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14/12/2022 | FRANCE | N°19/04985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 décembre 2022, 19/04985


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° 2022/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04985 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OX7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/43484





APPELANT



Monsieur [B] [O]

né le 09 Février 1968 à [

Localité 5] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 4]



représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

ayant pour avocat plaidant Me La...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

(n° 2022/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04985 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OX7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/43484

APPELANT

Monsieur [B] [O]

né le 09 Février 1968 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

ayant pour avocat plaidant Me Laurent WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : G126

INTIMEE

Madame [R] [V]

née le 08 Février 1970 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 6] (ISRAEL)

représentée et plaidant par Me David-Benjamin MEYER de l'AARPI COVER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1990

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

Le 21 novembre 1991, M. [B] [O] et Mme [R] [V] se sont mariés à [Localité 7] (92), sans contrat de mariage préalable.

Par jugement rendu le 21 mars 2013, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a prononcé le divorce des époux [O]/[V] aux torts de l'époux, ordonné la liquidation du régime matrimonial et condamné M. [O] à payer à Mme [V] une somme de 600 000 euros à titre de prestation compensatoire.

Aucun appel n'a été formé contre ce jugement.

Par acte du 19 juillet 2013, Mme [R] [V] a assigné M. [O] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, aux fins d'ouverture des opérations de comptes liquidation et partage de la communauté ayant existé entre eux.

Par jugement du 15 décembre 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a notamment désigné un notaire.

Dans un arrêt rendu le 1er juin 2016, la cour d'appel de Paris a constaté que M. [O] et Mme [V] étaient d'accord pour considérer que les parts de la SCI [Adresse 1] et de la SCI [Adresse 1], inscrites à leurs noms dans les statuts, constituaient des biens communs et que leur valeur figurait dans l'indivision post-communautaire. L'arrêt a retenu, d'autre part, que 250 parts de la SARL Lenôtre et 250 parts de la SARL Foncière du Colisée constituaient des biens communs.

Maître [L], notaire, a déposé son rapport le 4 août 2016.

Mme [V] a régularisé des conclusions sollicitant le règlement de plusieurs questions portant notamment sur une récompense due par M. [O] à la communauté et sur la distribution des dividendes des SCI [Adresse 1] pour les années 2007 et 2008.

Par jugement du 26 mars 2018, le juge des affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a notamment statué en ces termes :

- dit que M. [O] n'apporte pas la preuve de son droit à récompense au titre d'apports de fonds propres dans la souscription des parts communes de la SCI [Adresse 1] et les SARL SCBI Lenôtre et Société Foncière du Colisée,

- déboute M. [O] de sa demande de récompense à ce titre,

- dit que la somme de 623 457 euros a été substituée dans l'actif indivis, aux parts indivises de la SCI [Adresse 1] inscrites au nom de Mme [V],

- dit que la valeur des parts indivises de la SCI [Adresse 1] inscrites au nom de M. [O] est de 623 457 euros,

- dit que la somme de 206 347 euros a été substituée dans l'actif indivis aux parts indivises de la SCI [Adresse 1] inscrites au nom de Mme [V],

- dit que la valeur des parts indivises de la SCI [Adresse 1] inscrites au nom de M. [O] est de 206 347 euros,

- déboute M. [O] de sa demande de récompense due par Mme [V] à la communauté au titre de la décote appliquée sur la valeur des parts indivises des SCI [Adresse 1],

- déboute M. [O] et Mme [V] de leurs demandes tendant à fixer le nombre des parts des SARL SCBI Lenôtre et Société Foncière du Colisée intégrées dans l'indivision post-communautaire et de leurs demandes d'attribution de ces parts,

- déboute M. [O] de sa demande de valorisation des 250 parts de la SARL SCBI Lenôtre à 283 791,67 euros et des 250 parts de la SARL Société Foncière du Colisée à 1 074 905 euros,

- dit que la valeur des parts de ces SARL doit être fixée à la date la plus proche du partage,

- dit que les parties devront communiquer à Maître [L], notaire, l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu sur appel de la décision du tribunal de commerce du 31 mars 2017 dès qu'il sera définitif,

- dit que cette valorisation ainsi que tout élément relatif aux comptes des sociétés affectant l'indivision devront être déterminés par l'administrateur judiciaire et le commissaire aux comptes nommés par le tribunal de commerce dans son ordonnance du 22 mai 2017, sur sollicitation de Maître [L], notaire désigné pour procéder aux opérations de comptes liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux [O]/[V],

- dit que le notaire devra en référer au juge en cas de difficultés sur ce point,

- dit que les montants du solde des comptes bancaires de Mme [V] à la date de l'ordonnance de non conciliation soit 1 628,30 euros et 545,22 euros doivent être mentionnés à l'actif de la communauté,

- déclare Mme [V] irrecevable en sa demande tendant à voir intégrer dans le partage des comptes prétendument ouverts par M. [O] au sein de l'Union Bancaire Privé au Luxembourg,

- dit que M. [O] est redevable envers la communauté des sommes de 56 016 euros et 44 895 euros correspondant aux dividendes 2006 et la quote-part des dividendes 2007 tombant dans la communauté, qui lui ont été versées par les deux SCI postérieurement à la date de l'ordonnance de non conciliation,

- dit que M. [O] est redevable envers l'indivision d'une créance de 14 986 euros au titre de la part des dividendes 2007 tombant dans l'indivision post-communautaire, qui lui a été versée postérieurement à la date de l'ordonnance de non conciliation,

- déboute Mme [V] de sa demande d'intégrer la somme de 673 euros afférente à la taxe d'habitation 2007 au passif de son compte d'administration,

- dit que la communauté est redevable envers M. [O] d'une récompense de 11 721 euros au titre du paiement sur ses deniers propres des contributions sociales 2006 et 2007 et de l'impôt sur les revenus 2007,

- dit que Mme [V] doit récompense à la communauté d'un montant de 693 euros au titre du crédit d'impôt 2006 encaissé par elle postérieurement à la date de l'ordonnance de non conciliation,

- déboute Mme [V] de ses demandes de levée du séquestre et de provisions sur le partage,

- renvoie les parties devant Maître [L], notaire à [Localité 4], pour établir l'acte constatant le partage qui devra tenir compte de la présente décision et de toutes décisions antérieures,

- rejette toutes autres demandes non présentement satisfaites,

- déboute M. [O] et Mme [V] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leurs parts dans l'indivision.

M. [O] a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 4 mars 2019.

Le 16 mai 2019, l'affaire a été fixée à bref délai.

Par arrêt du 4 mars 2020, la cour de céans a statué dans les termes suivants :

-déclare M. [B] [O] recevable en ses demandes de sursis à statuer,

-déboute M. [B] [O] de ses demandes de sursis,

-déboute Mme [R] [V] de sa demande de communication des originaux des pièces 13 et 14 produites par M. [O],

-confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

*dit que M. [O] est redevable envers la communauté des sommes de 56 016 euros et 44 895 euros correspondant aux dividendes 2006 et la quote-part des dividendes 2007 tombant dans la communauté qui lui ont été versées par les deux SCI postérieurement à la date de l'ordonnance de non conciliation,

*dit que M. [O] est redevable envers l'indivision d'une créance de 14 986 euros au titre de la part des dividendes 2007 tombant dans l'indivision post-communautaire qui lui a été versée postérieurement à l'ordonnance de non conciliation,

*dit que la valorisation ainsi que tout élément relatif aux comptes des sociétés SCBI Lenôtre et Foncière du Colisée affectant l'indivision devront être déterminées par l'administrateur judiciaire et le commissaire aux comptes nommés par le tribunal de commerce dans son ordonnance du 22 mai 2017 sur sollicitation de Maître [L] notaire désigné pour procéder aux opérations de comptes liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux [O]/[V],

statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

-dit que M. [B] [O] est redevable envers la communauté des sommes de 11 016 euros et 14 381 euros au titre des dividendes des exercices 2006 et 2007 afférents aux SCI [Adresse 1] versés postérieurement à l'ordonnance de non conciliation du 2 juillet 2007,

-ordonne une expertise,

-commet pour y procéder : M. [D] [Y], avec mission de procéder à la date de l'expertise, à l'estimation des parts sociales de la SARL SCBI Lenôtre (RCS Paris 302 077 326) et de la SARL Foncière du Colisée (RCS Paris 418 868 683) en fonction des données comptables et financières intrinsèques à ces sociétés et en fonction d'éléments extrinsèques (marché immobilier notamment) si les techniques d'évaluation impliquaient de prendre en compte ces éléments extrinsèques pour être en conformité avec la réalité du marché économique,

-dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission ['] avant le 30 décembre 2020, [']

-fixe à 6 000 euros le montant des honoraires de l'expert qui devra être consigné par moitié chacun par Mme [V] et M. [O] auprès du service de la régie de la cour d'appel de Paris avant le 10 mai 2020 ['].

Par courrier du 18 mai 2020, le magistrat a invité M. [B] [O] a verser la consignation avant le 27 mai 2020 ou à établir un motif légitime pouvant justifier une prorogation de délai.

Par ordonnance de consignation modificative du 23 juin 2020, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction a :

-autorisé Mme [R] [V] à verser la part de la consignation non versée à ce jour par M. [O], soit la somme de 3 000 euros,

-dit que cette somme devra être versée avant le 23 juillet 2020 directement entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel,

-dit qu'en l'absence de versement de cette consignation complémentaire, il sera demandé à l'expert de déposer son rapport en l'état.

Par ordonnance du 8 décembre 2020, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction a :

-ordonné à M. [B] [O] de communiquer sans délai à M. [D] [Y] les pièces sollicitées par lui, soit :

* grands livres 2019 de la Société Lenôtre et au 30 juin 2020 pour la Société Foncière du Colisée,

* détail et justifications des provisions pour risques et charges des deux sociétés,

* inventaire à jour des actifs immobiliers détenus par les deux sociétés (description de l'actif, surface, prix et date d'achat, valeur actuelle, loyers en cours, montant des travaux à venir),

* actes d'acquisition de tous les actifs immobiliers des deux sociétés,

* contrats de baux en cours de tous les actifs immobiliers,

* derniers états financiers complets des participations/titres immobilisés détenus par les deux sociétés,

* pourcentage de détention des sociétés Lenôtre et Foncière du Colisée dans les participations/titres immobilisés,

* inventaire des actifs immobiliers détenus par les sociétés figurant en titres de participation/titres immobilisés (description de l'actif, surface, prix et date d'achat, valeur actuelle, loyer en cours, montant des travaux à venir),

* détail des opérations immobilières(acquisitions/cessions) intervenues en 2020 pour la Société Lenôtre et à partir du 30 juin 2020 pour la Société Foncière du Colisée,

* estimation par les parties le cas échéant de la valeur des actifs immobiliers détenus par les deux sociétés,

* estimation par les parties le cas échéant de la valeur des titres de chacune des deux sociétés,

-dit que cette communication devra intervenir dans les 10 jours de la signification de cette ordonnance, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard depuis le 11ème jour suivant la signification pour les pièces 1 à 7 et 9 (prises globalement et non pièce par pièce), et sous astreinte de 200 euros par jour de retard pour les pièces 8, 10 et 11 (également prises globalement), pendant 100 jours depuis le 11ème jour suivant l'ordonnance,

-précisé que la liquidation éventuelle de l'astreinte s'opérera au profit de Mme [R] [V] dont les intérêts patrimoniaux sont susceptibles d'être lésés par la non communication par M. [B] [O] des documents ci-dessus visés et qui a la charge de la signification de cette ordonnance.

Par ordonnance du 26 janvier 2021, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction a :

-dit que le délai accordé à M. [D] [Y] pour déposer son rapport est prorogé jusqu'au 30 juin 2021,

-fixé à la somme de 27 600 euros le complément de la provision à verser dans cette affaire par Mme [R] [V],

-dit que la somme de 27 600 euros sera réglée de la façon prévisionnelle suivante :

*10 000 euros pour le 26 février 2021 au plus tard incombant pour moitié à chacune des parties, l'autre partie pouvant se substituer à la partie défaillante dans les 8 jours suivants la date limite,

* 10 000 euros pour le 26 mars 2021 au plus tard incombant pour moitié à chacune des parties, l'autre partie pouvant se substituer à la partie défaillante dans les 8 jours suivants la date limite,

-convoqué d'ores et déjà les parties à l'audience d'incident du 6 avril 2021 pour faire le point sur les paiements intervenus et fixer les modalités de paiement du solde avec éventuellement fixation d'une astreinte contre la partie qui aura été défaillante.

