rappel de prime de production (ancienne prime de production)

A- Sur le principe de la demande

Mme [O] fait valoir que malgré la nouvelle dénonciation de l'ancienne prime de production intervenue le 30 mars 2015, le principe d'égalité de traitement justifie que le règlement de cette prime soit poursuivi après le 30 juin 2015.

Elle soutient ainsi qu'il a été admis que la prime de production avait un caractère contractuel pour les salariés présents dans les effectifs au 12 février 1992 et qu'en conséquence en dénonçant l'engagement unilatéral qu'il a pris de verser cette prime aux salariésrecrutés ensuite mais soumis aux mêmes conditions d'emploi, l'employeur a méconnu le principe d'égalité de traitement.

La société La Romainville conteste toute violation au principe d'égalité de traitement ou de non discrimination et fait valoir que Mme [O] ne peut revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où elle n'était ni partie ni représentée, comme celle dans laquelle, par arrêt en date du 1er février 2012 la cour de cassation a jugé pour un autre salarié de la société la Romainville, engagé au mois de décembre 1980, que la prime de production revêtait un caractère contractuel. Elle souligne en outre que l'ancienne prime de production n'est plus versée à aucun salarié de l'entreprise.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Ainsi, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et ensuite à l'employeur de justifier celle-ci par des critères objectifs et pertinents;

En l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées que par lettre du 12 février 1992 l'employeur avait proposé aux salariés l'instauration d'une nouvelle méthode de calcul des salaires, entraînant la suppression des primes antérieures et l'instauration d'une prime de production et d'une gratification annuelle et avait demandé aux salariés de la signer pour acceptation en précisant que l'absence de réponse valait acceptation.

En procédant ainsi, en remplaçant par la prime de production deux primes antérieures, elles-mêmes intégrées à la rémunération des salariés et ce, sous réserve de l'acceptation de ces derniers en leur indiquant que leur silence valait acceptation, l'employeur, qui ne pouvait ignorer la nature salariale de cet avantage, l'avait incorporé au contrat de travail pour tous les salariés déjà présents dans l'entreprise.

Il n'est pas contesté qu'il en est différemment pour les salariés engagés postérieurement au 12 février 1992 pour lesquels la prime de production constitue un simple engagement unilatéral de l'employeur.

Il n'est pas non plus contesté que le 30 mars 2015, l'employeur a dénoncé régulièrement l'engagement unilatéral qu'il avait pris à l'égard des salariés engagés après le 12 février 1992 (Cf lettre de dénonciation -pièce commune 9 produite par le salarié).

Toutefois, au regard du respect du principe 'à travail égal, salaire égal', la seule circonstance que des salariés aient été engagés avant ou après l'entrée en vigueur d'une prime contractuelle ou d'un engagement unilatéral ne saurait suffire à justifier des différences de traitement entre eux.

Or, une différence de statut juridique entre des salariés effectuant un travail de même valeur au service du même employeur ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une différence de situation au regard de l'égalité de traitement en matière de rémunération.

Il appartient dès lors à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives et pertinentes à la différence de traitement entre Mme [O] dont il est admis qu'elle est affectée à un poste de production et les salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale au sien et en droit de bénéficier de l'ancienne prime de production en vertu des stipulations de leurs contrats de travail.

Or, en se contentant de faire valoir qu'elle n'a plus versé la prime de production à l'ensemble des salariés à compter du 1er janvier 2000, la société La Romainville ne rapporte pas cette preuve dés lors qu'il a été admis, par décisions définitives, que ladite prime avait une nature contractuelle pour les salariés engagés avant 12 février 1992 et que l'employeur était donc tenu de continuer à la leur verser.

La demande de rappel de prime de production formée par l'appelante sur la période du 1er février 2016 au 30 septembre 2022 est donc bien fondée en son principe.

B- Sur le quantum de la demande

Conformément à la note établie par l'employeur le 12 février 1992, la prime de production est une prime forfaitaire journalière basée sur la présence du salarié à son poste de travail, fixée en fonction du niveau et de l'échelon et de la gratification annuelle, qui est supprimée en cas d'absence du salarié (sauf congés payés et repos compensateur) et dont le montant peut varier en fonction de la valeur du salarié appréciée par le responsable d'exploitation tenant compte notamment de la présence du salarié, de son professionalisme, de sa mobilité et de son adaptabilité (pièce 1).

La salariée sollicite le versement d'une prime de production d'un montant journalier de 12,35 euros du 1er février 2016 au 30 septembre 2022 (montant correspondant à prime versée à M.P. avant la suppression de la prime à la fin de l'année 1999) et subsidairement de 10,98 euros (correspondant à la prime versée à Mme [M] avant la suppression de la prime à la fin de l'année 1999) et l'employeur s'y oppose en faisant valoir qu'aucune somme ne lui est due à ce titre et subisidiairement que la salariée ne peut réclamer sans en justifier plus avant le montant le plus élévé de la prime versée par l'employeur alors que la plupart des salariés percevaient une prime d'un montant correspondant à 4,73 euros.

A défaut pour la société intimée de démontrer pas que la situation de Mme [O] est différente de celle de Mme [M] alors qu'elles ont toutes deux la qualification d'ouvrière au sein d'un service de production et qu'il n'est produit au débat aucune pièce permettant de distinguer leur valeur respective, il convient, par infirmation du jugement entrepris, de faire droit à la demande de rappel de prime de production formée par la salariée sur la période du 1er février 2016 au 30 septembre 2022 et calculée sur la base d'un montant journalier de 10,98 euros et ce, après déduction des jours d'absence et de la nouvelle prime de production versée à compter du mois d'avril 2017.

Il convient, en outre,conformément à ce que soutient l'employeur, de déduire sur la même période le montant de la prime d'assiduité versée soit 800 euros.

Il sera donc alloué à la salariée 6931, 96 euros à titre de rappel de salaire sur prime de production et 693, 19 euros au titre des congés payés afférents (correspondant à 1402 jours de présence après déduction de la nouvelle prime de production et de la prime d'assiduité).

IV -Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement de la prime et discrimination salariale

Si la salariée sollicite une somme de 5000 euros au motif de la discrimination salariale qu'elle a subie et de l'absence d'exécution par l'employeur d'une précédente décision de justice la condamnant des mêmes chefs, elle n'établit pas l'existence d'un préjudice indépendant des rappels de salaires auxquels l'employeur a été condamné et du retard apporté par ce dernier à l'exécution de la précédente condamnation prononcée des mêmes chefs.

Aussi, elle sera déboutée de ses demandes à ce titre.

V - Sur les autres demandes

Le caractère abusif de la procédure initiée par la salariée n'est pas démontré.

Aussi, l'employeur sera débouté de sa demande à ce titre.

Il apparaît par ailleurs équitable d'allouer à Mme [W] une indemnité en réparation de tout ou partie des frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel dont le montant sera fixé au dispositif.

L'employeur sera en outre condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE irrecevables les conclusions notifiées après l'ordonnance de clôture,

REJETTE la demande de sursis à statuer,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- débouté Mme [O] de sa demande de prime d'assiduité et de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et discrimination,

-débouté la société La Romainville de sa demande d'amende pour procédure abusive,

-condamné la société La Romainville au paiement d'une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des seules dispositions infirmées et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevables les demandes de rappel de salaire antérieures au 16 mai 2015,

CONDAMNE la société La Romainville à verser à Mme [O] les sommes suivantes :

-6931, 96 euros à titre de rappel de salaire sur prime de production sur la période du1er février 2016 au 30 septembre 2022 et 693, 19 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société La Romainville aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/10007
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;19.10007 ?
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