REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n° 2023/ , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05812 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7Q7U
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 15/17109
APPELANT
Monsieur [Z], [P], [L] [A]
né le 29 Janvier 1978 à [Localité 5] (31)
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Elise ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231 substituant à l'audience en qualité d'avocat plaidant Me Philippe DUPUY, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Madame [D] [O] [F] veuve [A]
née le 01 Juillet 1964 à [Localité 7] (31)
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Jean-Michel VIVES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0636
ayant pour avocat plaidant Me F. DOUCHEZ, avocat au barreau de TOULOUSE
SA BNP PARIBAS, RCS de PARIS n°B662 042 449, ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Me Brigitte GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Monsieur [C], [S], [R] [A], assigné par acte d'huissier du 13.06.2019 selon procès-verbal de recherches infructueuses
[Adresse 8]
[Localité 12]
Madame [B], [Y], [H] [A], assignée par acte d'huissier du 12.06.2019 remis à sa personne
[Adresse 11]
[Localité 6]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Isabelle PAULMIER- CAYOL dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRET :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[K] [A] marié le 30 décembre 2011 avec Mme [D] [F] sous le régime matrimonial de la séparation des biens après s'être précédemment pacsé le 5 juin 2007 avec cette dernière, est décédé le 19 septembre 2013 laissant pour lui succéder :
-sa femme Mme [D] [F],
-ses trois enfants issus d'une précédente union : MM. [Z] et [C] [A], et Mme [B] [A].
Par testament du 16 mars 2007, il a désigné son épouse Mme [D] [F] épouse [A], légataire à titre universel de la totalité en usufruit des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de la succession.
Par ailleurs, selon acte authentique du 12 janvier 2012, M. et Mme [A] ont régularisé une donation entre époux, Mme [A] bénéficiant, en cas de survie, de l'usufruit de l'universalité des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de la succession, ou encore du quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit, ou enfin, de la quotité disponible ordinaire des mêmes biens, le tout au choix exclusif du conjoint, l'acte précisant que pour jouir de son usufruit, la donataire sera dispensée de fournir caution.
Aux termes d'un acte de notoriété reçu le 20 mars 2014, Mme [F] veuve [A] a opté pour l'usufruit de l'universalité des biens dépendant de la succession.
Une déclaration de succession a été établie, dans laquelle ont été notamment mentionnés deux comptes-titres ouverts dans les livres de la BNP Paribas, crédités pour le premier de la somme de 271 485 € et pour le second de la somme de 321 699 € outre divers comptes de dépôts ou d'épargne ouverts auprès de cette banque ou d'autres établissements bancaires.
Par lettre recommandée du 30 juin 2015, Mme [F] veuve [A] par l'intermédiaire de son conseil, fit valoir auprès de la BNP Paribas la donation entre époux du 12 janvier 2012, pour revendiquer la possibilité d'assurer seule la gestion du portefeuille de titres dont elle est devenue usufruitière.
La présente cour sur l'appel interjeté par M. [Z] [A] du jugement rendu le 14 janvier 2019 par le tribunal de grande instance saisi par Mme [D] [F] veuve [A] d'une action dirigée contre la BNP, laquelle a appelé en intervention forcée M. [Z] [A], M. [C] [A] et Mme [B] [A] par arrêt mixte du 29 juin 2022 a :
-confirmé le jugement en ce qu'il a :
*déclaré recevables les demandes reconventionnelles présentées par les enfants [A] dirigées contre Mme [D] [F] veuve [A],
*ordonné à la BNP de laisser Mme [D] [F] veuve [A] librement gérer les deux comptes-titres dont elle a l'usufruit ouvert dans les livres de cette banque sous les numéros [XXXXXXXXXX01] et [XXXXXXXXXX09],
* débouté Mme [D] [F] veuve [A] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande d'astreinte dirigées contre la BNP
-infirmé le jugement en ce qu'il a :
*débouté les enfants [A] de leurs demandes reconventionnelles dirigées contre Mme [D] [F] veuve [A],
Et statuant à nouveau,
-a débouté M. [Z] [A] de sa demande d'emploi des fonds en ce qu'elle porte sur la totalité des sommes figurant sur les comptes joints,
-dit fondée en son principe son action en emploi des sommes déposées sur les comptes personnels et joints du défunt pour un montant de 167 981 €,
-ordonné à Mme [D] [F] veuve [A] de représenter la somme de 167 981 €,
avant dire-droit sur l'emploi des sommes,
-ordonné la réouverture des débats et le rabat de l'ordonnance de clôture,
-invité M. [Z] [A] à conclure pour le 10 septembre sur l'emploi qu'il entend faire de la somme de 167 981 € et Mme [D] [F] veuve [A] de conclure en réponse le 20 octobre 2022,
-fixé au 25 octobre 2002 la clôture de l'instruction et au 16 novembre la date des plaidoiries.
M. [Z] [A], après un premier jeu de conclusions remis et notifié le 9 septembre 2022, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2022, demande à la cour de :
-sauf meilleur accord entre les parties, condamner Mme [D] [F] veuve [A] à procéder à l'emploi de la somme de 167 981 € dans la constitution d'un portefeuille de SCPI diversifié, au choix de M. [Z] [A], auprès d'un gestionnaire de premier plan
-condamner Mme [D] [F] veuve [A] à procéder à l'emploi desdits fonds dans les trois mois de la décision à intervenir sauf l'engagement préalable de M. [Z] [A] à fournir à Mme [D] [F] le portefeuille de SCPI diversifié choisi
-condamner Mme [F] veuve [A] au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner Mme [F] veuve [A] aux entiers dépens de l'instance qui pourront être recouvrés par Maître Ortolland, avocat au barreau de Paris conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 18 octobre 2022, Mme [D] [F], intimée, demande à la cour de :
y ajoutant,
-assortir d'une astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir l'obligation de la BNP Paribas de laisser Mme [D] [F] veuve [A] librement gérer les comptes-titres dont elle a l'usufruit, ouverts dans ses livres sous les numéros n°[XXXXXXXXXX01] et [XXXXXXXXXX09], en cédant des titres dans la mesure où ils sont remplacés,
-condamner la BNP Paribas à servir à Mme [F] veuve [A] les revenus desdits placements sur simple demande de sa part,
-condamner la BNP Paribas à payer à Mme [A] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et particulière mauvaise foi,
-la condamner également au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
-condamner [Z] [A] à indiquer à Mme [F] veuve [A] les placements possibles en valeurs garanties par l'Etat afin d'éviter toute difficulté et contestation, et cela dans les 15 jours de la décision à intervenir,
-condamner [Z] [A] à payer à Mme [F] veuve [A] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,
en tout état de cause :
-débouter les nus-propriétaires [Z] [A], [B] [A] et [C] [A] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions, ces derniers étant irrecevables à conclure au fond, dans un litige opposant Mme [A], usufruitière et la SA BNP Paribas,
-les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
-débouter [Z] [A] de ses demandes irrecevables en cause d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Aux dates annoncées par l'arrêt du 29 juin 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée et l'affaire plaidée.
MOTIFS :
Sur les conséquences de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 29 juin 2022
En application de l'article 122 du code de procédure civile, une demande qui heurte l'autorité de la chose jugée est irrecevable.
L'arrêt mixte du 29 juin 2022 a confirmé l'ensemble des chefs du jugement ayant statué sur les demandes de Mme [D] [F] veuve [A] dirigées contre la BNP. Cet arrêt a donc tranché une partie du principal au sens de l'article 480 du code de procédure civile et a donc autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il a tranchée.
Mme [D] [F] veuve [A] après le prononcé de l'arrêt mixte a formulé dans ses dernières écritures remises et notifiées le 18 octobre 2022 des demandes tendant à voir assortir d'une astreinte l'obligation ainsi faite à la BNP de la laisser percevoir les revenus des placements sur simple demande de sa part et à des dommages et intérêts pour procédure abusive.
La fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée peut être en application de l'article 125 du code de procédure civile soulevée d'office.
Les parties informées par un message RPVA adressé le 15 décembre 2022 que la cour entendait soulever d'office l'irrecevabilité tirée de l'autorité de chose jugée des demandes de Mme [D] [F] veuve [A] dirigées contre la BNP ont été invitées à présenter leurs observations. Par un message adressé le 16 décembre 2022 par le greffe sur le réseau RPVA, les partie ont également été invitées à présenter au regard de l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 29 juin 2022 leurs observations sur la recevabilité des demandes de Mme [D] [F] tendant à voir déclarer [Z] [F] irrecevable à conclure et à le voir débouter de l'intégralité de ses demandes.
Le conseil de Mme [D] [F] par un message du 15 décembre 2022 a fait savoir qu'il s'en rapportait à la sagesse de la cour. Le conseil de la BNP par un courrier adressé le 22 décembre 2022 sur le réseau RPVA a indiqué réitérer les termes d'un précédent courrier par lequel il faisait observer que toute demande à l'égard de sa cliente était irrecevable. Le conseil de M. [Z][A] a fait observer que la réouverture des débats étant circonscrites à la question de l'emploi des fonds, son client n'a conclu que sur ce sujet et que les autres demandes de Mme [D] [F] qui ne porte pas sur ce point sont irrecevables.
Il suit que les chefs du jugement ayant ordonné à la BNP de laisser Mme [D] [F] veuve [A] librement gérer les comptes titres dont elle a l'usufruit ouverts dans ses livres sous les numéros [XXXXXXXXXX01] et [XXXXXXXXXX09] en cédant des titres dans la mesure où ils sont remplacés et ayant débouté Mme [D] [F] veuve [A] de ses demandes dirigées contre la BNP tendant au prononcé d'une astreinte et à l'allocation de dommages et intérêts ont donc non seulement autorité de la chose jugée mais également force de chose jugée puisque l'arrêt de la cour d'appel n'est pas susceptible d'un recours suspensif de son exécution.
Partant, les demandes de Mme [D] [F] veuve [A] dirigées contre la BNP formulées dans les écritures susvisées sont irrecevables en application de l'article 125 du code de procédure civile.
La cour par son arrêt du 29 juin 2022 s'est prononcée sur la portée de l'appel, ayant considéré que l'appel interjeté par M. [Z] [A] ne portait pas sur les chefs du jugement l'ayant débouté de ses demandes d'emploi relativement aux portefeuilles de valeurs mobilières (ou comptes titres) mais uniquement sur les comptes bancaires dépositaires de sommes en numéraire qu'ils fussent personnels à [K] [A] ou joints entre ce dernier et Mme [D] [F] veuve [A].
S'agissant des comptes joints, la cour d'appel dans son arrêt a jugé que ne pouvait être renversée devant elle la présomption de propriété à parts égales des co-titulaires d'un compte joint sur les fonds qui y sont déposés au motif qu'une telle demande présentée par M. [Z] [A] était de nature successorale.
Reprenant les indications figurant sur la déclaration de succession, l'arrêt a retenu que la demande d'emploi portait sur la somme de 167 981 € ; la référence au quatrième paragraphe de la page 13 de l'arrêt à la déclaration d'appel au lieu de la déclaration de succession procède d'une erreur matérielle de frappe.
