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14/12/2022 | FRANCE | N°20/12395

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 décembre 2022, 20/12395


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° 2022/ , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/12395 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJOL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2020 - TJ de PARIS - RG n° 18/04965





APPELANTS



Monsieur Jean [X]

né le 19 Juin 1955 à [Localité 5] (06)

[Ad

resse 1]



Madame [M] [X]

née le 14 Novembre 1987 à [Localité 6] (45)

[Adresse 2]



Monsieur [W] [X]

né le 15 Novembre 1989 à [Localité 11] (45)

[Adresse 1]



Monsieur [R] [X]

né le ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° 2022/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/12395 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJOL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2020 - TJ de PARIS - RG n° 18/04965

APPELANTS

Monsieur Jean [X]

né le 19 Juin 1955 à [Localité 5] (06)

[Adresse 1]

Madame [M] [X]

née le 14 Novembre 1987 à [Localité 6] (45)

[Adresse 2]

Monsieur [W] [X]

né le 15 Novembre 1989 à [Localité 11] (45)

[Adresse 1]

Monsieur [R] [X]

né le 15 Novembre 1989 à [Localité 11] (45)

[Adresse 1]

représentés par Me Stéphane CHEMOUILLI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1498

INTIMES

Monsieur [V], [N] [X]

né le 30 Novembre 1952 à [Localité 4] (PORTUGAL)

[Adresse 9]

Madame [F], [E], [Y] [X]

née le 25 Mai 1987 à [Localité 7] (GABON)

[Adresse 9]

Madame [U], [O] [X]

née le 31 Juillet 1988 à [Localité 7] (GABON)

[Adresse 9]

représentées par Me Virginie METIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0045

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[D] [X] a consenti les actes suivants :

-le 22 juillet 1985, un prêt de 450 000 francs à la société Gemini que dirigeait son fils M. Jean [X],

-le 15 mai 1992, un prêt de 600 000 francs à son fils [V] [X] venant à terme le 1er janvier 2002,

-le 7 novembre 2000, une donation partage consentie à ses fils Jean et [V] [X], le premier recevant un studio à [Localité 8] dans le 6ème arrondissement et le second un autre studio à [Localité 8] dans le 13ème arrondissement,

-le 26 avril 2015, un testament par lequel chacun de ses cinq petits-enfants : [F], [U], [M], [W] et [R] [X] est institué légataire de 1/5 de la quotité disponible de sa succession.

Le 22 juin 2016, [D] [X], dont le dernier domicile était à [Localité 8], est décédé laissant pour lui succéder ses fils Jean et [V] [X].

Par actes d'huissier des 18 avril 2018, Jean, [M], [W] et [R] [X] (ci-après les consorts Jean [X]) ont assigné [V], [F] et [U] [X] (ci-après les consorts [V] [X]) devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, aux fins principalement d'ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [D] [X].

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire de Paris a notamment statué dans les termes suivants :

-déclare les demandes recevables,

-ordonne le partage judiciaire de la succession de [D] [X],

-désigne, pour y procéder Maître [P] [S], notaire exerçant à [Localité 8],

-ordonne à Jean [X] de rapporter à la succession une somme de 46 398 euros au titre du prêt accordé par le défunt le 1er janvier 2011, comptes arrêtés au 14 novembre 2019,

-condamne [V] [X] à verser aux consorts Jean [X] une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déboute les consorts Jean [X] de leurs demandes tendant à :

*requalifier le prêt consenti à [V] [X] le 15 mars 1992 en donation et ordonner à ce dernier de la rapporter à la succession pour un montant de 300 370 euros,

*subsidiairement, au cas où le prêt du 15 mars 1992 serait prescrit, constater une donation « déguisée indirecte » du 18 juin 2013 d'un montant de 241 032 euros et ordonner à [V] [X] de rapporter une donation immobilière de 600 000 francs « consentie en 1990-1991 » « réévaluée suivant l'évolution de la valeur du bien immobilier acquis jusqu'à la date du décès »

*condamner [V] [X] à leur verser une somme de 10 000 euros pour résistance abusive,

*ordonner l'exécution provisoire,

-déboute les consorts [V] [X] de leurs demandes tendant à :

*condamner solidairement les consorts Jean à leur verser une somme de 3 000 euros pour procédure abusive,

*subsidiairement, au cas où les demandes seraient recevables :

$gt;ordonner le rapport à la donation partage et une expertise afin d'évaluer les biens au jour de la donation,

$gt;requalifier le prêt du 22 juillet 1985 en donation consentie à Jean [X],

$gt;déclarer Jean [X] coupable de recel de cette donation,

*condamner chacun des demandeurs à leur verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonne le partage des dépens entre les copartageants à proportion de leurs parts respectives.

M. Jean [X] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 août 2020, intimant M. [V] [X] ; cet appel a été enrôlée sous le numéro 20/12395.

MM. Jean, [W], [R] [X] et Mme [M] [X] (les consorts Jean [X]) ont interjeté appel de ce même jugement par déclaration du 15 avril 2021, intimant M. [V] [X] et Mmes [F] et [U] [X] (les consorts [V] [X]) ; cet appel a été enrôlé sous le numéro 21/07307.

Par courrier du 20 février 2022, le conseil des consorts Jean [X] a demandé la jonction des procédures numéro 20/12395 et 21/07307.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2022 dans l'instance enrôlée sous le n°20/12395, M. Jean [X] demande à la cour de :

-déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. Jean [X],

y faisant droit,

-infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

*débouté les consorts Jean [X] de leur demande tendant à voir requalifier en donation le prêt consenti par M. [D] [X] le 15 mars (date figurant dans les dispositif du jugement, en réalité 15 Mai) 1992 à [V] [X] et rejeté la demandé de rapport d'un montant de 300 370 €,

*rejeté les demandes afférentes à la reconnaissance de prêt du 15 mai 1992 comme prescrite,

*débouté les consorts Jean [X] de leur demande subsidiaire tendant à constater l'existence d'une donation déguisée indirecte du 18 juin 2013 de M. [D] [X] au profit de [V] [X] d'un montant de 241 032 € et rejeté la demandé de rapport de ce montant,

*débouté les consorts Jean [X] de leur demande subsidiaire tendant à voir ordonner le rapport d'une donation immobilière d'un montant de 600 000 Francs consentie par [D] [X] au profit de [V] [X] en 1990 ou 1991,

et, statuant à nouveau,

-juger qu'en vertu de l'article 894 du code civil, la donation manuelle entre vifs de 1990-1991 était parfaitement formée et irrévocable dès le 26 décembre 1990, date d'acquisition par le donataire M. [V] [X] de son appartement sis [Adresse 9], en utilisant pour ce faire l'intégralité des fonds de ladite donation,

-juger que l'acte notarié de prêt du 15 mai 1992 constitue une donation déguisée,

-condamner M. [V] [X] à rapporter à la succession de son père [D] [X] la somme de 220 000 €,

-juger que M. [V] [X] est coupable de recel depuis l'ouverture de la succession en 2016,

en conséquence :

-juger qu'il sera privé de sa part du rapport de cette donation déguisée,

-ordonner le rapport à la succession des donations listées par M. [D] [X] lui-même,

à titre subsidiaire,

si la Cour devait retenir la prescription soulevée par M. [V] [X] :

-juger que celui-ci a de fait bénéficié d'une donation indirecte qui s'élève à 241 032 € outre les pénalités,

en conséquence,

-ordonner le rapport à la succession de la somme de 241 032 €,

-juger que si la prescription est applicable à la dette de M. [V] [X] au 18 juin 2013 sans donner lieu à rapport, cette dette se limite à 450 000 F, puisque 150 000 F constituent une donation aux fins d'acquisition immobilière rapportable et réévaluable,

pour le surplus,

-confirmer la décision du Tribunal Judiciaire de Paris en ce qu'il a débouté les consorts [V] [X] de leurs demandes tendant à :

*condamner solidairement les consorts Jean [X] à leur verser une somme de 3 000 euros pour procédure abusive,

* subsidiairement, au cas où les demandes seraient recevables :

* ordonner le rapport de la donation-partage et une expertise afin d'évaluer les biens au jour de la donation,

* requalifier le prêt du 22 juillet 1985 en donation consentie à Jean [X],

* déclarer Jean [X] coupable de recel de cette donation,

* condamner chacun des demandeurs à leur verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et déclaré recevable l'assignation des demandeurs,

et ce faisant,

-débouter M. [V] [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-subsidiairement si la demande d'expertise formulée par M. [V] [X] était accueillie, le condamner à supporter seul les frais d'expertise, et dire que l'expert devrait se prononcer sur l'adéquation entre le prix de vente de 290 000 F du studio du 6ème arrondissement à [Localité 8] en 1984 et le prix du marché,

dans tous les cas,

-condamner M. [V] [X] à porter et payer à M. Jean [X] la somme de 13 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [V] [X] en tous les dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2022 dans le cadre du dossier 21/07307, M. Jean [X], Mme [M] [X], M. [W] [X] et M. [R] [X] ont présenté exactement les mêmes demandes à la cour que dans le cadre du dossier enrôlé sous le n° 20/12395.

Par ses premières conclusions d'intimé, M. [V] [X] a formé appel incident des chefs du jugement qui ont écarté les fins de non recevoir qu'il avait soulevées à l'encontre de l'action en partage diligentée par M. Jean [X] et ses enfants et qui l'ont débouté de ses demandes tendant à ce que les biens immobiliers faisant l'objet de la donation partage du 7 novembre soient rapportées à la succession pour leur valeur au moment de la donation, l'ont débouté de sa demande d'expertise, l'ont débouté de sa demande de rapport par M. Jean [X] de la somme versée suivant un prêt du 22 juillet 1985, et l'ont débouté de sa demande tendant à ce que soit constatée l'existence d'un recel successoral imputable à M. Jean [X].

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022 dans le dossier enrôlé sous le numéro 20/12395, M. [V] [X], intimé, demande à la cour de :

-recevoir M. [V] [X] en ses demandes et l'y déclarer bien fondé,

à titre liminaire, et avant dire droit :

-enjoindre à M. Jean [X] d'avoir à communiquer aux débats :

* les statuts de la société Gemeni,

* l'acte de cession du fonds de la société Gemeni,

* les actes notariés d'achats de biens immobiliers effectués par M. Jean [X] depuis 1988,

* les comptes de résultat et les bilans de la société Gemeni de 1985 à 1988 inclus,

* les justificatifs de revenus de Jean [X] de 1980 à 1990,

à titre principal :

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 mai 2020 en ce qu'il a écarté les fins de non-recevoir soulevées par M. Jean [X],

statuant à nouveau :