Par ordonnance rectificative du 29 janvier 2021, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction a ordonné la rectification de l'ordonnance de provision complémentaire en ce que la consignation de 27 600 euros mise à la charge de Mme [R] [V] est en réalité mise à la charge de Mme [V] et M. [O] pour moitié chacun.

Par ordonnance d'incident du 15 juin 2021, le magistrat chargé de la mise en état a statué dans les termes suivants :

-déclarons M. [B] [O] recevable en sa demande de réduction de l'étendue de la mission d'expertise confiée à M. [D] [Y],

-déboutons M. [B] [O] de sa demande de réduction de l'étendue de l'expertise confiée à M. [Y] en ce que cette mission devrait être limitée à la seule valorisation des parts sociales de la SARL Société Foncière Colisée,

-constatons qu'il n'a pas été justifié (à la date des débats sur incident) des fonds détenus par le notaire chargé de la liquidation du régime matrimonial des ex-époux [O]-[V] et de leur disponibilité immédiate, ce qui exclut toute possibilité de prélèvement rapide de ces fonds,

-disons que M. [B] [O] devra verser sans délai la somme de 7 600 euros à titre de solde de consignation des honoraires dus à M. [D] [Y], auprès du service de la régie de la cour d'appel de Paris sous astreinte de 1 200 euros par jour de retard depuis la signification de cette ordonnance dans la limite de 30 jours,

-disons qu'à défaut de versement de cette somme dans ce délai, Mme [R] [V] devra procéder à ce versement aux lieu et place de M. [B] [O] afin de remplir l'expert de ses droits afférents à la consignation de ses honoraires,

-condamnons M. [B] [O] à rembourser à Mme [R] [V] la somme de 4 200 euros qu'elle a trop versée (à titre d'avance) sur la part de consignation lui incombant, sous astreinte de 1 200 euros par jour de retard depuis la signification de cette ordonnance dans la limite de 30 jours,

-disons que Mme [R] [V] sera la bénéficiaire des liquidations d'astreinte, si ces liquidations doivent avoir lieu,

-nous réservons la liquidation de ces astreintes,

-condamnons M. [B] [O] à payer à Mme [R] [V] une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-disons qu'une copie de cette ordonnance sera adressée pour information à M. [D] [Y],

-condamnons M. [B] [O] aux dépens de l'incident.

Par ordonnance du 6 juillet 2021, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction a dit que le délai accordé à M. [D] [Y] pour déposer son rapport était prorogé jusqu'au 30 septembre 2021.

L'expert a déposé son rapport le 1er octobre 2021.

Par ordonnance du 26 octobre 2021, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction a :

-fixé à la somme de 33 600 euros la rémunération de l'expert, frais et T.V.A. inclus,

-autorisé M. [D] [Y] à se faire remettre cette somme sur les sommes consignées à la Régie de la Cour d'appel et s'élevant à 33 600 euros.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 octobre 2022, M. [B] [O], appelant, demande à la cour de :

-recevoir M. [B] [O] en son appel limité,

-le déclarer recevable et bien fondé en ses conclusions,

sous réserves d'un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt rendu avant dire droit rendu le 4 mars 2020 par la cour d'appel de Paris,

en l'état, et sauf à parfaire :

1) concernant la valorisation des sociétés SARL Commercialisation de Biens Immobiliers Lenôtre et SARL Foncière du Colisée et la fixation de leur valeur respective :

-écarter les conclusions de M. [Y], expert judiciaire, dans la mesure où l'expert judiciaire :

*n'a jamais discuté du choix de la ou des méthodes les plus appropriées de valorisations des titres, compte tenu de l'activité spécifique (activité immobilière directe et indirecte) de la SARL Commercialisation de Biens Immobiliers Lenôtre ainsi que de la SARL Foncière du Colisée,

*fait application de la seule méthode de l'actif net réévalué (ANR),

*fait application d'une seule et unique décote générale de 10% sur la valeur des titres au titre de l'illiquidité et des frottements fiscaux liés aux titres,

*n'a pas procédé à l'évaluation des participations détenues par M. [O] ou de la communauté, tombées dans l'indivision post communautaire,

-retenir l'évaluation faite par le cabinet Francis Lefebvre prenant comme valeur les titres des sociétés SARL Commercialisation de Biens Immobiliers Lenôtre et SARL Foncière du Colisée, la médiane des valeurs résultantes de la méthode de l'ANR et de la valeur de productivité, et faisant ensuite application de 3 décotes cumulatives d'au moins 30%,

$gt;concernant la SRL Société de Commercialisation de Biens Immobiliers Lenôtre : la valeur des 250 titres tombés en valeur dans l'indivision post communautaire [O]-[V] : 656 000 euros pour 250 parts ou 328 000 euros pour 125 parts,

$gt;la SARL Foncière du Colisée : la valeur des 250 titres tombées en valeur dans l'indivision post communautaire [O]-[V] : 2 604 000 euros pour 250 parts,

2) concernant la fixation de la soulte due à Mme [V] par M. [O] concernant la société Foncière du Colisée :

-donner acte à M. [O] de ce qu'il va vendre ses titres dans la société Foncière du Colidée une fois le séquestre de ses titres levés, pour régler la soulte restant à régler à M. [V],

-fixer le montant de la soulte à verser par M. [O] à Mme [V] net de la fiscalité de cession des titres, à la somme de 873 000 € pour attribuer à M. [O] la valeur totale des 250 titres numérotés de 1 à 250, dans la société Foncière du Colisée, soit à partir d'une valeur des titres évalués pour 2 604 000 euros dans la société Foncière du Colisée par le cabinet Francis Lefebvre, la somme de 859 000 euros,

-accorder un délai de paiement de deux ans tendant à la réalisation de ce paiement dans les conditions de l'article 1343-5 du code civil,

3) demande de mainlevée

-ordonner la mainlevée du séquestre :

*des 200 parts sociales, numérotées de 801 à 1 000 appartenant à M. [O] en propre (acquises par M. [O] antérieurement à son mariage avec Mme [V]) au sein de la SARL Société de Commercialisation de Biens Immobiliers Lenôtre,

*des 125 parts sociales numérotées de 1 187 à 1 248, détenues au nom de M. [O] dans la société SARL Société de Commercialisation de biens immobiliers Lenôtre, tombés dans l'indivision post communautaire [O]-[V],

