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10/01/2023 | FRANCE | N°18/14721

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 16, 10 janvier 2023, 18/14721


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Chambre commerciale internationale

PÔLE 5 - CHAMBRE 16



ARRET DU 10 JANVIER 2023



SUR RENVOI APRÈS CASSATION



(n° 3 /2023 , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14721 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B52FG



Décisions déférées à la Cour : arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 mars 2018 (pourvoi n° Q 16-16.568), cassant et annulant l'arrêt rendu le 12 avril 2016 pa

r la Cour d'appel de PARIS (Pôle 1 chambre 1, n° RG 13/22531), sur un recours en annulation formé à l'encontre d'une sentence arbitrale rendue à Paris, le 25 octobre ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

PÔLE 5 - CHAMBRE 16

ARRET DU 10 JANVIER 2023

SUR RENVOI APRÈS CASSATION

(n° 3 /2023 , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14721 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B52FG

Décisions déférées à la Cour : arrêt de la Cour de Cassation en date du 28 mars 2018 (pourvoi n° Q 16-16.568), cassant et annulant l'arrêt rendu le 12 avril 2016 par la Cour d'appel de PARIS (Pôle 1 chambre 1, n° RG 13/22531), sur un recours en annulation formé à l'encontre d'une sentence arbitrale rendue à Paris, le 25 octobre 2013, par le tribunal arbitral ad hoc composé de MM. [W] et [G], arbitres, et de M. [O], président.

DEMANDERESSE :

La REPUBLIQUE DE MOLDAVIE

prise en la personne de de son Excellence le Ministre de la Justice,

domiciliée : [Adresse 2] (MOLDAVIE)

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Michael OSTROVE, Me Théobald NAUD et Me Séréna SALEM du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocats plaidants du barreau de PARIS, toque : R235

DÉFENDERESSE :

Société STILEKS SCIENTIFIC AND PRODUCTION FIRM LLC

intervenante volontaire à titre principal pour la société KOMSTROY

ayant son siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée par Me Sara NADEAU-SEGUIN, Me Raphaël KAMINSKY et Me Eric TEYNIER de la SELAS TEYNIER PIC, avocats plaidants du barreau de PARIS, toque : E1957

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président

Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par M. [B] [F], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCÉDURE

1. La Cour est saisie d'un recours en annulation contre une sentence arbitrale internationale finale rendue à [Localité 3], le 25 octobre 2013, dans un litige opposant la République de Moldavie à la société Energoalians, aux droits de laquelle est venue en cours de procédure la société Komstroy, elle-même supplantée dans ses droits par la société de droit ukrainien Stileks Scientific and Production Firm Llc (ci-après : « Stileks »).

2. Le différend sur lequel porte cette sentence arbitrale trouve son origine dans l'exécution d'une série de contrats conclus en 1999 afin de permettre l'approvisionnement en électricité de la République de Moldavie.

3. En vertu d'un contrat tripartite n° 01/01 signé le 1er février 1999, Energoalians, société ukrainienne de droit privée spécialisée dans la production et la distribution d'électricité, s'est engagée à acheter de l'électricité à Ukrenergo, opérateur national du réseau électrique ukrainien, pour la revendre à Moldtranselectro, entreprise publique moldave chargée de l'exploitation du réseau d'électricité national, les volumes d'électricité à fournir étant arrêtés chaque mois entre Ukrenergo et Moldtranselectro.

4. Par contrat tripartite n° 24/02 du 24 février 1999, Energoalians s'est engagée à fournir de l'électricité à la société Derimen Properties Limited (ci-après : « Derimen »), immatriculée aux Iles Vierges Britanniques, cette dernière s'engageant à l'acheter au bénéfice de Moldtranselectro qui réceptionnait l'électricité fournie, via l'entreprise Ukrenergo, du côté ukrainien de la frontière entre l'Ukraine et la Moldavie.

5. Moldtranselectro n'a pas réglé l'intégralité des sommes dues à Derimen en exécution de cette convention, le montant de la créance détenue par Derimen auprès de Moldtranselectro s'élevant à 18 132 898,94 dollars US au 1er janvier 2000.

6. Par un contrat n° 06-20 du 30 mai 2000, Derimen a cédé sa créance sur Moldtranselectro a' la société Energoalians.

7. Alléguant la violation par la République de Moldavie de certaines obligations découlant du traité sur la Charte de l'énergie du 17 décembre 1994 (ci-après : « le TCE »), auquel la Moldavie et l'Ukraine sont parties, et des Accords sur la protection des investissements Moldavie-Ukraine, la société Energoalians a, le 8 juillet 2010, initié une procédure d'arbitrage ad hoc placée sous l'égide du règlement d'arbitrage de la CNUDCI.

8. Par sa sentence rendue à Paris le 25 octobre 2013, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent au titre du TCE et, estimant que la République de Moldavie avait méconnu les engagements découlant de ce traité, l'a condamnée à payer a' la société Energoalians une somme totale de 48,7 millions de dollars US.

9.Pour retenir cette compétence, le tribunal a considéré que le droit de créance acquis par la société Energoalians auprès de la société Derimen constituait un « investissement » au sens l'article 1, point 6, du TCE et que le critère de territorialité prévu à l'article 26, paragraphe 1, était réalisé.

10. Le président du tribunal arbitral a émis une opinion dissidente selon laquelle le droit de créance transmis à la société Energoalians ne constitue pas un « investissement » au sens du TCE de sorte que la juridiction arbitrale aurait dû se déclarer incompétente.

11. La République de Moldavie a forme' un recours en annulation contre la sentence devant la cour d'appel de Paris, le 25 novembre 2013.

12. Par un arrêt du 12 avril 2016, cette cour a annulé la sentence, considérant que le tribunal s'était déclaré a' tort compétent, la créance cédée par la société Derimen à la société Energoalians ne pouvant être considérée comme un « investissement » au sens du TCE.

13. Sur pourvoi formé par la société Komstroy, venue aux droits d'Energoalians, la Cour de cassation a, par arrêt du 28 mars 2018, cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions et a renvoyé les parties devant la même cour autrement composée.

14. Prononcée au visa de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile, cette cassation est intervenue au motif que :

« pour annuler la sentence, l'arrêt retient que l'acquisition d'un droit de créance qui a pour origine un contrat de livraison d'énergie électrique ne peut constituer, en l'absence d'apport, un investissement au sens du Traité sur la Charte de l'énergie ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de ce traité ne précisent pas les critères caractérisant un investissement, mais énumèrent seulement, de manière non limitative, des actifs considérés comme des investissements, la cour d'appel, qui a ajouté une condition que le traité ne prévoit pas, a violé le texte susvisé ».

15. Saisie sur renvoi, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 24 septembre 2019, sursis à statuer et a soumis à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :

« [1)] [L'article 1er, point 6, du TCE] doit-il être interprété en ce sens qu'une créance issue d'un contrat de vente d'électricité qui n'a impliqué aucun apport de la part de l'investisseur dans l'[É]tat d'accueil peut constituer un 'investissement' au sens de cet article ;

[2)] [L'article 26, paragraphe 1, du TCE] doit-il être interprété en ce sens que constitue un investissement l'acquisition par un investisseur d'une [partie] contractante d'une créance constituée par un opérateur économique étranger aux [parties contractantes] ;

[3)] [L'article 26, paragraphe 1, du TCE] doit-il être interprété en ce sens qu'une créance appartenant à un investisseur, issue d'un contrat de vente d'électricité livrée à la frontière de l'État hôte, peut constituer un investissement réalisé dans la zone d'une autre [partie] contractante, en l'absence de toute activité économique exercée par l'investisseur sur le territoire de cette dernière ».

16. Par un arrêt du 2 septembre 2021, la grande chambre de la Cour de justice, a dit pour droit que :

« L'article 1er, point 6, et l'article 26, paragraphe 1, du TCE doivent être interprétés en ce sens que l'acquisition, par une entreprise d'une partie contractante de ce traite', d'une créance issue d'un contrat de fourniture d'électricité, non associe' a' un investissement, détenue par une entreprise d'un État tiers audit traite' envers une entreprise publique d'une autre partie contractante du même traite', ne constitue pas un "investissement", au sens de ces dispositions ».

17. Après reprise de l'instance devant la cour d'appel, une première ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2022. Cette décision a été révoquée le 21 mars 2022, date de l'audience de plaidoirie, en raison des difficultés rencontrées par les conseils de la société Stileks à entrer en contact avec leur cliente du fait de la situation de guerre en Ukraine. Après le prononcé d'une nouvelle clôture, le 20 septembre 2022, l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 11 octobre 2022.

II/ PRÉTENTIONS DES PARTIES

18. Dans ses dernières conclusions récapitulatives, communiquées par voie électronique le 29 juillet 2022, la République de Moldavie demande à la cour, au visa de l'article 1520 du code de procédure civile, des articles 1 et 26 (1) du traite' sur la Charte de l'énergie et de l'arrêt préjudiciel de la CJUE du 2 septembre 2021, de :

- prononcer l'annulation de la sentence arbitrale rendue le 25 octobre 2013 par un tribunal arbitral a' l'encontre de la République de la Moldavie, en ce que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent et/ou en ce que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international ;

- condamner la société Stileks a' verser a' la République de la Moldavie la somme de 250 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'instance.

19. Dans ses dernières conclusions récapitulatives, communiquées par voie électronique le 6 septembre 2022, la société Stileks demande à la cour, au visa de l'article 1520 du code de procédure civile, des articles 1 et 26 (1) du traite' sur la Charte de l'énergie et de l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 a' la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de :

- déclarer la société Stileks Scientific and Production Firm Llc recevable en la forme en son intervention principale volontaire ;

- déclarer la société Stileks Scientific and Production Firm Llc recevable comme n'ayant été ni partie, ni représentée en première instance ;

- déclarer la société Stileks Scientific and Production Firm Llc bien fondée, comme ayant un intérêt a' faire rejeter le recours en annulation forme' par la République de Moldavie contre la sentence rendue le 23 octobre 2013 par un tribunal compose' de MM. [W], [G] et [O] (Président) selon les règles de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international ;

- dire que cette question se rattache incontestablement a' l'objet des demandes dont se trouve saisie la cour, dans la présente procédure ;

Et, statuant sur sa demande :

Sur la compétence :

- constater qu'Energoalians a bien réalisé un investissement sur le territoire de la République de Moldavie au sens du traite' sur la Charte de l'énergie ;

En conséquence :

- juger que le tribunal arbitral était bien compétent pour connaître du litige en vertu de l'article 26 du traite' sur la Charte de l'énergie ;

Sur l'ordre public international :

- constater que le principe de réparation intégrale ne relève pas de l'ordre public international français ;

- constater que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'est pas contraire a' l'ordre public international ;

Par conséquent :

- rejeter le recours en annulation forme' par la République de Moldavie contre la sentence arbitrale du 23 octobre 2013 ;

- débouter la République de Moldavie de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la République de Moldavie a' verser a' la société Stileks Scientific and Production Firm Llc la somme de 250 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la République de Moldavie aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

III/ MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'intervention volontaire de la société Stileks

20. Selon l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

21. La société Stileks est intervenue volontairement dans la présente instance par conclusions signifiées le 9 mars 2021. Elle précise venir aux droits de la société Komstroy à la suite d'une cession de la créance détenue par cette dernière sur l'entreprise d'État Moldtranselectro, qui constitue objet du litige.

22. Le contrat du 1er novembre 2019 opérant cette cession prévoit un droit de substitution de Stileks « dans toutes les affaires judiciaires, arbitrales et commerciales, les procédures d'exécution et concernant la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale du 25.10.13, la contestation, l'opposition ou le recours contre cette sentence arbitrale, ainsi que dans tout autre cas relatif à la créance et à la Sentence arbitrale sus-mentionnée », droit que rappelle le certificat de cession du 4 novembre 2019.

23. Les prétentions formées à ce titre par la société Stileks, qui reprennent celles précédemment soutenues par la société Komstroy, elle-même venue aux droits de la société Energoalians, se rattachent par un lien suffisant à celles des parties initiales à l'instance puisque, s'opposant aux demandes formées par la République de Moldavie, elles tendent à la confirmation de la sentence arbitrale faisant l'objet du recours.

24. Il y a lieu, dans ces conditions, de recevoir cette société en son intervention volontaire principale.

Sur la compétence du tribunal arbitral

25. La République de Moldavie conclut à l'annulation de la sentence arbitrale querellée à raison de l'incompétence du tribunal arbitral. Elle fait valoir que les conditions énoncées pour le recours à l'arbitrage par l'article 26, paragraphe 1, du TCE ne se trouvent pas réunies en l'espèce, en l'absence d'« investissement » protégé aux sens de ce traité, qui aurait été « réalisé par » l'investisseur, « dans la zone » de la Moldavie.

26. Elle soutient, sur le premier point, que la solution donnée par la Cour de justice de l'Union européenne quant à l'interprétation du terme « investissement » au sens de ce traité s'impose dans la présente affaire, le juge de renvoi étant lié par la réponse donnée par cette Cour à la question qu'il lui a posée.

27. Elle estime qu'aucune circonstance ne justifie que la cour s'écarte de la solution ainsi dégagée dès lors qu'elle a précédemment jugé, à l'issue d'un examen souverain des faits, que la réponse apportée par la CJUE à ses questions préjudicielles était nécessaire pour trancher le différend et que les parties ont désigné [Localité 3] comme siège de l'arbitrage, de sorte que le droit de l'Union européenne, en ce compris le TCE, tel qu'interprété par la Cour de justice, s'impose à elles. Elle écarte tout traitement différencié en fonction de l'identité des parties, considérant qu'une telle solution heurterait le principe d'interprétation uniforme des traités et procède d'une dénaturation de l'arrêt rendu par cette Cour. Regardant comme inopérant le principe d'interprétation de bonne foi des traités qui lui est opposé, elle ajoute que, quand bien même la cour de céans ignorerait la décision de la CJUE, l'annulation de la sentence s'impose en l'absence d'un « investissement » protégé par le TCE

28. Elle fait valoir sur le deuxième point qu'à supposer que la qualification d'investissement puisse être retenue, la condition tenant à l'existence d'un investissement « réalisé par » l'investisseur n'est pas satisfaite dès lors que celui-ci n'a pas été réalisé par Energoalians, demandeur à l'arbitrage, mais par Derimen, société non ressortissante d'un État membre du TCE.

29. Elle retient enfin que l'investissement n'a pas été réalisé « dans la zone » d'État d'accueil, comme l'exige le TCE, le contrat n° 24/02 dont la créance est issue prévoyant uniquement la livraison d'électricité du coté ukrainien de la frontière entre l'Ukraine et la Moldavie.

30.En réponse, la société Stileks conclut à la portée limitée de la décision rendue par la Cour de justice de l'Union européenne, qu'elle regarde comme non contraignante pour la cour dans le cadre du présent litige.

31. Elle invoque l'autorité relative de la chose interprétée par cette Cour, soutenant que le litige ne relève pas du droit de l'Union européenne, de sorte que la cour de renvoi est libre de ne pas retenir la signification donnée au terme « investissement » par les juges de Luxembourg. Elle conclut à l'absence de divergences d'interprétations nées des différents sens que ce terme peut recevoir en droit de l'Union européenne et en droit international, la nature mixte du TCE et la multiplicité des relations juridiques bilatérales qu'il établit ne s'opposant pas à ce que l'on attache des significations différentes selon l'ordre concerné. Elle considère que, dans le cadre des relations entre un État non-membre de l'Union européenne et un investisseur ressortissant également d'un État tiers, la définition de la notion d'investisseur voulue par les États parties doit prévaloir sur celle donnée par la CJUE, le litige se situant hors du champ du droit de l'Union européenne.

32. Elle soutient qu'il appartient à la cour d'interpréter l'article 1, point 6, du TCE au sens du droit international, en suivant son sens ordinaire, dans son contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité, et estime qu'il ne saurait être fait grief au tribunal arbitral de s'être référé, non au droit de l'Union européenne, mais à la Convention de Vienne sur la loi des parties. Invitant la cour à ne pas ajouter au texte du TCE des conditions qu'il ne prévoit pas, elle expose que la loi applicable à la convention d'arbitrage ne dépend pas de la fixation du siège de l'arbitrage mais se trouve régie, de jurisprudence constante, par la commune volonté des parties, sans référence à une quelconque loi étatique, le consentement à l'arbitrage requérant uniquement l'examen de cette volonté commune qui n'est pas une question de droit soumise à une législation nationale mais une question de fait, la solution valant aussi bien en présence d'une clause compromissoire qu'en présence d'un consentement figurant dans un traité bilatéral d'investissement.

33. Elle ajoute que la cour de céans n'est pas liée par l'appréciation erronée des faits qu'a fait la CJUE et que, n'ayant pas définitivement caractérisé dans sa décision du 24 septembre 2019 la situation litigieuse comme devant être qualifiée de contrat de vente associé à un investissement, il lui appartient de trancher les questions de fait relatives à la compétence en ordonnant au besoin de nouvelles mesures d'instruction. Considérant que la CJUE ne disposait que d'éléments factuels très limités et a de ce fait fondé son analyse sur des constatations erronées, elle soutient que les éléments factuels de l'espèce doivent conduire la cour de céans à retenir la notion d'investissement au sens du TCE, la créance litigieuse étant indissociablement liée à d'autres opérations s'inscrivant elles-mêmes dans une opération globale de fourniture d'électricité, créant ainsi un droit contractuel permettant à Energoalians l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie.

34. Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que le tribunal arbitral a justement retenu que les conditions définies à l'article 26 du TCE étaient réunies, Energoalians ayant bien la qualité d'investisseur au sens de ce traité et sa créance étant un investissement, ce tribunal ayant relevé qu'Energoalians détenait bien un « avoir » au sens de l'article 1, point 6, cet avoir étant associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie, la condition d'apport ajoutée par la jurisprudence n'étant pas prévue par le TCE, qui entend promouvoir les investissements et le recours à l'arbitrage dans ce secteur.

35. Elle affirme que la condition de territorialité du TCE est remplie en ce que l'investissement invoqué est bien la créance, détenue sur une société Moldave, et non le contrat de fourniture d'électricité sous-jacent, réalisé à la frontière Ukrainienne en raison du monopole de distribution en Moldavie.

36. Elle avance enfin que la créance découle d'une sentence arbitrale définitive et obligatoire, qu'elle est donc considérée comme un bien exigible, de sorte que l'annulation de la sentence porterait atteinte à son droit de propriété et constituerait une violation du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SUR CE :

37. En vertu de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile, le recours en annulation contre une sentence arbitrale internationale est ouvert lorsque le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent.

