Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11101 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CABHW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/34907
Après arrêt du 6 juillet 2021 rendu par la cour de céans ordonnant une expertise biologique
APPELANTE
Madame [K] [G] née le 5 février 1988 à [Localité 9] (Nigeria) agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [N] [S] [G] née le 26 septembre 2014 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754
(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2019/018515 du 13/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Monsieur [U] né le 26 septembre 2014 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 8]
assigné le 22 août 2019 par procès-verbal de remise à étude d'huissier
non comparant
non représenté
LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE NATIONALITÉ
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 octobre 2022, en chambre du conseil, l'avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
M. François MELIN, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Le 26 septembre 2014, [N], [S] [G], a été déclarée sur les registres de l'état civil de la mairie de [Localité 11], comme née ce même jour, d'[U] [I], né le 9 août 1988 à [Localité 10], de nationalité française, et de Mme [K] [G], née le 5 février 1988 à [Localité 9] (Nigeria), de nationalité nigériane.
L'enfant a été reconnue par ses deux parents par anticipation suivant acte reçu le 5 août 2014 par l'officier d'état civil de [Localité 8].
Par assignation en date du 12 mars 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a fait assigner M. [I] et Mme [G] en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de l'enfant, sur le fondement de l'article 336 du code civil, en annulation de la reconnaissance souscrite par M. [I] et en constatation de l'extranéité de l'enfant.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 19 mars 2019, le tribunal a dit que les dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile avaient été respectées, dit l'action du ministère public recevable, faisant application de la loi française, dit que M. [I] n'est pas le père de l'enfant [N], [S] [G], en conséquence annulé la reconnaissance de l'enfant souscrite par M. [I] le 5 août 2014 devant l'officier d'état civil de [Localité 8] , dit que l'enfant [N], [S] [G], née le 26 septembre 2014 à [Localité 11] n'est pas française.
Mme [G] a interjeté appel de ce jugement le 27 mai 2019.
Le 22 août 2019, le ministère public a fait signifier la déclaration d'appel de Mme [G] à M. [I]. L'acte a été remis à l'étude de l'huissier de justice.
Par dernières conclusions notifiées au ministère public le 8 décembre 2020, Mme [G] agissant tant en son nom personnel qu'au nom de l'enfant mineure, a demandé à la cour de réformer le jugement, statuant à nouveau de dire le ministère public irrecevable et mal fondé à contester la paternité de l'enfant [N], [S] [G], au visa des dispositions du code civil français, de débouter le ministère public de toutes ses demandes, de dire valable l'acte de reconnaissance, de dire que l'enfant [N], [S] [G], née le 26 septembre 2014 à [Localité 11] , est bien la fille d'[U] [I], né le 9 août ème1988 à [Localité 10], de dire qu'elle est bien de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et subsidiairement, avant dire droit, d'ordonner une expertise aux frais avancés du Trésor public et de mettre les dépens à la charge du Trésor public.
Mme [G] a fait signifier à M. [I] sa déclaration d'appel par acte d'huissier
de justice en date du 1 août 2019 et ses conclusions d'appel par acte d'huissier du 30 août 2019. Ces actes ont été remis à l'étude de l'huissier.
Par dernières conclusions en date du 5 septembre 2019, le ministère public a demandé à la cour de déclarer l'appel caduc, faute de respect des formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile, de confirmer le jugement et de condamner l'appelante aux dépens.
Par arrêt en date du 16 février 2021, la cour d'appel a :
- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
- dit que la déclaration d'appel de Mme [K] [G] n'est pas caduque et que ses conclusions sont recevables,
- dit que la demande d'annulation de la reconnaissance de M. [I] sur le fondement de l'article 336 du code civil relève de l'application de la loi française,
- enjoint au ministère public de communiquer, dans le délai de quinze jours, les pièces qu'il a communiquées en première instance à l'appui de sa demande, qui sont discutées par les parties en cause d'appel, notamment la procédure d'enquête à laquelle se réfère également Mme [K] [G] dans ses conclusions,
- révoqué l'ordonnance de clôture pour admission de ces pièces,
- réservé l'examen des autres demandes et des dépens.
Le ministère public a transmis les pièces réclamées par la cour par RPVA le 19 février 2021.
La clôture a été de nouveau ordonnée le 6 avril 2021 et l'affaire fixée à l'audience du 25 mai 2021.
Par un arrêt en date du 06 juillet 2021, la cour d'appel de Paris a :
- confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré recevable le ministère public en sa demande d'annulation de la reconnaissance de M. [U] [I] de l'enfant [N] [S] [G], née le 26 septembre 2014 à [Localité 11],
- ordonné une mesure d'expertise génétique,
- désigné Mme [H] [J] ' IGNA ' [Adresse 2]) ' Tél : [XXXXXXXX01], en qualité d'expert avec pour mission de :
+ Convoquer ou faire convoquer les parties qui devront se munir des documents administratifs prouvant leur identité,
+ Prélever les empreintes génétiques ou faire prélever sous son contrôle, par tout spécialiste de son choix ou par un laboratoire qu'il désignera de [N], [S] [G], née le 26 septembre 2014 à [Localité 11]), et de M. [U] [I], né le 09 août 1988 à [Localité 10],
Afin de dire si ce prélèvement permet d'affirmer ou d'exclure la paternité de M. [U] [I] à l'égard de [N], [S] [G], et de fournir à la cour tous les éléments nécessaires à la solution du litige,
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la cour d'appel dans un délai de six mois à compter de la réception du présent arrêt, sauf prorogation de ce délai sollicité en temps utile auprès de la cour,
- dit n'y avoir lieu à consignation d'une provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
- dit que l'expert devra rendre compte à la cour de l'avancement de ses travaux et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 245 du code de procédure civile,
- dit que l'expert devra communiquer une copie de son rapport à chaque partie ainsi qu'au ministère public, et déposer son rapport en double exemplaire au greffe de la cour, service de la mise en état de la chambre 3-5,
- dit que l'expert devra adresser tous ses courriers à la cour d'appel ' [Adresse 4]), service de la mise en état de la chambre 3-5,
- dit que le présent arrêt devra être signifié à M. [U] [I] par Mme [G] et qu'il lui en sera adressé une copie par le greffe de la cour par lettre recommandée avec avis de réception et par lettre simple,
- désigné M. François Mélin, magistrat de la chambre chargé du contrôle des expertises pour suivre les opérations,
- renvoyé l'affaire devant M. François Mélin, conseiller de la mise en état, à l'audience du 10 mars 2022 pour conclusions en ouverture de rapport,
- sursis à statuer sur les autres demandes,
- réservé les dépens.
L'expert a rendu un rapport de carence le 03 janvier 2022, déposé au greffe le 11 janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions d'appelant notifiées le 08 mars 2022, Mme [K] [G] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, débouter le ministère public de toutes demandes, fins et conclusions, dire et juger valable l'acte de reconnaissance souscrite par M. [U] [I] en date du 05 août 2014 à [Localité 8], dire et juger que l'enfant [N], [S] [G], née le 26 septembre 2014 à [Localité 11]) est bien la fille de M. [U] [I], né le 09 août 1988 à [Localité 10], dire et juger que l'enfant est bien de nationalité française et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 08 février 2022, le ministère public demande à la cour de de déclarer l'acte d'appel caduc, de confirmer le jugement de première instance et de condamner l'appelante aux dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 mai 2022.
MOTIFS
Sur la contestation de paternité
Moyens des parties :
Mme [G] fait valoir qu'il appartient au ministère public de rapporter la preuve du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de M. [I], que contrairement à ce que soutient le ministère public, M. [I] a fait des déclarations contradictoires lors de son audition, qu'en réalité, celui-ci a intérêt à contester sa paternité pour ne pas avoir à payer une contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, qu'il est indifférent qu'elle ait été en situation irrégulière lors de sa grossesse et qu'il ne peut se déduire ni de l'absence de relations depuis quelques années de M. [I] avec sa fille, ni du fait que suivant le droit coutumier nigérian, sa fille ne porte que le nom de sa mère, la preuve de la fraude alléguée.
Elle invoque, se prévalant des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, la gravité des conséquences pour sa fille de la décision de première instance, qui aboutit à la priver de sa filiation paternelle, ce qu'elle estime contraire à l'intérêt de l'enfant.
Le ministère public réplique que la seule affirmation de la filiation paternelle n'est pas suffisante à son établissement, que M. [I] ne peut se prévaloir d'une possession d'état conforme au titre de naissance de son enfant, que la démarche frauduleuse de ce dernier est caractérisée par une série d'éléments repris par le tribunal dans le jugement critiqué, notamment l'enquête de police au cours de laquelle M. [I] a reconnu ne pas être le père de l'enfant et ne pas avoir eu de relations avec l'appelante.
Réponse de la cour :
En application de l'article 336 du code civil « La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi ».
Il résulte des déclarations faites par Mme [G] et M. [I] devant les services de police que ceux-ci ont livré des témoignages entièrement contraires.
Mme [G] a affirmé qu'elle avait eu avec M. [I] une relation amoureuse à compter de février 2013 même s'ils n'avaient jamais vécu ensemble, qu'elle était tombée enceinte et qu'ils avaient décidé de garder l'enfant, que M. [I] avait reconnu l'enfant et contribué à son entretien, qu'ils avaient poursuivi leur relation jusqu'en juin 2016, date à laquelle elle avait rencontré un autre homme, qu'en raison de cette nouvelle relation, elle avait demandé à M. [I] de ne plus la contacter et qu'il n'avait plus vu l'enfant depuis décembre 2016.
De son côté, M. [I] a expliqué avoir accepté une somme de 600 euros d'un inconnu pour reconnaître l'enfant, déclaré qu'à sa connaissance la mère de l'enfant était en situation régulière mais qu'elle voulait que le père de son enfant soit de nationalité française, qu'il n'avait pas eu d'autres contacts avec Mme [G].
Par ailleurs, il est établi que Mme [G] était en situation irrégulière sur le territoire français au moment de la naissance de l'enfant et a engagé des démarches administratives pour obtenir un certificat de nationalité française, une carte nationale d'identité et un passeport français très rapidement pour l'enfant après sa naissance et pour obtenir pour elle-même un titre de séjour.
En outre, M. [I] n'a constitué avocat ni devant le tribunal ni devant la cour, alors que son adresse était connue et que les actes de procédure lui ont été régulièrement signifiés, son domicile ayant été vérifié par l'huissier de justice.
Il ne s'est pas présenté à l'expertise judiciaire. Il en est de même de l'enfant, l'expert ayant indiqué être dans l'impossibilité d'effectuer sa mission dès lors que les courriers adressés aux domiciles connus de M. [I] et de l'enfant, n'ont pu être distribués par la poste, les destinataires étant inconnus aux adresses indiquées. La cour relève que Mme [G] [R] n'a pas informé la cour de son déménagement qu'elle signale page 2 de ses écritures, ni été en mesure de donner un quelconque renseignement permettant de localiser M. [I] dont l'adresse est à ce jour inconnue.
C'est en conséquence par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu qu'au regard des déclarations contradictoires de Mme [G] et de M. [I], de l'absence de communauté de vie entre eux, de l'absence de possession d'état d'enfant de M. [I], de la situation administrative de la première et des démarches entreprises dès la naissance de l'enfant, permettant d'obtenir sa régularisation sur le territoire français, la reconnaissance litigieuse était frauduleuse.
L'intérêt de l'enfant, ou le droit au respect de la vie privée et à une vie familiale tiré de l'article 8 de la CEDH, invoqués par l'appelante, ne sauraient justifier une filiation conférée en fraude à la loi, et ce d'autant qu'elle ne correspond à aucune réalité sociale, l'enfant et M. [I] n'ayant jamais entretenu de relations filiales.
Dans ces conditions, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Vu les arrêts avant dire droit en date des 16 février et 6 juillet 2021,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne Mme [K] [G] agissant à titre personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure, aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE