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12/01/2023 | FRANCE | N°19/12082

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 12 janvier 2023, 19/12082


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12082 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBC5V



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/00430





APPELANT



Monsieur [N] [R]

[Adresse 4]

[L

ocalité 8]



Représenté par Me Jeffrey NETRY, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMÉES



SELARL [B] YANG-TING prise en la personne de Maître [G] [B] ès qualités de mandataire liquidateur...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12082 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBC5V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/00430

APPELANT

Monsieur [N] [R]

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Jeffrey NETRY, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉES

SELARL [B] YANG-TING prise en la personne de Maître [G] [B] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ISOPRO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuel STENE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0117

SCP BTSG prise en la personne de Maître [D] [J] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL ISOPRO FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 7]

Représentée par Me Emmanuel STENE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0117

PARTIE INTERVENANTE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Corinne JACQUEMIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère, rédactrice

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier : Mme Nolwenn CADIOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [N] [R] a été engagé par la société Intergarde par contrat à durée indéterminée du 30 septembre 2005 en qualité d'agent de surveillance, puis il a été promu agent de sécurité.

À partir du 1er mai 2007, son contrat de travail a été transféré à plusieurs sociétés dont, en dernier lieu le 1er mars 2017, la société Isopro France.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la prévention et de la sécurité.

Le 30 octobre 2018, la société Isopro France a convoqué M. [R] à un entretien préalable fixé au 8 novembre suivant et l'a licencié pour faute grave le 2 novembre 2018.

Contestant cette mesure, M. [R] a, par acte du 17 janvier 2019, saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de faire valoir ses droits.

Par jugement du 30 septembre 2019, notifié aux parties par lettre du 21 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- laissé les dépens à sa charge.

Par jugement du 28 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Isopro France et a désigné Maître [J] de la scp BTSG et la selarl [B] Yang-Ting en qualité de mandataires liquidateurs.

Par déclaration du 5 décembre 2019, M. [R] a interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes précité.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 4 avril 2022, M. [R] demande à la cour de :

- prendre acte de la régularisation de la procédure du fait de la conversion en liquidation judiciaire de la société Isopro France,

-infirmer intégralement le jugement rendu le 30 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Paris et statuant de nouveau :

à titre principal, de :

- déclarer nul le licenciement de Monsieur [N] [R] intervenu le 31 juillet 2018,

en conséquence,

- condamner la société Isopro France à lui verser les sommes de :

*5 465,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

*37 127,76 euros au titre de l'indemnité de licenciement nul,

*3 093,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*309,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis,

*5 000 euros au titre de dommages-intérêts pour discrimination,

* 30 000 euros au titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral,

*15 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention et sécurité,

à titre subsidiaire,

- de déclarer le licenciement de Monsieur [N] [R] intervenu le 22 novembre 2018 dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- de condamner la société Isopro France à verser à Monsieur [N] [R] les sommes de :

* 5 465,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 37 127,76 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 093,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 309,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents au préavis,

* 5 000 euros au titre de dommages-intérêts pour discrimination,

* 30 000 euros au titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral,

* 15 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention et sécurité,

en tout état de cause,

- de condamner la société Isopro France à verser à Monsieur [N] [R] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 14 avril 2020, Maître [J] de la scp BTSG et la selarl Yang-Ting [B] ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Isopro France demandent à la cour de :

- prononcer l'irrecevabilité des demandes formulées par Monsieur [N] [R] à l'encontre de la sarl Isopro France,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave est fondé,

- débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires pour licenciement nul ou non fondé,

- débouter Monsieur [R] de ses demandes indemnitaires liées à un harcèlement moral,

-débouter Monsieur [R] de sa demande indemnitaire liée à une violation de l'obligation de prévention de harcèlement de l'article L 1152-4 du code du travail,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

- condamner Monsieur [R] à verser à la selarl [B] Yang-Ting la somme de

2 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [R] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Emmanuel Stene, au visa de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 18 mai 2022, l'Unedic délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest demande à la cour :

à titre principal

- de confirmer le jugement entrepris et débouter [N] [R] de ses demandes,

à titre subsidiaire

- de limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse à 1 mois de salaire,

- de fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

- de dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail,

- d'exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS,

- d'exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire le jugement opposable dans la limite d'un plafond toutes créances brutes confondues,

- de rejeter la demande d'intérêts légaux,

- de dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2022 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 25 novembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

SUR QUOI

Sur la recevabilité des demandes de l'appelant:

La société Isopro France, régulièrement représentée, soulève l'irrecevabilité des demandes de M. [R] en raison de la liquidation judiciaire qui arrête les poursuites individuelles y compris salariales.

