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03/11/2022 | FRANCE | N°20/11563

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 03 novembre 2022, 20/11563


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11563 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCG32



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mai 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-013952





APPELANTE



La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE

DE FRANCE, société coopérative de banque à forme anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 382 900 94...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11563 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCG32

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mai 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-013952

APPELANTE

La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE ILE DE FRANCE, société coopérative de banque à forme anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 382 900 942 00014

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

INTIMÉS

Monsieur [X] [N]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

Madame [T] [J] épouse [N]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 5]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 6 février 2014, M. [X] [N] et Mme [T] [J] épouse [N] ont contracté auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France ci-après dénommée Caisse d'épargne, un prêt personnel en regroupement de crédits d'un montant de 21 500 euros remboursable en 120 mensualités de 272,35 euros chacune hors assurance moyennant un taux débiteur annuel de 9 %.

À la suite d'impayés, la Caisse d'épargne s'est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 30 juillet 2019 par la Caisse d'épargne d'une demande tendant principalement à la condamnation solidaire de M. et Mme [N] au paiement au solde restant dû au titre du contrat, soit 17 687,84 euros, le tribunal judiciaire de Paris par un jugement réputé contradictoire rendu le 22 mai 2020, auquel il convient de se reporter, a :

- reçu la Caisse d'épargne en son action,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la Caisse d'épargne,

- condamné solidairement M. et Mme [N] à payer à la Caisse d'épargne, la somme de 7 804,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2019 sans majoration de cinq points,

- rejeté la demande de capitalisation des intérêts,

- condamné in solidum M. et Mme [N] à payer à la Caisse d'épargne, la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.

Pour statuer ainsi, et après avoir examiné la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion de l'article L. 311-52 du code de la consommation, le tribunal a principalement retenu que le prêteur ne rapportait pas la preuve de la vérification triennale de solvabilité des emprunteurs comme l'y obligent les articles L. 311-48 et L. 311-16, alinéa 3 du code de la consommation de sorte que la déchéance du droit aux intérêts était encourue.

Afin d'assurer l'effectivité de la sanction de déchéance du droit aux intérêts contractuels, il a écarté l'application de la majoration de cinq points des intérêts au taux légal après deux mois prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Par une déclaration électronique du 3 août 2020, la Caisse d'épargne a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 9 mai 2022, l'appelante demande à la cour de :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déchue de son droit aux intérêts et en ce qu'il a limité les condamnations prononcées à la somme de 7 804,60 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2019, sans application de la majoration de 5 points,

- de constater qu'elle est bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme du contrat de prêt,

- à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt,

- de condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer la somme de 17 687,84 euros avec intérêts au taux contractuel de 9 % l'an à compter du 22 janvier 2019, date de la mise en demeure infructueuse portant déchéance du terme,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de condamner M. et Mme [N] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le premier juge s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 311-16 devenu L. 312-75 du code de la consommation pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, alors que ces dispositions ne visent que les crédits renouvelables et pas les prêts personnels. Elle estime donc qu'elle n'était pas tenue de vérifier la solvabilité des emprunteurs tous les trois ans mais seulement avant la conclusion du contrat comme le prévoit l'article L. 311-9 dudit code, ce dont elle justifie, de sorte qu'il n'y a pas lieu à déchéance de son droit aux intérêts.

Elle indique que sa créance est parfaitement exigible et qu'elle est bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme du contrat et requiert que soit ordonnée la capitalisation des intérêts.

Régulièrement assignés par actes d'huissier délivrés le 16 octobre 2020 à étude, les intimés n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 21 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le contrat litigieux ayant été conclu le 6 février 2014, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

La recevabilité de l'action au regard du délai biennal de forclusion instauré par les dispositions de l'article L. 311-52 du code de la consommation, examinée par le premier juge, ne fait pas l'objet de contestation. Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société Sogefinancement, le tribunal a retenu que le prêteur ne rapportait pas la preuve de la vérification triennale de solvabilité des emprunteurs comme l'y obligent les articles L. 311-48 et L. 311-16, alinéa 3 du code de la consommation.

L'article L. 311-16 du code de la consommation en sa version applicable du 1er mai 2011 au 19 mars 2014 prévoit que lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, l'établissement d'un contrat de crédit est obligatoire pour la conclusion du crédit initial et dans les mêmes conditions, pour toute augmentation de ce crédit consentie ultérieurement. Il est également prévu que le contrat précise que la durée du contrat est limitée à un an renouvelable et que le prêteur devra indiquer, trois mois avant l'échéance, les conditions de reconduction du contrat et qu'avant de proposer à l'emprunteur de reconduire le contrat, le prêteur consulte tous les ans le fichier prévu à l'article L. 334-4 et tous les trois ans, il vérifie la solvabilité de l'emprunteur dans les conditions fixées à l'article L. 311-9.

Les dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation en leur version applicable au litige prévoient que, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations et qu'il consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4 relatif au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

L'article L. 311- 48 du code de la consommation sanctionne par la déchéance du droit aux intérêts le non-respect de ces dispositions.

Il est manifeste que le contrat objet du présent litige est un prêt personnel en regroupement de crédits et non un crédit renouvelable, de sorte que le prêteur n'est pas tenu d'opérer une vérification de la solvabilité de l'emprunteur tous les trois ans mais seulement dans les conditions fixées à l'article L. 311-9 du code de la consommation, lors de la souscription du contrat. C'est donc en ajoutant aux textes que le premier juge a prononcé la déchéance des droits aux intérêts du prêteur sur ce fondement.

En l'espèce, l'appelante communique les justificatifs concernant la situation financière des emprunteurs résultant notamment d'une fiche de dialogue, comprenant leurs ressources et ses charges déclarées ainsi que les pièces d'identité et de solvabilité remises par les souscripteurs. Elle produit également le justificatif de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits.

L'ensemble de ces documents établit suffisamment l'examen par la Caisse d'épargne de la situation financière des emprunteurs avant la conclusion du contrat de prêt, étant précisé que M. et Mme [N] percevaient un revenu mensuel de 3 702 euros, avec lequel ils devaient assumer un remboursement mensuel de 272,35 euros pour des charges évaluées à 1 172 euros par mois, ce compris les mensualités du crédit.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement qui a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts.

Sur le bien-fondé de la demande en paiement

L'appelante produit à l'appui de sa demande :

- l'offre de crédit acceptée le 6 février 2014,

- la fiche ressources et charges (fiche de dialogue) et les éléments d'identité et de solvabilité,

- la fiche devoir d'explication,

- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,

- le justificatif de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers,

- le document d'information sur le regroupement de crédits,

- la notice d'information sur l'assurance,

- le tableau d'amortissement,

- l'historique de compte,

- un décompte de créance.

Pour fonder sa demande de paiement, l'appelante justifie de l'envoi aux emprunteurs le 2 janvier 2019 d'un courrier recommandé de mise en demeure exigeant le règlement sous 8 jours de la somme de 653,28 euros au titre des impayés sous peine de rendre exigible l'intégralité des sommes dues. Deux courriers recommandés avec avis de réception adressés le 22 janvier 2019 mettent les emprunteurs en demeure de régler la somme totale de 17 992,27 euros et prend acte de la résiliation du contrat.

C'est donc de manière légitime que la Caisse d'épargne se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues.

En application de l'article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 devenu 1231-5 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l'appelante s'établit de la façon suivante :

- échéances impayées : 4 353,62 euros

- capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 13 634,22 euros

sous déduction d'un règlement reçu de 300 euros

soit la somme totale de 17 687,84 euros.

Le jugement est donc infirmé sur le quantum de la condamnation et M. et Mme [N] condamnés solidairement au paiement de 17 687,84 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9 % l'an à compter du 22 janvier 2019.

La Caisse d'épargne ne sollicite pas d'indemnité de résiliation mais de voir prononcer une capitalisation des intérêts.

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L. 311-23 devenu L. 312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 devenus L. 312-39 et L. 312-40, ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la Caisse d'épargne de sa demande de capitalisation des intérêts.

Le jugement est confirmé quant aux condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il convient de condamner M. et Mme [N] in solidum aux dépens d'appel. L'équité commande de ne pas faire appication des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par défaut, par décision mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement dont appel sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France et quant au quantum de la condamnation ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne solidairement M. [X] [N] et Mme [T] [J] épouse [N] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Île-de-France une somme de 17 687,84 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9 % l'an à compter du 22 janvier 2019 ;

Rejette le surplus des demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [N] et Mme [T] [J] épouse [N] in solidum aux dépens de l'appel avec distraction au profit de Maître Stéphane Gautier.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/11563
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.11563 ?
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