Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2022
(n° / 2022, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04564 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTSN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018016106
APPELANTE
Madame [F] [Z]
Née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 10]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Belgin PELIT-JUMEL de la SELEURL BELGIN PELIT-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119,
Assistée de Me Béatrice HIEST NOBLET de la SCP HYEST et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0311,
INTIMÉS
S.C.P. BTSG, prise en la personne de Me [I] [B], en qualité de liquidateur de la société [Localité 9] EVENTS, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 750 317 505,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée et assistée de Me Fabrice DALAT de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, toque : P0373,
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL
SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 3]
[Localité 6]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2021, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
qui enont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne-Sophie TEXIER dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François Vaissette, avocat général, qui a fait connaître son avis écrit le 19 juin 2020, et ses observations orales lors de l'audience.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
La SAS [Localité 9] Events, immatriculée le 3 avril 2012 et ayant pour présidente et unique actionnaire Mme [Z], exploitait en location-gérance un fonds de commerce de bar, restaurant, cabaret, dancing sous l'enseigne « Les Folies Pigalle ».
Le contrat de location-gérance, non renouvelé, a pris fin le 31 décembre 2014.
Sur déclaration de la cessation des paiements du 8 avril 2015 et par jugement du 16 avril suivant, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une liquidation judiciaire à l'égard de la société [Localité 9] Events, fixé la date de la cessation des paiements au 16 octobre 2013 et désigné la SCP BTSG en qualité de liquidateur.
Le 15 mars 2018, le liquidateur a assigné Mme [Z] en responsabilité pour insuffisance d'actif en lui imputant à faute la déclaration tardive de la cessation des paiements, l'aggravation du passif pendant la période suspecte, la poursuite d'une activité déficitaire à son profit personnel et le défaut de paiement des créances fiscales et sociales.
Par jugement contradictoire du 11 février 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- jugé que Mme [Z] avait commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif,
- condamné Mme [Z] à payer au liquidateur la somme de 890 653 euros,
- débouté le liquidateur de ses autres demandes,
- condamné Mme [Z] à payer au liquidateur la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme [Z] a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 2 mars 2020.
Suivant conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 29 mai 2020, Mme [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de rejeter la demande de la SCP BTSG, ès qualités, et, à titre subsidiaire, de ramener le montant de la condamnation à de plus justes proportions.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 20 juillet 2020, la SCP BTSG, en qualité de liquidateur de la société [Localité 9] Events, demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans son avis déposé au greffe et notifié par voie électronique le 19 juin 2020, le ministère public invite la cour à confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de Mme [Z] et de l'infirmer sur le montant de la condamnation pour le ramener à 200 000 euros.
SUR CE,
- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
L'article L. 651-2, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 9 décembre 2010, dispose :
« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. [...]. »
Sont également applicables, immédiatement, les dispositions ajoutées par la loi du 9 décembre 2016 au premier alinéa précité, qui énoncent : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ».
L'engagement de la responsabilité de Mme [Z] suppose donc une insuffisance d'actif et la commission de fautes de gestion ne relevant pas d'une simple négligence ayant contribué à cette insuffisance.
- L'insuffisance d'actif
Le liquidateur fait valoir que « le montant du passif déclaré à ce jour » s'élève à 2 619 175,87 euros et que l'actif réalisé (crédit d'impôt, intérêts CDC, remboursement du stock et du dépôt de garantie) ressort à 41 178,07 euros, ce dont il déduit que l'insuffisance d'actif s'élève à la différence, à savoir 2 577 997,80 euros.
La liste des créances nées avant le jugement d'ouverture arrêtée au 16 février 2018 produite par le liquidateur révèle que le passif déclaré représente, comme le soutient ce dernier, une somme totale de 2 619 175,87 euros mais aussi que seule une partie de ce passif a été admis à ce jour, pour un total de 1 973 525,78 euros, dont 1 092 560 euros à titre provisionnel.
Il n'est donc justifié d'un passif définitivement admis qu'à hauteur de 880 965,78 euros
(1 973 525,78 - 1 092 560).
L'actif réalisé s'élevant à 41 178,07 euros, l'insuffisance d'actif est certaine à concurrence de 839 787,71 euros.
- Les fautes de gestion et leur contribution à l'insuffisance d'actif
A titre liminaire, il convient de relever que les conclusions du liquidateur semblent formellement invoquer quatre fautes de gestion : « a) Le retard dans le dépôt de la déclaration de cessation des paiements », « b) L'aggravation du passif », « c) La poursuite d'une activité déficitaire au profit du dirigeant » et « d) Le non-paiement des créances fiscales et sociales ».
La partie consacrée à l'aggravation du passif, qui suit celle relative au retard dans la déclaration de cessation des paiements, expose :
- qu'un passif d'un montant de 731 927 euros a été créé pendant la période suspecte ;
- que le non-paiement des cotisations sociales et fiscales « ne peut qu'accroître le passif tant que se poursuit l'activité déficitaire » et, partant, est constitutif d'une faute de gestion;
- que « la poursuite de l'activité de la société [Localité 9] Events par Mme [F] [Z], alors même que l'état de cessation des paiements était avéré, depuis plus d'un an, constitue une faute de gestion qui a contribué à l'aggravation du passif ».
Il est ainsi fait référence à deux fautes de gestion, l'une tenant à l'aggravation du passif résultant de la poursuite de l'activité après la cessation des paiements et, l'autre, au non-paiement des cotisations fiscales et sociales.
La première faute se rattache à la déclaration tardive de la cessation des paiements et la seconde est redondante avec celle invoquée au d).
Il sera donc considéré que le liquidateur n'impute en réalité que trois fautes de gestion à Mme [Z] : un retard dans le dépôt de la déclaration de la cessation des paiements ayant aggravé le passif, la poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel et le non-paiement du passif fiscal et social.
Cette lecture rejoint d'ailleurs celle faite par Mme [Z] et le ministère public.
- Le retard dans la déclaration de cessation des paiements ayant aggravé le passif
Le liquidateur relève que Mme [Z] s'est abstenue de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal et qu'un passif de 731 927 euros est né pendant la période suspecte.
Le ministère public souligne que, compte tenu des multiples actions entreprises par les créanciers (inscriptions de privilège, contraintes de l'URSSAF, avis de mise en recouvrement, etc.), Mme [Z] ne pouvait ignorer avoir omis de payer des dettes et en déduit que le retard dans la déclaration de la cessation des paiements ne procède pas d'une simple négligence. Il approuve le tribunal d'avoir retenu que le passif né pendant la période suspecte ressortait à 671 909 euros.
Mme [Z] réplique avoir pris des mesures pour tenter de relancer l'activité de la société [Localité 9] Events, qui ont conduit à une augmentation de la fréquentation, et estime que, dans ces conditions, seule une négligence pourrait tout au plus lui être reprochée. Elle fait également valoir que le passif de 731 927 euros invoqué par le liquidateur comprend de nombreuses créances nées avant l'expiration du délai légal pour déclarer la cessation des paiements et soutient en conséquence que la preuve du lien de causalité entre la faute et l'insuffisance d'actif n'est pas établi.
La date de la cessation des paiements ayant été fixée au 16 octobre 2013, Mme [Z] disposait, en application de l'article L. 653-8 du code de commerce, d'un délai expirant le 30 novembre 2013 pour demander l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires.
C'est donc avec 16 mois et 8 jours de retard qu'elle a effectué cette demande, le 8 avril 2015.
Le liquidateur ne précise pas en quoi ce retard ne relève pas d'une simple négligence et les quelques éléments qu'il verse aux débats (liste des créances, jugement de liquidation judiciaire et documents relatifs à vérification de comptabilité opérée par l'administration fiscale) ne renseignent pas sur la situation de la société [Localité 9] Events à l'époque de la cessation des paiements.
Quant aux actions en recouvrement qui, selon le ministère public, auraient été entreprises par les créanciers, leur existence n'est corroborée par aucune pièce.
Dans ces conditions, et nonobstant l'importance du retard dans la déclaration de la cessation des paiements, il n'est pas établi que la faute examinée ne relève pas d'une simple négligence.
Au demeurant, le liquidateur, qui se borne à donner la liste des créances nées selon lui pendant la période suspecte sans produire les déclarations de créance correspondantes, ni aucun autre document permettant de vérifier la date de naissance desdites créances, ne justifie pas que le retard dans la déclaration de la cessation des paiements a contribué à l'insuffisance d'actif.
La responsabilité de Mme [Z] n'est donc pas engagée à raison de la faute de gestion examinée.
- La poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel
Le liquidateur argue « qu'aux termes des dispositions de l'article L. 653-4, 3° du code de commerce, le fait de poursuivre une activité déficitaire constitue une faute de gestion de nature à engager la responsabilité du dirigeant » et fait valoir, à cet égard, que certaines charges et dépenses mentionnées dans la proposition de rectification adressée par l'administration fiscale ont été supportées par la société [Localité 9] Events dans l'intérêt de Mme [Z] ou du concubin de cette dernière, M. [T]. Il en conclut qu' « il a ainsi été fait du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles afin de favoriser la personne de son dirigeant ».
Le ministère public estime qu'une faute de gestion tenant à « la poursuite d'une activité déficitaire au profit de la dirigeante et de son entourage en faisant du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci » est caractérisée.
Mme [Z] fait valoir que les dépenses incriminées ont été engagées dans l'intérêt social.
En particulier, elle argue que la société [Localité 9] Events a pris en charge les frais de déplacement, d'hôtel et de restauration des DJ sollicités pour animer des soirées, que des cocktails à des fins promotionnelles ont eu lieu à l'hôtel Bulgari lors de la fashion week et que la villa de [Localité 11] a été utilisée pour organiser des anniversaires.
Elle souligne que la commission départementale des impôts directs a considéré comme plausibles les explications avancées par la société [Localité 9] Events, notamment sur l'organisation de soirées à l'étranger à des fins promotionnelles.
Enfin, elle observe que les propositions de rectification fiscale ont débouché sur des rappels de droits de TVA et d'impôt sur les sociétés, dont cette dernière était de toute façon redevable, et non sur des majorations ou intérêts de retard.
Contrairement aux allégations du liquidateur, l'article L. 653-4, 3°, du code de commerce n'érige pas en faute de gestion la poursuite d'une activité déficitaire mais rend passible d'une mesure de faillite personnelle le fait, pour un dirigeant, d'avoir fait usage des biens ou du crédit de la personne morale contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans lequel il était intéressé directement ou indirectement.
En outre, le liquidateur ne justifie pas du caractère déficitaire de l'activité de la société [Localité 9] Events, les résultats réalisés par cette dernière n'étant d'ailleurs même pas mentionnés dans ses conclusions.
Le liquidateur ne se prévalant pas uniquement de la poursuite d'une activité déficitaire qui, pour les raisons exposées ci-avant, ne peut être retenue, mais aussi de dépenses étrangères à l'intérêt social, il convient à présent de déterminer si, considérée sous cet angle, la faute de gestion reprochée est caractérisée.
Les différentes catégories de dépenses invoquées par le liquidateur seront examinées successivement ci-après.
* Les loyers réglés par la société [Localité 9] Events à la SCI KWW
Le liquidateur fait état de loyers réglés par la société [Localité 9] Events à la SCI KWW, gérée par M. [T], concubin de Mme [Z], au titre, d'une part, d'un appartement occupé par ces derniers au [Adresse 4] et, d'autre part, des locaux constituant le siège social la société [Localité 9] Events dont la société William transport est propriétaire.
Dans sa proposition de rectification du 27 novembre 2015, relative à l'exercice 2012, et celle du 29 mars 2016, afférente aux exercices 2013 et 2014, l'administration fiscale a considéré comme non engagés dans l'intérêt social les loyers payés par la société [Localité 9] Events à la société KWW (48 000 euros en 2012, 72 000 euros en 2013, 72 000 euros en 2014) après avoir relevé que le local abritant le siège social de la société [Localité 9] Events n'était pas la propriété de la société KWW, gérée par M. [T], concubin de Mme [Z], mais de la société William Transport, principale associée de la société KWW, et que les loyers du domicile commun de Mme [Z] et de M. [T] situé [Adresse 4] avaient partiellement été payés par la société KWW.
L'administration fiscale semble ainsi avoir estimé que les loyers versés par la société [Localité 9] Events à la société KWW avaient en réalité servi à payer ceux dus au bailleur des locaux constituant le domicile personnel de Mme [Z] et de M. [T].
Cette dernière circonstance n'est toutefois pas établie et il n'est produit aucun élément permettant de retenir que la société [Localité 9] Events a, au titre des locaux constituant son siège social, versé des loyers à la société William Transport en sus de ceux réglés à la société KWW.
Force est de constater, de surcroît, qu'il résulte de la réponse aux observations du contribuable du 8 juin 2016 (p. 3) que les rappels de TVA et d'impôt sur les sociétés afférents aux loyers facturés par la SCI KWW en 2013 et 2014 ont finalement été abandonnés par l'administration fiscale.
Ainsi, et même si le versement par la société [Localité 9] Events des loyers afférents à son siège social entre les mains de la filiale de la société William Transport, plutôt qu'entre celles de cette dernière, reste inexpliqué, l'usage contraire à l'intérêt social des sommes correspondantes n'est pas démontré.
* Les honoraires versés à Idrissa BVBA à hauteur de 83 000 euros
Le liquidateur fait valoir que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu « au titre de ces fautes de gestion » les honoraires versés à Idrissa BVBA à hauteur de 83 000 euros.
La réponse aux observations du contribuable adressée par l'administration fiscale le 21 mars 2016 mentionne qu'en 2012, des paiements pour un montant total de 40 000 euros ont été effectués par la société [Localité 9] Events à la société Idrissa BVBA, créée en Belgique par M. [T], au titre de « prestations de DJ et autres performances artistiques » et constate, d'une part, que les règlements ont anticipé la facturation et, d'autre part, qu'il n'a pas été justifié de la réalité des prestations.
La proposition de rectification fiscale du 23 mai 2016 indique qu'en 2013, entre le 5 février et le 22 mai 2013, une somme totale de 43 000 euros a été payée à la société Idrissa BVBA au titre de « prestations de DJ et autres performances artistiques » et relève, d'une part, que la charge a été constatée dans les comptes de la société [Localité 9] Events en une seule fois, le 28 octobre 2013, sous la forme d'une opération diverse et, d'autre part, qu'il n'a pas été justifié de la réalité des prestations.
Les décalages entre les règlements effectués et la constatation des charges correspondantes, les premiers précédant les secondes, et l'absence de justification de la réalité des prestations accomplies par la société Idrissa BVBA, créée par le concubin de Mme [Z], tant lors du contrôle fiscal que devant la cour, conduisent à retenir que les dépenses concernées (40 000 + 43 000 euros) n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société [Localité 9] Events.
* Les frais relatifs à la villa appartenant à la SCI Silvana
Le liquidateur prétend que des frais relatifs à une villa située à Ramatuelle et appartenant à la SCI Silvana, dont Mme [Z] est la dirigeante, ont été supportés par la société [Localité 9] Events et ajoute que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu « au titre de ces fautes de gestion » des « frais de villa appartenant à la SCI Silvana » pour 5 286 euros.
Les propositions de rectification des 27 novembre 2015 et 19 mars 2016 et les réponses aux observations du contribuable des 21 mars, 2 juin et 10 juin 2016 mentionnent que la société [Localité 9] Events a payé en 2012, 2013 et 2014 des factures d'eau d'un montant total de 5 285,67 euros (1 498,88 euros le 11/10/12, 863,71 euros le 23/07/13, 1 357,03 euros le 17/10/13, 566,05 euros le 12/03/14 et 1 000 euros le 18/08/14) pour une villa située à Ramatuelle appartenant à la SCI Silvana, dont Mme [Z] est la gérante et l'une des associés.
Elles relèvent également que l'allégation de Mme [Z] selon laquelle la villa a été mise à disposition pour des manifestations festives professionnelles n'a été corroborée par aucune pièce.
Il n'est pas davantage justifié devant la cour d'une telle mise à disposition.
Il apparaît ainsi que les dépenses correspondantes (5 285,67 euros) n'ont pas été exposées dans l'intérêt de la société [Localité 9] Events.
* Les autres dépenses
Le liquidateur invoque des dépenses dont M. [T] a bénéficié, des frais de voyages et de déplacements ayant profité à Mme [Z] et à son entourage ou encore des dépenses relatives à deux séjours à [Localité 8] et à [Localité 12].
Il sollicite par ailleurs la « confirmation » du jugement en ce qu'il a retenu l'existence de dépenses personnelles d'un montant de 171 636 euros alors que ces dernières se recoupent avec celles mentionnées au paragraphe qui précède.
Il résulte des propositions de rectification des 27 novembre 2015 et 19 mars 2016 ainsi que des réponses aux observations du contribuable des 21 mars, 2 juin et 10 juin 2016 que l'administration fiscale a relevé l'existence de nombreuses charges supportées par la société [Localité 9] Events dont le caractère professionnel n'a pu être justifié par Mme [Z] et qui, pour certaines, présentent un caractère personnel manifeste (achats de fournitures scolaires ou dans des magasins de jouets, achats d'un vélo, d'une table de ping pong, d'un oreiller, factures d'un club de sport rattachées aux clients Mme [Z] et M. [T], entretien d'un véhicule Cadillac immatriculé au nom de M. [T], déplacements de M. [T], dépenses de cinéma, achats dans des commerces situés à proximité du domicile de Mme [Z], etc.).
Il est à noter, également, que l'administration fiscale n'a pas remis en cause la déductibilité des frais de voyage et de déplacement déboursés au profit de DJ.
En définitive, et après avoir abandonné « par mesure de tempérament » certaines rectifications proposées en dépit de l'absence de justificatifs, l'administration fiscale a considéré comme non engagées dans l'intérêt de la société [Localité 9] Events des dépenses totalisant :
- en 2012, 32 639,63 euros incluant les 1 498,88 euros réglés au titre des factures d'eau de la villa de [Localité 11], soit 31 140,75 euros abstraction faite de ces factures ;
- en 2013, 111 855,15 euros incluant les 43 000 euros payés à la société BVBA et les 2 220,74 euros versés au titre des factures d'eau de la villa de [Localité 11], soit 66 634,41 euros abstraction faite de ces derniers montants ;
- en 2014, 32 428,67 euros, comprenant les 1 566,05 euros versés au titre des factures d'eau de la villa de [Localité 11], soit 30 862,62 euros abstraction faite de ces factures.
Mme [Z] ne justifie pas davantage devant la cour de ce qu'en dépit de leur nature, les dépenses concernées auraient été engagées dans l'intérêt de la société [Localité 9] Events.
En définitive, il y a lieu de retenir que les dépenses supportées indûment par la société [Localité 9] Events se sont élevées, en 2012, à 72 639,63 euros (40 000 + 1 498,88 + 31 140,75), en 2013, à 111 855,15 euros (43 000 + 2 220,74 + 66 634,41) et, en 2014, à 32 428,67 euros (1 566,05 + 30 862,62), soit un total de 216 923,45 euros.
En faisant payer par la société [Localité 9] Events des dépenses d'un montant de 216 923,45 euros étrangères à l'activité de cette dernière, Mme [Z] a commis une faute de gestion ne procédant pas d'une simple négligence et qui a contribué à l'insuffisance d'actif.
