Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 17 JANVIER 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02079 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMAW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 janvier 2020 rendu par le tribunal judicaire de PARIS - RG n° 18/08377
APPELANT
LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté à l'audience par Mme M. D. PERRIN, substitut général
INTIMEE
Madame [Y] [X] née le 9 août 2000 à [Localité 5] (République Démocratique du Congo),
Chez Monsieur et Mme [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Marie KADIMA KANDE, avocat au barreau de MELUN, toque: M48
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 novembre 2022, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
M. François MELIN, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement en date du 16 janvier 2020 du tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que la procédure est régulière au regard des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, ordonné l'enregistrement de la déclaration de nationalité française de Mme [Y] [X] souscrite le 19 octobre 2017 en vertu de l'article 21-12 du code civil devant le greffier en chef du tribunal d'instance de Melun sous le numéro DnhM 431/2017, jugé que Mme [Y] [X], née le 9 août 2000 à [Localité 5] (République Démocratique du Congo), a acquis la nationalité française le 19 octobre 2017, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil et laissé à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu la déclaration d'appel en date du 22 janvier 2020 et les conclusions notifiées le 14 mai 2020 par lesquelles le procureur général demande à la cour de constater que le récépissé de l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, infirmer le jugement, statuant à nouveau, débouter Mme [Y] [X] de sa demande d'enregistrement de déclaration de nationalité, constater son extranéité et ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil ;
Vu l'ordonnance d'incident du conseiller de la mise en état du 16 décembre 2021 ayant dit que la déclaration d'appel n'est pas caduque, jugé que les conclusions notifiées par Mme [Y] [X] le 22 avril 2021 et ses pièces sont irrecevables et condamné l'intimée aux dépens de l'incident ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 3 novembre 2022 ;
MOTIFS
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 ancien du code de procédure civile applicable à la présente instance par la production du récépissé délivré le 1er avril 2020 par le ministère de la Justice.
Mme [Y] [X], se disant née le 9 août 2000 à [Localité 5] (République Démocratique du Congo), a souscrit le 19 octobre 2017 devant le greffier en chef du tribunal d'instance de Melun une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-12, alinéa 3, 1°, du code civil, qui dispose que peut réclamer la nationalité française l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance.
Sa demande d'enregistrement de la déclaration a été rejetée par le greffier en chef, par une décision du 16 janvier 2018, au motif que son acte de naissance n'a pas été régulièrement légalisé.
Mme [Y] [X] a alors saisi le tribunal de grande instance de Paris, qui a ordonné l'enregistrement de la déclaration de nationalité française, après avoir notamment retenu qu'elle dispose d'un état civil fiable et certain au sens de l'article 47 du code civil, qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».
Le ministère public a formé appel.
Mme [Y] [X] a vu ses conclusions au fond et ses pièces jugées irrecevables par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 décembre 2021, de sorte qu'elle est réputée, en application de l'article 954 du code de procédure civile, s'approprier les motifs du jugement.
Dans ce cadre, le ministère public indique que Mme [Y] [X] doit, compte tenu des termes de l'article 21-12, al. 3, 1°, justifier de sa minorité par un acte d'état civil probant et légalisé, les actes établis en République démocratique du Congo n'étant pas dispensés de légalisation.
Mme [Y] [X] a produit en première instance les pièces suivantes à ce sujet, selon les éléments fournis par le ministère public :
- Un jugement supplétif d'acte de naissance prononcé le 18 mai 2015 par le tribunal pour enfants de Kinshasa, qui dit que [Y] [X] est née le 9 août 2000 à [Localité 5] de [O] [X] et de [B] [J] ;
- Une copie intégrale, délivrée le 2 juin 2017, d'un acte de naissance dressé le 26 janvier 2016, indiquant que [Y] [X] est née à [Localité 5] le 9 août 2000 de [O] [X] et de [B] [J]. L'acte a été dressé sur présentation du jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal pour enfants de Kinshasa/Gombe du 18 mai 2015 ;
- Une copie intégrale, délivrée le 3 mars 2018, d'un acte de naissance dressé le 26 janvier 2016, qui indique que [Y] [X] est née à [Localité 5] le 9 août 2000 de [O] [X] et de [B] [J]. L'acte a été dressé sur présentation du jugement supplétif d'acte de naissance du tribunal pour enfants de Kinshasa/Gombe du 18 mai 2015.
Le ministère public fait valoir que ces pièces n'ont pas été régulièrement légalisées.
La République démocratique du Congo n'étant pas partie à la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, et en l'absence de convention bilatérale conclue en ce domaine avec cet Etat, il y a lieu d'appliquer le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, dont l'article 1 dispose que « Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères ».
En l'espèce, la copie intégrale délivrée le 2 juin 2017 porte la mention d'une légalisation de la signature de M. [F] [K] le 23 août 2017 par le deuxième conseiller de l'ambassade de la République démocratique du Congo en France. Or, ainsi que l'indique le ministère public, la légalisation ne porte pas sur la qualité en laquelle le signataire de la copie a agi. La légalisation n'est donc pas régulière.
En outre, la copie intégrale délivrée le 2 mars 2018 porte un cachet selon lequel le notaire [H] [L] légalise la signature de M. [F] [K]. Néanmoins, comme l'indique le ministère public, la qualité du signataire n'est pas attestée. Par ailleurs, un notaire n'a pas compétence, au sens du droit français, pour procéder à une légalisation.
Enfin, le jugement du tribunal pour enfants de Kinshasa du 18 mai 2015 porte un cachet de légalisation signé par M. [I] [E], premier conseiller à l'ambassade de la République démocratique du Congo en France, qui légalise la signature de [M] [K] [G], qui a délivré la copie du jugement. Cependant, le ministère public soutient à juste titre que la qualité de celui-ci n'est pas précisée.
Au regard de ces éléments, la cour retient qu'aucune des pièces produites par Mme [Y] [X] n'a été régulièrement légalisée, de sorte qu'elle ne peut pas se prévaloir d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.
Le jugement du tribunal judiciaire de Paris est donc infirmé.
L'extranéité de Mme [Y] [X], qui ne revendique pas la nationalité française à un autre titre, doit être constatée.
Mme [Y] [X], qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;
Infirme le jugement ;
Juge que Mme [Y] [X], se disant née le 9 août 2000 à [Localité 5] (République Démocratique du Congo), n'est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Condamne Mme [Y] [X] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE