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10/11/2022 | FRANCE | N°22/09695

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 10 novembre 2022, 22/09695


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09695 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF24X



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 mai 2022 - Conseiller de la mise en état de la cour d'appel de PARIS - RG n° 21/02770





DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ



Madame [V] [O]

née [Y]

née le 24 janvier 1963 à [Localité 8] (75)

[Adresse 1]

[Localité 6]



représentée et assistée de Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barr...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09695 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF24X

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 mai 2022 - Conseiller de la mise en état de la cour d'appel de PARIS - RG n° 21/02770

DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ

Madame [V] [O] née [Y]

née le 24 janvier 1963 à [Localité 8] (75)

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

PARTIE INTERVENANTE DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ

Madame [L] [Y]

née le 16 décembre 194 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

DÉFENDEURS AU DÉFÉRÉ

Monsieur [K] [O]

né le 1er novembre 1960 au MAROC

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté et assisté de Me Hélène WOLFF de l'AARPI Cabinet WOLFF - ZAZOUN - KLEINBOURG, avocat au barreau de PARIS, toque : K0004

La société BNP PARIBAS, société anonyme prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 662 042 449 00014

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET-DE LAVENNE-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J131

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre remplaçant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère empêchée

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Saisi le 23 janvier 2020 par la société BNP Paribas d'une demande tendant principalement à la condamnation de Mme [V] [Y] épouse [O] au paiement du solde restant dû au titre d'une offre préalable de crédit signée le 11 mai 2016, le tribunal judiciaire de Paris a, par un jugement réputé contradictoire rendu le 11 janvier 2021 auquel il convient de se reporter :

- déclaré que l'action en paiement de la société BNP Paribas n'est pas atteinte par la forclusion prévue à l'article L. 311-52 du code de la consommation,

- condamné Mme [O] à payer à la société BNP Paribas la somme de 35 811,17 euros outre intérêts au taux de 2,85 % l'an à compter du 23 janvier 2020, au titre du solde de ce crédit,

- débouté la société BNP Paribas de ses autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [O] aux dépens,

- rappelé que le bénéfice de l'exécution provisoire est de droit.

Le premier juge a considéré que le premier incident de paiement non régularisé était intervenu le 10 juillet 2018 de sorte que l'action en paiement avait été introduite dans le délai de deux ans fixé par le code de la consommation. Il a ensuite réduit la clause pénale à zéro conformément aux dispositions de l'article 1152 du code civil puis a rappelé que l'article L. 311-24 du code de la consommation faisait obstacle à la capitalisation des intérêts réclamée par le prêteur.

Par déclaration en date du 10 février 2021, Mme [O] a relevé appel de cette décision, lequel appel a été enregistré sous le numéro RG 21/02770.

Le 10 mars 2021, Mme [O] a signifié la déclaration d'appel à la société BNP Paribas.

Le 16 avril 2021, Me Bénédicte de Lavenne-Borredon s'est constituée pour la société BNP Paribas.

Le 19 avril 2021, les parties ont été avisées de la désignation du conseiller de la mise en état.

Le 15 septembre 2021, Mme [V] [O] a fait assigner M. [K] [O] en intervention forcée et lui a signifié ses conclusions 1 et 2 et Maître [N] Wolff s'est constituée pour M. [K] [O] le 27 septembre 2021.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 27 janvier 2022, Mme [L] [Y] est intervenue volontairement aux cotés de Mme [V] [O], sa mère.

Par ordonnance du 24 mai 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel de Mme [O] à défaut pour celle-ci d'avoir remis ses conclusions dans les trois mois suivant cette déclaration, au sens de l'article 908 du code de procédure civile.

Par requête en date du 6 juin 2022, Mme [O] et Mme [Y] ont déféré à la cour cette ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 mai 2022, ayant déclaré caduque la déclaration d'appel de Mme [O]. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de RG 22/09695.

Par déclaration du 9 juin 2022 enregistrée sous le numéro RG 22/00417, Mme [O] a agi en inscription de faux du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 janvier 2021 dont appel.

Par déclaration du 10 juin 2022 enregistrée sous le numéro RG 22/00418, Mme [O] a agi en inscription de faux de l'assignation qui lui avait été délivrée le 23 janvier 2020 par la société BNP Paribas ayant abouti au jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 janvier 2021 dont appel.

Par déclaration du 23 juin 2022 enregistrée sous le numéro de RG 22/00423, Mme [O] a agi en inscription de faux à l'encontre d'une décision du juge de la mise en état du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris cabinet 104 du 4 janvier 2021.