*des 250 parts sociales numérotées 1 à 250, détenues au nom de M. [O] dans la SARL Foncière du Colisée, tombées dans l'indivision post-communautaire [O]-[V],

et ce sur simple présentation de l'arrêt à intervenir,

4) attribution à M. [O] des 125 parts de la SARL Lenôtre et à Mme [V] des 125 parts de la SARL Lenôtre

-juger que chacun des époux conservera les 125 parts attribuées de manière égales conformément à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris du 18 février 2020 au sein de la Société SARL Société de commercialisation de biens immobiliers Lenôtre, dont le titre a été attribué définitivement à chacun des ex-époux, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 février 2020, définitif,

5) demande de renvoi des parties devant le notaire liquidateur

-renvoyer les parties devant le notaire liquidateur aux fins de la finalisation des opérations de liquidation partage de la communauté, et notamment de la réception du montant de la soulte due pour attribution en valeur des parts de la Société Foncière du Colisée

6)-débouter Mme [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions et plus particulièrement de sa demande de prise en charge de la fiscalité par M. [O] de la cession des parts de la société Foncière du Colisée, cette fiscalité n'étant ni hypothétique ni future,

-condamner Mme [V] à verser à M. [O] la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-dire que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de partage.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 mars 2022, Mme [R] [V], intimée, demande à la cour de :

1) sur la valorisation des participations communes

à titre principal :

-dire et juger que les participations relevant de la communauté dans les sociétés SCBI Lenôtre et Foncière du Colisée sont valorisées comme suit :

* les 250 parts de la société SCBI Lenôtre : à hauteur de 1 599 500 euros

*250 parts de la société Foncière du Colisée : à hauteur de 3 936 634 euros

subsidiairement :

à défaut de retenir les évaluations ci-dessus, si la cour estime qu'il convient que l'expert livre son estimation des participations détenues par la communauté,

-interpréter l'arrêt de la cour d'appel du 4 mars 2020 comme donnant mission à M. [Y] de procéder à l'évaluation des participations détenues par la communauté dans les sociétés SCBI Lenôtre et Foncière du Colisée,

-ordonner à M. [Y] un complément d'expertise afin qu'il procède et communique son évaluation desdites participations,

2) sur le règlement du partage

prononcer le règlement du partage dans les conditions suivantes

à titre principal : selon l'hypothèse n° 1

-attribuer à Mme [V] les sommes séquestrées auprès de Maître [L] à hauteur en principal de 329 804 euros à titre principal,

-dire que les intérêts produits par les sommes détenues auprès du notaire seront attribués à Mme [V],

-condamner M. [O] à verser à Mme [V] à titre de soulte la somme de 2 773 471,74 euros avec intérêts de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

-dire et juger que le règlement de l'indivision post-communautaire ne sera acquis que lors du paiement total par M. [O] de ladite somme portant intérêts,

à titre subsidiaire : selon l'hypothèse n° 2 :

-attribuer à Mme [V] les sommes séquestrées auprès de Maître [L] à hauteur en principal de 329 804 euros à titre principal,

-dire que les intérêts produits par les sommes détenues auprès du notaire seront attribués à Mme [V],

- dire que Mme [V] reste titulaire de 125 parts sociales dans la société SCBI Lenôtre,

-condamner M. [O] à verser à Mme [V] la somme de 799 750 euros au titre de l'abus de droit,

-prendre acte de ce que Mme [V] pourra solliciter le retrait de ladite société,

-condamner M. [O] à verser à Mme [V] à titre de soulte la somme de 1 973 721,74 euros avec intérêts de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

-dire et juger que le règlement de l'indivision post-communautaire ne sera acquis que lors du paiement total par M. [O] de ladite somme portant intérêts,

à titre infiniment subsidiaire :

-renvoyer les parties devant Maître [C] [L] aux fins de la finalisation des opérations de liquidation partage de la communauté,

-ordonner le versement au profit de Mme [V] du reliquat des sommes séquestrées auprès de Maître [L], à hauteur en principal de 329 804 euros outre les intérêts, à titre d'avance sur le règlement de la communauté,

-ordonner le versement par M. [O] d'une avance sur liquidation d'un montant de 1 973 721,74 euros,

en tout état de cause :

-dire que le partage devra inclure tous les biens dépendant de la communauté et détenus par M. [O], et notamment auprès de l'UBP au Luxembourg,

-débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

-condamner M. [O] à payer à Mme [V] la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il n'est pas contesté que le patrimoine tombé dans l'indivision post-communautaire est exclusivement composé de participations au sein de 4 sociétés immobilières :

' 50 % du capital (260 parts) de la SCI [Adresse 1] (50 % du capital restant est détenu par un tiers) ;

' 50 % du capital (130 parts) de la SCI [Adresse 1] (50 % du capital restant est détenu par un tiers) ;

' 12,50 % du capital (250 parts) de la SARL SCBI Lenôtre (M. [O] et ses frères et s'urs détiennent 87,50 % du capital restant) ;

' 49,50 % du capital (250 parts) de la SARL Foncière du Colisée (Filiale de SCBI Lenôtre, détenant les 50,50 % du capital restant).

Le litige dévolu à la cour concerne le sort restant des parts déclarées communes, détenues en valeur et/ou en titres par l'indivision post-communautaire [O]-[V], dans la société Lenôtre et SARL Foncière du Colisée.

Sur la valorisation retenue des participations communes dans la SCBI Lenôtre, et la SARL Foncière du Colisée

M. [O] conteste les conclusions de l'expert en critiquant d'abord les conditions dans lesquelles la mesure d'expertise se serait déroulée, faisant valoir qu'aucune réunion entre les parties, leurs conseils , et l'expert-comptable des sociétés n'a jamais été organisée par l'expert judiciaire, qu'il n'y a eu aucune adjonction de sapiteur concernant la détermination des valeurs des actifs immobiliers retenus, que l'expert judiciaire n'a pas valorisé les parts détenues par l'indivision post communautaire dans les sociétés.

Il critique ensuite la méthodologie utilisée alors qu'il n'a jamais été discuté du choix de la ou des méthodes les plus appropriées et reproche ainsi à l'expert d'avoir utilisé la méthode d'évaluation de l'actif net réévalué (A.N.R.), d'avoir fait application d'une seule et unique décote générale de 10 % sur la valeur des titres pour tenir compte de façon forfaitaire de la moindre liquidité des parts sociales et des frottements fiscaux potentiels liés aux actifs sous-jacents, d'avoir à tort considéré les deux sociétés comme des sociétés holding et raisonné comme si M. [O] et Mme [V] étaient propriétaires de la totalité des titres de ces sociétés.

Il se prévaut des conclusions rendues par le cabinet Francis Lefebvre qu'il a chargé d'analyser le rapport de l'expert et de calculer la valeur des parts détenues dans chacune des sociétés par l'indivision post-communautaire, selon lesquelles la valeur de la totalité des titres de la société Lenôtre, tenant compte d'une double méthode d'évaluation, ressort à 7.498.000 € et la valeur de la totalité des titres de la société Foncière du Colisée, tenant compte d'une double méthode d'évaluation, ressort à 7.515.000 €.

Il souhaite donc que la cour retienne 656.000 € pour la valeur des 250 parts de la société Lenôtre (ou pour 125 parts à 328.000 €) et 2.604.000 € pour la valeur des 250 titres de la société SARL Foncière du Colisée.

Mme [V] répond que M. [O] a entravé la mission de l'expert notamment en s'abstenant de communiquer les pièces demandées et en refusant de consigner ; elle soutient que l'expert a tenu comptes des dires de M. [O].

Elle fait valoir que l'expertise a été réalisée sur la base des comptes sociaux fournis par M. [O] lui-même, que la présence à l'expertise des sociétés n'était en rien nécessaire, que l'interrogation de l'expert-comptable était également superflue puisque l'expertise s'est faite sur la base de sa comptabilité, que la méthode de l'Actif Net Réévalué (ANR) est particulièrement appropriée à l'évaluation des sociétés dites « patrimoniales ».

Elle demande à la cour de retenir les valorisations de chaque participation commune comme suit :

- pour les 250 parts de la société SCBI Lenôtre : (12.796.000 /2.000) x 250 = 1.599.500 €

- pour les 250 parts de la société Foncière du Colisée : (7.952 /505) x 250 = 3.936.634 €

et qu'à défaut de retenir ces montants, si la cour estime qu'il appartient à l'expert de donner son estimation des participations détenues par la communauté, de demander à M. [Y] un complément de son expertise afin qu'il lui indique son estimation des dites participations.

sur le déroulement

Les critiques exprimées par l'appelant sur le déroulement de l'expertise ne sauraient remettre en cause les conclusions de l'expert dès lors que la mesure d'expertise a été réalisée de manière contradictoire sur la base de documents et de valeurs des biens remis, après injonction, par M. [O] lui-même, dont la comptabilité qui rendait la présence de l'expert comptable inutile non plus que celle des sociétés ou des parties.

L'analyse du cabinet Francis Lefebvre n'est au contraire pas contradictoire et est fondée sur les données et arguments du seul M. [O] qui s'estime le mieux connaître la réalité des sociétés mais manque par hypothèse d'objectivité.

En tout état de cause l'analyse de ce cabinet porte non pas sur la valeur des parts de ces sociétés comme demandé à l'expert, mais sur la supposée valeur des titres détenus par l'indivision post communautaire dans chacune des sociétés.

En effet, M. [O] reproche à l'expert d'avoir calculé la valeur de la totalité des titres de la société Lenôtre et de la société Foncière du Colisée, et non la valeur des titres détenues par l'indivision post communautaire [O]-[V], valeur déterminable par prise en compte des décotes d'usage à appliquer (fiscalité, illiquidité, minorité, préemption, homme clé...).

Mais c'est à juste titre que l'expert judiciaire n'a pas valorisé les parts détenues par l'indivision post communautaire en valeur dans les sociétés puisque sa mission était de procéder, à la date de l'expertise, à l'estimation des parts sociales de la SARL SCBI Lenôtre (RCS Paris 302 077 326) et de la SARL Foncière du Colisée (RCS Paris 418 868 683) en fonction des données comptables et financières intrinsèques à ces sociétés et en fonction d'éléments extrinsèques (marché immobilier notamment) si les techniques d'évaluation impliquaient de prendre en compte ces éléments extrinsèques pour être en conformité avec la réalité du marché économique.

Il a donc laissé à la cour le soin de calculer la valeur des participations de la communauté.

sur la méthode

Il ressort des conclusions rendues par le cabinet Francis Lefebvre sur lesquelles se fonde M. [O] que :

« -['] pour l'évaluation des sociétés, rien ne justifie que l'expert écarte la méthode de productivité, pour ne retenir que la méthode de l'ANR, a fortiori si la fiscalité latente n'est pas retenue au stade de calcul de l'ANR ou autrement par une décote de holding générale.

- pour le calcul de l'ANR, l'expert ne pouvait ignorer la question de la prise en compte de l'impôt sur les plus-values latentes.

- pour déterminer la valeur de vos participations :

- la simple présence d'une clause d'agrément dans les statuts justifie à elle seule d'une décote d'illiquidité de 10% ;

- par ailleurs le caractère minoritaire des titres devrait justifier la prise en compte d'une décote de minorité d'au moins 10%, en plus de la décote d'illiquidité. [']

-enfin en étayant la fonction centrale et stratégique que vous occupez dans le cadre du développement de ces sociétés, une décote « homme clé » supplémentaire de 10% se justifierait également ['] ». 

Ce rapport ayant été très tardif dans la procédure puisque déposé trois jours avant la clôture, Mme [V] n'a pas souhaité y répondre.

Dans sa note de synthèse du 31 mai 2021, M. [Y] :

' justifiait le choix d'une méthodologie d'évaluation selon l'Actif Net Réévalué (ANR), en excluant les autres méthodes d'évaluation (p. 20 et 21) ;

' justifiait la prise en compte d'une décote unique de holding et d'illiquidité de 10% : « Au cas d'espèce, une décote limitée à 10% apparaît fondée » (p.22).

' concluait à la valorisation suivante de l'Actif Net Réévalué des sociétés et des parts sociales :

- « L'actif net réévalué (ANR) de la société SFC après décote ressort à 7.491 k€, soit une valeur de 14,8 k€ par part sociale » (p.30).

- « L'actif net réévalué de la société Lenôtre après décote ressort à 13.314 k€, soit une valeur de 6,7 k€ par part sociale » (p.36).

Le vendredi 25 juin 2021 M. [O] a exprimé ses dires de contestation.

L'expert a répondu sur la méthode employée « La quasi-totalité des actifs des deux sociétés étant des actifs immobiliers, la méthode de l'Actif Net Réévalué est la plus pertinente au cas d'espèce.

Néanmoins, l'approche par le rendement est utilisée pour réévaluer certains actifs immobiliers (Cf. § 4.3 Méthodologie d'évaluation).

L'approche par le rendement proposée par M. [O] n'est pas adaptée au cas présent puisqu'elle omet de valoriser les actifs qui ne génèrent pas de produits, alors qu'ils possèdent sans aucun doute une valeur positive non négligeable, reconnue par ailleurs par M. [O] (par exemple les titres de participation). »

Alors que M. [O] souhaitait voir retenir

- une décote d'illiquidité et de minorité de 10% ;

- une décote « homme clé » ;

- une décote pour fiscalité latente,

l'expert a appliqué une seule décote de 10% pour le motif suivant :

« Au cas d'espèce, une décote limitée à 10% apparaît fondée pour les raisons suivantes :

- une moindre liquidité des parts sociales (') par rapport aux actifs immobiliers sous-jacents ;

- des frottements fiscaux potentiels liés à la liquidité limitée des actifs sous-jacents ;

de nombreux actifs immobiliers situés à [Localité 4] où le marché présente une bonne liquidité.».

Il a estimé que cette décote unique couvrait l'ensemble des décotes applicables :

-holding

-minorité

-illiquidité.

Ainsi que le souligne Mme [V], en matière d'investissements immobiliers (au-delà des titres de participations de sociétés patrimoniales qui ne distribuent pas de dividendes, tels les titres de la société SFC détenus par la société Lenôtre) certains investissements sont viagers et, sur la première période de l'investissement, ne rapportent rien, et créent au contraire des charges qui absorbent d'autres produits des autres biens, alors que l'investissement a bien une valeur patrimoniale dès le 1er jour.

En outre, en l'espèce, la quasi-totalité des actifs des sociétés en cause sont des « actifs immobilisés » et non des stocks, ce qui démontre une vocation patrimoniale et non une vocation commerciale ; les actifs en « stock » de la SFC représentent moins de 1% de ses actifs, les actifs en « stock » de la société Lenôtre représentent 2,5 % de ses actifs.

La société Foncière du Colisée (SFC) n'a fait aucune acquisition depuis 2011 et détient pour 4.830 k € de créances sur les autres sociétés de M. [O].

Les activités commerciales de marchand de biens de M. [O] qui se présente comme « l'homme clé », sont en réalité désormais réalisées par ses autres sociétés immobilières dont il est le dirigeant et quasi-unique associé.

La société Foncière du Colisée ne détient qu'un patrimoine immobilier qui ne génère aucun revenu car non loué, et qui selon M. [O] lui-même pose de nombreux problèmes de gestion, ce qui justifie d'utiliser une méthode de calcul purement patrimoniale à l'exclusion d'une méthode fondée sur le rendement en l'absence de flux financiers.

En l'absence d'activité commerciale des sociétés en cause, c'est donc à juste titre que l'expert a retenu la méthode ANR à l'exclusion de celle du rendement ou d'une combinaison de méthodes.

Si une fiscalité latente doit être prise en compte pour les biens étant destinés à être cédés à court terme avec réalisation d'une plus ou moins value pouvant avoir une incidence fiscale en matière d'évaluation des fonds propres, tel n'est pas le cas en l'espèce puisque, comme l'a exposé l'expert pour répondre à la demande de M. [O] sur la prise en compte de cette fiscalité latente, l'actif est comptabilisé en immobilisations et n'a pas vocation à être cédé à court terme de sorte que la plus ou moins value ne sera pas réalisée.

Dans sa décote de 10% l'expert a tenu compte des frottements fiscaux potentiels liés à la liquidité limitée des actifs sous-jacents tenant compte d'un risque réduit de fiscalité latente.

Il y a donc lieu d'écarter l'application d'une décote supplémentaire au titre de la fiscalité latente des plus values liée à une cession future.

La dépendance d'une société à un « homme-clé » est susceptible d'influer sur sa valorisation.

En l'espèce, en ce qui concerne la décote d'homme clé qui permettrait de prendre en compte les risques éventuels liés à une forte dépendance d l'entreprise à son dirigeant ou à un membre de l'entreprise dont le talent ou le savoir-faire participe à la renommée de l'entreprise, l'expert l'a également écartée eu égard à l'activité commune des deux sociétés.

En tout état de cause, il ne s'agit pas de sociétés de rendement, la valorisation des sociétés étant basée sur les actifs qu'elles détiennent de sorte que le talent ou savoir-faire du gérant susceptible de disparaître en cas de cession est sans incidenceétant observé que M. [O] ne quitte pas la société principale Foncière du Colisée.

C'est donc à juste titre que la décote homme-clé a été écartée par l'expert.

La valeur de chacune des parts sociales s'élève ainsi, selon le raisonnement de l'expert, à:

- pour la société SCBI Lenôtre : 6.398 € par part sociale (12.796.000 /2.000)

- pour la société Foncière du Colisée : 15.746,53 € par part sociale (7.952.000 /505)

Ce qui donne pour les participations relevant de l'indivision post communautaire dans chacune des sociétés :

-pour les 250 parts de la société SCBI Lenôtre : (12.796.000 /2.000) x 250 = 1.599.500 €

-pour les 250 parts de la société Foncière du Colisée : (7.952 /505) x 250 = 3.936.634 €.

Sur les attributions

M. [O], qui soutient que le partage doit avoir lieu en nature, demande que les parts de la SARL Lenôtre lui soient attribuées à hauteur de 125parts , les 125 autres parts étant attribuées à Mme [V] et demande l'attribution de la totalité des parts de la société FDC, à charge pour lui de payer une soulte.

Il se prévaut de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 18 février 2020 et soutient qu'ayant été jugé que les 250 parts sociales au sein de la société Lenôtre sont attribuées à parts égales en titre entre chacun des époux [O]-[V], la propriété des titres à chacun des ex-époux est désormais définitive de sorte qu'attribuer à l'un ou l'autre des époux ces titres suppose une cession, avec les implications liées aux plus-values à régler.