-prononcer l'irrecevabilité de l'action de M. Jean [X],

-débouter M. Jean [X] de l'ensemble de ses demandes,

-condamner M. Jean [X] à payer à M. [V] [X] une somme de 3 000 euros, pour procédure abusive, en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire :

-confirmer le jugement du 26 mai 2020 en ce qu'il a débouté M. Jean [X] de ses demandes à l'encontre de M. [V] [X] au titre de la reconnaissance de prêt du 15 mai 1992,

-déclarer irrecevable la demande de M. Jean [X] au titre du recel successoral allégué,

à titre infiniment subsidiaire,

-débouter M. Jean [X] de sa demande au titre du recel successoral allégué comme étant mal-fondée,

-déclarer irrecevables, comme étant nouvelles, les demandes de rapport de donations à hauteur de 92 925 euros pour M. [V] [X] et 34 270 euros pour M. Jean [X],

à titre infiniment subsidiaire,

-débouter M. Jean [X] des demandes de rapport de donations à hauteur de 92 925 euros pour M. [V] [X] et 34 270 euros pour M. Jean [X],

-infirmer le jugement du 26 mai 2020 en ce qu'il a :

*débouté M. [V] [X] de sa demande tendant à ce que les biens immobiliers, objets de la donation-partage, en date du 7 novembre 2000 doivent être rapportés à la succession pour leur valeur au moment de la donation,

*débouté M. [V] [X] de sa demande d'expertise judiciaire,

*débouté M. [V] [X] de sa demande de rapport, par M. Jean [X], de la somme versée suivant prêt du 22 juillet 1985, comme constituant une donation déguisée,

*débouté M. [V] [X] de sa demande tendant à ce que soit constatée l'existence d'un recel successoral imputable à M. Jean [X],

statuant à nouveau :

-dire et juger que les biens immobiliers, objets de la donation-partage, en date du 7 novembre 2000 doivent être rapportés à la succession pour leur valeur réelle au moment de la donation,

en conséquence :

avant dire droit,

-désigner tel expert qui plaira au Tribunal (sic) avec mission de :

*se rendre [Adresse 3]), lot n°12 (studio au 5ème étage à droite), appartenant à M. Jean [X],

*se rendre [Adresse 9]), lot n°6 (studio au 1er étage 1ère porte face droite), appartenant à M. [V] [X],

*visiter les lieux,

*se faire remettre tout document qu'il estimerait utile,

*émettre un avis sur la valeur des deux biens immobiliers au 7 novembre 2000, date de la donation-partage,

-fixer la consignation sur les frais d'expertise,

-dire et juger que la consignation sur les frais d'expertise sera acquittée par le compte successoral de M. [D] [X],

-dire et juger que l'expert devra rendre son rapport dans un délai de 6 mois,

-condamner M. Jean [X] à rapporter à la succession de M. [D] [X] la somme de 68 602 euros, à parfaire, au titre de la donation déguisée le 22 juillet 1985,

-condamner M. Jean [X] à assumer les conséquences du recel successoral qu'il a commis et le priver de toute part sur le rapport de la donation du 22 juillet 1985,

-débouter M. Jean [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance,

-condamner M. Jean [X] à payer à M. [V] [X] une somme de 6 000 euros, au titre des frais irrépétibles de première instance,

y ajoutant,

-débouter M. Jean [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

-condamner M. Jean [X] à payer à M. [V] [X] une somme de 7 000 euros, au titre des frais irrépétibles d'appel,

-condamner M. Jean [X] aux dépens d'appel.

Dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro 21/7307, les intimés dans leurs premières conclusions ont fait appel des mêmes chefs que ceux de l'appel incident de M. [V] [X] dans l'affaire enrôlée sous le numéro 20/12395.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2022 dans l'affaire enrôlée sous le numéro 21/7307, M. [V] [X], M. [W] [X], Mme [F] [X], intimés, ont présenté les mêmes demandes que celles présentés par M. Jean [X] dans l'affaire enrôlée sous le n°20/12395.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 18 octobre 2022.

MOTIFS :

Sur la jonction

Alors que l'instance devant le tribunal opposait M. Jean [X] et ses enfants, Mme [M] [X], M. [W] [X] et M. [R] [X] (les consorts Jean [X]) d'une part à M. [V] [X], Mme [U] [X] et Mme [F] [X] (les consorts [V] [X]), seul M. Jean [X] a formé le premier appel et a intimé seulement M. [V] [X].

Le second appel formé par les consorts Jean [X] intimant M. [V] [X] et les enfants de ce dernier est visiblement destiné à pallier le risque d'irrecevabilité de l'appel que prévoit les articles 552 et 553 plutôt du code de procédure civile en cas de lien d'indivisibilité entre les parties, étant précisé qu'un tel appel n'est pas enfermé dans le délai d'appel d'un mois courant à compter de la déclaration d'appel.

Les deux appels sont dirigés contre le même jugement ; le deuxième appel a permis que l'ensemble des parties devant le tribunal soient présentes en cause d'appel même si les réels protagonistes de ces dossiers restent M. Jean [X] et M. [V] [X], étant symptomatique que les conclusions prises dans les deux dossiers sont strictement identiques, mêmes les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne sont dirigées qu'à l'encontre de M. Jean [X] ou de M. [V] [X]. Il importe que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ces deux appels qui portent sur la même affaire soient joints pour être jugés ensemble.

Sur la recevabilité de l'appel

Aucun des consorts [V] [X] ne soulevant l'irrecevabilité de l'appel, la demande de M. Jean [X] tendant à ce que son appel soit déclaré recevable est sans objet ; il n'y a pas lieu de statuer sur une fin de non recevoir dont la cour n'est pas saisie.

