Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 17 JANVIER 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05038 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUZS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 janvier 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 18/07384
Après arrêt avant-dire-droit du 15 mars 2022 rouvrant les débats
APPELANT
LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté à l'audience par Mme M.-D. PERRIN, substitut général
INTIMEE
Madame [A] [V] née le 6 octobre 1999 à [Localité 5] (Haïti),
Chez SEHI-LES PLEIADES
[Adresse 1]
[Localité 4]
signification à personne en date du 15 juin 2022
non comparante
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 novembre 2022, en audience publique, le ministère public ne s'y étant pas opposé, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
M. François MELIN, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, ordonné l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite par Mme [A] [V] le 5 octobre 2017 auprès du greffier en chef du tribunal d'instance de Vanves sous le numéro DnhM 230/2017, jugé que Mme [A] [V], née le 6 octobre 1999 à [Localité 5] (Haïti), a acquis la nationalité française le 5 octobre 2017, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel remise au greffe en date du 11 mars 2020 par le ministère public ;
Vu les conclusions remises au greffe le 3 juin 2020 du ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, infirmer le jugement, dire que Mme [A] [V] n'est pas française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner l'intimée aux dépens ;
Vu la signification par voie d'huissier de la déclaration d'appel en date du 4 juin 2020 à destination de Mme [A] [V], effectuée par remise à étude ;
Vu l'arrêt rendu le 15 mars 2022 par la cour d'appel de Paris qui a ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2021 et la réouverture des débats, invité le ministère public à signifier à nouveau à Mme [A] [V] la déclaration d'appel et ses conclusions après recherche de son adresse actuelle, invité le ministère public en cas d'impossibilité de signifier à personne à justifier des diligences effectuées par l'huissier de justice, dit que la clôture sera ordonnée le 20 octobre 2022, convoqué les parties à l'audience du 24 novembre 2022 et réservé les dépens ;
Vu la signification par voie d'huissier, en date du 15 juin 2022, de la déclaration d'appel, des conclusions du ministère public et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 mars 2022 à la personne Mme [A] [V] ;
Vu l'absence de conclusions en réponse de l'intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture du 20 octobre 2022 ;
MOTIFS
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 02 juin 2020 par le ministère de la Justice.
Le 5 octobre 2017 Mme [A] [V], se disant née le 6 octobre 1999 à [Localité 5] (Haïti), a souscrit une déclaration de nationalité française auprès du service nationalité du tribunal d'instance de Vanves, en vertu de l'article 21-12 du code civil, dont l'alinéa 3, °, offre à l'enfant, jusqu'à sa majorité, la possibilité de réclamer la nationalité française par déclaration, notamment dès lors qu'il est confié depuis au moins trois années au service de l'aide sociale à l'enfance (art. 21-12, al. 3, 1°) ou encore lorsqu'il est recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant des caractères déterminés par un décret en Conseil d'État (art. 21-12, al. 3, 2°).
.
Le 19 décembre 2017, le directeur des services de greffe judiciaires de ce tribunal a toutefois refusé l'enregistrement de la déclaration, au motif que l'intéressée n'avait pas rapporté la preuve qu'elle avait été recueillie par l'aide sociale à l'enfance depuis trois ans.
Mme [A] [V] a donc fait assigner le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonner cet enregistrement.
Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Paris a fait droit à cette demande, après avoir notamment retenu que l'intéressée disposait d'un état civil certain, aux motifs que la copie d'acte de naissance produite aux débats respecte les nouvelles exigences d'Haïti en matière de délivrance d'actes d'état civil et que cette pièce comporte un sceau en impression en trois dimensions, un code barre identifiant de la personne et un autocollant infalsifiable portant un numéro unique.
Le ministère public a formé appel.
L'intimée, qui, bien qu'ayant été assignée à personne, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu devant la cour, est réputée s'approprier les motifs du jugement, en application de l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile.
Dans ce cadre, le ministère public soutient notamment que Mme [A] [V] ne dispose pas d'un état civil certain. A cet égard, il fait valoir notamment que pour justifier de son état civil, l'intéressée a produit devant le premier juge une copie conforme de son acte de naissance haïtien n° 457 qui n'a pas été régulièrement légalisée, alors pourtant que sa légalisation aurait été nécessaire pour qu'elle puisse recevoir effet en France.
Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères.
En l'espèce, la cour relève que la copie de l'acte de naissance n°457 comporte la signature de la personne l'ayant délivrée, désignée comme « [W] [N] [U] DIRECTEUR GENERAL ai », mais que cette signature, comme le souligne à juste titre le ministère public, n'est pas légalisée par une autorité consulaire.
Au verso du document, la signature de « [W] [N] [U] DIRECTEUR GENERAL ai » a été authentifiée auprès du « tribunal de 1ère instance de Port au Prince » par [L] [F], dont la signature a fait à son tour l'objet d'une authentification par [O] [J], chef du service des légalisations du ministère de Justice haïtien. La signature de ce dernier a elle-même été légalisée par M. [D] [R], chargé de mission au ministère des affaires étrangères, dont la signature a été enfin légalisée par [I] [T], consul d'Haïti à [Localité 6].
Ainsi, dans le cadre des quatre légalisations successives dont le document a fait l'objet, le consul d'Haïti en France, qui était la seule autorité habilitée à légaliser valablement le document parmi celles qui sont intervenues, s'est borné à authentifier la signature du chargé de mission du ministère des affaires étrangères d'Haïti Rodney M. [D], comme l'indique à juste titre le ministère public. La signature de la personne qui a délivrée la copie de l'acte de naissance n'a pas en revanche été légalisée régulièrement.
Il s'en déduit que la copie de l'acte de naissance n°457 de l'intéressée n'est pas régulièrement légalisée.
Dès lors, l'intimée ne dispose pas d'un état civil fiable et certain. Or, nul ne peut prétendre à la nationalité française s'il ne dispose d'un état civil présentant ces caractères.
Le jugement est donc confirmé.
Les dépens seront supportés par l'intimée, qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS
Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau ;
Dit que Mme [A] [V], se disant née le 6 octobre 1999 à [Localité 5] (Haïti), n'est pas de nationalité française ;
Condamne Mme [A] [V] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE