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03/11/2022 | FRANCE | N°20/12123

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 03 novembre 2022, 20/12123


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/12123 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCISL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 juillet 2020 - Juge des contentieux de la protection d'AUXERRE - RG n° 11-19-000211





APPELANTE



La société SOGEFINANCEMENT, SNC agi

ssant poursuites et diligences de ses représentants et administrateurs légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localit...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/12123 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCISL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 juillet 2020 - Juge des contentieux de la protection d'AUXERRE - RG n° 11-19-000211

APPELANTE

La société SOGEFINANCEMENT, SNC agissant poursuites et diligences de ses représentants et administrateurs légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 394 352 272 00022

[Adresse 3]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par Me Thierry FLEURIER de la SCP REGNIER-SERRE-FLEURIER-FELLAH-GODARD, avocat au barreau de SENS

INTIMÉS

Monsieur [L] [M]

né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 7] (51)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Jean-Marc FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

Madame [F] [S]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 9] (51)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Marc FLORAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0227

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte du 8 novembre 2008, la société Sogefinancement a consenti à M. [L] [M] et à Mme [F] [S] un prêt personnel Expresso d'un montant de 39 000 euros remboursable en 81 mensualités de 610,29 euros chacune hors assurance, au taux d'intérêts nominal de 7,25 % l'an.

Un avenant de réaménagement est intervenu entre les parties le 1er octobre 2009 aux termes duquel le montant dû à cette date de 36 852,46 euros est remboursable en 130 mensualités d'un montant de 457,94 euros chacune, assurance comprise du 20 novembre 2009 au 20 août 2020.

Les emprunteurs ont été défaillants dans le remboursement de leur crédit et la banque s'est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 14 mai 2019 par la société Sogefinancement d'une action tendant à la condamnation solidaire des emprunteurs au paiement du solde restant dû au titre du contrat, le tribunal judiciaire d'Auxerre, par un jugement contradictoire rendu le 21 juillet 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- condamné la société Sogefinancement à payer à M. [M] et à Mme [S] une somme de 14 814,49 euros au titre du prêt avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- rejeté la demande de remboursement de prêt,

- débouté les parties de toute autre demande,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Sogefinancement aux dépens.

Se fondant sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, le tribunal a considéré que le prêteur s'était abstenu de procéder à la vérification de la situation financière des emprunteurs, qu'il aurait dû se faire remettre des pièces justificatives de leurs ressources et charges et ne pas se contenter de leurs déclarations figurant dans l'annexe de l'offre préalable de crédit, document non signé par les emprunteurs. Il a considéré qu'en accordant un crédit à des emprunteurs qui n'étaient pas en capacité de le rembourser, la société Sogefinancement les a mis en difficulté financière de sorte qu'elle doit réparer le préjudice causé évalué à la différence entre les sommes versées à hauteur de 53 814,49 euros et la somme empruntée de 39 000 euros.

Par déclaration enregistrée le 17 août 2020, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 16 août 2021, elle demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise,

- condamner solidairement M. [M] et Mme [S] à lui payer une somme de 11 187,69 euros avec intérêts au taux contractuel à compter du 29 novembre 2018,

- débouter M. [M] et Mme [S] de leurs demandes,

- les condamner solidairement à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait observer que les premiers incidents de paiement sont intervenus près de 10 ans après la souscription du crédit, soit dans le courant de l'année 2018, ce qui signifie que les emprunteurs ont été en mesure de s'acquitter du règlement des mensualités dues sans difficulté pendant 10 années.

Elle soutient qu'elle établit suffisamment avoir vérifié la solvabilité des emprunteurs et leur capacité de remboursement. Elle précise que leur bulletin de paie, leur avis d'imposition, leur déclaration de revenus et de revenus fonciers ont été demandés et étudiés et que les ressources déclarées étaient corroborées par ces éléments. Elle estime qu'il n'appartient pas à l'organisme prêteur de réaliser une enquête intrusive pour vérifier si les emprunteurs n'ont pas usé sciemment de man'uvres pour tenter d'obtenir, en fraude, le prêt qu'ils sollicitent. Elle ajoute que M. [M] déclarait être gérant d'une SARL et que dans ces conditions, la vérification de ses ressources était beaucoup moins aisée.