Mme [V] soutient au contraire que le partage se fait en valeur ; qu'il ne faut pas fractionner une unité économique ; que la demande de M. [O] de lui attribuer 6,5% de la participation de la société Lenôtre constitue un abus de droit en ce qu'elle :

- ne défend aucun intérêt légitime,

- est économiquement contre-productive,

- est contraire à la volonté exprimée de tous les associés y compris M. [O] et les membres de sa famille,

-ne cherche qu'à lui nuire.

Elle demande donc à titre principal, selon une hypothèse 1, que M. [O] conserve toutes les parts sociales et à titre subsidiaire, selon une hypothèse 2, de se voir attribuer 125 parts dans la SCBI Lenôtre.

Il résulte de l'article 830 du code civil que « Dans la formation et la composition des lots, on s'efforce d'éviter de diviser les unités économiques et autres ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait la dépréciation. ».

Aux termes de l'article 831 du code civil, les droits sociaux peuvent faire l'objet d'une attribution préférentielle.

Par assemblée générale du 30 mai 2016 M. [O] a fait voter l'annulation de l'augmentation de capital du 10 décembre 2001 qui avait créé les parts sociales dépendant de la communauté et, suite à la demande de Mme [V] d'être considérée comme associée de la SCBI Lenôtre pour éviter la disparition de la participation de la communauté, cette assemblée générale du 30 mai 2016 a été annulée par la cour d'appel de Paris le 18 février 2020.

Cette décision, rendue, sur appel d'un jugement du tribunal de commerce, concernait d'une part la société Lenôtre et d'autre part Mme [V], M. [O] n'y étant pas partie.

Mme [V] a été déclarée personnellement associée de la SCBI Lenôtre depuis le 11 juillet 2011, les décisions prises par l'assemblée générale du 30 mai 2016 ont été déclarées inopposables à Mme [V] et à l'indivision post-communautaire, la nullité de la décision de la même assemblée « de réduction de capital et le rachat des parts sociales de M. [O] a été annulée », la modification subséquente des statuts de la SCBI Lenôtre a été ordonnée dans les 15 jours de la signification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Cette décision ne concerne aucunement le partage de l'indivision post-communautaire et n'a aucune incidence sur le fait que les 250 parts de la SCBI Lenôtre, qui sont des droits sociaux non négociables, en dépendent, de sorte qu'elles doivent être incluses dans le partage sans qu'il y ait cession puisqu'elles ne sont pas la propriété de l'un ou l'autre ex-époux.

C'est la valeur patrimoniale de la part sociale acquise à titre onéreux pendant le mariage qui est commune.

Ainsi, pour déterminer le sort des parts sociales lors du partage, il y a lieu de considérer que seule la valeur des parts sociales tombe dans l'indivision post-communautaire, puisque le conjoint ne peut obtenir les droits d'associé à l'issue du partage en application du principe qui sépare le titre (qualité d'associé) et la finance, et qu'il est néanmoins possible d'inclure les parts en nature grâce à l'attribution préférentielle qui peut profiter à celui des conjoints qui était associé.

En l'espèce, les deux parties ont qualité d'associé de la société Lenôtre ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 18 février 2020, et M. [O] ne demande l'attribution que de 125 parts de la société Lenôtre, alors que Mme [V] n'en demande aucune.

La société Lenôtre est familiale en ce qu'elle appartient principalement à l'appelant qui y possède également des part propres à hauteur de 200 et à ses frère et s'urs. Elle est à actionnariat fermé et non cotée.

La présence de Mme [V] en qualité d'associée au sein de la société Lenôtre est purement circonstancielle et elle a dû ester pour faire valoir ses droits après que les associés ont voté, à l'unanimité, la suppression des parts de la communauté, ce qui démontre le climat d'hostilité de la famille de M. [O] à l'égard de l'intimée.

Les statuts de la société prévoient en leur article 11 que : « La cession des parts sociales entre vifs, à titre onéreux, est libre entre associés » et in fine : « Les parts sociales sont librement transmissibles par voie de succession ou en cas de liquidation de communauté de biens entre époux et librement cessibles entre conjoints et entre ascendants et descendants ».

Économiquement, récupérer les 125 parts litigieuses porterait la participation de M. [O] à 22,5%, ce qui serait plus opportun que de laisser Mme [V] dans le capital à hauteur de 6,25% alors que les statuts de la société fixent un seuil de 10 % pour obtenir droit à certaines demandes, ce qui a une incidence sur la valeur proportionnelle des parts.

Il y a donc lieu d'attribuer la totalité des 250 parts de la société Lenôtre pour une valeur de 1.599.500 € à M. [O], ainsi que, comme il le demande, sans opposition de Mme [V] sur ce point, la totalité des 250 parts de la SCI Foncière du Colisée pour une valeur de 3.936.634 €.

Dès lors qu'il s'agit d'une attribution dans le cadre d'une liquidation qui n'a pas le caractère d'une cession générant une taxation au titre des plus-values, il n'y a pas lieu de tenir compte d'une prétendue fiscalité latente.

Sur la demande de mainlevée du séquestre relatif aux parts de la société Lenôtre et de la société Foncière du Colisée au nom de M. [O] ainsi que des parts propres à ce dernier

M. [O] sollicite la levée du séquestre des parts sociales qu'il détient dans les sociétés Lenôtre et Foncière du Colisée ordonné par le président du tribunal de commerce par décision en référé du 28 janvier 2009, au motif qu'à défaut, il ne serait pas en mesure de payer la soulte due à Mme [V] puisqu'il lui faut vendre ces parts.

Mme [V] soutient que cette décision est définitive et ne peut être remise en cause que par une saisine au fond du tribunal de commerce.

Le séquestre a été ordonné jusqu'à ce qu'une décision de justice en décide autrement ou jusqu'à un accord conforme des parties.

Si l'ordonnance de référé n'a pas d'autorité définitive de chose jugée, elle est revêtue de l'autorité provisoire de chose jugée qui fait qu'elle ne peut être remise en cause que par une décision au fond du juge du commerce, ou encore par une nouvelle décision en référé sur la base d'une modification de la situation.

La situation des parties est modifiée par la présente décision.

M. [O] peut donc saisir le tribunal de commerce au fond ou le Président du tribunal de commerce en référé pour voir la mesure ordonnée levée.

Sur la demande de renvoi des parties devant le notaire liquidateur

M. [O] demande à la cour de renvoyer les parties devant le notaire liquidateur aux fins de la finalisation des opérations de liquidation partage de la communauté en tenant compte des décisions rendues, et du fait que le notaire devra procéder aux calculs des plus-values et s'assurer de l'acquittement des taxes et impositions dues, Mme [V] étant non-résidente en France.

Mme [V] s'oppose au envoi devant le notaire et estime que la cour est parfaitement informée de l'ensemble des éléments du dossier :

- composition de la masse commune (hormis les biens et valeurs cachés au Luxembourg);

- droits de chacune des parties ;

- évaluation de chaque bien.

de sorte que rien ne s'oppose dès lors au règlement définitif de l'indivision post-communautaire.

Le projet d'état liquidatif de Maître [L] date du 4 août 2016 alors que les valeurs s'apprécient au jour du partage, et il y a lieu à actualisation.

En outre, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas à la cour, statuant à la suite du tribunal appelé à statuer en matière liquidative, de poursuivre les opérations de compte liquidation partage de l'indivision ou de la communauté ayant existé entre les parties, opérations entamées devant le notaire et devant lequel elles seront renvoyées, mais de trancher les questions de principe posées par ces liquidations.

Il sera précisé que, s'il appartient à la juridiction de déterminer si des sommes doivent rester à la charge définitive de l'indivision ou de la communauté et ouvrir droit à récompense au profit de tel ou tel indivisaire ou réciproquement, il ne saurait, en revanche, y avoir lieu de fixer plus particulièrement le montant des sommes revenant à tel ou tel indivisaire.

Pour les motifs qui précèdent, il ne saurait donc y avoir lieu de faire droit à la demande de Mme [V] et par suite il incombe de renvoyer les parties devant le notaire liquidateur.

Sur la soulte

Il appartiendra au notaire commis de calculer le montant de la soulte eu égard à la présente décision. Si M. [O] fait valoir qu'il doit vendre ses parts de la société Foncière du Colisée pour la payer, il convient d'observer que cette vente n'est en l'état qu'hypothétique et ne peut être réalisée qu'une fois le séquestre de ses titres levé.

Si cette cession a bien lieu, il convient de tenir compte de la fiscalité qui y est attachée et eu égard aux règles sur la fiscalité des parts sociales qui prévoient des abattements, il appartiendra à M. [O], les titres étant entrés dans son patrimoine en juin 1998 pour la SFC et en 2001 pour la société Lenôtre, de justifier auprès du notaire des sommes effectivement dues par lui à ce titre.

En outre, M. [O] demande un délai pour régler la soulte sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.

Toutefois, la soulte est payable comptant en application de l'article 832-4 alinéa 2 du code civil, sauf dans les cas prévus aux articles 831-3 et 832, c'est-à-dire lorsque l'attribution préférentielle est de droit, où l'attributaire peut exiger de ses copartageants, pour le paiement d'une fraction de la soulte, égale au plus à la moitié, des délais ne pouvant excéder dix ans.

Tel n'est pas le cas en l'espèce et la demande de délai sera donc rejetée.

Sur la demande d'avance sur le règlement de la communauté

Mme [V] demande à la cour d'ordonner le versement à son profit du reliquat des sommes séquestrées auprès de Maître [L] (issues de la vente des parts de Mme [V] dans les SCI [Adresse 1]), à hauteur en principal de 329.804 € outre les intérêts, à titre d'avance sur le règlement de la communauté et le versement par M. [O] d'une avance sur liquidation d'un montant de 1.973.721,74 €.

Elle n'articule aucun moyen à l'appui de ces demandes.

M. [O] ne répond pas directement sur ces demandes dans ses écritures.

S'agissant de la somme de 329.804 € issue de la vente des parts de Mme [V] dans les SCI [Adresse 1], M. [O] rappelle à juste titre que Mme [V] a revendiqué et obtenu sa qualité d'associé concernant 130 parts sur 260 parts de la SCI [Adresse 1] et a revendiqué et obtenu sa qualité d'associé concernant 65 parts sur 130 parts de la SCI [Adresse 1], et qu'elle a initié une procédure de retrait des dites SCI en 2015.

Le prix des retraits, soit la somme de 623.457 € pour la SCI [Adresse 1] et la somme de 206.347 € pour la SCI [Adresse 1], a été consigné, à la demande de M. [O],, Mme [V] a obtenu deux provisions, pour un montant total de 829.804 € à la suite de deux procédures accélérées au fond qu'elle a diligentées devant le tribunal Judiciaire de Paris en 2020 et 2022, lui permettant de récupérer la totalité de la somme séquestrée auprès du notaire.

Par suite la demande sera rejetée.

S'agissant de l'avance sur liquidation d'un montant de 1.973.721,74 € que Mme [V] estime correspondre à la soulte minimum que M. [O] devra acquitter en tout état de cause, il n'est pas justifié que les fonds correspondant soient détenus par le notaire chargé de la liquidation du régime matrimonial des ex-époux [O]-[V] ni de leur disponibilité immédiate.

La demande sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties.

Eu égard à la nature du litige, il convient d'ordonner l'emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Fixe les participations relevant de l'indivision post communautaire dans chacune des sociétés :

-pour les 250 parts de la société SCBI Lenôtre : (12.796.000 /2.000) x 250 = 1.599.500 €

-pour les 250 parts de la société Foncière du Colisée : (7.952 /505) x 250 = 3.936.634 € ;

Attribue à M. [B] [O] la totalité des 250 parts de la société Lenôtre pour une valeur de 1.599.500 € et la totalité des 250 parts de la SCI Foncière du Colisée pour une valeur de 3.936.634 € ;

Déboute M. [B] [O] de sa demande de mainlevée du séquestre relatif aux parts de la société Lenôtre et de la société Foncière du Colisée ;

Déboute M. [B] [O] de sa demande de délais pour le règlement de la soulte ;

Déboute Mme [R] [V] de ses demandes d'avance sur le règlement de la communauté ;

Renvoie les parties devant le notaire liquidateur aux fins de finalisation des opérations de liquidation partage de la communauté ;

Dit qu'il appartiendra ainsi au notaire liquidateur de calculer le montant de la soulte due par M. [B] [O] à Mme [R] [V] ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

Le Greffier Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 19/04985
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;19.04985 ?
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