38. Il appartient au juge de l'annulation de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage.

39. Lorsque celle-ci résulte d'un traité bilatéral d'investissements, la compétence du tribunal arbitral et l'étendue de son pouvoir juridictionnel dépendent de ce traité.

40. Il y a lieu, dès lors, d'apprécier la volonté commune des parties de recourir à l'arbitrage au regard de l'ensemble des dispositions dudit traité, le tribunal arbitral n'étant compétent pour connaître du litige que si celui-ci entre dans le champ d'application du traité et qu'il est satisfait à l'ensemble de ses conditions.

41. La sentence querellée dans la présente procédure a été rendue dans le cadre institué par le Traité sur la Charte de l'énergie signé à Lisbonne le 17 décembre 1994 (TCE).

42. L'article 26 de ce traité relatif au « Règlement des différends entre un investisseur et une partie contractante » énonce :

« 1. Les différends qui opposent une partie contractante et un investisseur d'une autre partie contractante au sujet d'un investissement réalisé par ce dernier dans la zone de la première et qui portent sur un manquement allégué à une obligation de la première partie contractante au titre de la partie III sont, dans la mesure du possible, réglées à l'amiable.

2. Si un différend de ce type n'a pu être réglé conformément aux dispositions du paragraphe 1 dans un délai de trois mois à compter du moment où l'une des parties au différend a sollicité un règlement à l'amiable, l'investisseur partie au différend peut choisir de le soumettre, en vue de son règlement :

a) aux juridictions judiciaires ou administratives de la partie contractante qui est partie au différend ;

ou

b) conformément à toute procédure de règlement des différends applicable préalablement convenue ;

ou

c) conformément aux paragraphes suivants du présent article.

3. a) Sous réserve des seuls points b) et c), chaque partie contractante donne son consentement inconditionnel à la soumission de tout différend à une procédure d'arbitrage ou de conciliation internationale, conformément aux dispositions du présent article. [...]

4. Si un investisseur choisit de soumettre le différend en vue de son règlement conformément au paragraphe 2 point c), il donne son consentement par écrit pour que le différend soit porté devant :

a) i) le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, créé en application de la convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, ouverte pour signature à Washington le 18 mars 1965, ci-après dénommée "convention CIRDI", si la partie contractante de l'investisseur et la partie contractante partie au différend sont toutes deux parties à la convention CIRDI

ou

ii) le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, créé en application de la convention visée au point a) i), sur la base du règlement du mécanisme supplémentaire pour l'administration des procédures par le Secrétariat du Centre [...] si la partie contractante de l'investisseur ou la partie contractante partie au différend, mais non les deux, est partie à la convention CIRDI ;

b) à un arbitre unique ou à un tribunal d'arbitrage ad hoc constitué sur la base du règlement d'arbitrage de la Commission des Nations unies pour le droit commercial international ([Cnudci])

ou

c) à une procédure d'arbitrage sous l'égide de l'Institut d'arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm [(Suède)].

[...]

6. Un tribunal constitué selon les dispositions du paragraphe 4 statue sur les questions litigieuses conformément au présent traité et aux règles et principes applicables de droit international.

[...]

8. Les sentences arbitrales, qui peuvent inclure l'attribution d'intérêts, sont définitives et obligatoires pour les parties au différend. [...] »

43. Conformément à ce texte, le recours à la voie arbitrale suppose l'existence d'un différend opposant un investisseur à un État contractant au sujet d'un investissement réalisé dans la zone de l'État partie, la réunion de ces conditions déterminant la compétence du tribunal arbitral. Il appartient donc à la cour, pour trancher le litige sur cette compétence, de déterminer si, au sens du traité, le différend qui oppose la République de Moldavie à Energolians, au droit de laquelle vient aujourd'hui la société Stileks, porte sur un « investissement » et, le cas échéant, si cet investissement a été « réalisé par » Energoalians « dans la zone » de la Moldavie.

44. Les parties s'opposent sur la réunion de chacune de ces conditions ainsi que sur la signification et la portée des termes qui leurs sont associés.

45. L'article 1er du traité fournit, pour les besoins de son application, les définitions suivantes :

« 6) 'Investissement' désigne tout type d'avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur et comprenant :

a) les biens matériels et immatériels, mobiliers et immobiliers, et tous droits de propriété tels que location, hypothèques, créances privilégiées et gages ;

b) une société ou entreprise commerciale ou les actions, capitaux ou toute autre forme de participation au capital dans une société ou entreprise commerciale, ainsi que les obligations, titres ou autres dettes d'une société ou d'une entreprise commerciale ;

c) les créances liquides ou les droits à prestations au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement ;

d) la propriété intellectuelle ;

e) les rendements ;

f) tout droit conféré par la loi ou par contrat ou découlant de licences ou d'autorisations délivrées conformément à la loi pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie.

La modification de la forme sous laquelle les avoirs sont investis n'affecte pas leur caractère d'investissement, et le terme 'investissement' couvre tous les investissements, qu'ils existent à la date d'entrée en vigueur ou qu'ils soient réalisés postérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent traité pour la partie contractante d'où provient l'investisseur ou pour la partie contractante dans la zone de laquelle l'investissement est réalisé, ci-après appelée 'date effective', à condition que le traité ne s'applique qu'aux matières affectant ces investissements après la date effective.

Le terme 'investissement' vise tout investissement associé à une activité économique dans le secteur de l'énergie et tout investissement ou toute catégorie d'investissements réalisés dans sa zone par une partie contractante, désignés par elle comme des 'projets d'efficacité de la Charte', et notifiées en tant que tels au Secrétariat.

7) 'Investisseur' désigne :

a) en ce qui concerne une partie contractante :

i) toute personne physique jouissant de la citoyenneté ou de la nationalité de cette partie contractante, ou résidant en permanence sur son territoire conformément à sa législation applicable ;

ii) toute entreprise ou autre organisation organisée conformément à la législation applicable sur le territoire de cette partie contractante ;

b) en ce qui concerne un 'État tiers', toute personne physique, entreprise ou organisation qui remplit, mutatis mutandis, les conditions énoncées au point a) pour une partie contractante.