Sur l'appel incident en ce qu'il porte sur la recevabilité de l'action en partage

L'article 1360 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

Le tribunal a écarté la fin de non recevoir soulevée par les consorts [V] [X] au visa de cet article aux motif que les demandeurs à l'action ont mentionné que la succession se composait de liquidités, que s'agissant d'une chose d'un genre unique, les coïndivisaires doivent recevoir des biens de nature identique, de sorte que la prescription de cet article sur les intentions de répartition du demandeur est dépourvue d'objet et que l'attestation du notaire saisie par M. Jean [X] établissait que des diligences avaient été faites pour parvenir à un partage amiable.

S'agissant des deux premiers moyens, les consorts [V] [X] n'apportent devant la cour aucun élément nouveau ; s'ils affirment que la masse partageable est incomplète, ils ne précisent pas quels sont les biens manquants et ne contestent pas que la succession est composée de liquidités.

S'agissant des diligences, les intimés soutiennent que la seule intervention de M. Jean [X] et de son notaire visait à ce que M. [V] [X] signe un acte de notoriété sans aucune information sur la masse successorale ; ils contestent l'assertion des appelants selon laquelle le déroulement d'un règlement de succession commence toujours par l'établissement d'un tel acte, précisant que M. [V] [X] pouvait faire établir à sa seule diligence un acte de notoriété tandis que la reconstitution de l'actif et du passif successoraux était indispensable pour avancer dans le règlement de la succession.

Les consorts Jean [X] font valoir que la jurisprudence admet qu'un simple courrier suffise à caractériser les diligences en vue de parvenir à un partage amiable.

Ils soutiennent que le règlement d'une succession débute par l'établissement préalable d'un acte de notoriété et qu'en l'espèce M. [V] [X] a refusé de signer le projet d'acte de notoriété préparé par Me [T], notaire, projet qui lui avait été soumis. Ils ajoutent que le notaire n'invitait pas M. [V] [X] à accepter purement et simplement la succession mais l'informait des différentes possibilités s'offrant à lui et que si ce dernier a contesté le montant des avoirs bancaires mentionnés par le notaire, il n'a étayé ses doutes par aucun document, ayant d'ailleurs accepté la succession après avoir été sommé d'opter et n'a pas contesté dans le cadre de l'instance devant le tribunal ni devant la cour l'état du patrimoine du défunt et ne s'est pas rapproché d'un autre notaire comme l'invitait à le faire Me [T].

Ainsi que l'a justement retenu le tribunal, l'attestation établie par Me [T] dont la véracité n'est pas contestée retrace avec précision les diligences accomplies en vue de parvenir à un partage amiable.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par les intimés au visa de l'article 1360 du code de procédure civile.

Sur le fond

Sur l'appel principal en ce qu'il porte sur les demandes ayant trait à la remise par [D] [X] à M. [V] [X] de la somme de 600 000 Frs.

Comme l'indiquent les consorts Jean [X], l'appel porte essentiellement sur le point de savoir si [D] [X] était animé d'une intention libérale lorsqu'il a remis à son fils [V] [X] en 1990 et 1991 plusieurs chèques d'un montant cumulé de 600 000 Frs et sur le montant des rapports à la succession en résultant.

A été reçu le 15 mai 1992 par Me Alain Boggio-Pola notaire à [Localité 8] 17ème un acte par lequel « M. [V] [X] ci-après dénommé le débiteur reconnaît devoir à [D] [X] ci-après dénommé le créancier, la somme de SIX CENT MILLE FRANCS (600 000 Frs) pour prêt de pareille somme que le créancier lui a fait, dès avant ce jour, et en dehors de la Société Civile Professionnelle (celle dont fait partie le notaire qui a reçu l'acte) ». Il y est précisé la date et les références des trois chèques ayant servi au versement de cette somme.

Plus loin, il est indiqué que « le débiteur s'oblige à rembourser au créancier dans le délai de dix ans à compter du 1er janvier 1992, soit au plus tard le 1er janvier 2002 » cette somme de 600 000 Frs, étant spécifié que « jusqu'à son remboursement intégral, ladite somme sera productive d'intérêts au taux du livret A de la Caisse d'Epargne, soit QUATRE FRANCS CINQUANTE POUR CENT FRANCS L'an (4,5%). »

Le tribunal, après avoir relevé le caractère confus de l'argumentation des consorts Jean [X] mélangeant les notions de prêt et de donation déguisée et retenu que ces derniers excipaient et d'une donation et d'un prêt, a rejeté les prétentions des appelants tendant à voir qualifier cet acte en une donation déguisée au motif que le non remboursement du prêt ne pouvant suffire à établir qu'au moment de sa passation, les parties avaient pour intention réelle de déguiser une donation sous un prêt et a déclaré prescrites les demandes en remboursement du prêt formée par le consorts Jean [X] plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008.

Pour voir qualifier cet acte de donation déguisée qui échappe à la prescription puisqu'en application de l'article 843 du code civil, le rapport à la succession du défunt vise toutes les donations directes ou indirectes que le défunt a consenties sa vie durant à ses héritiers, les appelants pointent des irrégularités affectant l'acte du 15 mai 1992 dont le tribunal a retenu qu'il s'agissait d'un prêt.