- Le non-paiement des créances fiscales et sociales
Le liquidateur fait valoir que les créances fiscales et sociales ont été admises à titre définitif pour, respectivement, 1 686 045,24 et 590 480,54 euros, soit un total de 2 276 525,78 euros « à l'exception d'une créance du Trésor pour un montant de 1 092 560 euros non encore confirmé », réitère son argumentation concernant la mise en évidence, par les propositions de rectification fiscale des 27 novembre 2015 et 29 mars 2016, de l'engagement de dépenses contraires à l'intérêt de la société [Localité 9] Events et souligne que les contrôles ont conduit à des rappels de TVA et d'impôt sur les sociétés de 18 309 et 10 315 euros (2012), 24 818 et 0 euros (2013) et 1 302 et 4 864 euros (2014). Il argue enfin que « le non-paiement des cotisations fiscales, qui ne peut qu'accroître le passif tant que se poursuit l'exploitation déficitaire, est une faute de gestion » et que « tel est le cas en l'espèce puisque la société [Localité 9] Events a failli à ses obligations fiscales et sociales, faits constitutifs d'une faute de gestion qui a contribué à l'aggravation du passif ».
Mme [Z] présente des moyens communs pour contester la faute présentement examinée et la précédente.
Le ministère public estime que, compte tenu de l'absence de pénalités ou majorations résultant des propositions de rectification fiscale, il convient d'approuver la motivation du tribunal, lequel a retenu que la faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif était caractérisée mais qu'il y avait lieu « par mesure de tempérament » de ne retenir « aucun montant à ce titre ».
Il n'est pas établi que la société [Localité 9] Events a dû supporter des pénalités, majorations ou intérêts de retard à raison du défaut de paiement d'impôts, de taxes ou de cotisations sociales.
En se bornant dans ses conditions à affirmer que « le non-paiement des cotisations fiscales [...] ne peut qu'accroître le passif tant que se poursuit l'exploitation déficitaire », sans au demeurant caractériser le caractère déficitaire de l'activité de la société [Localité 9] Events, le liquidateur ne démontre pas en quoi la faute de gestion qu'il invoque a contribué à l'insuffisance d'actif.
La responsabilité de Mme [Z] n'est donc pas engagée à raison de la faute de gestion examinée.
- Sur la condamnation au comblement de l'insuffisance d'actif
En seulement 3 ans d'existence, la société [Localité 9] Events a généré une importante insuffisance d'actif (880 965,78 euros), à laquelle la faute de gestion retenue à l'encontre de Mme [Z] a contribué pour une large part. Cette faute, qui dénote une prééminence donnée à l'intérêt personnel de Mme [Z] et à celui de son entourage, est de surcroît particulièrement grave.
Mme [Z] justifie que la commission de surendettement des particuliers de [Localité 9] a déclaré son dossier recevable, le 14 juin 2018, et orienté celui-ci vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. L'état descriptif de la situation du débiteur joint à la décision de recevabilité mentionne que Mme [Z] est sans emploi, perçoit le RSA, a trois enfants à charge âgés à l'époque de 14,16 et 22 ans et ne dispose d'aucun patrimoine.
En considération de ces éléments, Mme [Z] sera condamnée à payer au liquidateur la somme de 200 000 euros, le jugement étant infirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation de 890 653 euros.
- Sur les dépens et frais irrépétibles
Mme [Z], qui succombe pour l'essentiel, sera tenue aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d'appel.
Elle sera en outre condamnée à payer au liquidateur la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle de 3 000 euros allouée à ce dernier par le tribunal.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [F] [Z] à payer à la SCP BTSG, en qualité de liquidateur de la société [Localité 9] Events, la somme de 890 653 euros,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne Mme [F] [Z] à payer à la SCP BTSG, en qualité de liquidateur de la société [Localité 9] Events, la somme de 200 000 euros en application de l'article L. 651-2 du code de commerce,
Condamne Mme [F] [Z] à payer à la SCP BTSG, en qualité de liquidateur de la société [Localité 9] Events, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d'appel,
Condamne Mme [F] [Z] aux dépens d'appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT