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24/11/2022 | FRANCE | N°21/003994

France | France, Cour d'appel de Paris, H0, 24 novembre 2022, 21/003994


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le : République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 24 Novembre 2022
(no 228 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 21/00399 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE3X3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Novembre 2021 par le tribunal de proximité de VILLEJUIF RG no 11-21-000282

APPELANT

Monsieur [X] [F]
Chez M.[F] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
non comparant représenté

par Me Soumia AZIRIA, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000394 du 26/01/20...

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le : République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 24 Novembre 2022
(no 228 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 21/00399 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE3X3

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Novembre 2021 par le tribunal de proximité de VILLEJUIF RG no 11-21-000282

APPELANT

Monsieur [X] [F]
Chez M.[F] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
non comparant représenté par Me Soumia AZIRIA, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000394 du 26/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CNAVTS
DRCLF
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Mme [J] [V], Agent de la Direction Relation Assurés, (membre de la CNAV) en vertu d'un pouvoir spécial accordé par M. [L] [S] Directeur de la Relation Assurés de la CNAV

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER, conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, présidente
Mme Fabienne TROUILLER, conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Greffière : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Ophanie KERLOC'H, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 10 novembre 2020, M. [X] [F] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-de-Marne qui a, le 1er décembre 2020, déclaré sa demande recevable.

Le 19 janvier 2021, la commission a estimé que M. [F] se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise et a imposé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

Par courrier expédié le 5 février 2021, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (ci-après la CNAV) a contesté cette décision notifiée le 25 janvier 2021.

Par jugement réputé contradictoire en date du 30 novembre 2021 le tribunal de proximité de Villejuif a :
- déclaré recevable le recours formé par la CNAV,
- constaté l'absence de bonne foi de M. [F],
- déclaré irrecevable la demande M. [F] tendant à bénéficier de la procédure de surendettement.

La juridiction a estimé qu'en déclarant ne pas posséder de passeport algérien et en refusant de le produire pour justifier de sa résidence principale auprès de la CNAV, ainsi qu'en demeurant redevable à ce titre de la somme de 54 471,83 euros au titre de prestations indûment perçues constituant la totalité de son endettement actuel, M. [F] avait commis une faute en rapport direct avec sa situation de surendettement, laquelle caractérisait sa mauvaise foi.

Le jugement a été notifié au débiteur le 14 décembre 2021.

Par déclaration adressée le 16 décembre 2021 au greffe de la cour d'appel Paris, M. [F] a interjeté appel du jugement en contestant la constatation de son absence de bonne foi et la déclaration d'irrecevabilité de sa demande tendant à bénéficier de la procédure de surendettement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 11 octobre 2022.

À cette audience, M. [F] est représenté par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé l'infirmation du jugement, le prononcé d'un rétablissement personnel sans liquidation et le rejet des demandes adverses.

Il a fait valoir que M. [F] est âgé de 77 ans, qu'il avait perdu son passeport, qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une fraude et qu'il est présumé de bonne foi.

Il précise qu'il est hébergé chez son fils, qu'il bénéficie du RSA, outre une retraite de 79 euros, soit une somme totale de 497,84 euros et qu'il ne possède rien du tout.

La CNAV est représentée par Mme [V], munie d'un pouvoir, qui a développé oralement ses conclusions et réclamé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et le débouté des demandes adverses.

Elle a fait valoir que M. [F] a fait preuve d'une absence totale de bonne foi, qu'il a dissimulé à la caisse nationale ses ressources et sa résidence, qu'il touchait une retraite de base et des allocations dès 2007, qu'il a toujours déclaré être hébergé alors qu'un contrôle a démontré qu'il n'avait aucune résidence stable et effective. De surcroît, il avait déclaré qu'il n'avait pas la nationalité algérienne et qu'il n'avait pas de passeport, ce qui s'est avéré faux.

Elle précise que sa créance s'élevait à plus de 54 000 euros et que M. [F] a perçu une allocation non exportable, ce qui constitue une fausse déclaration, qui a été jugée et confirmé en appel, tandis que le pourvoi a été rejeté, à l'issue de six années de procédure. Ainsi sa dette a une origine frauduleuse et ne peut donc bénéficier d'un effacement

Elle estime que la commission de surendettement n'a regardé que le montant de ses ressources et son âge sans vérifier les conditions frauduleuses de son endettement.

MOTIFS DE LA DÉCISION
À titre liminaire, il doit être rappelé que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures.

En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours de la CNAV.

Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.

Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.

En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :
1o ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,
2o ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,
3o ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.

Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.
Le juge doit se déterminer au jour où il statue.
À l'appui de son appel, M. [F] fait plaider qu'il est présumé de bonne foi et que la CNAV ne rapporte pas la preuve de sa mauvaise foi, ni d'une fraude impliquant un manquement délibéré à ses obligations déclaratives dans le but de percevoir des prestations auxquelles il sait qu'il ne peut prétendre.

Il précise que le jour du contrôle, M. [F], âgé de plus de 70 ans, a présenté à l'enquêteur les papiers dont il disposait ce jour-là, que n'ayant pas retrouvé son passeport, il a établi une déclaration de perte auprès du consulat algérien, que le 31 octobre 2013, il a transmis à la CNAV une copie de son passeport français, de sa carte d'identité et de divers certificats médicaux.

Il soutient qu'il n'a jamais eu l'intention de détourner une règle de droit et qu'il doit bénéficier de la présomption de bonne foi.

Il ressort des pièces produites et des débats qu'à compter de janvier 2007, M. [F] a bénéficié d'une allocation de solidarité aux personnes âgées, réservée aux résidents sur le sol français, qu'à l'occasion d'un contrôle effectué en février 2013, il est apparu que M. [F], bénéficiant de la double nationalité, ne justifiait pas d'une résidence stable et effective en France et qu'il existait une suspicion de fraude.

Par la suite, la CNAV lui a notifié une décision de suppression de l'allocation et réclamé la restitution d'un indu d'un montant de 54 471,83 euros perçu entre 2007 et août 2013, compte tenu de sa résidence hors de France. Par jugement du 22 octobre 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté le recours de M. [F] et l'a condamné au remboursement des sommes indûment perçues. Par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 19 octobre 2018, le jugement a été confirmé et est désormais définitif à la suite du rejet du pourvoi formé par le débiteur, le 29 septembre 2020.

À la suite du dépôt du dossier de surendettement, la CNAV a suspendu le prélèvement des retenues sur la pension du débiteur.

En application de l'article L.711-4, les dettes ayant pour origine des manoeuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale sont exclues de tout effacement. L'origine frauduleuse de la dette est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale.

En l'espèce, la créance de la CNAV résulte bien de la dissimulation par M. [F] de sa résidence et/ou de ses séjours en Algérie et de sa nationalité algérienne lors du contrôle en 2013 au cours duquel il a refusé de produire son passeport algérien, dont il n'établit ni le vol, ni la perte. Les pièces produites ne permettent pas de justifier une résidence stable en France, seuls quelques séjours en France chez ses enfants permettant quelques consultations médicales. Cette fraude est établie par des décisions de justice définitives, ayant autorité de chose jugée.

Ainsi, pour s'opposer à un effacement de sa créance, la CNAV est fondée à dénoncer la nature frauduleuse de l'endettement, s'agissant d'agissements découverts à la faveur d'une enquête.

Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a relevé que M. [F] avait commis une faute en rapport direct avec sa situation de surendettement, ce qui caractérise sa mauvaise foi et justifie une déchéance du bénéfice de cette procédure réservée aux débiteurs de bonne foi.

Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.

Les éventuels dépens seront laissés à la charge de M. [F].

PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Laisse les éventuels dépens à la charge de M. [X] [F] ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : H0
Numéro d'arrêt : 21/003994
Date de la décision : 24/11/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-11-24;21.003994 ?
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