Ils relèvent ainsi une contradiction entre le fait que M. [V] [X] figure à cet acte comme étant domicilié [Adresse 9] et la finalité de ce prêt, étant indiqué que « le prêt ci-dessus lui a été consenti par le créancier, à titre personnel, en vue d'acquérir divers biens sis à [Adresse 9], numéro 32 ». Ils dénoncent comme trompeur le fait que l'acte du 15 mai 1992 ne mentionne pas l'acquisition déjà réalisée par M. [V] [X] du bien immobilier par acte notarié du 26 décembre 1990, alors que cette acquisition est pourtant l'objet du prêt.

Cependant, il résulte de l'acte lui-même que le transfert de la somme de 600 000 € du patrimoine du prêteur à celui de l'emprunteur avait déjà été opéré au moyen des trois chèques dont les références sont données, qu'il se présente comme une reconnaissance de dettes destinée à conférer à ces versements antérieurs dénués de formalisme la nature de l'obligation qu'ils recouvraient ; en effet, le chèque étant un moyen de paiement et le paiement un fait matériel, il ne suffit pas en lui-même à caractériser la nature juridique du transfert d'argent qu'il opère.

Par ailleurs, le caractère trompeur dénoncé par les appelants renvoie aux vices du consentement d'une partie à un acte sur le fondement desquels elle peut agir en nullité de cet acte ; or, en l'espèce, les indications figurant à l'acte montrent que [D] [X] était informé que les fonds qu'il avait fait transférer au profit de M. [V] [X] étaient destinés à financer l'acquisition par ce dernier d'un appartement situé à [Adresse 9]; d'ailleurs, en leur qualité d'ayant cause de [D] [X], les consorts [V] [X] ne poursuivent pas la nullité de l'acte du 15 mai 1992.

Les appelants relèvent également que l'acte d'acquisition en date du 26 décembre 1990 de cet appartement n'indique pas l'origine des fonds ayant servi au paiement du prix ; or, le prix ayant été payé comptant, l'origine des fonds était sans intérêt pour le vendeur ; certes, l'origine des fonds peut présenter un intérêt pour l'acheteur, à savoir M. [V] [X] et son épouse mariés sous le régime de la communauté lors de la passation de l'acte litigieux ; il est seulement déduit qu'en l'absence d'indication ou de preuve contraire les fonds sont présumés communs ce qui est étranger à l'existence d'une intention libérale ayant animé [D] [X] lors de la passation de l'acte du 15 mai 1992.

Par ailleurs, les conséquences de l'engagement pris par M. [V] [X] dans l'acte litigieux à l'égard de son épouse, à savoir que les gains salaires tombant en communauté puissent servir au remboursement du prêt contracté par M. [V] [X] seul concernent uniquement ces derniers et ne vont pas davantage dans le sens d'une intention libérale de [D] [X].

Aucune irrégularité ou étrangeté n'affecte les actes reçus les 26 mai 1990 et 15 mai 1992 qui constituerait un indice du caractère libéral du second de ces actes.

Les appelants déduisent du caractère irrévocable de l'utilisation des fonds reçus de [D] [X] par M. [V] [X] affectés à l'acquisition de l'appartement de [Adresse 9] que le transfert des fonds constitue une donation. Cependant, un prêt oblige le prêteur qui ne peut retenir la chose qu'il s'est engagée à prêter. Le prêt comme toute obligation civile présente un caractère contraignant et ne peut être révoquée selon le bon vouloir d'une partie.

Par ailleurs, le caractère irrévocable de la donation exigée par l'article 894 du code civil est à rechercher dans l'intention du disposant de se dépouiller au profit du donataire et non dans l'usage que fait ce dernier des fonds. Cette intention doit exister au moment de la passation de l'acte. Il ne résulte d'aucun élément du dossier que lors de la passation de l'acte du 15 mai 1992, il était certain que M. [V] [X] serait dans l'impossibilité matérielle et juridique de restituer à [D] [X] la somme 600 000 Frs à la date du terme indiqué par cet acte, soit dix ans après.

Les appelants entendent aussi caractériser l'intention libérale du défunt par le traitement différencié que le défunt a réservé aux prêts consentis à la société Gemini que dirigeait M. Jean [X] par rapport à celui prévu par l'acte du 15 mai 1992 dont les conditions seraient plus favorables pour l'emprunteur.

Même si la société Gemini était dirigée par M. Jean [X], elle est une personne morale qui ne se confond pas avec la personne de son dirigeant ; il n'y a rien d'étonnant à ce que les prêts consentis par le défunt à cette personne morale n'aient pas été passés dans les mêmes conditions que celui consenti à son fils M. [V] [X] et il ne peut en être conclu une volonté de [D] [X] de discriminer M. Jean [X], ce qui plaiderait a contrario dans le sens d'une intention libérale à l'origine du transfert de la somme de 600 000 Frs de [D] [X] à M. [V] [X].

C'est enfin par de justes motifs que les premiers juges ont retenu que l'absence de remboursement du prêt ne peut suffire à établir qu'au moment de l'acte, les parties aient pour intention réelle de déguiser une donation. En effet, ce qui a trait à l'exécution d'une obligation ne donne pas à cette obligation sa qualification juridique.

D'ailleurs, contrairement à ce que prétendent les appelants, le tableau manuscrit établi par le défunt des versements effectués à ses deux fils ne caractérise pas l'intention libérale de [D] [X]. En effet, sur ce tableau, il est indiqué qu'au cours de l'année 1990, M. [V] [X] avait reçu une somme de 324 000 Frs en ce compris celle de 300 000 Frs qui constitue l'un des versements mentionnés à l'acte du 15 mai 1992 pour parvenir à la somme totale de 600 000 Frs ; s'agissant de l'année 1991, il est indiqué que M. [V] [X] a reçu la somme de 421 475 Frs en ce compris les deux versements de 150 000 € qui sont mentionnés à l'acte du 15 mai 1992 et qui ajoutés à la somme de 300 000 Frs versée l'année précédente aboutissent à une somme totale de 600 000 Frs qui correspond au montant de la reconnaissance de dette. Sur cette somme de 421 475 Frs, [D] [X] a indiqué que M. [V] [X] avait effectué un remboursement de 51 384 Frs. Certes à la lecture de ce tableau, cette somme ne peut pas être plus imputée sur les deux versements de 150 000 Frs compris dans la somme de 600 000 Frs objet de la reconnaissance de dette de M. [V] [X] que sur le solde de 121 475 € sur les 421 475 € versés au cours de cette année 1991 ; cependant ce tableau ne l'exclut pas non plus.

Ce tableau manuscrit établi à une date qui reste ignorée mais postérieurement à l'année 1995, s'agissant de l'un des versements de 150 000 Frs compris dans la somme de 600 000 Frs que M. [V] [X] a reconnu devoir par l'acte du 15 mai 1992, porte la mention « Cadeau CRCA ». Cependant, cette seule mention ne saurait contredire la force probante de l'acte du 15 mai 1992 reçu par la voie authentique dont la solennité est destinée à garantir sa sécurité juridique ; de plus, une donation par laquelle le donateur se dépouille au profit du donataire ne constitue pas un acte unilatéral puisqu'elle doit être acceptée par ce dernier. Cette seule mention manuscrite du défunt n'est donc pas opposable à M. [V] [X]. Il est d'ailleurs relevé que sur la ligne du tableau concernant les deux autres versements ayant concouru à la somme de 600 000 Frs, l'un de 300 000 Frs et l'autre de 150 000 Frs, est portée la mention « prêt ».

Le moyen défendu par les consorts Jean [X] figurant au dispositif de leurs conclusions tendant à voir « juger que si la prescription est applicable à la dette de M. [V] [X] au 18 juin 2013 sans donner lieu à rapport, cette dette se limite à 450 000 Frs, puisque 150 000 Frs constituent une donation aux fins d'acquisition immobilière rapportable et réévaluable » est en conséquence rejeté ; s'agissant d'un moyen et non d'une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile, le dispositif de la présente décision n'y fera pas mention.

Il ne peut être déduit de l'absence d'action en recouvrement de la part de [D] [X] une volonté de nover en retirant à l'acte du 15 mai 1992 son caractère onéreux pour lui conférer un caractère libéral ; selon les termes de l'ancien article 1272 du code civil applicable à la cause mais qui sont repris à l'actuel article 1330 du code civil, « la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte ». Il ne résulte d'aucun élément du dossier l'existence d'une telle volonté chez [D] [X].

L'irruption du raccourcissement du délai de prescription par l'effet de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 qui a eu pour effet que la créance de [D] [X] ait été de son vivant prescrite ne caractérise pas d'avantage une volonté de ce dernier de nover. Les considérations d'ordre général des appelants sur l'utilisation à des fins malicieuses par un de-cujus au profit de l'un de ses héritiers au détriment des autres de la prescription désormais raccourcie à cinq ans sont sans utilité pour la solution du litige étant relevée en l'occurrence que le délai de prescription de la créance de [D] [X] a duré plus de onze ans.

Partant pour les motifs qui précèdent qui s'ajoutent à ceux retenus par les premiers juges, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les consorts Jean [X] de leur demande en requalification de l'acte consenti par [D] [X] le 15 mai 1992 en donation déguisée au profit de M. [V] [X], de rapport de la somme de 300 370 €, et subsidiairement de la somme de 241 032 €, plus subsidiairement de rapport d'une donation immobilière de 600 000 Frs consentie en 1990-1991 réévaluée suivant l'évolution de la valeur du bien immobilier acquis jusqu'à la date du décès.

Les consorts Jean [X] sur le fondement de l'acte du 5 mai 1992 qu'ils arguent de donation déguisée présentent devant la cour une demande de recel successoral portant sur cette donation dont les intimés soulèvent l'irrecevabilité sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile en raison de son caractère de nouveauté devant la cour ; en matière de partage successoral, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif de la succession, toute demande est considérée comme une défense à une demande adverse ; la fin de non recevoir soulevée par les intimés est en conséquence rejetée ; le rejet des prétentions des consorts Jean [X] quant à l'existence d'une donation déguisée conduit au débouté de leur demande de recel successoral.

Ils sont également déboutés de leurs demandes de rapports à la succession de la somme 220 000 € sur le fondement de l'existence d'une donation déguisée par l'acte du 15 mai 1992.

Sur l'appel incident

Sur la demande des consorts [V] [X] au titre d'une donation déguisée consentie à M. Jean [X]

A titre liminaire, M. [V] [X] demande qu'il soit enjoint à M. Jean [X] de communiquer aux débats différentes pièces, à savoir :

-les statuts de la société Gemini,

-l'acte de cession du fonds de commerce de la société Gemini,

-les compte de résultat et les bilans de la société Gemini de 1985 à 1988 inclus.

Cette demande vient au soutien des prétentions des consorts [V] [X] selon lesquelles le prêt consenti par [D] [X] à la société Gemini que dirigeait M. Jean [X] serait une donation déguisée consenti au profit de ce dernier.

La cour relève que d'une part, les consorts [V] [X] ont la possibilité de se procurer les statuts de cette société ainsi que ses comptes sociaux auprès du greffe du tribunal de commerce auprès duquel elle est immatriculée, ce qu'ils n'ont visiblement pas faits.

D'autre part, les consorts [V] [X] n'expliquent pas en quoi ces pièces seraient utiles à la solution du litige.

Enfin, alors que, par le renvoi opéré par l'article 907 du code de procédure civile aux articles 780 à 807 de ce code, le magistrat de la mise en état exerce tous pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces, cette demande présentée devant la cour revêt un caractère dilatoire.

Les demandes de production des actes notariés d'achats de biens immobiliers effectués par M. Jean [X] de par son imprécision est attentatoire à l'intimité de la vie privée de M. Jean [X] puisqu'elle vise aussi des biens dont il n'est pas allégué qu'ils ont un lien avec le règlement de la succession de [D] [X] ; l'utilité de ces pièces à la solution du litige n'est d'ailleurs pas démontré ; cette demande présentée devant la cour revêt également un caractère dilatoire. Les mêmes griefs concernent également la demande portant sur la production des revenus de M. Jean [X] de 1980 à 1990.

Partant, pour les motifs qui précèdent, les consorts [V] [X] se voient déboutés de leur demande de production de pièces.

Le tribunal a débouté les consorts [V] [X] de leur demande tendant à voir qualifier en donation déguisée le prêt de 450 000 Frs consenti le 22 juillet 1985 par [D] [X] à la société Gemini au motif que le libellé du chèque au nom de M. Jean [X] l'a été en sa qualité de fondateur de cette société, que ce chèque a été encaissé sur le compte de cette société et que son non remboursement ne saurait suffire à le disqualifier en donation.

Devant la cour, M. Jean [X] produit à nouveau le relevé du compte bancaire ouvert auprès de la Banque Régionale de l'Ouest (BRO) au nom de la « société Gemini en formation » sur lequel a été encaissé le 17 juillet 1985 la somme de 450 000 Frs.

Il résulte par ailleurs des comptes sociaux de l'exercice 1985 et 1986 que parmi les éléments du passif figure la somme de 450 000 Frs comme provenant d'un « prêt familial [X] [D] », ce qui contrarie l'allégation des consorts [V] [X] selon laquelle cette somme aurait été utilisée par M. Jean [X] pour subvenir à ses besoins. Il est relevé qu'il s'agissait du seul prêt consenti à cette société, hormis l'avance en compte courant de 50 000 Frs dont elle bénéficiait de la part de son dirigeant.

La mainlevée de [D] [X] au nantissement qu'il avait inscrit sur le fonds de commerce a bénéficié à la société Gemini qui voyait sa solvabilité et sa crédibilité financière augmentées auprès de ses créanciers et ne caractérise pas une intention libérale de [D] [X] au profit de son fils Jean.

Il est rappelé qu'en vertu du principe de la personnalité morale, la société Gemini et M. Jean [X] sont des personnes juridiques distinctes, cette société fut-elle dirigée par M. Jean [X]. S'il arrive qu'une société serve d'écran à des personnes physiques, il appartient en l'occurrence aux consorts [V] [X] de prouver la confusion de patrimoine entre la société Gemini et la personne de son dirigeant.

Si cette société a fait l'objet d'une liquidation amiable, il résulte des comptes de liquidation qu'il a été procédé à un remboursement d'emprunt à hauteur de 250 000 Frs ; certes, ces comptes ont été établis par M. Jean [X] qui avait été désigné comme liquidateur mais ils sont corroborés par le relevé du compte bancaire de la société Gemini ouvert auprès de la banque BRO du 30 avril 1989 sur lequel figure en débit la somme de 250 000 Frs avec le libellé « VIR VT CRCA », étant relevé que ces lettres sont l'acronyme de la Caisse du Crédit Agricole qui était la banque du défunt.

Ces éléments réunis constituent des indices sérieux d'un remboursement partiel par la société Gemini du prêt consenti par le défunt qui viennent contrarier la vraisemblance d'une donation déguisée consentie à M. Jean [X].

En toute hypothèse, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, la seule circonstance que ce prêt n'aurait pas été remboursé ne saurait suffire à le disqualifier en donation au bénéfice de M. Jean [X].

Partant, pour les motifs qui précèdent, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [V] [X] de leur demande tendant à requalifier le prêt du 22 juillet 1985 en donation déguisée.

L'absence de donation déguisée consentie à M. Jean [X] conduit à rejeter la demande de recel successoral portant sur une telle donation et le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [V] [X] de leur demande de ce chef.

Sur la demande d'expertise des biens ayant fait l'objet de la donation partage

Par un acte reçu le 7 novembre 2000, [D] [X] a consenti à M. Jean [X] et M. [V] [X] une donation partage, M. Jean [X] se voyant attribuer un lot de copropriété représentant un studio dépendant d'un immeuble situé à [Adresse 10] et M. [V] [X] deux lots de copropriété représentant un studio et un emplacement de stationnement dépendant d'un immeuble situé à [Adresse 9]. Les biens dont ont été gratifiés les donataires étaient évalués pour chacun d'eux à la somme de 700 000 Frs ; l'acte présente donc la donation partage comme parfaitement égalitaire.

Les premiers juges ont débouté les consorts [V] [X] de leur demande de rapport à la succession de la donation partage consentie le 7 novembre 2000 et de leur demande avant dire-droit d'expertise afin d'évaluer les biens au jour de la donation au motif que, parce qu'elles constituent un partage par anticipation, les donations partage ne sont pas rapportables à la succession du donateur qui s'ouvre au jour de son décès et par suite les ont débouté de leur demande d'expertise formée avant dire-droit à leur demande de rapport.

Les consorts [V] [X] soutiennent que, si en application de l'article 1078 du code civil, les biens donnés doivent être évalués au jour de la donation partage, cet article n'impose pas de retenir la valeur indiquée à l'acte de donation ; ils citent des décisions de jurisprudence à l'appui et prétendant que l'écart de valeur entre les biens objet de la donation partage était en décembre 2000 de 40 000 € minimum au détriment de ceux attribués à M. [V] [X] et que le studio de la rue des Quatre vents même sans parking, ni cave vaut plus de 50 % que le studio de la rue Boussingault avec cave et parking tant au jour de la donation qu'aujourd'hui.

Cependant le rapport est une opération préliminaire au partage puisqu'il tend à reconstituer la masse partageable ; or le propre de la donation partage est de réaliser un partage anticipé de sorte que les biens reçus en donation partage ne sont pas rapportables.

Les arrêts de la Cour de cassation dont les consorts [V] [X] se prévalent ont été rendus dans des affaires où la réduction pour atteinte à la réserve étaient demandées. Dans la présente espèce, une demande de réduction des libéralités ne sert pas de support à la demande avant dire-droit d'expertise ; il n'apparaît pas, par ailleurs, qu'une action en réduction des libéralités ait été introduite ; la demande d'expertise formée avant dire-droit à une demande de rapport qui ne peut pas prospérer  est donc rejetée.

Partant pour les motifs qui précèdent et qui complètent ceux retenus par les premiers juges, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [V] [X] de leur demande d'expertise sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les moyens en défense présentés par les consorts Jean [X].

Sur les autres demandes présentées par les consorts Jean [X] pour la première fois devant la cour

Les consorts Jean [X] demandent le rapport par M. [V] [X] de la somme de 92 925 € et par M. Jean [X] de la somme de 34 270 € précisant que que ces sommes qui figurent sur le tableau établi par le défunt ont été données par celui-ci et n'ont pas été prises en compte en première instance.

Les consorts [V] [X] soulèvent l'irrecevabilité de cette demande au visa de l'article 564 du code de procédure civile au motif de son caractère de nouveauté par rapport aux demandes présentées devant le tribunal.

En matière de partage successoral, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif de la succession, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse, la fin de non recevoir soulevée par les consorts [V] [X] fondée sur les articles 564 et suivants du code de procédure civile est en conséquence rejetée.

S'agissant du bien fondé de cette demande, d'une part, les consorts Jean [X] n'expliquent pas leur calcul pour parvenir aux montants de 92 925 € et 34 270 €, lesquelles sommes ne correspondent pas aux soldes qui resteraient au vu du tableau établi par le défunt après déduction du montant des prêts dont les parties prétendaient respectivement qu'ils dissimulaient des donations déguisées.

Par ailleurs, ce tableau fut-il établi de la main du défunt ne suffit pas à lui seul à faire la preuve de donations.

Partant, les consorts Jean [X] se voient déboutés de leur demande tendant à voir ordonner aux consorts [V] [X] de rapporter la somme de 92 925 €. M. Jean [X] ayant la faculté d'effectuer le rapport de la somme de 34 270 €, en l'absence de demande des consorts [V] [X] en ce sens, il n'y a pas lieu d'ordonner un tel rapport.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

Chaque des parties échouant en son appel, elles supporteront les dépens d'appel qu'elles ont engagés.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposé et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

Compte-tenu de la répartition des dépens, il n'y a pas lieu de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné le partage des dépens entre les co-partageants à proportion de leurs parts respectives ; en revanche alors que chacune des parties a échoué partiellement en ses prétentions, le jugement a condamné M. [V] [X] à verser aux consorts Jean [X] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Et statuant à nouveau de ce chef, il est jugé qu'au vu de la répartition des dépens de première instance et en l'absence de motif d'équité conduisant à une appréciation contraire, il n'y a pas de faire application au profit de l'une ou l'autre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les n°20/12395 et 21/7307 et dit que l'instance unique se poursuit sous le n° 20/12395 ;

Confirme le jugement rendu le 26 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en l'ensemble de ses chefs, à l'exception de ceux ayant condamné M. [V] [X] à payer aux consorts Jean [X] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ces chefs :

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [V] [X] à payer aux consorts Jean [X] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les consorts Jean [X] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée devant le tribunal ;

Y ajoutant,

Rejette l'irrecevabilité soulevée par les consorts [V] [X] de la demande des consorts Jean [X] au titre d'un recel successoral ;

Déboute les consorts Jean [X] de leur demande au titre d'un recel successoral ;

Rejette l'irrecevabilité soulevée par les consorts [V] [X] de la demande des consorts Jean [X] de rapport à la succession de [D] [X] des sommes de 92 925 € et 34 270 € ;

Déboute les consorts Jean [X] de leur demande de rapport à la succession de [D] [X] de la somme de 220 000 € sur le fondement d'une donation déguisée ;

Déboute les consorts Jean [X] de leur demande de rapport à la succession de [D] [X] des sommes de 92 925 € et 34 270 € ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 20/12395
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.12395 ?
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