Elle fait remarquer qu'il est surprenant que les emprunteurs se prévalent du caractère erroné des données qu'ils ont eux-mêmes portées au questionnaire qui leur a été soumis. Elle indique qu'ils ont reconnu devant le premier juge avoir sciemment trompé l'organisme prêteur en faisant croire qu'ils avaient une capacité d'emprunt très importante. Elle rappelle que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

S'agissant du préjudice, elle fait remarquer que sa réparation doit être en adéquation avec la nature et la réalité du préjudice subi et qu'en cas de reconnaissance de responsabilité, la somme octroyée devra être réduite.

Par des conclusions remises le 1er février 2021, M. [M] et Mme [S] demandent à la cour de :

- constater le caractère disproportionné de l'engagement souscrit par eux,

- constater les manquements de la société Sogefinancement à ses obligations de diligence et de mise en garde,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- en conséquence, débouter la société Sogefinancement de l'intégralité de ses demandes,

- à titre subsidiaire, leur accorder un délai de grâce sous la forme d'un report de paiement de deux années du paiement des sommes mises à leur charge,

- en tout état de cause, condamner la société Sogefinancement à leur payer la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Les intimés font valoir que sous l'empire des textes anciens, il appartient au prêteur d'exiger des justificatifs de la situation financière de chaque co-contractant et de ne pas octroyer son crédit sur une seule base déclarative. Ils ajoutent que le prêteur doit rechercher s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt et mettre en garde les co-emprunteurs sur l'existence de ces risques.

Ils indiquent que si à la lecture de la fiche de renseignement, la capacité d'emprunt apparaît proportionnée au montant du crédit, la société Sogefinancement n'a fait référence à aucun document pour déterminer la capacité d'emprunt, alors qu'il lui appartenait de collecter des documents de justification de revenus et de charges. Ils soutiennent que la banque disposait de leurs relevés bancaires lesquels faisaient état de ressources mensuelles largement inférieures à celles déclarées à savoir 2 132,64 euros au lieu de 3 407 euros et que la banque a également sous-évalué le montant des charges en s'abstenant de tenir compte de leurs charges courantes, retenant ainsi un montant de charges totalement erroné.

Ils expliquent que Mme [S] était en congé parental et percevait une très faible rémunération d'environ 376 euros par mois et absolument pas 639 euros comme l'a retenu la banque. Concernant M. [M], ils indiquent qu'il percevait environ 760 euros par mois. Ils font remarquer que la fiche de renseignement communiquée n'est ni paraphée ni signée par les co-emprunteurs, qu'aucune déclaration sur l'honneur n'a été demandée aux co-emprunteurs, ce qui leur aurait permis à tout le moins de constater l'impossibilité financière de réaliser une telle opération. Ils ajoutent que contrairement à ce qu'indique l'appelante, ils n'ont jamais été consultés pour l'établissement de la fiche patrimoniale.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022 et l'affaire appelée à l'audience le 21 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au regard de la date de conclusion du contrat, c'est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur au 1er mai 2011 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Sur la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion

Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.

En application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

En l'espèce les parties justifient avoir validé le 1er octobre 2009 un avenant de réaménagement portant sur la somme due à cette date de 36 852,46 euros remboursable en 130 mensualités d'un montant de 457,94 euros chacune, assurance comprise du 20 novembre 2009 au 20 août 2020.

L'historique de compte communiqué atteste que les paiements ont été honorés de manière irrégulière à compter du mois de février 2017. Le premier impayé non régularisé peut être fixé à l'appel d'échéance du 20 juillet 2018 compte tenu des versements de régularisation intervenus.

En assignant les emprunteurs le 14 mai 2019, soit dans un délai de deux années à compter du 20 juillet 2018, la société Sogefinancement doit être déclarée recevable en son action.

Sur la mise en cause de la responsabilité de la société Sogefinacement au regard d'un devoir de mise en garde

M. [M] et Mme [S] entendent mettre en cause la responsabilité de la société Sogefinancement pour manquement à ses obligations de diligence et de mise en garde au moment de l'octroi du crédit sur le fondement des articles 1147 et 1315 du code civil.

Aux termes de l'article 1147 du code civil en sa version applicable au litige, le débiteur d'une obligation contractuelle voit sa responsabilité engagée lorsqu'il n'a pas exécuté ou lorsqu'il a exécuté de manière tardive son obligation sauf démonstration d'une cause qui lui est étrangère.

Sous l'empire des dispositions applicables antérieurement à la loi du 1er juillet 2010 précitée, il a été jugé que le prêteur était tenu d'une obligation précontractuelle de mise en garde fondée sur l'article 1147 du code civil, s'agissant de l'octroi d'un crédit à un emprunteur non averti, à raison du risque d'endettement excessif né de l'octroi de ce prêt compte tenu des capacités financières du souscripteur.

La mise en 'uvre de ce devoir de mise en garde impose au prêteur de se renseigner sur la situation financière de l'emprunteur non averti afin de pouvoir informer ce dernier des éventuels risques d'endettement excessif résultant du crédit sollicité.

Il en résulte que le prêteur n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement du prêt n'excède pas les facultés contributives de l'emprunteur.

Le prêteur est en droit de se fier aux informations qui lui sont communiquées par le client lequel doit faire preuve de loyauté et ne pas communiquer de renseignements erronés ou dissimuler des informations à l'établissement de crédit tentant d'apprécier la viabilité du concours financier, sous peine de ne pouvoir invoquer un manquement au devoir de mise en garde.

En l'espèce, la société Sogefinancement produit aux débats l'offre préalable de prêt personnel expresso validée le 8 novembre 2008 par M. [M] et Mme [S]. Cette offre est composée d'une liasse de plusieurs documents dont une déclaration de renseignements non signée destinée à porter à la connaissance du prêteur le montant des ressources et charges du couple.

Il est indiqué sur cette fiche que monsieur est gérant de SARL, au salaire net mensuel de 1 876 euros outre 209 euros de revenus complémentaires, que madame est vendeuse salariée de la SARL [M] [S] depuis le mois de septembre 2007 au salaire de 639 euros outre 528 euros de prestations familiales et 155 euros de revenus annexes soit un total de revenus pour le couple de 3 407 euros. Il est mentionné une charge de crédit Cetelem de 63 euros par mois et les charges sont évaluées globalement à 724 euros par mois.

Le prêteur communique également la fiche dite de décision validant l'octroi du crédit signé du directeur de l'agence bancaire sur laquelle est indiquée : « aide à la décision : gérant non salarié d'une TPE, montant de la demande trop élevé ».

S'agissant de la vérification de la capacité d'emprunt, la société Sogefinancement communique différents documents remis par les emprunteurs au moment de la souscription du prêt, à savoir leurs avis d'imposition respectifs 2007, la déclaration de revenus fonciers 2007 pour monsieur, les bulletins de salaire de madame des mois de juin, juillet et août 2018.

Concernant madame, il résulte des fiches de paie remises à la banque qu'elle percevait un salaire net en juin, juillet et août 2018 pour des sommes allant de 461,78 euros à 487,01 euros soit une moyenne de 485 euros par mois alors que son avis d'imposition 2007 pour les revenus déclarés en 2006 tel que remis à la banque fait état de 7 667 euros de revenus déclarés soit une moyenne mensuelle de 638,91 euros.

Si Mme [S] prétend avoir été au moment de l'octroi du crédit en congé maternité puis parental et qu'elle percevait la somme de 376 euros par mois de salaire, ce montant est corroboré par les deux bulletins de salaire qu'elle communique pour les mois d'octobre et novembre 2018 mentionnant un salaire net mensuel de 375,44 euros et de 376,28 euros. Elle communique également le relevé de prestations pour 2008 de la Caisse primaire d'assurance maladie attestant de la perception de 2 354,73 euros à titre d'indemnités journalières maladie/maternité en 2018 soit 196,22 euros par mois.

Il en résulte que Mme [S] justifie avoir perçu au moment de la souscription du contrat de prêt des ressources globales mensuelles de 727 euros et non de 1 322 euros. S'agissant de son salaire indiqué à 639 euros par mois, la simple analyse des bulletins de salaire communiqués pour l'année 2018 démontre qu'elle ne percevait à cette date qu'une moyenne de 485 euros par mois et que la somme mensuelle de 639 euros correspondait à des revenus déclarés en 2006 soit bien avant l'octroi du crédit. S'agissant des prestations familiales, le montant de 528 euros porté sur la fiche n'est corroboré par aucune pièce, le prêteur ne démontrant pas avoir sollicité de pièce justificative alors que Mme [S] démontre avoir été en congé maternité à cette époque et avoir perçu une somme moyenne de 196 euros par mois au titre de ses indemnités journalières.

S'agissant de monsieur, son avis d'impôt sur les revenus pour l'année 2006 (avis 2007) fait état de ressources déclarées de 16 639 euros outre 2 511 euros de revenus fonciers soit une moyenne mensuelle de 1 595 euros alors que la fiche de renseignements mentionne 2 085 euros de ressources mensuelles.

Les relevés de compte communiqués par M. [M] dans le cadre de la présente instance pour la période entre le mois d'octobre 2007 et le mois d'octobre 2008, démontrent qu'il a perçu la somme globale de 9 120 euros soit 760 euros mensuels. Si l'on ajoute à cette somme 205 euros de revenus fonciers, il justifie de ressources de l'ordre de 965 euros par mois à l'époque de l'octroi du crédit.

Il résulte de ce qui précède, que les ressources mensuelles du couple contemporaines de l'attribution du crédit peuvent être évaluées à la somme de 1 692 euros et non à la somme de 3 407 euros par mois. S'agissant du montant des charges de l'ordre de 724 euros par mois, les intimés ne communiquent aux débats aucun élément probant venir contredire ce montant.

La charge de l'emprunt de 660,99 euros par mois excède donc le tiers des revenus du couple existant au moment de l'octroi du crédit la rendant disproportionnée par rapport à leurs facultés contributives.

La société Sogefinancement ne justifie pas avoir vérifié de manière suffisante les capacités financières des co-emprunteurs, d'une part au regard des incohérences existant entre les revenus portés sur la fiche de renseignements et les pièces justificatives remises à la banque, d'autre part en ne sollicitant pas de pièces justificatives complémentaires plus contemporaines de la date d'octroi du crédit s'agissant en particulier de M. [M] dont les ressources étaient variables compte tenu d'une activité de gérant de société. S'agissant de la situation de Mme [S], l'appelante reconnaît dans ses écritures avoir su que le salaire de celle-ci n'était que provisoire et qu'il était convenu qu'elle retrouve un travail complet à l'issue de sa période de congé maternité, tous éléments qui auraient dû alerter la banque dans l'analyse de la solvabilité de l'intéressée.

Aucun élément ne vient cependant accréditer la thèse des intimés selon laquelle la banque aurait elle-même rempli, à la place des emprunteurs, la fiche de renseignements dans le but de leur accorder un crédit à taux excessivement élevé.

Il convient de constater que les co-emprunteurs ont apposé leur signature sur l'offre de crédit sous une clause par laquelle ils reconnaissent notamment avoir pris connaissance de toutes ses conditions, tant particulières et générales, de la synthèse des garanties des contrats d'assurance et de la notice d'information relative à l'assurance figurant en annexe ainsi que de la déclaration de renseignements les concernant également en annexe.

Les intimés ont donc reconnu avoir pris connaissance de cette fiche qu'il leur appartenait de corriger au besoin tout en fournissant au prêteur les renseignements pertinents et contemporains de l'octroi du crédit propres à déterminer leur solvabilité dans le respect du principe de loyauté.

Il résulte de ce qui précède que s'agissant d'emprunteurs non avertis, la société Sogefinancement a manqué à son devoir de mise en garde comme l'a relevé justement le premier juge.

Le premier juge a considéré que le préjudice subi par les emprunteurs devait être réparé par l'allocation d'une somme de 14 814,49 euros correspondant à la différence entre les sommes remboursées de 53 814,49 euros et la somme empruntée de 39 000 euros.

Les intimés sollicitent confirmation de la décision mais ne développent aucun moyen de nature à chiffrer leur préjudice.

En l'espèce, l'historique de compte communiqué atteste que les emprunteurs ont rencontré rapidement des difficultés dans le remboursement de leur crédit puisque les fonds ont été débloqués le 20 novembre 2008 et que certaines échéances ont été payées irrégulièrement dès le 22 janvier 2009. Toutefois, les emprunteurs ont validé le 1er octobre 2009 un avenant de réaménagement portant les mensualités à 457,94 euros chacune, assurance comprise sur une durée de 130 mois du 20 novembre 2009 au 20 août 2020. Ils ont ensuite honoré les paiements de manière irrégulière à compter du mois de février 2017. Le premier impayé non régularisé intervient en juillet 2018 avant déchéance du terme du contrat en novembre 2018.

Le préjudice subi par les emprunteurs sera suffisamment réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros, le jugement étant infirmé.

Sur la demande en paiement formée par la société Sogefinancement

À l'appui de son action la société Sogefinancement produit copie de l'offre de crédit, l'avenant modificatif du 1er octobre 2009, la fiche de renseignements qui mentionne les ressources et charges des emprunteurs, les justificatifs de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la synthèse des polices d'assurance proposées et la notice d'information sur l'assurance, les tableaux d'amortissement, l'historique de compte et un décompte de créance.

En produisant des lettres de mise en demeure en date du 2 novembre 2018 annonçant le prononcé de la déchéance du terme du contrat à défaut de paiement des échéances impayées de 1 998,75 euros sous quinze jours et une autre mise en demeure de payer la somme totale de 11 187,69 euros le 29 novembre 2018 annonçant la déchéance du terme, la société Sogefinancement justifie qu'elle a utilement informé M. [M] et Mme [S] du terme anticipé du contrat.

La créance de la société Sogefinancement s'établit ainsi :

- mensualités échues impayées : 2 289,70 euros

- capital restant dû : 8 064,78 euros

Total : 10'354,48 euros.

Le contrat prévoit en outre à la charge des emprunteurs une indemnité d'exigibilité anticipée de 8 % du capital restant dû qui constitue une clause pénale réductible en application de l'article 1152 du code civil.

La société Sogefinacement sollicite une somme de 787,12 euros à ce titre.

Cette somme excède 8 % du montant du capital dû à la date de déchéance du terme du contrat et la banque a déjà appliqué une indemnité de résiliation à l'occasion du réaménagement du crédit, il convient de réduire cette indemnité à 1 euro.

En conséquence, infirmant le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Sogefinacement de sa demande en paiement, il convient de condamner solidairement M. [M] et Mme [S] à payer à la société Sogefinancement la somme de 10 354,48 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,25 % l'an à compter du 29 novembre 2018 outre la somme de 1 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018.

Il n'y a pas lieu à report de paiement, étant rappelé que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré

Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens.

La cour condamne la société Sogefinancement aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable de condamner la société Sogefinancement à la somme de 1 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne les dépens ;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Reçoit la société Sogefinancement en sa demande ;

Condamne M. [L] [M] solidairement avec Mme [F] [S] à payer à la société Sogefinancement la somme de 10 354,48 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 7,25 % l'an à compter du 29 novembre 2018 outre la somme de 1 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2018 au titre du prêt souscrit le 8 novembre 2018 ;

Condamne la société Sogefinancement à payer à M. [L] [M] et à Mme [F] [S] une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi ;

Ordonne la compensation entre les sommes dues ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré ;

Condamne la société Sogefinancement aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sogefinancement à payer à M. [L] [M] et à Mme [F] [S] une somme de 1 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/12123
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.12123 ?
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