8) « Investir » ou « réaliser des investissements » désigne le fait de réaliser de nouveaux investissements, en acquérant tout ou partie des investissements existants ou en se tournant vers d'autres domaines d'activités d'investissement. »

46. La société Stileks, venant aux droits des sociétés Komstroy et Energoalians, se prévaut du droit de créance acquis par cette dernière auprès de la société Derimen, par un contrat n° 06-20 du 30 mai 2000, créance trouvant son origine dans le contrat n° 24/02 du 24 février 1999 par lequel Energoalians s'est engagée à fournir de l'électricité à Derimen, à charge pour cette dernière de l'acheter au bénéfice Moldtranselectro, qui réceptionnait l'électricité fournie à ce titre, via l'entreprise Ukrenergo, du côté ukrainien de la frontière entre l'Ukraine et la Moldavie.

47. Pour se dire compétent, le tribunal arbitral a considéré, à la majorité de ses membres, que « l'investissement du Demandeur né au titre des Contrats n° 24/02 et n° 6-20 entre dans la définition de l'"Investissement" au sens de l'alinéa 6 de l'article 1 du TCE » (sentence querellée, § 250), retenant que « [c]ette conclusion résulte de la définition assez large de "l'investissement" adoptée par le TCE et soutenue par des auteurs reconnus, et adoptée également par toute une série de sentences arbitrales rendues dans des différends d'investissement, dans le cadre desquels le Tribunal a été reconnu compétent pour le règlement de tels différents présentant des circonstances très similaires » (ibid., § 227) et, partant, qu'« il convient de reconnaître la définition de "l'investissement" du TCE (article 1(6) comme étant la plus large par rapport à celle contenue dans d'autres dispositifs de protection des investissements, et notamment comme englobant toute la diversité des apports possibles dans le secteur de l'énergie et la diversité de leur utilisation » (ibid., § 244).

48. Le président du tribunal arbitral a émis une opinion dissidente, au terme de laquelle il considère que « le droit de créance détenu par le Demandeur n'était pas lié à un processus économique d'investissement et, ainsi, qu'il ne tombe pas sous l'effet de l'Article 1(6) du TCE dans son ensemble » (Opinion dissidente de l'arbitre [S] [O], § 48). Exposant que « la finalité de la Partie III [du traité] est de protéger des "investissements de capitaux", et non pas de simples droits de propriété sur les avoirs » (ibid. § 12), il retient que les investissements au sens du TCE « doivent nécessairement posséder des propriétés permettant de les caractériser comme des "investissements" au sens usuel » (ibid. § 18) et considère, par référence à un nombre significatif de sentences arbitrales rendues en matière d'arbitrage d'investissement, que la réalisation d'un investissement implique un apport de fonds, réalisé sur la durée et comportant un risque commercial, conditions qu'il regarde comme non réalisées en l'espèce (ibid. §§ 20 et sq.).

49. Constatant ces divergences d'interprétation, dont les décisions judiciaires rendues dans la procédure de recours en annulation se sont faites l'écho, les premiers juges du recours ayant retenu la nécessité d'un apport pour caractériser l'investissement, exigence que la Cour de cassation a jugé excessive au regard du TCE, la cour de céans, statuant sur renvoi après cassation, a saisi la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles précitées.

50. Par son arrêt de grande chambre du 2 septembre 2021, cette Cour a dit pour droit que l'article 1er, point 6, et l'article 26, paragraphe 1, du TCE doivent être interprétés en ce sens que l'acquisition, par une entreprise d'une partie contractante de ce traite', d'une créance issue d'un contrat de fourniture d'électricité, non associe' a' un investissement, détenue par une entreprise d'un État tiers audit traite' envers une entreprise publique d'une autre partie contractante du même traite', ne constitue pas un « investissement », au sens de ces dispositions.

51. Pour parvenir à cette conclusion, elle a retenu que la créance en cause au principal ne constitue pas un « investissement » au sens du TCE dès lors, d'une part, qu'une créance issue d'un simple contrat de vente d'électricité ne saurait, en tant que telle, être considérée comme ayant été conférée pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie, conformément à l'article 1er, point 6, premier alinéa, sous f) et, d'autre part, que si elle peut être regardée comme un « avoir détenu ou contrôlé directement ou indirectement par un investisseur », cette créance ne trouve pas son origine dans un contrat associé à un investissement, un simple contrat de fourniture étant une opération commerciale qui ne saurait, en tant que telle, constituer un « investissement », au sens de l'article 1er, point 6, et cela indépendamment même de la question de savoir si un apport est nécessaire afin qu'une opération donnée constitue un investissement.

52. La société Stileks soutient que l'interprétation ainsi dégagée ne s'imposerait pas à la cour de renvoi : en droit, parce que le présent litige ne relève pas du droit de l'Union européenne et que l'arrêt préjudiciel se trouve investi d'une autorité relative, l'interprétation donnée par la Cour de Luxembourg, qui ne vaut que pour l'Union européenne, ne s'imposant pas dans l'ordre juridique international au sein duquel la Convention de Vienne doit prévaloir, le consentement à l'arbitrage devant être apprécié au regard de la commune volonté des parties ; en fait, parce que l'arrêt de la Cour de justice, qui ne lie le juge qu'en ce qui regarde l'analyse juridique, repose sur des éléments factuels incomplets et procède de constations erronées, les données du litige devant conduire la cour d'appel à retenir l'existence d'un investissement au sens du TCE.

(i) En droit

53. Il résulte des dispositions de l'article 91 du règlement de procédure de la Cour de justice de l'Union européenne du 25 septembre 2012 que les arrêts rendus par cette Cour ont force obligatoire à compter du jour de leur prononcé. L'arrêt rendu à titre préjudiciel lie le juge national pour la solution du litige au principal quant à l'interprétation des actes qu'il concerne ; il revêt, pour la juridiction de renvoi, un caractère obligatoire (CJCE, 3 févr. 1977, aff. 52/76, Benedetti, Rec. CJCE 1977, p. 163 ; CJCE, ord., 5 mars 1986, aff. 69/85, Wünsche : Rec. CJCE 1986, p. 946 ; CJCE, 11 juin 1987, aff. 14/86, Pretore di Salo : Rec. CJCE 1987, p. 2545).

54. En l'espèce, la cour de céans a considéré dans son arrêt du 24 septembre 2019, à l'issue d'un débat contradictoire et au terme d'une analyse souveraine prenant en considération le montage juridique soumis à l'arbitrage et la nationalité des parties, qu'une saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne s'imposait.

55. Cette dernière a retenu sa compétence pour se prononcer dans la présente affaire, sans méconnaître le fait que le différend opposait une entreprise d'un État tiers à l'Union européenne à un autre État tiers, partie au TCE.

56. Cette affirmation de compétence, comme la saisine qui l'a suscitée, tirent notamment leur justification de la nécessité d'assurer une interprétation uniforme, par les États membres de l'Union européenne, de la notion d'investissement au sens du TCE, recherche d'unité dont la portée est désormais nécessairement circonscrite à des situations mettant en cause des parties tierces à l'Union européenne, la Cour de justice ayant, dans le même arrêt, affirmé que ce traité n'est pas applicable aux différends opposant un État membre à un investisseur d'un autre État membre.

57. Si la société Stileks fait valoir que le présent litige ne ressortit pas au droit de l'Union européenne eu égard à la nationalité des parties, et invite la cour de céans à cantonner l'interprétation du terme « investissement » par la Cour de Luxembourg aux seuls différends relevant de ce droit, à l'exclusion de ceux s'inscrivant dans l'ordre juridique international, il apparaît qu'une telle distinction n'est nullement envisagée dans le dispositif de l'arrêt préjudiciel, qui lie le juge de renvoi.

58. La distinction proposée par la défenderesse au recours, conduisant à retenir des définitions différentes selon que le litige se situe dans un champ européen ou international, apparaît en outre inopérante dès lors que :

- la notion d'investissement qu'il s'agit d'interpréter est par nature indépendante de la nationalité de l'investisseur et de son appartenance à l'Union européenne, le critère de nationalité ou de citoyenneté énoncé au point 7 de l'article 1er du TCE étant sans incidence sur la définition de l'investissement donnée au point 6 du même article, laquelle repose sur les caractéristiques intrinsèques de l'opération, sans considération pour la nationalité de leurs auteurs, celle-ci ne valant que pour la détermination des personnes susceptibles de revendiquer l'application du TCE à leur bénéfice ;

- le postulat fondant cette distinction, selon lequel il existerait dans l'ordre juridique international une définition univoque de la notion d'investissement au sens du TCE que l'appréciation portée par la Cour de justice de l'Union européenne viendrait heurter ou contredire, n'est nullement démontré, les données du présent litige infirmant à elles seules le bien-fondé d'une telle assertion. Les conditions dans lesquelles la sentence querellée a été rendue illustrent en effet l'existence de divergences à ce sujet et d'un débat opposant, à tout le moins, deux interprétations possibles de ce terme au regard du TCE, l'une large, retenue par le tribunal arbitral à la majorité de ses membres, l'autre empreinte d'une approche plus économique, exposée par son président dans son opinion dissidente, chacun avançant au soutien de sa position des précédents arbitraux et des analyses doctrinales.

59. La cour observe par ailleurs que l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne ne contrevient en rien à celle pouvant être faite conformément à l'article 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, auquel se réfère expressément l'avocat général [H] pour parvenir à la même conclusion que la Cour, et qui énonce:

1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

2. Aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :

a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de la conclusion du traité ;

b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité.

3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :

a) De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions ;

b) De toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité ;

c) De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.

4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties.

60. La lecture de l'arrêt préjudiciel fait en effet apparaître que la Cour de justice a suivi une méthode d'interprétation analogue à celle-ci et s'est attachée à interpréter le TCE en en considérant les termes, à la lumière de son objet et de son but, en se référant au préambule du traité et en prenant en considération sa structure.

61. Le moyen tiré du non-respect du principe Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus ne peut, à cet égard, être valablement invoqué par la société Stileks, ce principe n'étant pas en cause dans l'interprétation donnée par cette Cour qui, à la différence des premiers juges du recours, ne fait nullement référence à la notion d'apport pour caractériser l'absence d'investissement, mais se borne à une analyse des termes et de la structure du traité, sans ajouter au texte une distinction qu'il ne contiendrait pas.

62. La société Stileks ne saurait enfin se prévaloir de la commune volonté des parties pour écarter le jeu de cette interprétation, aucun élément extrinsèque au TCE ne permettant en l'espèce de caractériser une telle volonté en ce qui regarde la signification du terme «investissement» au sens du TCE, l'adhésion inconditionnelle de la Moldavie à ce traité ne permettant de tirer aucune conclusion sur ce point, de sorte que la compétence du tribunal arbitral et l'étendue de son pouvoir juridictionnel doivent ici être analysés au regard des dispositions du TCE fondant le recours à l'arbitrage, qu'il revient aux arbitres puis, le cas échéant, au juge de l'annulation d'interpréter en cas de contestation.

63. D'où il suit que l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 2 septembre 2021 s'impose, en droit, à la cour de céans.

(ii) En fait

64. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne relative à la répartition des tâches établie par l'article 234 du TCE, devenu 267 du TFUE, le rôle de la Cour de justice se limite à fournir à la juridiction nationale les éléments d'interprétation du droit de l'Union nécessaires à la solution de l'affaire portée devant elle, alors que c'est à cette dernière qu'il incombe d'appliquer ces règles, telles qu'interprétées par la Cour, aux faits de l'affaire considérée (CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, aff. C-342/97, Rec. I. 3819, point 11 ; CJCE, 27 sept. 2001, Bacardi, aff. C-253/99, Rec. I. 6493, point 58 ; CJCE, 15 janv. 2002, Weidacher, aff. C-179/00, Rec. I. 501, point 38).

65. Invoquant cette répartition des tâches, la société Stileks invite la cour de céans à se départir de l'interprétation de la notion d'investissement formulée par la Cour de justice, motif pris que cette Cour se serait prononcée sur des éléments factuels incomplets et se serait ainsi livrée à des constatations erronées.

66. Il apparaît toutefois, sur le premier point, que la Cour de justice disposait, en plus de l'arrêt de renvoi énonçant les questions préjudicielles qui lui étaient soumises, de la sentence arbitrale querellée, qui contient un exposé particulièrement détaillé des « faits établis » (§§ 66 et sq.) incluant une description précise du montage en cause. Étaient également joints au dossier transmis à Luxembourg les contrats n° 24/02 et n° 06-20 qui organisent les relations entre les parties prenantes à l'opération litigieuse et énoncent les droits à l'origines des revendications de la société Stileks.

67. S'il est loisible à cette dernière de produire de nouvelles pièces au soutien de ses prétentions sur l'appréciation à porter concernant les faits de l'espèce, sans que puisse lui être valablement opposée la déloyauté d'un tel procédé, dès lors que le principe de la contradiction a bien été respecté, ce que rien ne vient ici contredire, la défenderesse ne saurait en revanche sérieusement soutenir, au vu de ce qui précède, que les éléments de fait soumis à la Cour de justice de l'Union européenne auraient été incomplets et n'auraient pas permis à celle-ci de livrer une analyse pertinente et ce, alors même que l'essentiel de l'argumentation produite au soutien de sa thèse repose sur une reprise des constatations et appréciations faites par le tribunal arbitral dans la sentence querellée.

68. Sur le fond, la société Stileks critique la non-prise en considération par la Cour de justice du caractère global de l'opération dans laquelle s'est inscrite la cession de créance revendiquée comme constitutive d'un investissement au sens du TCE, faisant grief au juge européen d'avoir qualifié d'opération commerciale la relation contractuelle entre Moldtranselectro, Derimen et Energoalians alors que, selon la défenderesse, le créance de Derimen doit s'analyser comme faisant partie d'un tout ayant pour finalité d'assurer l'alimentation en électricité de la Moldavie, les relations juridiques nées du contrat n° 24/02 ne pouvant être traitées de façon indépendante.

69. La cour relève, à titre liminaire, que la première condition exigée par l'article 1, point 6, premier alinéa, du TCE doit être considérée comme réalisée, la créance litigieuse constituant un « avoir » détenu directement par un « investisseur » au sens de ce traité, ce que les parties ne contestent pas.

70. Il y a dès lors lieu de déterminer si, en considération des circonstances de fait de l'espèce et des éléments nouveaux invoqués par la défenderesse, cette créance peut être regardée comme un droit conféré par contrat ou découlant de licences ou d'autorisations délivrées conformément à la loi « pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie », au sens de l'article 1, point 6, premier alinéa, sous f) du TCE, ou si elle présente le caractère d'une créance liquide « au titre d'un contrat à valeur économique et associé à un investissement », au sens du c) du même article, suivant l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne.

71. La créance dont s'agit a été acquise par la société Energoalians par l'effet du contrat n° 06-20 du 30 mai 2000, dont l'unique objet est d'opérer rétrocession à cette société de la créance que détenait la société Derimen à l'encontre de Moldtranselectro en vertu du contrat n° 24/02 du 26 février 1999. Ce dernier, intitulé « contrat de fourniture d'énergie électrique », a pour objet « la fourniture à l'Acheteur [Derimen] de l'énergie électrique appartenant au Fournisseur [Energoalians] en provenance du marché de gros de l'électricité, pour l'utilisation finale par le Bénéficiaire [Moldtranselectro], ainsi que le règlement réciproque des Parties au titre des fournitures susmentionnées, tant en numéraire qu'en nature (sous forme de troc) ».

72. Ainsi que l'a relevé la Cour de justice, il ne saurait être déduit de ces conventions, qui présentent une nature commerciale, que la société Energoalians, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Stileks, aurait acquis un « droit contractuel pour l'exercice d'une activité économique dans le secteur de l'énergie », la créance litigieuse ne conférant qu'un droit au paiement et le contrat dont s'agit ne contenant, en lui-même, aucune autorisation pour l'exercice d'une telle activité.

73. Il ne résulte pas davantage de ces conventions que cette créance serait issue d'un contrat « associé à un investissement », la relation contractuelle en cause ayant pour seul objet la fourniture à Derimen de l'électricité « appartenant » à Energoalians, « en provenance du marché de gros », en vue de sa revente à Moldtranselectro, la créance en question étant ainsi associée à une simple opération de vente, sans que puisse être caractérisé un quelconque investissement.

74. La prise en considération du contexte géopolitique, économique et juridique ayant présidé à la conclusion de ces conventions, mis en avant par la défenderesse, n'est pas de nature à modifier cette appréciation.

75. Il en va ainsi du caractère tripartite de la relation contractuelle établie par le contrat n° 24/02, sur lequel insiste la société Stileks, qui est toutefois sans incidence aucune sur la nature de l'opération.

76. Il en va de même des motifs à l'origine de la conclusion de cette convention, qui ne permettent pas davantage de revoir la qualification commerciale de la relation contractuelle à l'origine de la créance litigieuse.

77. La société Stileks soutient ici, en substance, que le contrat n° 24/02 trouve son origine dans les retards de paiement récurrents de Moldtranselectro et que l'intervention de la société Derimen aurait été principalement instaurée « à des fins d'affacturage », le véritable prestataire de l'opération étant Energoalians, laquelle produisait l'électricité fournie et aurait bénéficié, à cette fin, d'autorisations. Elle met notamment en avant, à ce titre, le contrat n° 1/01 du 1er février 1999 conclu entre Ukrenergo, Energoalians et Moldtranselectro, les licences délivrées par les autorités ukrainiennes pour la production et la fourniture d'électricité, ainsi que le témoignage de M. [N] [I], créateur et actionnaire de contrôle des sociétés Energoalians et Derimen.

78. La cour observe que ces éléments ne peuvent être regardés comme nouveaux, pour avoir déjà été invoqués devant le tribunal arbitral, tant pour ce qui concerne le rôle joué par Derimen dans le processus de paiement que la location de centrales par Energoalians.

79. Leur examen fait apparaître que le contrat n° 1/01, dont le contrat n° 24/02 ne fait pas mention, a pour objet « l'achat d'énergie électrique sur le marché de gros de l'énergie électrique de l'Ukraine (ORE) pour son exportation par [Energoalians] vers la République de Moldavie ». Il n'implique donc pas la production de cette électricité par Energoalians.

80. À cet égard, si M. [I] expose, dans son attestation, en sa qualité d'actionnaire des sociétés Energoalians et Derimen, que l'électricité fournie au titre de ce contrat était en fait produite par la première de ces deux sociétés, qui louait pour ce faire des unités en Ukraine, cette affirmation ne permet toutefois pas d'assimiler la créance litigieuse à un investissement au sens du TCE dès lors que :

- cette créance est issue du seul contrat n° 24/02, qui ne saurait en lui-même être regardé comme étant à l'origine de la production et des autorisations revendiquées ;

- l'interposition de la société Derimen au titre de ce contrat ne peut être ignorée, nonobstant sa qualification par son créateur de « société purement technique », le montage mis en place confortant au contraire la nature commerciale de cette convention, qui inscrit la créance litigieuse dans une opération financière d'affacturage, de sorte que, à supposer admise l'existence d'un « investissement » réalisé par Energoalians par la production de l'électricité fournie au titre du contrat n° 1/01, le contrat n° 24/02 ne lui est pas associé, pour procéder d'une opération distincte de commercialisation sous-tendue par des fins financières ;

- la structure du TCE invite, à cet égard, à clairement distinguer les activités commerciales, envisagées dans la deuxième partie de ce traité, des investissements, dont la troisième partie entend favoriser la promotion et la protection.

81. L'argumentation de la société défenderesse consiste ici à gommer l'existence du contrat n° 24/02 et l'interposition de la société Derimen dans une opération d'achat pour revendre, afin de remettre en cause la qualification commerciale du contrat à l'origine de la créance litigieuse, laquelle, conformément à la solution dégagée en droit par la Cour de justice de l'Union européenne, conduit à exclure la notion d'investissement au sens du TCE.

82. Il s'ensuit que le droit de créance invoqué par la défenderesse ne peut être qualifié d'investissement au sens du TCE.

83. Cette condition faisant défaut, il y lieu de juger que le tribunal arbitral s'est à tort déclaré compétent pour connaître du litige opposant la société Energoalians à la République de Moldavie, cette incompétence constituant un motif d'annulation de la sentence arbitrale querellée en application des dispositions de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile.

(iii) Sur l'atteinte au droit de propriété à raison de l'annulation de la sentence arbitrale

84. Pour contester le principe d'une telle annulation, la société Stileks invoque la décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme le 30 juin 2022 qui, dans une affaire opposant la société BTS Holding à la République de Slovaquie (req. n° 55617/17), a condamné cette dernière à raison de l'inexécution d'une sentence arbitrale, considérant qu'un tel refus constituait une violation de l'article 1 du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et par les principes généraux du droit international.

Toutefois, les dispositions qui précèdent ne portent nullement atteinte au droit d'un État de faire appliquer les lois qu'il juge nécessaires pour contrôler l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou pénalités. »

85. Estimant, au cas d'espèce, que la sentence arbitrale de la société requérante était suffisamment établie pour constituer un « bien » au sens de ce texte, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que le refus d'exécuter cette sentence par les juridictions slovaques caractérisait une ingérence dans le droit au respect des biens, retenant que les motifs sur lesquels s'étaient fondées ces juridictions sortaient du cadre juridique permettant de refuser l'exécution d'une sentence arbitrale étrangère autorisée par les dispositions du droit interne et de la Convention de New York et que, à supposer même que ce refus d'exécution servît un intérêt général, il n'était pas été démontré qu'il fût proportionné à cet objectif.

86. La société Stileks avance que l'annulation de la sentence litigieuse sur la base de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne sortirait du cadre français permettant une telle annulation, en la privant du bénéfice de l'interprétation du TCE au sens du droit international, sortant ainsi d'une manière manifestement erronée du cadre juridique permettant le contrôle d'une sentence arbitrale.

87. La cour observe toutefois que la décision de la Cour européenne des droits de l'homme invoquée concerne la seule exécution d'une sentence devenue définitive. La Cour de Strasbourg relève en effet dans sa motivation que la sentence en question « aurait pu être contestée par les procédures prévues à cette effet dans la juridiction du siège de l'arbitrage ». Elle a, ce faisant, réservé l'hypothèse du contrôle opéré par le juge du recours, dans laquelle s'inscrit la présente affaire.

88. Il apparaît par ailleurs que, contrairement à ce que soutient la société défenderesse, l'application de l'interprétation dégagée par la Cour de justice de l'Union européenne n'a pas eu pour effet de priver cette société des attentes légitimes de l'investisseur, qui a engagé la procédure arbitrale sur la base de son investissement reconnu conforme au TCE par le tribunal arbitral, et qui se verrait indûment privé des fruits de ses créances valides au gré d'une interprétation ultérieure de cette notion, faisant ainsi peser sur lui une charge excessive et disproportionnée.

89. Outre le fait qu'une telle conception revient à nier l'office du juge du contrôle, prévu par la Convention pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères signée à New York le 10 juin 1958, en le privant de toute possibilité d'une analyse divergente du tribunal arbitral, il résulte en effet des motifs qui précèdent que l'application au cas d'espèce de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne n'a en rien contrevenu à celle pouvant être admise en droit international, la position de la société Stileks reposant ici sur un postulat erroné, que les données mêmes de la présente affaire viennent contredire.

90. En quoi, le moyen tiré de la violation du droit de propriété, qui manque en droit, doit être rejeté.

91. Il y a lieu, au vu de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par les parties, de prononcer l'annulation de la sentence querellée à raison de l'incompétence du tribunal arbitral, en l'absence d'investissement protégé au sens du TCE.

Sur les frais et dépens

92. La société Stileks, qui succombe, sera condamnée aux dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

93. Elle sera en outre condamnée à payer à la République de Moldavie la somme de

250 000 euros au titre de l'article 700 du même code, la cour relevant que les parties s'accordent pour évaluer à ce montant les frais irrépétibles qu'elles ont engagés pour les besoins d'une procédure dont la durée et la complexité justifiaient d'importants frais de conseil.

IV/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1) Reçoit la société Stileks Scientific and Production Firm Llc en son intervention volontaire principale ;

2) Annule la sentence rendue à Paris, le 25 octobre 2013, par le tribunal arbitral ad hoc composé de MM. [W] et [G], arbitres, et de M. [O], président entre la société Energoalians et la République de Moldavie ;

3) Condamne la société Stileks Scientific and Production Firm Llc aux dépens ;

4) Condamne la société Stileks Scientific and Production Firm Llc à payer à la République de Moldavie la somme de deux cent cinquante mille euros (250 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 16
Numéro d'arrêt : 18/14721
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;18.14721 ?
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