Il est constant que dès lors que le liquidateur judiciaire de l'employeur est dans la cause, il appartient à la juridiction saisie de se prononcer d'office sur l'existence et le montant de la créance, peu important que les conclusions du créancier tendent à une condamnation au paiement.

Dès lors, les demandes formées par M. [R] sont recevables, sauf à préciser que les éventuelles créances de l'appelant devront être fixées au passif de la société Isopro France, l'AGS n'intervenant qu'en garantie dans les limites fixées par la loi.

Il convient donc de rejeter l'exception d'irrecevabilité des demandes.

Sur le harcèlement et l'obligation de sécurité:

A l'appui de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement du manquement de l'employeur à son obligation légale de sécurité, le salarié fait valoir que la société Isopro France ne pouvait pas ignorer 'le harcèlement' subi par lui et certains de ses collègues de la part de Monsieur [C], chef d'équipe de la sécurité incendie et référent pour l'hôpital Antoine Béclère.

Il affirme avoir été licencié pour avoir précisément dénoncé des faits de harcèlement moral.

L'appelant fait valoir que la passivité de la société Isopro France face à la dénonciation de ces agissements en dépit de l'utilisation par les salariés de leur droit d'alerte à ce sujet constitue un manquement à son obligation de sécurité.

Les liquidateurs de la société Isopro France répondent que M. [R] n'apporte aucun élément laissant présumer qu'il a subi un harcèlement moral alors que la société Isopro France avait mis en oeuvre une politique réelle de prévention du harcèlement au sein de l'entreprise et n'a jamais été informée de faits de harcèlement moral par M. [R].

L'AGS conclut que M. [R] ne démontre pas l'atteinte à l'obligation de sécurité, ni le cas échéant, le moindre préjudice proportionné à la demande.

Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et notamment, a l'obligation de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1.

La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir, d'une part, la réalité du manquement et, d'autre part, l'existence et l'étendue du préjudice en résultant.

Enfin, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.

Or,concernant le harcèlement moral, selon l'article L1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, ' lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Au soutien du harcèlement moral qu'il invoque, M. [R] produit aux débats :

- un procès-verbal de plainte qu'il a déposée le 11 juillet 2018 où il explique les raisons d'un débrayage qui a eu lieu la veille, 10 juillet, dans l'enceinte de l'hôpital [10] pour réclamer le licenciement d'un collègue,

- un courrier recommandé adressé par le syndicat FO à Isopro France le 13 mai 2018,

- un courrier de l'Union Syndicale Solidaires non daté qui revendique une opposition de 8 signataires à l'égard de deux personnes du site : Monsieur [V] (de l'AP-HP) et Monsieur [M],

- un courrier de Monsieur A. L., qui interpelle l'employeur sur le comportement d'un des salariés du site, Monsieur [C],

- un courrier non daté (pièce 9 de Monsieur [R]) contenant une pétition pour demander le licenciement de Monsieur [C]

Le dépôt de plainte succinct de M. [R] en date du 11 juillet 2018 (sa pièce 11) comporte une déclaration selon laquelle Monsieur [C] se comporte à son égard de 'manière distante' et 'fait pression avec les plannings' mais ne comporte aucune mention d'un harcèlement moral alors, en tout état de cause, qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la société Isopro France en ait eu connaissance.

En second lieu, les autres pièces communiquées qui sont les courriers précités en pièces 5 et 6 ne visent pas M. [R] alors notamment que le courrier du 13 mai 2018 qui porte les signatures de 6 salariés ne mentionne pas non plus l'appelant.

Enfin, la pièce 9 du dossier de M. [R] contenant une pétition à l'encontre de Monsieur [C] ne mentionne aucun fait précis quant à des actes de harcèlement moral à l'encontre du salarié.

Il s'en suit que les éléments fournis par M. [R], pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer des agissements répétés susceptibles de caractériser un harcèlement moral à son encontre et dont aurait eu connaissance l'employeur.

En dernier lieu, il convient de relever que le liquidateur de la société Isopro France justifie de l'existence d'une note détaillée relative à la prévention du harcèlement et de la violence au travail établie le 22 décembre 2016, portée à la connaissance des salariés, leur enjoignant d'être vigilants et de faire part de tout acte de harcèlement en rappelant le texte applicable (pièce 38).

Aucun autre moyen que le harcèlement moral n'étant soutenu par M. [R] au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette prétention.

Sur le droit de grève :

M. [R] soutient que sa participation au mouvement de grève du 10 juillet 2018 était notoire de telle sorte que la société Isopro France ne pouvait ignorer sa qualité de gréviste et que c'est pour ce motif qu'il a été retiré du site de l'hôpital Antoine Béclère, a vu son planning modifié et a été licencié sans avoir au préalable fait l'objet de sanctions disciplinaires.

Les liquidateurs de la société Isopro France affirment que la décision d'affecter M. [R] sur un autre site n'a été prise que pour l'unique raison liée à l'injonction du client en date du 11 juillet 2018 et que l'application de la clause de mobilité a été prise pour un motif valable, dans l'intérêt de l'entreprise et appliquée de bonne foi avec respect d'un délai de prévenance.

En vertu de l'article L1132-2 du code du travail « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève » et en application de L1132-4 du même code, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

En l'espèce, à la suite d'une grève de quelques salariés placés par l'intimée sur le site de l'hôpital Antoine Béclère pour en assurer la sécurité, dont M. [R], l'AP-HP a, par courrier du 11 juillet 2018, adressé à la société Isopro France une mise en demeure de retirer jusqu'à nouvel ordre l'ensemble des agents de l'équipe titulaire de ce site et de leur interdire de s'y rendre, et ce, par mesure de sauvegarde vis-à-vis de l'établissement au regard des conditions de sécurité qui devaient impérativement être irréprochables à tout moment (pièce 10 du dossier de l'intimée).

L'employeur justifie des conditions du contrat entre la société Isopro France et l'AP-HP et relève que le cahier des clauses CCATP prévoit en page 22, sans versement d'aucune indemnité, le retrait de tout agent sans justification particulière de faits ou de comportements, dès lors que l'agent ne satisfait pas du point de vue de sa compétence technique ou du point de vue de son attitude, comportement ou implication au travail (pièce 11).

Il en ressort que l'employeur a procédé à l'affectation de M. [R] sur un autre site à la demande du client et l'a affecté sur un autre poste par application d'une clause contractuelle dont la mise en oeuvre se justifiait dès lors que l'absence de M. [R], quelqu'en soit la cause, ne permettait pas d'assurer la prestation commerciale prévue au contrat entre la société Isopro France et sa cliente et ce, pour la raison objective exprimée de la nécessité pour l'hôpital de maintenir les dispositifs de sécurité.

Or, l'article 5 du contrat de travail de M. [R] est ainsi rédigé : « Vous pourrez être affecté à toute autre agence de la même société situé dans le même département ou dans un département limitrophe. Cette mobilité est essentielle et indispensable à la conclusion du présent contrat » (pièce 1 du dossier des liquidateurs).

Ainsi, l'employeur est fondé à soutenir, qu'en application de la clause de mobilité précitée et sans atteinte au droit de grève du salarié, il pouvait dans l'intérêt de l'entreprise affecter M. [R] sur un autre site.

L'atteinte au droit de grève n'est pas établie et, par confirmation du jugement, M. [R] est débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le licenciement :

L'atteinte au droit de grève n'ayant pas été retenue, non plus que le harcèlement moral, la demande de nullité du licenciement est rejetée par confirmation du jugement entrepris sur ces fondements.

Par ailleurs, si M. [R] soutient qu'il a été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, il ne ressort d'aucune pièce versée au débat que l'employeur a eu connaissance d'une dénonciation de faits personnellement subis par le salarié, notamment il n'est pas établi que la société Isopro France ait reçu copie de la plainte du 11 juillet 2018.

Par conséquent, l'appelant est également débouté de sa demande de nullité du licenciement sur ce fondement et ainsi que de toutes ses demandes subséquentes.

Le jugement est dès lors confirmé de ce chef.

M. [R] fait valoir, à titre subsidiaire, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où il s'est vu imposer une modification de son planning sans indication d'un délai raisonnable de réflexion et précise qu'il n'a pas accepté la nouvelle affectation, de sorte qu'il ne peut lui être fait grief de ses absences.

Il précise qu'il a fait l'objet d'une mutation sur un site en dehors de [Localité 12], à plus de trente minutes de trajet du site initial.

La société Isopro France, régulièrement représentée, soutient avoir fait une exacte application de la clause de mobilité contenue dans le contrat de travail, après avoir tenu une réunion d'information avec les salariés concernés.

Elle rappelle que la mutation a eu lieu en raison de l'injonction reçue de son client, l'AP-HP , de retirer ses salariés du site et précise que n'est pas opposable au salarié le délai de prévenance concernant les relations commerciales établies entre elle et la structure au sein de laquelle M. [R] était affecté.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve, les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement.

Par ailleurs, il appartient au juge de qualifier le degré de gravité de la faute. Si la faute retenue n'est pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis, il appartient au juge, qui n'est pas lié par la qualification donnée par l'employeur, de dire si le licenciement disciplinaire repose néanmoins sur une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement pour faute grave adressée en l'espèce à M. [R] le 2 novembre 2018 fixe les limites du litige.

Il est reproché au salarié de nombreuses absences, toutes injustifiées, désorganisant la gestion des plannings et entamant le bon déroulement de l'activité ainsi qu'un abandon de poste pour avoir travailllé à temps plein à compter du 1er août 2018 dans une autre société.

Il résulte du dossier que le 12 juillet 2018, M. [R] était informé qu'il ne devait plus se présenter sur le site de l'hôpital [10] pour les raisons précitées et, en application de la clause de mobilité, un nouveau planning lui a été adressé qui prévoyait une activité professionnelle les 19, 23, 24, 25, 27 et 30 juillet 2018 à l'hôpital [11] situé dans le [Localité 5] (pièce 14).

De plus, cet envoi faisait suite à la réunion d'information organisée par la société Isopro France pour les salariés concernés par la clause de mobilité, qui s'est tenue le 16 juillet 2018, et à l'occasion de laquelle il n'est pas soutenu par M. [R] qu'il ait contesté sa nouvelle affectation.

L'employeur établit que M. [R] a pris son nouveau poste le 19 juillet 2018 et que les plannings lui ont été régulièrement remis (pièces 14, 16 et 18, 27 et 24) avec justificatifs des envois sous la forme recommandée) mais qu'à de nombreuses reprises, il ne s'est pas présenté sur son lieu de travail sans prévenir son employeur et ce :

- du 27 au 30 juillet 2018,

- du 3 au 6 août 2018 (ensuite congés payés),

- au cours des mois de septembre et octobre 2018.

Ces absences non justifiées et mentionnées sur ses bulletins de salaire ne sont pas contestées par l'appelant (pièces 15, 17, 23 et 26 : bulletins de salaire).

Si M. [R] soutient que ces absences étaient dues au fait que la clause de mobilité n'a pas été respectée quant à la localisation géographique de sa nouvelle affectation au motif que 'la banlieue parisienne ne constitue pas la même zone géographique que [Localité 12]', la société Isopro France, régulièrement représentée, répond à juste titre que le nouveau poste correspond au critère énoncé à l'article 5 du contrat de travail de M. [R] qui prévoit une affectation possible dans toute autre agence de la même société située dans le même département ou dans un département limitrophe.

Il s'avère que le département 75, correspondant à la nouvelle affectation de M. [R], est bien limitrophe du département 92 dans lequel se trouvait l'hôpital. [10].

Ainsi, le choix du nouveau poste par l'employeur ne constituait pas une modification substantielle du contrat de travail mais relevait de l'application régulière de la clause précitée, de sorte que M. [R] n'est pas fondé à soutenir que son accord devait être impérativement requis.

Enfin, le délai de prévenance convenu entre la société Isopro France et l'AP-HP n'est pas opposable au salarié et ne concerne que les relations commerciales établies entre les contractants.

La bonne foi contractuelle étant présumée, M. [R], en charge de la preuve, ne démontre pas que sa mutation a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle de l'employeur.

Dans ces conditions, et alors qu'il est rappelé par l'article 6 du contrat de travail que le salarié doit avertir sans délai l'employeur en cas d'empêchement de rejoindre son poste, ceci afin qu'il puisse être pourvu à son remplacement dans les plus brefs délais, la société Isopro France était fondée à adresser à M. [R] les mises en demeure des 13, 17 et 24 septembre 2018, 05 et 31 octobre 2018 mentionnant qu'il n'avait pas justifié de ses absences. Il lui était également précisé que son absence irrégulière perturbait le service et qu'il était mis en demeure de reprendre le travail, faute de quoi une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pourrait être envisagée (pièces 19 à 22 et 25 : courriers adressés par la voie recommandée).

M. [R] n'a pas repris son poste et l'employeur justifie de ce qu'il avait commencé à travailler à temps plein pour une autre société depuis le 1er août 2018, dans laquelle il avait déjà travaillé à temps partiel (pièces 32 et 33 : courrier du 1er octobre 2018 de la société Isopro France à SPI et réponse de SPI du 23 octobre 2018).

Dans ces conditions, le licenciement intervenu le 2 novembre 2018 était fondé sur une faute grave, rendant le maintien du salarié au sein de l'entreprise impossible.

Le jugement déféré est confirmé de ce chef, M. [R] étant débouté de l'intégralité de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

M. [R], qui succombe, devra les dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.

Les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile relatives à la distraction des dépens concernent les procédures dans lesquelles le ministère d'avocat est obligatoire. Or, dans le cadre de la procédure d'appel devant la chambre sociale, le ministère d'avocat n'est pas obligatoire en ce que les parties peuvent également être représentées par un défenseur syndical.

La demande doit donc être rejetée.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la selarl [B] Yang-Ting ès qualités.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DÉCLARE les demandes de M. [N] [R] recevables,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 30 septembre 2019 en toutes ses dispositions,

DÉCLARE l'arrêt commun à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST,

DÉBOUTE les parties de leur demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [N] [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/12082
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;19.12082 ?
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