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24/11/2022 | FRANCE | N°22/001614

France | France, Cour d'appel de Paris, H0, 24 novembre 2022, 22/001614


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le : République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 24 Novembre 2022
(no 233 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 22/00161 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF6QN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny RG no 11-22-000883

APPELANTE

ASSOCIATION POUR LE LOGEMENT DES JEUNES TRAVAILLEURS
agissant poursuites et diligences en la personne

de son président (créancier-bailleur)
Domicile élu au cabinet de la SCP DERRIENNIC etASSOCIES
[Adresse 2]
[Loc...

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le : République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 24 Novembre 2022
(no 233 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 22/00161 - No Portalis 35L7-V-B7G-CF6QN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny RG no 11-22-000883

APPELANTE

ASSOCIATION POUR LE LOGEMENT DES JEUNES TRAVAILLEURS
agissant poursuites et diligences en la personne de son président (créancier-bailleur)
Domicile élu au cabinet de la SCP DERRIENNIC etASSOCIES
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me François-pierre LANI de la SCP DERRIENNIC et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426 substitué par Me Camille ROD, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [D] [J] (débiteur)
Domicile élu à l'UDAF 93
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparant

UDAF 93 (curateur)
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne représentant M. [J] en vertu du placement sous curatelle renforcée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, présidente
Mme Laurence ARBELLOT, conseillère
Mme Fabienne TROUILLER, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Ophanie KERLOC'H, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 18 février 2022, M. [D] [J] a saisi la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Saint-Denis qui a, le 7 mars 2022, déclaré sa demande recevable.

Par requête du 4 mai 2022, la commission de surendettement a sollicité du tribunal judiciaire de Bobigny que soit ordonnée la suspension des mesures d'expulsion engagées à l'encontre de M. [J].

Par un jugement réputé contradictoire du 2 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné la suspension de la procédure d'expulsion pour une durée maximum de 24 mois.

Le premier juge a relevé qu'un commandement de quitter les lieux avait été signifié à l'intéressé le 20 avril 2022 en vertu d'une ordonnance du juge des référés de Bobigny du 24 mars 2022. Il a constaté que M. [J] avait été placé sous le régime de la curatelle renforcée le 24 février 2022, qu'il était salarié en contrat à durée indéterminée au salaire de 1 697 euros par mois et que son expulsion aurait pour effet d'aggraver son endettement compte tenu des frais de procédure et de relogement alors qu'il semble en mesure d'apurer sa dette locative.

Le jugement a été notifié à l'association pour le logement des jeunes travailleurs ci-après dénommée ALJT le 13 juin 2022.

Suivant requête déposée au greffe de la cour d'appel de Paris le 27 juin 2022 selon procédure à jour fixe, l'ALJT a sollicité une autorisation d'assignation de M. [J]. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro RG 22/00401.

Par déclaration remise au greffe de la cour d'appel de Paris le 27 juin 2022, l'ALJT a interjeté appel du jugement du 2 juin 2022. Cette déclaration a été enregistrée sous le numéro RG 22/00161.

Par ordonnance du 21 juillet 2022, les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.

Les parties ont été convoquées et l'affaire a été appelée à l'audience du 4 octobre 2022.

À cette audience, l'ALJU est représentée par un avocat qui a développé oralement ses conclusions et a demandé à la cour :
-l'infirmation du jugement,
-de constater que le maintien de M. [J] au sein de la résidence en application de l'exécution immédiate du jugement entraînerait des conséquences manifestement excessives,
-de juger que la gravité des faits commis et suspectés d'avoir été commis par M. [J] empêche nécessairement son maintien au sein du foyer,
-d'annuler en toutes ses dispositions le jugement,
-de dire que les mesures d'expulsion reprennent leur plein effet,
-de rappeler que M. [J] devait quitter les lieux au plus tard au 20 juin 2022,
-de condamner les intimés à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Elle estime être recevable en son appel. Elle indique ne pas avoir été en mesure de formuler des observations en temps utile devant le premier juge car sa directrice n'a jamais été touchée par le courrier du tribunal et qu'il s'agit d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement.

Elle explique que M. [J] a signé un contrat de séjour en 2018, renouvelé depuis et qu'en raison d'impayés, elle a dû faire jouer la clause résolutoire le 28 octobre 2021 et que M. [J] a été reconnu sans droit ni titre suivant ordonnance du 24 mars 2022 avec expulsion.

Elle précise avoir été contrainte de déposer une main courante le 25 janvier 2022 en raison de faits de violence commis au sein de la résidence sur une jeune femme non résidente et impliquant M. [J] avec des coups portés à cette personne et pour lesquels M. [J] a fait l'objet d'un interrogatoire par les services de police. Elle ajoute que suite à cet incident, elle a dû lui adresser une mise en demeure de respecter le règlement intérieur.

Elle explique avoir également été informée de deux plaintes déposées les 9 mars 2022 et 13 avril 2022 par deux jeunes femmes résidentes et susceptibles de constituer des agressions sexuelles avec ouverture d'une enquête auprès du commissariat de police de [Localité 5]. Elle évoque une interdiction de paraître à [Localité 5] signifiée à M. [J].

Elle soutient qu'elle ne peut tolérer qu'on lui impose davantage le maintien dans ses locaux d'un occupant sans droit ni titre aussi dangereux que M. [J] et que son maintien dans les lieux aurait des conséquences manifestement excessives et désastreuses pour les autres résidents.

M. [J] bien que régulièrement convoqué (accusé de réception signé par ses soins) n'a pas comparu.

Le représentant de l'UDAF 93 expose que M. [J] a été placé sous curatelle renforcée le 28 février 2022 pour 24 mois. Il explique qu'il a eu des impayés de loyers, a fait des efforts pour régulariser l'arriéré tous les mois mais que sa situation s'est dégradée, qu'il travaillait à la mairie de [Localité 5] mais a perdu son emploi en juillet 2022 car son titre de séjour est arrivé à expiration. Il ajoute qu'une procédure a été initiée au tribunal administratif pour son titre de séjour et que M. [J] est hébergé chez des amis en attendant. Il pense que M. [J] a compris qu'il était interdit de séjour à [Localité 5] même s'il conteste les faits.

L'UDAF 93 s'oppose à l'expulsion en faisant état de ce que M. [J] conteste les faits, qu'il a été relâché après sa garde à vue sans poursuite, qu'il existe la présomption d'innocence et que son expulsion ne peut qu'obérer sa situation.

MOTIFS

À titre liminaire, il doit être rappelé que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les créanciers non comparants.

Sur la recevabilité de l'appel

En application des articles R.713-7 du code de la consommation et 932 du code de procédure civile, l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire adresse par pli recommandé au greffe de la cour dans les quinze jours de la notification du jugement. La date de notification est celle de la signature de l'avis de réception. La notification mentionne les voies et délais de recours.

En l'espèce, il résulte du dossier que l'ALJT a signé le 13 juin 2022 l'avis de réception de la lettre lui ayant notifié le jugement. Elle avait donc jusqu'au 28 juin 2022 pour former valablement son appel.
Par conséquent, la déclaration formée le 27 juin 2022 au greffe de la cour d'appel doit être déclarée recevable.

Sur la demande d'annulation du jugement

L'ALJT soutient que le tribunal a invité les parties par courrier du 12 mai 2022 à présenter des observations écrites avant le 30 mai 2022 mais qu'elle n'a pas été en mesure de formuler des observations en temps utile car sa directrice n'a jamais été touchée par le courrier du tribunal.

Il résulte des énonciations mêmes du jugement que l'association ALJT n'a pas fait parvenir d'observation dans le délai imparti après envoi du courrier du 12 mai 2022.

L'ALJT communique aux débats une attestation sur l'honneur émanant de Mme [F] [B] demeurant à l'association datée du 21 juin 2022 par laquelle elle indique confirmer que le courrier du 12 mai 2022 mentionné en page 1 du jugement ne lui est jamais parvenu et qu'elle a uniquement reçu un courrier en date du 8 mars 2022 de la part de la commission de surendettement.

Cet élément est insuffisant à venir contredire la mention du jugement valant jusqu'à inscription de faux de sorte que le moyen d'annulation n'est pas fondé.

Sur la suspension de la procédure d'expulsion

Aux termes des articles L.722-6 et suivants du code de la consommation, dès que la commission déclare le dossier du débiteur recevable, elle peut saisir le juge du tribunal d'instance aux fins de suspension des mesures d'expulsion du logement du débiteur.

Si la situation du débiteur l'exige, le juge prononce la suspension provisoire des mesures d'expulsion de son logement. Cette suspension est acquise, pour une période maximale de deux ans et, selon les cas, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1, jusqu'à la décision imposant les mesures prévues par l'article L.733-1, jusqu'à l'homologation par le juge des mesures recommandées ou jusqu'au jugement d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

En l'espèce, il est justifié d'un commandement de quitter les lieux signifié le 20 avril 2022 en vertu d'une ordonnance du juge des référés de Bobigny du 24 mars 2022, M. [J] étant sans droit ni titre.

L'ALJT communique aux débats copie d'une main courante déposée au commissariat de [Localité 5] le 25 janvier 2022 par la directrice du foyer faisant état de ce que le 16 janvier 2022 une jeune femme était avec M. [J], que ce dernier a ouvert la porte de son appartement et a jeté la jeune femme dehors en la traînant par les pieds et la jetant à terre, qu'elle avait du sang sur la tête, et se roulait par terre de douleur. Il est précisé que l'on ignore si cette personne a déposé plainte. Elle justifie également avoir adressé un courrier à M. [J] dès le 31 janvier 2022 lui rappelant le non-respect du règlement pour avoir accueilli une invitée accompagnée d'enfants en bas âge les 28 et 31 janvier 2022.

L'association produit également sur clé USB les vidéos du foyer pour la journée du 16 janvier 2022 de 8 h 05 à 11h 48, heure de l'arrivée de la police.

Elle produit copie de deux plaintes déposées les 9 mars 2022 et 13 avril 2022 au commissariat de [Localité 5] par deux jeunes femmes résidentes au sein du foyer et visant nommément M. [J], dénonçant des faits susceptibles de constituer des agressions sexuelles.

Si le curateur de M. [J] ne conteste pas le placement en garde à vue de l'intéressé dans le cadre de ces deux plaintes, aucune suite n'a été pour l'instant donnée à cette procédure et aucun élément de l'enquête n'évoque une interdiction de séjour sur la ville de [Localité 5] qui aurait été imposée à M. [J] dans le cadre de cette affaire.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'indépendamment de la suite qui sera donnée à la procédure initiée à l'encontre de M. [J] suite aux plaintes déposées par deux résidentes, il ne justifie plus d'aucun droit ni titre à occuper un logement au sein du foyer alors que sa situation personnelle actuelle ne lui permet pas d'envisager le paiement d'une quelconque redevance courante puisqu'il est sans titre de séjour ni travail.

Aucun élément ne vient donc justifier la suspension des mesures d'expulsion.

Le jugement doit être infirmé.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et chaque partie conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe :

Déclare l'appel recevable,

Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Rejette la demande de suspension des mesures d'expulsion,

Autorise l'association pour le logement des jeunes travailleurs à poursuivre la mise en oeuvre des mesures d'expulsion à l'encontre de M. [D] [J],

Déboute l'association pour le logement des jeunes travailleurs de ses autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle,

Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec accusé de réception au débiteur et à ses créanciers

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : H0
Numéro d'arrêt : 22/001614
Date de la décision : 24/11/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-11-24;22.001614 ?
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