L'arrêt du 29 juin 2022 ayant confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré recevables les demandes reconventionnelles formulées par M. [Z] [A] et infirmé le jugement en ce qu'il l'avait débouté de sa demande d'emploi des sommes figurant sur les comptes espèces d'[K] [A] qu'ils fussent personnels à ce dernier ou joints avec Mme [D] [F] veuve [A], les demandes de cette dernière figurant dans son dernier jeu de conclusions tendant à voir débouter M. [Z] [A] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, le voir déclarer irrecevable à conclure au fond dans un litige opposant Mme [D] [F] veuve [A] usufruitière à la BNP heurtent l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt ; il est rappelé de surcroît qu'en application de l'article 481 du code de procédure civile, la cour d'appel depuis cet arrêt est dessaisie de la contestation qu'elle a tranchée.
Sur le placement de la somme de 167 981 €
Selon les termes de l'article 1094-1 du code civil « Les enfants ou descendants pourront, nonobstant toute stipulation contraire du disposant, exiger, quant aux biens soumis à l'usufruit, qu'il soit dressé inventaire des meubles ainsi qu'état des immeubles, qu'il soit fait emploi des sommes et que les titres au porteur soient, au choix de l'usufruitier, convertis en titres nominatifs ou déposés chez un dépositaire agréé. »
M. [Z] [A] fait valoir que l'emploi des fonds prévu par cet article doit permettre au nu-propriétaire d'avoir l'assurance, au décès de l'usufruitier de récupérer le capital du défunt tout en permettant à l'usufruitier de jouir librement du fruit desdits fonds.
Dans son premier jeu de conclusions après réouverture des débats, M. [Z] [A] demandait le placement par Mme [D] [F] veuve [A] de la somme de 167 981 € en valeurs qui soient garanties par l'Etat et que cette dernière communique dans les trois mois de l'arrêt à intervenir le justificatif desdits placements ; le caractère imprécis des termes « placement en valeurs garanties par l'Etat » et le risque d'une opposition de M. [Z] [A] sur les choix de Mme [D] [F] veuve [A] rendent opportune la demande de cette dernière tendant à ce que M. [Z] [A] soit condamné à indiquer et à détailler quels sont les placements qu'il demande. Ce dernier l'a d'ailleurs compris puisqu'il propose dans le dernier jeu de ses écritures que les fonds soient employés dans la constitution d'un portefeuille de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), proposition qui n'a pas essuyé de contestation de la part de Mme [D] [F] veuve [A].
L'emploi des fonds dans des sociétés qui font des investissements dans l'immobilier sous le cadre juridique protecteur des articles L.214-50 à 214-84, L. du code monétaire et financier apparaît ainsi présenter des garanties suffisantes de restitution aux nus-propriétaires tout en permettant à Mme [D] [F] veuve [A] de percevoir les fruits de cet investissement.
Partant, pour l'emploi des fonds, il sera procédé comme il est dit au dispositif de la présente décision.
Chaque partie échouant partiellement en ses prétentions, chacune supportera les dépens par elle engagés ; les chefs du jugement ayant statué sur les dépens et sur l'article 700 étant par ailleurs confirmés.
Compte-tenu de cette répartition des dépens, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les demandes de Mme [D] [F] veuve [A] dirigées contre la BNP et celles tendant à déclarer irrecevable M. [Z] [A] à conclure au fond et à le voir débouter de l'intégralité de ses demandes ;
Sur l'emploi de la somme de 167 981 € :
Sauf meilleur accord des parties,
Enjoint à M. [Z] [A] d'indiquer à Mme [D] [F] veuve [A] dans les trois mois du présent arrêt les SCPI et/ou les sociétés gestionnaires de ces SCPI sur lesquelles les fonds devront être employés ;
Enjoint à Mme [D] [F] veuve [A] d'employer les sommes dans les SCPI sous la gérance des sociétés de gestion indiquées par M. [Z] [A] ;
Dit qu'à défaut pour M. [Z] [A] d'avoir fourni ces indications dans les conditions ci-avant, Mme [D] [F] veuve [A] fera l'emploi de la somme de 167 981 € dans des parts de SCPI de son choix ;
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,