Le 12 juillet 2022, le ministère public a rendu un avis sur l'inscription de faux à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 janvier 2021 dont appel.

Aux termes de ses conclusions n° 3 notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, Mme [O] et Mme [Y] demandent à la cour :

- de les déclarer recevables en la requête en déféré et d'infirmer l'ordonnance du 24 mai 2022 avec toutes ses conséquences de droit,

- in limine litis de déclarer irrecevables les conclusions de M. [O],

- de surseoir à statuer en raison de l'inscription de faux incidente du 9 juin 2022 à l'encontre du jugement rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris - minute 11/2021 ; RG 11-20-001962,

- subsidiairement, de surseoir à statuer en raison de l'inscription de faux incidente du 10 juin 2022 à l'encontre de l'acte d'assignation introductive d'instance à la requête de la BNP Paribas devant le tribunal judiciaire de Paris du jugement du 11 janvier 2021 - minute 11/2021 ; RG 11-20-001962 dont appel au Pôle 4 -Chambre 9, RG 21/02770, établi le 23 janvier 2020 par Me [S] [W], SCP LPF & Associes [W] Proust Frères, Huissiers de Justice à [Localité 8],

- très subsidiairement, de surseoir à statuer en raison de l'inscription de faux incidente du 23 juin 2022 à l'encontre de l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Paris - minute N°1 ; RG 17/39473, dont appel au Pôle 4 Chambre 9 - RG 22/09695 de la cour d'appel de Paris,

à titre infiniment subsidiaire sur l'irrecevabilité de la demande de caducité,

- de juger que la société BNP Paribas n'ayant pas introduit un incident de caducité dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, cette demande est irrecevable dans le cadre du présent incident statuant sur une fin de non-recevoir tirée de la recevabilité d'une assignation en garantie, faute d'avoir été présentée au conseiller par conclusions spécialement adressées avant ses conclusions au fond du 3 août 2021,

- de juger que M. [O] n'ayant pas introduit un incident de caducité dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, cette demande est irrecevable dans le présent incident statuant sur une fin de non-recevoir tirée de la recevabilité d'une assignation en garantie, faute d'avoir été présentée en même temps que ses conclusions du 29 novembre 2021,

- de déclarer irrecevable M. [O] en sa demande « d'irrecevabilité de l'appel » fondée sur les articles 554 et 555 du code de procédure civile, de la rejeter et de le débouter de cette prétention formée par conclusions du 1er février 2022,

- de déclarer irrecevable la société BNP Paribas en sa demande de caducité, la rejeter et la débouter de cette prétention formée par conclusions du 31 janvier 2022,

subsidiairement, sur la recevabilité des conclusions régularisées le 11 mai 2021,

- de constater l'existence d'un cas de force majeure,

- d'écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 du code de procédure civile,

- de déclarer recevables les conclusions régularisées le 11 mai 2021,

- de débouter la société BNP Paribas de sa demande de caducité,

- de débouter M. [O] de sa demande « d'irrecevabilité de l'appel »,

subsidiairement,

- de juger que si par extraordinaire, la remise au greffe des conclusions d'appelant est irrégulière, elle ne peut être sanctionnée par une fin de non-recevoir aux termes de l'article 6-1 de la CEDH au regard des faits de l'espèce en matière de Covid-19 le droit d'accès au juge ne pouvait être ainsi limité, la mesure de caducité mise en 'uvre ne poursuivant pas un but légitime et étant disproportionnée au but à atteindre,

- en conséquence, de déclarer recevables les conclusions régularisées le 11 mai 2021 et débouter la société BNP Paribas et M. [O],

très subsidiairement sur l'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur l'intervention qui en constitue pas une fin de non-recevoir :

- de juger que l'intervention est un incident d'instance ne mettant pas fin à l'instance,

- de déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur un incident d'instance ne mettant pas fin à l'instance,

subsidiairement, au cas où par extraordinaire, le Conseiller de la mise en état considérerait que l'intervention est une fin de non-recevoir,

- de juger que l'intervention forcée relève du fond et n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état et de déclarer le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'intervention forcée qui relève du fond et n'entre pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état,

à titre plus subsidiaire, sur l'irrecevabilité de la demande de M. [O] à soulever cette fin de non-recevoir au cours de la même instance devant la cour et devant le conseiller de la mise en état,

- de juger que M. [O] a soulevé par conclusions d'incident du 29 novembre 2021 et par conclusions au fond du 29 novembre 2021 la fin de non-recevoir afin de voir déclarer irrecevable l'assignation en intervention forcée du 15 septembre 2021 ;

- de juger que M. [O] et la société BNP Paribas ne sont plus recevables à soulever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée du 15 septembre 2021 au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état,

- en conséquence, de juger que M. [O] et la société BNP Paribas seront déclarés irrecevables en leur demande à soulever cette fin de non-recevoir au cours de la même instance devant la Cour d'Appel de Paris, celle-ci ne s'étant pas révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état,

à titre infiniment subsidiaire, sur le bien-fondé de la demande d'intervention forcée en garantie de M. [O] au visa de l'article 555 du code de procédure civile,

- de déclarer recevable et bien fondée l'intervention de M. [O] en garantie formée par Mme [O] son épouse, mariés sous le régime de la communauté au solde du prêt à la consommation pour les besoins quotidiens du ménage des époux [O],

- de débouter M. [O] de sa demande,

- en tout état de cause de déclarer irrecevable la BNP en toutes ses demandes, fins et conclusions formées devant la Cour et fondées sur l'acte introductif d'instance tirée du défaut d'intérêt à agir,

- subsidiairement d'ordonner à la BNP de communiquer :

- le second original complet au Greffe de l'assignation introductive d'instance du 23/01/2020 (avec 68 pages) et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

- la véritable adresse de M. [O],

- l'acte de vente du [Adresse 3],

- l'acte d'achat du [Adresse 4] Belgique),

- les éléments de preuve concernant l'état civil de Mme [A] [D], née en Chine le 10 juin 1989 et ce sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai 8 jours suivant la signification de la décision à intervenir,

en tout état de cause,

- de condamner M. [O] et la société BNP Paribas solidairement à payer à Mme [O] et à Mme [Y] chacune la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- de condamner M. [O] et la société BNP Paribas solidairement à une amende civile chacune de la somme de 10 000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile.

La demanderesse indique que son avocat s'est trouvé cas contact et a dû rester isolé du 7 au 11 mai 2021, ce qui explique le retard d'un jour dans le dépôt de ses conclusions d'appelante. Elle qualifie cet événement de cas de force majeure au sens de l'article 910-3 du code de procédure civile en ce qu'il est imprévisible, extérieur et irrésistible.

Elle soutient que la caducité de la déclaration d'appel est une sanction disproportionnée au regard de l'article 6 de la CEDH et doit être écartée.

Visant l'article 789 du code de procédure civile, elle soutient que le conseiller chargé de la mise en état est incompétent pour statuer sur l'intervention forcée. Elle indique ensuite que l'assignation délivrée le 23 janvier 2020 ne lui a pas été régulièrement délivrée, l'acte d'huissier indiquant une remise au gardien d'immeuble alors qu'aucun gardien n'y officie. La demanderesse à la requête fait valoir que l'irrégularité de cette assignation l'a empêchée de comparaître devant les premiers juges de sorte que l'acte introductif d'instance est nul en application de l'article 14 du code de procédure civile et que le jugement dont appel doit être annulé.

Elle énonce les différentes évolutions du litige et révélations relatives à la vie personnelle de M. [O], lesquelles justifient sa demande en intervention forcée afin d'appel en garantie de celui-ci. Visant les articles 15, 16, 132 et suivants du code de procédure civile, elle dénonce une violation du principe du contradictoire par la BNP Paribas qui refuse de lui communiquer diverses pièces et réclame leur production.

Elle indique avoir porté plainte contre la BNP Paribas pour faux en écriture publique en raison de la falsification de l'assignation délivrée et réclame la production de la réelle assignation. Elle dénonce enfin une volonté de nuire de la part de M. [O] et de la société BNP Paribas.

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2022, M. [O] demande à la cour :

- de le juger recevable et bien fondé en ses conclusions,

- à titre principal, de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état rendue le 24 mai 2024 et de déclarer caduque la déclaration d'appel de Mme [Y] épouse [O],

- à titre subsidiaire, de juger irrecevable l'assignation en intervention forcée à la procédure RG 21/02770 qui lui a été délivrée le 15 septembre 2021,

- en tout état de cause, de condamner Mme [Y] épouse [O] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le défendeur à la requête en déféré indique que la demande de sursis à statuer en raison de l'inscription de faux est dilatoire et qu'elle n'a en tout état de cause aucune incidence sur la présente procédure. Concernant la caducité de l'appel, il soutient que l'argument tiré de l'obligation de maître [J] de s'isoler ne revêt pas les caractères de la force majeure. Il ajoute qu'aucun test ni certificat médical n'est produit et que le conseil de Mme [O] aurait pu procéder au dépôt des conclusions par un autre moyen pendant son isolement de sorte que l'irréversibilité de la situation n'est pas caractérisée.

Subsidiairement il vise les articles 554 et 555 du code de procédure civile pour indiquer qu'aucune évolution du litige n'est survenue depuis le prononcé du jugement de sorte que la demande d'intervention forcée formulée en appel à son encontre est irrecevable.

La société BNP Paribas aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022 demande à la cour :

- de débouter Mme [O] de sa demande de sursis à statuer ;

- de confirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 24 mai 2022 ;

- de prendre acte de ce qu'elle s'en remet à l'appréciation de la cour s'agissant de la recevabilité de l'intervention forcée de M. [O] ;

- de condamner Mme [O] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle fait principalement valoir que l'incident de procédure ayant donné lieu à la décision du conseiller de la mise en état dont il est déféré ne porte que sur la caducité de la déclaration d'appel en raison du défaut de régularisation des conclusions d'appelante dans le délai prescrit à l'article 911 du code de procédure civile et que la procédure d'inscription en faux est sans incidence sur l'appréciation de l'incident soumis à l'appréciation de la Cour.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée à l'audience le 20 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du déféré

Il convient d'observer que l'ordonnance querellée du 24 mai 2022 a été déférée à la cour par requête en date du 6 juin 2022, soit dans le délai de 15 jours et le déféré est donc recevable en application de l'article 916 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité des conclusions de M. [O]

Si la mention de l'adresse est imposée par l'article 961 du code de procédure civile à peine d'irrecevabilité des conclusions, force est de constater que M. [O] fournit une adresse. Ses conclusions sont recevables.

Sur les demandes de sursis à statuer du fait des procédures d'inscriptions de faux

Les inscriptions de faux concernent le jugement dont appel et l'assignation ayant donné lieu au jugement ainsi qu'une ordonnance du juge de la mise en état dans une affaire qui relève du juge aux affaires familiales et sont sans lien avec le déféré qui porte sur une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré l'appel caduc faute pour l'appelant d'avoir déposé ses conclusions dans un délai de 3 mois. En effet aucun des éléments argués de faux n'est en lien avec le non-respect de ce délai qui n'est en aucune manière contesté, le litige portant sur l'existence ou non d'un cas de force majeure de nature à justifier que le délai n'ait pas été respecté.

Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer.

Sur la caducité de l'appel

Il résulte des articles 908, 910 et 911 du code de procédure civile, que l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe et les notifier aux avocats des autres parties, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office.

Dès lors que cette caducité peut être relevée d'office, la question de savoir si les parties étaient ou non recevables à le faire est sans aucun intérêt.

En l'espèce, la déclaration d'appel date du 10 février 2020 et Mme [O] avait donc jusqu'au 10 mai 2021 à minuit pour transmettre ses conclusions au greffe et les notifier aux avocats constitués.

Le dépassement du délai est donc de nature à entraîner la caducité de l'appel. Toutefois l'article 910-3 du code de procédure civile permet d'écarter cette sanction en cas de force majeure.

Le conseil de l'appelante avait exposé avoir été prévenu le 4 mai 2021 par un client qu'il avait rencontré le 30 avril 2021, qu'il était cas contact et avoir fait réaliser un test le 5 mai suivant qui s'est révélé positif au Covid-19. Il explique que le temps de s'organiser avec les membres de son cabinet dont certains étaient positifs, du fait de son isolement de 7 jours, et du fait du week-end du 8 mai 2021, il n'a pu déposer les conclusions au moyen de sa clé RPVA que le 11 mai 2021. Il plaide la force majeure en rapport avec la décision administrative liée à l'épidémie de Covid-19 qui interdisait d'accueillir du public chez soi pour les personnes cas contact et de sortir de chez soi imposant un isolement de 7 jours.

Il soutient aujourd'hui avoir été dans l'obligation de s'isoler à partir du 4 mai 2021 et jusqu'au 11 mai 2021.

Il produit le mail de ce client. Il s'agit du transfert d'un message de M. [E] ainsi libellé « Maître [J], En raison de nos rendez-vous de la semaine dernière, vous trouverez ci-dessous le mail reçu de l'ARS m'indiquant que je suis positif au Covid 19 » qui précède le transfert d'un mail envoyé par l'ARS Normandie audit client le 3 mai à 19h59 ainsi libellé « Madame Monsieur, Vous avez été identifié par l'assurance maladie comme personne positive au Covid-19 ou contact à risque d'une personne' ».

Or d'une part ledit mail de l'ARS ne mentionne pas cette positivité comme une certitude mais mentionne une alternative à savoir une positivité ou un cas contact. Or le cas contact du cas contact n'était pas soumis à isolement.

D'autre part si l'avocat avait dû être soumis à isolement du fait de la positivité de M. [E] affirmée dans le mail du client, s'appliquaient les « nouvelles règles d'isolement issues de l'harmonisation des mesures d'isolement et de quarantaine pour les cas et les personnes contact à risque dans le cadre de la stratégie de freinage de la propagation des variantes du sars-cov2 » applicables à compter du 22 février 2021 qui prévoyaient que « L'isolement des cas confirmés ou probables symptomatiques est ainsi allongé pour tous à 10 jours pleins à partir de la date de début des symptômes avec absence de fièvre au 10ème jour (si le cas reste fébrile, l'isolement doit être maintenu pendant 48h après la disparition de cette fièvre) [...] Pour les contacts à risque hors foyer, la mesure de quarantaine prend fin en cas de résultat de test négatif (Tag ou RT-PCR) réalisé à J7 du dernier contact avec le cas confirmé et en l'absence de symptômes évocateurs de la Covid-19 ».

En application de ces dispositions, rien n'est de nature à expliquer l'isolement invoqué jusqu'au 10 mai 2021 inclus.

En effet soit le conseil de Mme [O] était positif le 5 mai 2021 et devait être isolé au moins jusqu'au 15 mai 2021, soit il ne l'était pas et il pouvait en réalisant un test à J7 du 30 avril, date du dernier contact invoqué par lui et non démontré, M. [E] se bornant à mentionner des contacts « la semaine dernière » soit entre le 26 et le 30 avril, lever son isolement et se rendre à son cabinet sans difficulté le lundi 10 mai 2021 pour envoyer ses conclusions au greffe, à supposer qu'il n'ait pas été en mesure de le faire plus tôt, étant rappelé que cet envoi se fait sous forme électronique et n'implique aucun déplacement au greffe.

Force est de constater qu'aucune preuve de positivité du conseil n'est produite.

D'autre part, isolement ne signifie aucunement incapacité de travailler. Les personnes mises à l'isolement au simple motif qu'elles étaient cas contact étaient mises en position de télétravail et seules celles dont la nature de l'emploi rendait impossible le télétravail étaient considérées en arrêt. Or précisément, le conseil de Mme [O] ne démontre pas avoir été positif et donc dans l'incapacité de travailler et de rédiger ses conclusions ni même de les envoyer étant observé qu'il ne démontre pas avoir été dans l'incapacité de réaliser cet envoi électronique.

De plus et même à considérer que son isolement aurait dû se prolonger jusqu'au 15 mai, il ne démontre pas en quoi il lui était impossible de signifier ses conclusions le 10 mai alors que ceci lui a été possible le 11 mai.

La force majeure ne peut donc être retenue.

Les délais prescrits aux parties pour accomplir les actes nécessaires à la régularité de la procédure d'appel ne les privent pas de leur droit d'accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif et ne disconviennent pas aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales en ce qu'ils ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge et à un procès équitable.

L'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 mai 2022 doit donc être confirmée en toutes ses dispositions.

Mme [O] qui succombe doit en outre supporter les dépens de la présente instance de déféré et il apparaît équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles de M. [K] [O] à hauteur de la somme de 1 000 euros et de la société BNP Paribas à hauteur de 1 000 euros.

Enfin l'appel étant caduc, toutes les autres demandes deviennent sans objet.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort

Déclare recevables les conclusions de M. [K] [O] ;

Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer du fait des inscriptions de faux des 9 juin 2022 (RG 22/00417) du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 janvier 2021, 10 juin 2022 (RG 22/00418 de l'assignation qui lui avait été délivrée le 23 janvier 2020 par la société BNP Paribas ayant abouti au jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 janvier 2021 dont appel et 23 juin 2022 (RG 22/00423), d'une décision du juge de la mise en état du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Paris cabinet 104 du 4 janvier 2021 ;

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 mai 2022 ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] [Y] épouse [O] aux dépens du présent déféré et au paiement à M. [K] [O] d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la société BNP Paribas d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 22/09695
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;22.09695 ?
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