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03/11/2022 | FRANCE | N°20/11777

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 03 novembre 2022, 20/11777


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11777 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHNR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juillet 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-19-003162





APPELANTE



La compagnie d'assurance CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMI TED (CGICE), c

ompagnie d'assurance de droit anglais agréée pour pratiquer en France des opérations de caution suivant LPS du 11 mars 2009, agissant poursuites et diligences en la personne de son r...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11777 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCHNR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juillet 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-19-003162

APPELANTE

La compagnie d'assurance CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMI TED (CGICE), compagnie d'assurance de droit anglais agréée pour pratiquer en France des opérations de caution suivant LPS du 11 mars 2009, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, représentée par son mandataire de gestion sur le territoire français, la société EKWI INSURANCE, société à responsabilité limitée agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4] - GIBRALTAR

représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

assistée de Me Emmanuel PERREAU de la SELASU CABINET PERREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P130

substitué à l'audience par Me Pauline RABOTTIN de la SELASU CABINET PERREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P130

INTIMÉES

La SMABTP, société d'assurance mutuelle à cotisations variables régie par le code des assurances prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, en qualité d'assureur de la société BBOI

N° SIRET : 775 684 764 02155

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

ayant pour avocat plaidant Me Évelyne NABA de la SCP NABA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0325

La BOURSE DU BATIMENT DE L'OCÉAN INDIEN 'BBOI', SAS prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

ayant pour avocat plaidant Me Évelyne NABA de la SCP NABA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0325

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société SCCV Jour d'été a fait procéder à la réalisation d'un ensemble immobilier situé [Adresse 3] en qualité de maître d'ouvrage et a souscrit dans ce cadre une assurance dommage-ouvrage auprès de la compagnie d'assurance Casualty and General Insurance Compagny Europe Limited (la société CGICE).

Les travaux ont été réalisés par la société Bourse du bâtiment de l'océan indien (société BBOI) en tant qu'entreprise générale elle-même assurée auprès de la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (la société SMABTP).

Plusieurs déclarations de sinistres ont été enregistrées auprès de la compagnie CGICE de 2017 à 2019 et cette dernière a procédé à divers règlements. La société SMABTP n'a jamais donné suite aux demandes de garanties présentées par la société CGICE.

Saisi les 14 et 15 février 2019 par la société CGICE d'une demande tendant principalement à la condamnation des sociétés SMABTP et BBOI à lui payer la somme de 5 633,37 euros au titre des sinistres constatés avec anatocisme, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 15 juillet 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré nulles les assignations délivrées les 14 et 15 février 2019 par la société CGICE à l'encontre des sociétés SMABTP et BBOI,

- condamné la société CGICE à payer aux sociétés SMABTP et BBOI chacune une somme de 700 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Le tribunal a relevé que la société CGICE, société de droit anglais, ne justifiait pas d'un mandat pour agir en justice de la part de la société EKWI Insurance, son mandataire de gestion sur le territoire français. Il a considéré que le défaut de pouvoir d'une partie ne constituait pas une nullité de forme mais une nullité de fond, au sens de l'article 117 du code de procédure civile et que le document produit lors des débats ne permettait pas de régulariser l'assignation entachée d'une nullité.

Suivant déclaration enregistrée le 6 août 2020, la société CGICE a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 29 avril 2021, l'appelante demande à la cour :

après avoir constaté que le défaut de pouvoir allégué n'a pas de caractère d'ordre public, que le tribunal ne pouvait pas soulever d'office cette nullité de fond, que la société CGICE est recevable à agir dès lors qu'elle agit en son propre nom, bien que représentée en France par la société EKWI et que la compagnie CGICE justifie bien du pouvoir de représentation confié à la société EKWI,

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

après avoir constaté que les désordres objets des déclarations de sinistre des 28 avril 2016 et 15 mai 2017 sont de nature décennale, que la société BBOI est responsable des désordres susvisés, que la compagnie CGICE a préfinancé les désordres à hauteur de 6 501,22 euros et qu'elle est ainsi subrogée dans les droits et actions du bénéficiaire,

- de dire et juger que la compagnie CGICE est subrogée dans les droits et actions du bénéficiaire de la police « dommages ouvrage »,

- de déclarer responsable la société BBOI et de condamner les sociétés BBOI et SMABTP à la relever et la garantir des indemnités versées au bénéfice du syndic suite aux déclarations de sinistre susvisées soit la somme de 6 501,22 euros et ce, tant en principal qu'intérêts et frais, avec anatocisme desdits intérêts,

- de condamner les mêmes à lui verser la somme de 2 500 euros en remboursement de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais et honoraires d'expertise et de référé et dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Kong Thong, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante indique que les demandes présentées en première instance par les sociétés BBOI et SMABTP tendaient, au visa de l'article 648 du code de procédure civile, à voir prononcer l'annulation de l'assignation dès lors que la société EKWI ne justifiait pas de son pouvoir de représentation. Elle fait observer que les deux sociétés se fondaient uniquement sur les dispositions des articles 112 à 116 du code de procédure civile relatives aux nullités pour vice de forme et que contre toute attente, le tribunal a soulevé d'office l'existence d'une nullité pour vice de fond au sens de l'article 117 du même code.

Elle soutient que le défaut de pouvoir ne présente pas un caractère d'ordre public comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, de sorte que le juge ne pouvait relever d'office cette nullité.

Elle s'estime recevable en son action en ce que la compagnie CGICE, bien que représentée en France par la société EKWI, agissait pour son propre compte et avait donc le pouvoir d'agir en justice. Afin de clore toute difficulté, elle indique produire le mandat confié à la société EKWI à effet du 21 février 2019 lequel l'habilite à représenter la CGICE en justice ainsi que dans tous les actes de procédure judiciaire. Elle précise que le Brexit est sans incidence sur son droit d'agir et que les dispositions invoquées par les sociétés intimées sont largement postérieures à la déclaration d'appel.

Visant les articles 1792 et suivants du code civil, 1240 et 1250 du code civil et L. 241.1 du code des assurances, l'appelante soutient que les désordres allégués affectent la solidité de l'ouvrage ou sa destination, de sorte qu'ils relèvent de la garantie décennale. Elle relève que les désordres constatés plus de 6 ans après la réception de l'ouvrage étaient bien cachés et elle indique produire aux débats les rapports d'expertises amiables réalisés contradictoirement.

Elle fait valoir au visa de l'article L. 121-12 du code des assurances et des articles 1792 et suivants du code civil qu'elle est subrogée dans les droits et actions du bénéficiaire de l'assurance de sorte qu'elle dispose d'un recours contre les sociétés intimées, dont elle invoque la mauvaise foi.

Elle soutient que les désordres constatés sont imputables aux travaux de construction réalisés par la société BBOI et conteste toute tardiveté dans l'assignation délivrée aux intimées.

Par conclusions remises le 2 février 2021, les sociétés BBOI et SMABTP demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société CGICE de toutes ses demandes,

in limine litis, vu les articles 73, 74, 112 à 116, 117 du code de procédure civile,

- prononcer la nullité de l'exploit introductif d'instance,

- constater la prescription de toutes les actions introduites au vu de l'expiration du délai décennal,

- débouter la société CGICE de toutes ses demandes,

à titre principal,

- juger que la compagnie CGICE ne produit pas le contrat qui pourrait justifier de sa qualité d'assureur dommages ouvrages,

- juger que la compagnie CGICE ne produit pas la moindre preuve d'un paiement qui pourrait justifier de sa qualité de subrogé,

- juger que la compagnie CGICE ne justifie, même en dépit des quittances subrogatives, avoir versé le moindre euro à qui que ce soit puisqu'un intermédiaire est le seul à figurer dans les pièces versées au débat,

- juger que la compagnie CGICE ne peut donc se prétendre avoir un quelconque intérêt ou qualité pour agir à l'encontre de la SMABTP,

- juger que la compagnie CGICE n'est aucunement subrogée dans les droits du bénéficiaire de la police dommages ouvrages,

- juger qu'il incombe au maître de l'ouvrage qui agit sur le fondement de l'article 1792 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies,

- juger que la compagnie CGICE ne justifie pas du caractère caché des vices à la réception alors que la charge de la preuve lui incombe,

à titre subsidiaire,

- juger que la société CGICE en assignant quelques jours avant le terme du délai décennal n'a pas permis d'attraire à la cause les sous-traitants responsables évoqués par l'expert dommages-ouvrage, et que dans ces conditions la société BBOI et son assureur ont été privés de leurs recours par la faute de la compagnie CGICE,

- condamner la compagnie CGICE à régler à titre de dommages-intérêts ou à garantir la SMABTP à hauteur de l'intégralité des sommes objet de ses prétentions devant le tribunal d'instance de Paris,

en toute hypothèse,

- débouter, la société CGICE de l'intégralité de ses prétentions,

- condamner la société CGICE à verser aux sociétés SMABTP et BBOI chacune une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction de ces derniers au profit de Maître Sarra Jougla, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du même code.

Les sociétés intimées sollicitent la confirmation de l'annulation des assignations pour les motifs retenus par le tribunal. Elles rappellent que les prétentions pour autrui sont irrecevables et qu'une personne ne peut agir en justice que dans la mesure où la violation du droit l'atteint dans ses intérêts propres et où le résultat de l'action lui profitera personnellement. Elles soutiennent que la société EKWI n'a pas présenté son pouvoir de représentation dans ce litige et qu'il s'agit d'une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, laquelle doit être accueillie sans que celui qui l'invoque n'ait à justifier d'un grief.

Elles font valoir que l'assureur CGICE, spécialiste de la caution, actif en libre prestation de service depuis Gibraltar, a pris la décision de se retirer de ses marchés européens et français, que depuis le 1er janvier 2021 la société requérante a perdu son passeport européen et a donc perdu le droit d'agir sur le territoire français qu'elle invoque. Elle indique que la cour devra déclarer nulle l'action introduite.

Les intimées invoquent trois fins de non-recevoir qu'elles indiquent comme devant conduire au rejet des prétentions adverses en raison du défaut de production du contrat d'assurances dommages-ouvrage, du défaut de notification par l'assureur dommages-ouvrage de la prise de position prévue à l'article L. 242-1 du code des assurances et du défaut de preuve par l'assureur dommages-ouvrage du versement de l'indemnité d'assurance à son assuré.

S'agissant du bien-fondé de la demande, elles font observer que la société CGICE paraît aujourd'hui exercer une action directe sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances mais qu'aucune expertise judiciaire n'a été diligentée et que le procès-verbal de réception est insuffisant à prouver que le sinistre pourrait être sans lien avec d'éventuels vices apparents dès la réception des travaux. Elles réclament en conséquence le paiement de dommages et intérêts à hauteur de la condamnation qui serait prononcée à leur encontre en raison de la tardiveté de l'assignation qui n'est intervenue que quelques jours avant l'expiration du délai décennal et les a privées de tout recours contre les sous-traitants.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour constate à titre liminaire qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou à « dire et juger » lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile.

Elle constate également que si les société SMABTP et BBOI invoquent dans le corps de leurs écritures trois fins de non-recevoir, elles n'en tirent aucune conséquence dans le dispositif de leurs conclusions et indiquent au demeurant que ces fins de non-recevoir doivent conduire au rejet des prétentions adverses de sorte qu'il ne sera pas statué spécifiquement sur ce point.

Sur la nullité des assignations délivrées les 14 et 15 février 2019 par la société CGICE aux sociétés SMABTP et BBOI

Le premier juge a prononcé l'annulation des assignations en relevant que la société CGICE, société de droit anglais, ne justifiait pas d'un mandat pour agir en justice de la part de la société EKWI Insurance, son mandataire de gestion sur le territoire français, s'agissant d'une nullité de fond présentant un caractère d'ordre public.

Se fondant en appel sur les dispositions des articles 73, 74, 112 à 116 et 117 du code de procédure civile, les sociétés SMABTP et BBOI requièrent confirmation de l'annulation des assignations en ce que la société EKWI n'a pas présenté son pouvoir de représentation dans le litige.

Ils font valoir que le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, laquelle doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.

La société CGICE sollicite quant à elle de voir infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu que l'assignation était entachée d'une nullité de fond.

Aux termes de l'article 54 du code de procédure civile, la demande initiale contient à peine de nullité, pour les personnes morales, mention de l'organe qui les représente légalement.

Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte au sens de l'article 117 du même code, le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. Ces irrégularités peuvent être accueillies sans que celui qui les invoque n'ait à justifier d'un grief.

Seules peuvent être relevées d'office par le juge les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure qui présentent un caractère d'ordre public.

Il est admis que le défaut de pouvoir d'agir en justice ne revêt pas un caractère d'ordre public de sorte que le premier juge ne pouvait soulever d'office cette irrégularité fondée sur l'article 117 du code de procédure civile.

L'article 121 du code de procédure civile prévoit que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

En l'espèce, la société CGICE justifie avoir versé aux débats tant en première instance qu'en appel le mandat confié à la société EKWI dont le siège social est situé [Adresse 1] à effet au 21 février 2019 qui prévoit que la société EKWI aura expressément qualité pour représenter la compagnie CGICE dans tous les actes civils, administratifs ou juridiques à l'exécution de son mandat et notamment à représenter la compagnie CGICE en justice ainsi que dans tous les actes de procédures judiciaires, administratives ou arbitrales, à négocier, à transiger et signer toutes transactions, accords ou compromis en son nom et pour son compte.

Il s'ensuit que la société CGICE justifie du pouvoir de représentation donné à la société EKWI de sorte qu'elle est régulièrement représentée à la présente instance.

Il n'est en outre pas expliqué en quoi le fait que la Compagnie CGICE se soit retirée des marchés européens et français depuis le 1er janvier 2021 et ne peut plus y exercer en libre prestation de service la priverait du droit d'agir en justice en France pour faire valoir ses droits.

Il en résulte que la fin de non-recevoir doit être rejetée et la Compagnie CGICE déclarée recevable en son action. Le jugement ayant annulé les assignations introductives d'instance est infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la prescription de l'action au regard du délai décennal

Si les intimées sollicitent dans le dispositif de leurs écritures de voir constater in limine litis la prescription de toutes les actions introduites en raison de l'expiration du délai décennal, elles ne développent absolument aucune argumentation propre à soutenir cette fin de non-recevoir laquelle n'est même pas reprise dans le corps des écritures. Il n'y a donc pas lieu à irrecevabilité de ce chef.

Sur la subrogation

La société CGCIE en sa qualité d'assureur "dommages-ouvrages" entend agir contre la société SMAPTP en sa qualité d'assureur de la société BBOI, sur le fondement des articles 1792 et suivants, 1240 et 1250 du code civil et L. 241-1 du code des assurances, suite au préfinancement des désordres de nature décennale dénoncés par le syndic et indemnisés par la compagnie CGICE.

L'article L. 121-12 du code des assurances prévoit que l'assureur « dommages-ouvrage » est légalement subrogé dans les droits et actions du bénéficiaire de l'assurance dommages ouvrage auquel il aura réglé l'indemnité due contractuellement.

Les intimées soutiennent que l'appelante ne démontre pas sa qualité de subrogée, qu'elle doit être déboutée de ses prétentions à défaut de notification par l'assureur dommages-ouvrage de sa prise de position comme le prévoit l'article L. 242-1 du code des assurances et en ce qu'aucune pièce comptable ne prouve le moindre flux financier en provenance du patrimoine de l'assureur et à défaut de preuve par l'assureur dommages-ouvrage du versement de l'indemnité d'assurance à son assuré.

