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10/11/2022 | FRANCE | N°21/04510

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 10 novembre 2022, 21/04510


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04510 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDH6N



Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 février 2021 - Tribunal de proximité de LONGJUMEAU - RG n° 11-20-001128





APPELANT



Monsieur [N] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Samuel GUEDJ de la SELARL CABINET D'AVOCATS GUEDJ HAAS-B IRI, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : L 233





INTIMÉ



Monsieur [M] [J]

[Adresse 1]

[Localit...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04510 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDH6N

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 février 2021 - Tribunal de proximité de LONGJUMEAU - RG n° 11-20-001128

APPELANT

Monsieur [N] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Samuel GUEDJ de la SELARL CABINET D'AVOCATS GUEDJ HAAS-B IRI, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : L 233

INTIMÉ

Monsieur [M] [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Isabelle GOMME de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocat au barreau de PARIS, toque : J112

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Ophanie KERLOC'H

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Après avoir consulté les annonces parues sur les sites internet leboncoin.fr et leparking-moto.fr, M. [M] [J] a acheté à M. [N] [I] le 21 septembre 2018, un véhicule de marque Infiniti FX immatriculé [Immatriculation 5] en provenance des États-Unis au prix de 8 500 euros.

Le 19 octobre 2018, par le biais de son avocat, M. [J] a sollicité la résolution de la vente motif pris que le kilométrage figurant dans l'annonce soit « 138 000 » s'avérait être des miles et non des kilomètres.

Suivant acte du 29 mai 2020, M. [J] a fait assigner M. [I] devant le tribunal d'instance de Longjumeau principalement en annulation de la vente et en restitution de la somme versée.

Suivant jugement contradictoire du 8 février 2021 auquel il convient de se reporter, le tribunal de proximité de Longjumeau a :

- prononcé l'annulation de la vente conclue le 21 septembre 2018 entre M. [I] et M. [J],

- condamné M. [I] à restituer à M. [J] le prix de vente de 8 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2018,

- condamné M. [I] à procéder à la reprise du véhicule à ses frais dans un délai de 3 mois suivant la restitution du prix, et que passé ce délai il sera redevable d'une astreinte de 10 euros par jour de retard,

- condamné M. [I] à payer à M. [J] la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Le tribunal a relevé que la nature du kilométrage constituait une qualité essentielle du bien vendu au sens de l'article 1133 du code civil, déterminant du consentement de l'acquéreur, et que l'erreur invoquée n'était pas inexcusable de sorte que la vente devait être annulée pour vice du consentement. Il a ensuite relevé que l'acquéreur n'établissait pas la mauvaise foi du vendeur de sorte qu'aucune faute ne justifiait l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Par une déclaration en date du 8 mars 2021, M. [I] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 3 juin 2021, il demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement de condamner M. [J] à lui payer une somme de 2 000 euros dans le cadre des opérations de restitution,

- de condamner M. [J] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant soutient au visa des articles 1132 et 1133 du code civil, que l'unité de mesure de la distance parcourue ne constitue pas une qualité essentielle du consentement, d'autant que la question de M. [J] à ce sujet est intervenue après qu'ils se soient accordés sur la chose et le prix, donc après que le contrat se soit formé. Il indique être de bonne foi, soutient que le véhicule a perdu de la valeur depuis la cession et réclame le paiement de la somme de 2 000 euros en raison de la décote du véhicule.

Il fait valoir au visa de l'article 1604 du code civil que le véhicule a fait l'objet d'une acceptation sans réserve alors même que M. [J] était vigilant concernant le compteur kilométrique et que l'unité MPH figurait bien sur le compteur, de sorte qu'il ne peut ensuite se prévaloir d'un manquement à une obligation de délivrance conforme.

Par de conclusions remises le 27 août 2021, l'intimé demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'astreinte à la somme de 10 euros par jour, en ce qu'il en a limité les effets, et en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire

- d'assortir les obligations de restitution du prix versé d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard commençant à l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- de prononcer la résolution de la vente et condamner M. [I] à lui payer la somme de 8 500 euro en restitution du prix versé avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2018, date de la mise en demeure, ou à défaut à titre de dommages et intérêts,

- de condamner M. [I] à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé indique que le contrat de vente est nul en raison de l'erreur relative au kilométrage. Il conteste toute formation du contrat avant son interrogation du vendeur quant au kilométrage, soutient que cet élément était déterminant de son consentement et fait valoir que la mention « MPH » figurant au compteur renvoyait au kilométrage en temps réel de sorte qu'on ne pouvait lui opposer le caractère inexcusable de l'erreur commise.

Visant les articles 1178, 1352 et 1352-1 du code civil, il réclame la restitution du prix versé et indique être disposé à restituer le véhicule dont il est toujours en possession. Il soutient n'avoir jamais utilisé le véhicule de sorte qu'aucune indemnisation au titre de la décote alléguée par l'appelant n'est due. Il expose que l'appelant n'a jamais ni restitué le prix ni récupéré le véhicule, dénonce le caractère insuffisamment contraignant de l'astreinte prononcée par le premier juge et demande à ce que le caractère exécutoire du jugement soit assorti de sanctions plus vigoureuses.

