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03/11/2022 | FRANCE | N°21/03420

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 03 novembre 2022, 21/03420


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2022



(n° / 2022, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03420 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDE67



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Février 2021 - Juge commissaire du Tribunal de Commerce de Paris - RG n° P201900527







APPELANTE



S.A. BPCE LEASE IMMO, anc

iennement dénommée NATIXIS LEASE IMMO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 3 NOVEMBRE 2022

(n° / 2022, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03420 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDE67

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Février 2021 - Juge commissaire du Tribunal de Commerce de Paris - RG n° P201900527

APPELANTE

S.A. BPCE LEASE IMMO, anciennement dénommée NATIXIS LEASE IMMO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 333 384 311,

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,

Assistée de Me Pauline TEYSSAIRE, avocate au barreau de PARIS, toque : C0306,

INTIMÉES

S.A.S. ROMBAS INVEST, société par actions simplifiée, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [P] [Z], domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 798 589 362,

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocate au barreau de PARIS, toque : C2440,

Assistée de Me Amélie TANQUELLE, avocate au barreau de PARIS, toque : E0668,

S.E.L.A.R.L. AXYME, prise en la personne de Maître [I] [N], en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. ROMBAS INVEST,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 830 793 972,

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocate au barreau de PARIS, toque : K0065,

Assistée de Me Mireille MARCHI, avocate au barreau de PARIS, toque : K0079, substituant Me Jean-Paul PETRESCHI de l'AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0079,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Février 2022, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne-Sophie TEXIER dans le respect des conditions prévues à l'artcile 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

Suivant acte notarié du 26 mai 2014, la société Natixis Lease Immo, désormais dénommée BPCE Lease Immo, a consenti à la SAS Rombas Invest un crédit-bail immobilier d'une durée de 12 ans prenant effet le 31 décembre 2014 et ayant pour objet le financement d'un immeuble situé à Rombas (57).

Le contrat de crédit-bail stipulait le paiement de 48 loyers trimestriels et des charges afférentes à l'immeuble ainsi que d'une avance sous la forme d'un prêt du crédit-preneur au bénéfice du crédit-bailleur d'un montant de 325 000 euros.

Une partie importante des locaux (1 183 m2 sur 1 536 m2) a été donnée à bail, antérieurement au contrat de crédit-bail, à la SARL Norma.

Une ordonnance de référé du 16 décembre 2016, devenue irrévocable, a constaté la résiliation du contrat de crédit-bail à effet du 18 avril 2016, ordonné l'expulsion de la société Rombas Invest et de tout occupant de son chef, à l'exclusion de la société Norma, et condamné la société Rombas Invest à payer au crédit-bailleur :

- une somme provisionnelle de 114 291,03 euros, pouvant être acquittée en 24 mensualités égales à compter du 15 du mois suivant la signification de l'ordonnance ;

- à compter du 1er juillet 2016 et jusqu'à restitution des locaux, une indemnité d'occupation trimestrielle de 46 035,29 euros TTC majorée des charges contractuelles ;

- une indemnité de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 26 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une liquidation judiciaire à l'égard de la société Rombas Invest et désigné la SELARL Axyme en qualité de liquidateur.

Le 22 mars 2019, la société BPCE Lease Immo a déclaré une créance chirographaire d'un montant de 1 393 516,63 euros se décomposant comme suit :

- 1 239 949,34 euros au titre de l'indemnité de résiliation contractuelle, calculée au 18 avril 2016, date de la résiliation du contrat ;

- 139 394,18 euros correspondant aux indemnités d'occupation afférentes à la période du 18 avril 2016 au 31 mars 2017 ;

- 824,90 euros au titre des intérêts de retard ;

- 12 097,20 euros au titre de la taxe foncière 2016 ;

- 251,01 euros au titre des frais de contentieux ;

- 1 000 euros représentant l'indemnité allouée par l'ordonnance de référé en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 23 janvier 2020, le liquidateur a avisé la société BPCE Lease Immo que sa créance était discutée à hauteur de 1 391 691,73 euros au motif :

- qu'il n'était pas justifié du détail du calcul de l'indemnité de résiliation et que celle-ci s'analysait en une clause pénale dont le montant était manifestement excessif dans la mesure où le crédit-bailleur avait conservé la propriété de l'immeuble dont la valeur vénale avait été estimée en novembre 2018 à 1 400 000 euros hors droits ;

- que les indemnités d'occupation étaient injustifiées dès lors que la société Rombas Invest n'avait jamais occupé les locaux et que le crédit-bailleur n'avait pas engagé d'action pour les libérer et avait perçu les loyers versés par la société Norma ;

- qu'il n'était pas justifié de la taxe foncière 2016 et des frais de contentieux.

La société BPCE Lease Immo a répondu, le 18 février 2020, qu'elle maintenait sa déclaration de créance et communiqué des justificatifs de la taxe foncière 2016 et des frais de contentieux.

Elle a également produit, devant le juge-commissaire, le barème financier de l'opération de crédit-bail accompagné d'une note explicative détaillant le mode de calcul de l'indemnité de résiliation.

Par ordonnance du 9 février 2021, le juge-commissaire a admis la créance de la société BPCE Lease Immo à hauteur de 48 063,39 euros à titre chirographaire, comprenant l'indemnité de résiliation pour 1 euro, les indemnités d'occupation pour 35 714,18 euros, la taxe foncière pour 12 097,20 euros et les frais de contentieux pour 251,01 euros.

La société BPCE Lease Immo a relevé appel de cette ordonnance selon déclaration du 19 février 2021, en intimant la société Rombas Investment et le liquidateur.

Par conclusions n° 2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 26 août 2021, la société BPCE Lease Immo demande à la cour de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a admis à titre chirographaire les sommes de 12 097,20 et 251,01 euros au titre, respectivement, de la taxe foncière et des frais de contentieux, de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, d'admettre à titre chirographaire la créance d'indemnité de résiliation pour 1 239 949,34 euros, la créance d'indemnités d'occupation pour 139 394,18 euros, la créance d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour 1 000 euros et la créance d'intérêts de retard pour 824,90 euros, de rejeter les demandes des intimées et d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 juillet 2021, la société Rombas Invest demande à la cour de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a admis la créance d'indemnité de résiliation pour 1 euro, de l'infirmer en ce qu'elle a admis au passif la créance d'indemnités d'occupation pour 35 714,18 euros à titre chirographaire, statuant à nouveau de ce chef, de rejeter la demande d'admission de cette créance et, à titre subsidiaire, de l'admettre pour 1 euro, de rejeter les demandes de la société BPCE Lease Immo et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Domain.

Suivant conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 12 juillet 2021, la SELARL Axyme, en qualité de liquidateur de la société Rombas Invest, demande à la cour de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a admis à titre chirographaire les créances d'indemnité de résiliation et d'indemnités d'occupation pour, respectivement,

1 euro et 35 714,18 euros, de rejeter les demandes de la société BPCE Lease immo et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de Me Etevenard.

A l'audience, les parties ont été invitées à s'expliquer par note en délibéré sur l'éventuel défaut de pouvoir du juge de l'admission des créances pour statuer sur la contestation relative aux indemnités d'occupation, le choix de la partie à laquelle il incomberait, le cas échéant, de saisir la juridiction compétente et la restitution des locaux. La société BPCE Lease Immo a transmis des observations et/ou pièces les 14 et 24 février 2022, le liquidateur le 18 février 2022 et la société Rombas Invest le 25 février 2022.

SUR CE,

A titre liminaire, il convient de relever que n'est pas discutée l'admission à titre chirographaire des créances de taxe foncière et de frais de contentieux pour, respectivement, 12 097,20 et 251,01 euros ainsi que des créances, sur lesquelles le juge-commissaire a omis de statuer, d'indemnité pour frais irrépétibles allouée par l'ordonnance de référé, soit 1 000 euros, et d'intérêts de retard pour 824,90 euros.

Il reste à examiner l'admission des créances d'indemnités d'occupation et d'indemnité de résiliation.

- Sur l'admission de la créance d'indemnités d'occupation

La société BPCE Lease Immo soutient qu'il lui est dû la somme de 139 394,18 euros correspondant aux indemnités d'occupation afférentes à la période du 18 avril 2016 au 31 mars 2017 et ce, en exécution du contrat de crédit-bail et de l'ordonnance de référé du 16 décembre 2016.

Elle ajoute que les clés des locaux ne lui ont été restituées que le 8 août 2017 mais qu'elle n'a pas déclaré d'indemnités d'occupation au-delà du 31 mars 2017 dans la mesure où elle a perçu des loyers sur la surface occupée par la société Norma depuis le 1er mai 2017, date de prise d'effet du bail à l'égard de cette dernière.

Dans sa note en délibéré, elle précise qu'accueillant sa demande, le juge des référés a fixé l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer facturé au jour de la résiliation et non pas au double de celui-ci comme le permettait le contrat de crédit-bail.

La société Rombas Invest réplique que l'ordonnance de référé n'a pas l'autorité de chose jugée et, pour contester devoir les indemnités d'occupation réclamées, argue qu'elle n'a jamais occupé l'immeuble objet du contrat de crédit-bail et que celui-ci est occupé en quasi-totalité par la société Norma avec l'accord du crédit-bailleur qui a demandé et obtenu du juge des référés l'absence d'expulsion de cette dernière et perçu des loyers de sa part.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la stipulation du contrat de crédit-bail fixant l'indemnité d'occupation au double du montant TTC de la dernière échéance de loyer connue au jour de la résiliation s'analyse en une clause pénale qui est manifestement excessive et doit être ramenée à 1 euro.

Le liquidateur expose que la société Rombas Invest n'a jamais occupé les lieux, qu'un bail a été consenti à la société Norma avec l'aval du crédit-bailleur et que l'absence éventuelle de facturation des loyers à cette dernière à compter du 1er trimestre 2017 n'est pas imputable à la société Rombas Invest.

Dans leurs notes en délibéré, les trois parties considèrent que la contestation élevée concernant les indemnités d'occupation n'excède pas le pouvoir juridictionnel du juge- commissaire et, sur recours, de la cour.

Le juge de l'admission des créances ne peut pas fonder sa décision sur une ordonnance de référé qui, même devenue irrévocable, n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.

C'est donc à tort que la société BPCE Lease Immo soutient que l'admission de la créance d'indemnités d'occupation découle de l'ordonnance de référé du 16 décembre 2016.

L'article A.19 du contrat de crédit-bail stipule : « En cas de retard dans l'évacuation des lieux, le crédit-preneur paiera au crédit-bailleur une indemnité d'occupation décomptée mensuellement, chaque mois commencé étant dû en entier. Cette indemnité sera calculée en prenant pour base le double du montant TTC de la dernière échéance de loyer connue au jour de la résiliation, ramené à une période mensuelle. »

Il n'est pas établi que l' « évacuation » des locaux par la société Rombas, qui supposait une remise des clés par cette dernière, ait été rendue impossible ou retardée par la présence dans les lieux de la société Norma avec l'accord de la société BPCE Lease Immo.

La société Rombas Invest ne justifie pas avoir remis les clés avant le 8 août 2017, date invoquée par la société BPCE Lease Immo. Au demeurant, l'huissier mandaté par cette dernière a indiqué, dans un constat du 2 août 2017, que le représentant de la société Rombas Invest avait appelé son étude pour indiquer qu'il était disposé à restituer les clés, ce dont il se déduit que celles-ci n'avaient, à cette date, pas encore été remises.

Dès lors, l'indemnité d'occupation est due pour la période au titre de laquelle elle est réclamée par la société BPCE Lease Immo, à savoir du 18 avril 2016, date de résiliation du contrat de crédit-bail, au 31 mars 2017, peu important que la société Rombas Invest n'ait pas matériellement occupé les locaux.

La stipulation fixant l'indemnité d'occupation au double du montant TTC de la dernière échéance de loyer connue au jour de la résiliation s'analyse en une clause pénale.

Toutefois, la société BPCE Lease Immo justifie que les indemnités d'occupation déclarées ont été calculées sur la base du montant TTC de la dernière échéance de loyer connue au jour de la résiliation (46 035,29 euros) et non pas du double de ce montant.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu à modération de la somme demandée.

En conséquence, la créance d'indemnités d'occupation de la société BPCE Lease Immo doit être admise à titre chirographaire à hauteur du montant déclaré, soit 139 394,18 euros.

- Sur l'admission de l'indemnité de résiliation

La société BPCE Lease Immo précise que le solde de l'avance preneur non amorti (293 871,84 euros) a été déduit de l'indemnité de résiliation réclamée de 1 239 949,34 euros et fait valoir que la résiliation anticipée du contrat :

- l'a privée, à peine deux ans après la mise en loyer, de la perception des loyers pour la période qui restait à courir jusqu'au terme du contrat, soit une somme de 1 917 276,47 euros, non couverte en totalité par l'indemnité de résiliation et correspondant à la valeur résiduelle financière de l'opération ;

- l'a contrainte à supporter seule et pour une durée indéterminée des charges afférentes à l'immeuble objet du crédit-bail dont le montant s'élevait déjà, au 7 avril 2021, à une somme de 122 478,40 euros TTC.

Elle ajoute que les loyers qui pourraient être perçus en cas de relocation ou l'éventuel prix de revente de l'immeuble ne doivent pas être pris en considération pour l'appréciation du montant de l'indemnité de résiliation, que la relocation de la partie vacante de l'immeuble n'a pu être obtenue à ce jour malgré les diligences effectuées, que les offres de vente reçues n'ont pas excédé 900 000 euros et que le bien en l'état de son occupation partielle par la société Norma a été évalué le 31 décembre 2020 à 1 100 000 euros hors droits et frais d'acte.

Pour soutenir que l'indemnité de résiliation constitue une clause pénale manifestement excessive, la société Rombas Invest expose :

- que la société BPCE Lease Immo revendique un préjudice de 1 917 276,47 euros alors que son financement s'est limité à 1 698 000 euros dans le cadre de l'opération et que le capital restant dû en avril 2016 ressortait à 1 531 763,45 euros ;

- qu'elle a payé une somme de 309 184,51 euros au titre des loyers, outre une avance crédit-preneur d'un montant de 293 871,84 euros, soit un total de 603 056,35 euros ;

- que les charges invoquées par la société BPCE Lease Immo, ramenées à l'année, représentent 22 605,59 euros HT, alors que cette dernière perçoit, dans le même temps, un loyer de la société Norma de 115 200 euros HT ;

- que la valeur vénale de l'immeuble, estimée à 1 350 000 euros HT, est supérieure au montant de l'indemnité de résiliation contractuelle.

Le liquidateur présente une argumentation similaire à celle de la société Rombas Invest.

L'article A.11.1 du contrat de crédit-bail stipule :

« [...] / La résiliation du contrat entraînera notamment l'obligation pour le crédit-preneur de verser au crédit-bailleur, dans les termes des articles 1152 et 1226 du code civil, une indemnité de résiliation, égale à 80 % de la valeur résiduelle financière de l'opération telle que définie à l'article A.10.6 [...], majorée le cas échéant de la TVA et de toute autre taxe s'appliquant à la présente opération.

Le crédit-preneur reconnaît formellement que cette indemnité correspond à l'aspect essentiellement financier du présent contrat, l'opération ayant été réalisée par le crédit-bailleur à la demande expresse du crédit-preneur, en considération de sa personne et de ses besoins. / [...] ».

L'article A.10.6 définit la valeur résiduelle financière comme étant égale à la différence entre, d'une part, le montant de l'investissement global du crédit-bailleur servant de base de calcul des loyers et, d'autre part, le total des amortissements financiers compris dans les loyers échus et réglés au jour de sa détermination.

L'obligation pour le crédit-preneur, en cas de résiliation, de payer 80 % de la valeur résiduelle financière de l'opération a été stipulée à la fois pour le contraindre à l'exécution du contrat et à titre d'évaluation forfaitaire et anticipée du préjudice subi par le crédit-bailleur à raison de l'inexécution.

L'indemnité de résiliation dont s'agit s'analyse donc en une clause pénale, qualification à laquelle l'article A.11.1 précité fait d'ailleurs référence en mentionnant l'article 1152 du code civil et qui n'est au demeurant pas discutée.

Dès lors, elle est susceptible d'être modérée par le juge en application de l'article 1231-5 du code civil (anciennement 1152 du même code).

L'indemnité de résiliation s'élève à 1 533 821,18 euros, correspondant à 80 % de la valeur résiduelle financière de 1 917 276,47 euros, elle-même obtenue en soustrayant du montant de l'investissement global du crédit-bailleur (2 023 000 euros comprenant 1 698 000 euros de financement sur fonds propres du crédit-bailleur et 325 000 euros d'avance preneur) les amortissements financiers compris dans les loyers échus et réglés (105 723,53 euros).

Ce montant de 1 533 821,18 euros a été ramené dans la déclaration de créance à 1 239 949,34 euros après déduction du montant non amorti de l'avance preneur (293 871,84 euros).

Ainsi que le soutient la société BPCE Lease Immo, la résiliation du crédit-bail a entraîné, d'une part, une perte des loyers à percevoir jusqu'au terme du contrat et, d'autre part, des charges supplémentaires dont il est justifié qu'elles se sont élevées, entre le 1er mai 2017 et le 7 avril 2021, à 122 478,40 euros TTC.

Il reste, toutefois, que des indemnités d'occupation égales au montant du loyer ont été admises au passif de la société Rombas Invest pour la période du 18 avril 2016 au 31 mars 2017 et que, depuis au moins le 1er mai 2017, la société BPCE Lease Immo a perçu des loyers de la part de la société Norma (pour un montant annuel de 115 000 euros HT selon les évaluations immobilières versées aux débats).

En outre, la société BPCE Lease Immo reste propriétaire du bien immobilier objet du crédit-bail, d'une valeur estimée, au 31 décembre 2020, à 1 100 000 euros hors droits et hors frais d'acte en son état d'occupation par la société Norma et à 840 000 euros hors droits et hors frais d'acte libres d'occupation alors que, si le contrat de crédit-bail s'était poursuivi jusqu'à son terme, la société Rombas Invest aurait disposé de la faculté de l'acquérir au prix de seulement 150 000 euros hors taxes.

Il s'ensuit que l'indemnité de résiliation apparaît manifestement excessive au regard du préjudice subi.

Il y a donc lieu de la réduire à 800 000 euros et, partant, d'admettre la créance de la société BPCE Lease Immo à concurrence de ce montant, à titre chirographaire.

En définitive, il convient d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a admis la créance de la société BPCE Lease Immo pour un montant de 48 063,39 euros et, statuant à nouveau, de l'admettre à hauteur de 953 567,29 euros (800 000 + 139 394,18 + 824,90  + 12 097,20 + 251,01 + 1 000).

- Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Rombas Invest et le liquidateur succombant pour l'essentiel, les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire et les demandes de ces derniers fondées sur l'article 700 du code de procédure civile rejetées.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance,

Statuant à nouveau,

Admet, à titre chirographaire, la créance de la société BPCE Lease Immo au passif de la société Rombas Invest pour un montant de 953 567,29 euros,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 21/03420
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;21.03420 ?
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