Aux termes de cet article, l'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours.

La compagnie CGCIE communique aux débats les conditions particulières d'un contrat d'assurance dommages ouvrage numéro 0712DOCG00339 souscrit le 4 décembre 2017 par la SCCV Jour d'été auprès de la société CGICE et concernant la construction de la résidence [6] d'été sise [Adresse 3]. Elle communique également une attestation d'assurance responsabilité décennale du 20 juin 2017 de la société BBOI auprès de la SMABTP.

La compagnie CGCIE justifie donc bien de sa qualité d'assureur dommages-ouvrages.

Elle entend agir en sa qualité de subrogée dans les droits du bénéficiaire de la police dommages ouvrages à savoir la société SCCV. Elle produit à cet égard :

- quatre lettres d'acceptation valant quittances subrogatives émises au nom de la société CGICE représentée par la société EKWI Insurance au bénéfice du maître d'ouvrage SCCV Jour d'été représenté par son syndic Citya Immobilier à savoir :

- le 23 mars 2018 pour 1 163,94 euros relative à la déclaration de sinistre reçue le 7 décembre 2017 accompagnée de la lettre-chèque du 17 octobre 2018 et de la copie du chèque du 17 octobre 2018 adressé à Citya Saint Denis, ainsi que la déclaration de sinistre du 1er décembre 2017 et un rapport d'expertise dommage ouvrage du 1er mars 2018,

- le 23 mars 2018 pour 492,63 euros TTC relative à la déclaration de sinistre reçue le 9 janvier 2018 accompagnée de la lettre-chèque du 4 avril 2018 et de la copie du chèque du 29 mars 2018 adressé à Citya Réunion Immobilier ainsi que la déclaration de sinistre du 4 janvier 2018et du rapport d'expertise dommage ouvrage du 6 mars 2018,

- le 4 mars 2018 pour 867,85 euros relative à la déclaration de sinistre reçue le 2 janvier 2019, accompagnée d'un justificatif de virement du 2 août 2019, des déclarations de sinsitre des 29 octobre et 7 décembre 2018 et des rapports dommage ouvrage des 28 novembre 2018 et 1er mars 2019,

- le 20 avril 2018 pour 206,75 euros relative à la déclaration de sinistre reçue le 14 février 2018, accompagnée de la lettre-chèque du 17 octobre 2018 et de la copie du chèque du 17 octobre 2018 adressé à Citya Saint Denis, de la déclaration de sinistre du 14 février 2018 et du rapport d'expertise dommage-ouvrage du 18 avril 2018 ;

- quatre quittances subrogatives émises par la société CGICE représentée par IMS Epxert Europe au bénéfice de Citya Immobilier ou de Cytia Saint Denis à savoir :

- le 24 juillet 2015 pour 924,01 euros relative à une déclaration de sinistre reçue le 28 mai 2015 ainsi que la copie d'un chèque du 2 octobre 2015 faisant référence à une quittance du 21 août 2015, accompagnée d'un courrier du 8 novembre 2018 adressé à la SMABTP, une déclaration de sinistre du 22 mai 2015 et un rapport d'expertise dommage-ouvrage du 22 mai 2015,

- le 7 avril 2017 pour 801,49 euros relative à la déclaration de sinistre reçue le 23 janvier 2017, un justificatif de virement pour cette somme daté du 1er juillet 2017, un courrier du 8 novembre 2018 adressé à la SMABTP', une déclaration de sinistre du 18 janvier 2017 et un rapport unique d'expertise dommage-ouvrage du 29 mars 2017,

- le 1er juin 2017 pour 1 278,80 euros relative à la déclaration de sinistre reçue le 3 mars 2017, un justificatif de virement pour cette somme daté du 1er juillet 2017, un courrier du 8 novembre 2018 adressé à la SMABTP, une déclaration de sinistre du 31 mars 2017 et un rapport unique d'expertise dommage-ouvrage du 18 mai 2017 outre la copie d'un virement au 1er juillet 2017,

- le 26 avril 2017 pour 765,75 euros relative à la déclaration de sinistre reçue 3 mars 2017, un justificatif de virement pour cette somme daté du 8 juin 2017 au bénéfice de Citya Saint Denis, un courrier du 8 novembre 2018 adressé à la SMABTP', une déclaration de sinistre du 24 février 2017 et un rapport unique d'expertise dommage-ouvrage du 25 avril 2017.

La société CGCIE représentée soit par la société EKWI Insurance soit par la société IMS Expert Europe démontre ainsi avoir effectué un certain nombre de paiements directement entre les mains soit de la société SCCV maître de l'ouvrage, soit de Cytia Immobilier ou Cytia Saint Denis représentant de SCCV, les quittances visant spécifiquement le numéro de la police d'assurance dommage-ouvrage n° 0712DOCG00339 ainsi que le maître d'ouvrage SCCV et le lieu du sinistre à savoir la résidence [6] Clotilde, les numéros d'appartements concernés ainsi que la date de la déclaration de sinistre.

L'appelante démontre ainsi sa qualité de subrogée dans les droits et actions de la société SCCV ou de son représentant au titre de huit quittances subrogatives.

Sur la mise en 'uvre de la garantie décennale

L'appelante recherche la garantie des sociétés BBOI et SMABTP au regard des indemnités versées par elle au titre des différentes déclarations de sinistres relatives à des désordres de nature décennale dénoncés par le syndic.

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments d'équipements le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. L'article 1792-6 du même code précise que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente soit à l'amiable soit à défaut judiciairement. Elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement.

Il incombe au maître de l'ouvrage qui agit sur le fondement de l'article 1792 du code civil de rapporter la preuve que les conditions d'application de ce texte sont réunies.

Les intimées invoquent le mal fondé de la demande en ce que la preuve n'est pas rapportée du caractère caché des désordres au moment de la réception à défaut de production d'un procès-verbal de réception. Elles estiment que la juridiction ne peut s'appuyer sur des expertises amiables réalisées non contradictoirement par un expert payé par la société demanderesse non adhérente à la Convention de règlement de l'assurance construction (CRAC).

En l'espèce, l'appelante verse aux débats un document signé le 19 février 2009 par le directeur des travaux, la société BBOI et le maître d'ouvrage la société SCCV aux termes duquel il est proposé au vu du procès-verbal joint en annexe des opérations préalables à la réception, de prononcer la réception du bâtiment complet sous réserve que les levées de réserves et le repli de chantier soient effectués avant le 6 mars 2009. Il est fait référence à des réserves émises par la société BBOI et par la société SCCV.

La compagnie CGICE ne communique pas aux débats le procès-verbal mentionnant les réserves des parties, ni aucun document attestant de la levée de ces réserves, empêchant la cour d'opérer un contrôle, étant précisé que la garantie décennale ne reçoit pas application aux vices faisant l'objet de réserves lors de la réception.

Dès lors l'appelante est défaillante dans la charge de la preuve lui incombant au regard des dispositions susvisées. Elle doit être déboutée de l'intégralité de ses demandes.

La CGICE qui succombe est tenue aux dépens de première instance et d'appel. Elle est condamnée à verser la somme de 1 200 euros à chacune des sociétés BBOI et SMABTP.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Reçoit la compagnie d'assurance Casualty and General Insurance Compagny Europe Limited en son action ;

Déboute la compagnie d'assurance Casualty and General Insurance Compagny Europe Limited de l'intégralité de ses prétentions ;

Condamne la compagnie d'assurance Casualty and General Insurance Compagny Europe Limited à payer à la société Bourse du bâtiment de l'océan indien et à la société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics chacune la somme de 1 200 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la compagnie d'assurance Casualty and General Insurance Compagny Europe Limited aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction de ces derniers au profit de Maître Sarra Jougla, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/11777
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.11777 ?
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