Subsidiairement il dénonce un défaut de délivrance conforme au sens de l'article 1604 du code civil en raison du kilométrage erroné, lequel justifie la résolution du contrat et qui lui cause un préjudice qu'il évalue à la somme de 8 500 euros. Il dénonce enfin un abus par l'appelant de son droit d'ester en justice et réclame à ce titre le paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 27 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation du contrat de vente pour vice du consentement

M. [J] sollicite l'annulation de la vente intervenue sur le fondement des articles 1130, 1132 et 1133 du code civil, en ce que le nombre de kilomètres au compteur du véhicule vendu, qui a été contractualisé, constituait une qualité essentielle de la prestation et qu'il n'aurait pas accepté de payer la somme de 8 500 euros pour un véhicule présentant en réalité 223 699 kilomètres au compteur.

Pour annuler la vente, le premier juge a considéré que le kilométrage du véhicule constituait un élément essentiel pour M. [J] qui avait pris soins de solliciter par texto son vendeur préalablement à la vente pour s'assurer que le kilométrage indiqué dans l'annonce était bien indiqué en kilomètres et non miles, ce dont le vendeur l'avait rassuré par sms du 20 septembre 2018.

Aux termes des dispositions des articles 1130 et 1131 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

Selon les articles 1132 et 1133 du même code, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du co-contractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité, qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

En l'espèce, il est constant que suivant acte de cession du 21 septembre 2018, M. [J] a acheté à M. [I] un véhicule Infiniti FX immatriculé [Immatriculation 5] en provenance des États-Unis au prix de 8 500 euros. L'acte de cession mentionne un kilométrage inscrit au compteur du véhicule de 139 000.

L'annonce parue sur le site leparking-moto.fr mentionne un véhicule Infiniti FX35 de 2005 GPL catégorie SUV boîte automatique vendu 8 500 euros, « kilomètres': 138 000 »'.

Un courriel du service client du site Internet leboncoin.fr du 5 octobre 2018 vient préciser que l'annonce publiée concernait un véhicule Infiniti FX 35, au prix de 8 500 euros, « kilométrage : 138000 », carburant GPL, boîte de vitesse automatique, année-modèle 2005.

M. [J] produit aux débats des échanges de sms entre lui-même et M. [I] non contestés, aux termes desquels il interroge son vendeur le 20 septembre 2018 à 15 h 23 en ces termes : « Bonjour Une question bête, le kilométrage c'est bien des km et non des miles comme les vient de l'autre côté de l'océan ' ». La réponse de M. [I] le même jour à 15h25 est la suivante : « Km et non des milles » puis à 15h30 : « C'est un compteur kilométrique et non des milles ».

Après conclusion de la vente, M. [J] adresse le message suivant à M. [I] le samedi 22 septembre 2018 à 5h36 : « Bonjour, Nous venons de rentrer. Mauvaise nouvelle, le kilométrage est faux, le compteur est en miles et non en kilomètres. Elle a donc plus de 220 000 km et non 139 000 vous comprenez que je ne peux accepter cela. On n'en parle à mon reveille ». M. [I] répond quant à lui le même jour à 9h30 : « bjr, je suis très surpris, pour ma part il en km, rappeler moi (...) » et le même jour à 12h39 : « ok merci. Je me renseigne chez le concessionnaire lundi. Si c'est fondée j'annule la vente sans souci. Dans le cas contraire, c'est non ».

Il résulte suffisamment de ces échanges que M. [J] a fait de l'unité de mesure de la distance parcourue en kilométrage un élément essentiel de la prestation attendue, prenant soin d'interroger le vendeur sur ce point préalablement à la conclusion du contrat et juste après la vente, une fois le véhicule en sa possession.

M. [J] communique une expertise réalisée à sa demande par L'expert Auto à [Localité 6] le 3 octobre 2018 aux termes de laquelle il est établi que le totaliseur de distance du véhicule indique 139 626 miles soit 224 706 kilomètres.

Il s'en déduit qu'au moment de la vente, le véhicule avait en réalité parcouru 139 000 miles soit 223 698 kilomètres (139 000 x 1,609344) et il est manifeste que M. [J] ne l'aurait pas acquis ou l'aurait acquis à des conditions différentes de prix.

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que le consentement de M. [J] avait été vicié et a prononcé l'annulation de la vente. Le jugement doit donc être confirmé.

Il convient de confirmer les dispositions du jugement ayant ordonné la restitution du prix de vente et la condamnation de M. [I] à procéder à la reprise du véhicule à ses frais dans un délai de trois mois suivant la restitution du prix de vente sous astreinte de 10 euros par jour de retard. Cette astreinte est suffisamment comminatoire sans qu'il soit besoin d'en modifier le montant ou les modalités. La demande à ce titre doit donc être rejetée.

M. [J] formule une demande d'indemnisation de son préjudice à hauteur de 3 000 euros au regard de la mauvaise foi patente de M. [I] qui a d'abord reconnu que le compteur était en miles et accepté d'annuler la vente avant de faire volte-face tout en refusant d'exécuter le jugement de première instance. Il invoque un abus du droit d'ester en justice.

M. [J] ne caractérise toutefois aucun abus du droit d'ester en justice de sorte que sa demande à ce titre doit être rejetée et le jugement confirmé.

M. [I] qui succombe sera tenu aux dépens de l'appel et condamné à payer à M. [J] une somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [M] [J] de sa demande relative au montant et aux modalités de l'astreinte ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M. [N] [I] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [N] [I] à payer à M. [M] [J] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/04510
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.04510 ?
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