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03/11/2022 | FRANCE | N°20/09915

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 03 novembre 2022, 20/09915


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/09915 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCIG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-09-011857





APPELANTE



La société EURL MEDICAL VALLEY, société à responsabilité limitée unipersonnelle agi

ssant poursuites et diligences de son représentant légal domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 438 943 383 00010

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Me Stéphane MONGELOU...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/09915 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCIG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-09-011857

APPELANTE

La société EURL MEDICAL VALLEY, société à responsabilité limitée unipersonnelle agissant poursuites et diligences de son représentant légal domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 438 943 383 00010

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Stéphane MONGELOUS, avocat au barreau de PARIS, toque : R284

INTIMÉES

Madame [C] [Z]

née le 9 mars 1986 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Henry PICOT DE MORAS D'ALIGNY de l'AARPI Cabinet PdA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1032

substitué à l'audience par Me Camille BRETEAU de l'AARPI Cabinet PdA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1032

La société BNP PARIBAS LEASE GROUP, société anonyme à conseil d'administration venant aux droits de la société CMV MEDIFORCE suite à la dissolution sans liquidation et à transmission universelle du patrimoine à associé unique intervenue le 11 juin 2020, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 632 017 513 03320

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et assistée de Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 7 janvier 2017, Mme [C] [Z], kinésithérapeute, a conclu un contrat de crédit-bail avec option d'achat pour du matériel de kinésithérapie YSY EST EVO 2-8 Ludiques-Interferentiel Reeduca 2016 d'une valeur de 4 149 euros TTC avec la société CMV Médiforce pour une durée de 3 ans aux échéances mensuelles de 124,63 euros TTC.

Le matériel était fourni par la société Medical Valley et acquis auprès du fabricant la société YSY Medical.

Par décision du 1er mars 2017, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a suspendu, jusqu'à mise en conformité, la mise sur le marché, la distribution, l'exportation des dispositifs médicaux fabriqués par la société YSY Medical et mis sur le marché après le 7 mars 2014, avec effet immédiat. Elle a également suspendu dans un délai maximal de 6 mois, l'utilisation de ces produits et imposé dans le même délai le retrait de ces produits. La décision est motivée par le fait que la société YSY Medical ne dispose plus de certificat CE de conformité depuis le 7 mars 2014.

Par une ordonnance du 21 septembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a suspendu partiellement cette décision, en tant seulement qu'elle avait pour effet le rappel et la suspension de l'utilisation des dispositifs en cause. Le pourvoi formé par l'ANSM a été rejeté par le Conseil d'État par décision du 9 mai 2018.

Par décision du 22 juin 2018 statuant sur le fond, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté au fond le recours de la société YSY Medical contre la décision de l'ANSM.

Le 5 septembre 2018, la société YSY Medical a été placée en liquidation judiciaire.

Saisi le 10 juillet 2019 par Mme [Z] d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats de fourniture et de crédit-bail pour vice du consentement avec remboursement des loyers versés et à titre subsidiaire caducité du contrat de crédit-bail, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 15 juin 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- débouté Mme [Z] de sa demande de nullité du contrat de vente,

- prononcé la résolution du contrat de vente du matériel YSY EST EVO2 conclu entre la société CMV Mediforce et la société Medical Valley,

- condamné la société Medical Valley à rembourser à la société CMV Mediforce la somme de 4 149 euros TTC correspondant au prix du matériel, avec intérêts au taux légal depuis la date du règlement,

- condamné la société Medical Valley à récupérer le matériel auprès de la société CMV Mediforce,

- prononcé la caducité du contrat de crédit-bail mobilier conclu le 7 janvier 2017 entre Mme [Z] et la société CMV Mediforce,

- condamné la société CMV Mediforce à restituer à Mme [Z] les loyers versés en exécution du contrat de crédit-bail, soit la somme de 4 486,68 euros,

- condamné Mme [Z] à restituer à la société CMV Mediforce le matériel, objet du contrat de crédit-bail mobilier,

- débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société CMV Mediforce à payer la somme de 1 500 euros à Mme [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Medical Valley à payer la somme de 1 500 euros à la société CMV Mediforce au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Medical Valley aux dépens.

Le tribunal a principalement retenu que la demanderesse n'établissait pas la réalité des man'uvres dolosives alléguées dans la mesure où elle ne démontrait pas avoir été surprise dans son consentement, ni la survenance d'une erreur sur les qualités substantielles du bien qui auraient vicié son consentement.

Le tribunal a en revanche prononcé la résolution de la vente intervenue entre le fabricant et le crédit bailleur pour défaut de délivrance conforme prévue à l'article 1604 du code civil, considérant qu'il appartenait à la société Medical Valley, professionnel du secteur, de s'assurer que le certificat CE n'avait pas été retiré. Se fondant sur une interdépendance des contrats, il a constaté en conséquence la caducité du contrat de crédit-bail conclu entre le crédit bailleur et la crédit preneuse, avec effet rétroactif conduisant aux restitutions réciproques des loyers perçus et du matériel loué. Il a considéré que le crédit bailleur ne pouvait se prévaloir des clauses contractuelles de garantie et de renonciation à recours.

Il a considéré que les demandes de dommages et intérêts n'étaient pas étayées.

Par une déclaration par voie électronique remise le 17 juillet 2020, la société Medical Valley a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 9 mars 2021, l'appelante demande à la cour de :

- déclarer son appel et ses demandes recevables et bien fondées,

- constater que la société BNP Paribas Lease Group vient aux droits de la société CMV Mediforce suite à la dissolution sans liquidation et à la transmission universelle du patrimoine à l'associé unique intervenue le 11 juin 2020,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat de vente sollicitée par Mme [Z],

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre les sociétés Medical Valley et CMV Mediforce et en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de crédit-bail mobilier entre Mme [Z] et la société CMV Mediforce, en ce qu'il a condamné la société Medical Valley à récupérer le matériel concerné auprès de la société CMV Mediforce et à restituer à cette dernière la somme de 4 149 euros TTC correspondant au prix du matériel concerné avec intérêts au taux légal depuis la date du règlement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [Z],

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Medical Valley à payer la somme de 1 500 euros à la société CMV Mediforce au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné la société Medical Valley aux entiers dépens,

- débouter Mme [Z] et la société BNP Paribas Lease Group, venant aux droits de la société CMV Mediforce, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, à l'encontre de la société Medical Valley,

- condamner solidairement Mme [Z] et la société BNP Paribas Lease Group, venant aux droits de la société CMV Mediforce, à lui payer à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelante soutient qu'elle est tiers par rapport au contrat de crédit-bail, que les conditions du dol ne sont pas remplies en ce que la preuve n'est pas rapportée de man'uvres ou de mensonges destinés à vicier le consentement d'une partie lors de la conclusion du contrat ou de la dissimulation intentionnelle d'une information déterminante pour une partie lors de cette même conclusion et que en application de l'article 1138 du code civil, pour qu'un dol soit constitué en provenance d'un tiers au contrat concerné, celui-ci doit agir en connivence avec l'une des parties à l'égard de la partie victime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré non plus d'erreur sur les qualités substantielles.

Elle relève que le contrat litigieux a été conclu avant la décision de l'ANSM conduisant à la suspension de la commercialisation des produits, que les produits fournis étaient conformes à la réglementation européenne et qu'aucune dissimulation d'information ne lui est imputable. Elle précise que la société YSY Medical, fabricant, ne l'a pas informée de la perte de la certification CE intervenue le 7 mars 2014. Elle ajoute n'être pas tenue de vérifier elle-même la conformité des produits au regard de la réglementation applicable.

Visant l'article L. 5211-3 du code de la santé publique, elle précise que l'obligation de certification incombe au fabricant du produit concerné. Elle conteste tout manquement à son obligation de délivrance conforme et rappelle que sa qualité de distributeur du produit ne l'obligeait qu'à vérifier la présence d'une étiquette faisant état de la certification CE, ce qui était le cas en l'espèce.

Elle estime que le premier juge a fait une appréciation erronée des pièces versées aux débats en considérant que le certificat CE produit n'était pas spécifique aux produits concernés alors que tel était bien le cas. Elle soutient que le retrait de la certification des produits concernés ne fait pas obstacle à la location de ceux-ci et ne saurait entraîner de plein droit la résolution ou la caducité des contrats afférents.

Visant les articles 1186 et 1129 du code civil, elle conteste tout manquement à ses obligations contractuelles, se défend d'avoir commis une faute et relève que Mme [Z] a utilisé le matériel sans problème pendant près d'un an de sorte que cette rétroactivité apparaît en l'espèce injustifiée.

Par des conclusions remises par voie électronique le 17 mars 2021, Mme [Z] demande à la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité du contrat pour vice du consentement,

- ordonner la nullité du contrat de fourniture au motif que le produit objet du crédit-bail souscrit par Mme [Z] le 7 janvier 2017 a été fabriqué par une société ne disposant plus de certificat CE valide depuis le 7 mars 2014, ce qui n'avait pas été porté à sa connaissance,

- en conséquence, ordonner la caducité du contrat de crédit-bail à compter de la nullité,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement ayant prononcé la résolution du contrat de vente pour défaut de délivrance conforme et la caducité du contrat de crédit-bail et en ce qu'il a condamné la société CMV Mediforce à lui restituer les loyers versés soit la somme de 4 486,68 euros, avec restitution du matériel à la société CMV Mediforce,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas d'infirmation de la résolution de la vente, ordonner la caducité du contrat de vente et donc du contrat de crédit-bail au 22 juin 2018, date à partir de laquelle la décision de l'ANSM interdisant l'utilisation du dispositif est devenue définitive,

- condamner la société BNP Paribas Lease Group à lui rembourser l'intégralité des loyers versés depuis le mois de juin 2018 inclus soit la somme de 2 409,47 euros incluant l'option d'achat prélevée après la 36ème échéance,

- en tout état de cause, infirmer le jugement ayant débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêt et condamner la société BNP Paribas Lease Group à lui régler une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter les sociétés Medical Valley et BNP Paribas Lease Group de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamner la société Medical Valley à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de BNP Paribas Lease Group,

- condamner toute partie succombant aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Invoquant les articles 1130, 1132 et 1137 et suivants du code civil, Mme [Z] soutient que le défaut de conformité CE des produits existait depuis 2014 et qu'en s'abstenant de l'en informer, la société Medical Valley a vicié son consentement. Elle soutient que cet élément était une information essentielle déterminante de son consentement et qu'en l'absence de certification elle n'aurait pas acquis le matériel.

Elle affirme que la qualité de distributeur de la société Medical Valley l'obligeait à vérifier la validité de la certification et soutient que la société Medical Valley était informée dès 2014 du retrait de la certification.

Subsidiairement elle estime que la venderesse a manqué à son obligation de délivrance conforme en rappelant que celle-ci est débitrice d'une obligation de vérification de la validité du certificat et qu'elle avait nécessairement connaissance d'un défaut de certificat valide depuis novembre 2016, date de l'achat du matériel. Elle sait valoir que l'utilisation du matériel pendant une certaine période est indifférente dès lors qu'est exigée la conformité matérielle et non fonctionnelle.

Elle indique que la résolution ou la nullité du contrat sont nécessairement rétroactives et réclame la restitution des loyers versés par elle. Elle soutient que la clause du contrat de crédit-bail interdisant tout recours doit être réputée non écrite en raison de son incompatibilité avec la situation d'interdépendance des contrats.

Mme [Z] s'étonne de la demande de la société BNP Paribas Lease Group tendant à sa condamnation à lui rembourser les sommes versées pour son compte en cas de résolution de la vente et de caducité du crédit-bail. Elle indique avoir intégralement remboursé son crédit au mois de décembre 2019 de sorte qu'elle ne doit plus aucune somme au titre du crédit-bail. Elle fait observer que du fait de la caducité du crédit-bail sollicitée à compter de la résolution, ladite somme ne saurait rester acquise au crédit bailleur.

A titre infiniment subsidiaire, elle invoque l'article 1186 du code civil pour relever que la contrepartie de son obligation de paiement a disparu en raison de la non-conformité du bien loué et réclame en conséquence la caducité du contrat et les restitutions réciproques du matériel loué et des loyers versés. Elle indique que le silence du crédit bailleurs sur le défaut de conformité du matériel lui a causé un préjudice financier puisqu'elle a dû supporter son crédit à perte et engager des fonds pour acquérir un nouveau matériel, de sorte qu'elle réclame le paiement de dommages et intérêts.

Par des conclusions remises par voie électronique le 19 mai 2021, la société BNP Paribas Lease Group venant aux droits de la société CMV Mediforce, demande à la cour de :

- constater que la société BNP Paribas Lease Group vient aux droits de la société CMV Mediforce,

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat de vente et les dommages et intérêts sollicités par Mme [Z],

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente et la caducité du contrat de crédit-bail, en ce qu'il a condamné la société CMV Mediforce à restituer à Mme [Z] les loyers versés,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les contrats seraient déclarés nuls et caducs,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CMV Mediforce à restituer à Mme [Z] les loyers versés, soit 4 486,68 euros,

- condamner Mme [Z] à rembourser à la société BNP Paribas Lease Group, venant aux droits de la société CMV Mediforce, une somme de 4 149 euros payée pour son compte par l'exposante pour financer le matériel médical litigieux, avec intérêts au taux légal depuis la date du règlement, sous déduction des loyers d'ores et déjà acquittés par elle,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [Z] à restituer à la société exposante le matériel, puis condamné la société Medical Valley à le récupérer auprès de la concluante,

- ordonner directement la reprise à ses frais de l'appareil par la société Medical Valley auprès de Mme [Z],

à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où les contrats seraient déclarés nuls et caducs et que le remboursement du capital ne serait pas mis à la charge de Mme [Z],

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Medical Valley à rembourser à la société BNP Paribas Lease Group, venant aux droits de la société CMV Mediforce, une somme de 4 149 euros payée directement auprès d'elle par l'exposante pour financer le matériel médical litigieux, avec intérêts au taux légal depuis la date du règlement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [Z] à restituer à la société exposante le matériel, puis condamné la société Medical Valley à le récupérer auprès de la concluante,

- ordonner directement la reprise à ses frais de l'appareil par la société Medical Valley auprès de Mme [Z],

en tout état de cause,

- condamner solidairement Mme [Z] et la société Medical Valley à payer à la société BNP Paribas Lease Group, venant aux droits de la société CMV Mediforce, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La société CMV Mediforce soutient n'avoir commis aucune faute, n'être aucunement responsable de la conformité des produits et rappelle qu'elle n'intervient que sur la partie financière du projet. Elle estime choquant et injuste de devoir subir entièrement les conséquences de la situation actuelle sans que ni le fabricant, ni le fournisseur, ni le professionnel de santé, qui ont fait le choix de développer ou d'acquérir le matériel litigieux, ne s'en trouvent, eux, impactés.

Elle affirme que les produits distribués comportaient l'étiquette CE et étaient accompagnés du certificat nécessaire de sorte que le dol n'est pas caractérisé à défaut d'avoir établi qu'elle connaissait l'absence de certification.

Elle se prévaut de l'article 1 du contrat de crédit-bail pour soutenir que la crédit preneuse a choisi seule le matériel et qu'elle est exonérée de toute responsabilité en cas de défaillance de celui-ci. Elle ajoute au visa de l'article 5 du contrat qu'aucune prétention ne saurait être dirigée à son encontre.

Subsidiairement en cas de résolution ou de caducité des contrats litigieux, elle réclame la restitution du capital prêté en indiquant n'avoir commis aucune faute. Elle précise qu'il s'agit de tirer les conséquences des éventuelles résolution et caducité des contrats et qu'il n'est pas nécessaire de démontrer une faute de la société Medical Valley pour la voir condamner à rembourser le capital qu'elle a perçu, dès lors que les contrats sont réputés résolus et caducs et ce par application des articles 1187 et 1229 du code civil.

Elle estime que du fait de la résolution du contrat de vente, c'est bien à la société Medical Valley qu'il appartient de récupérer le matériel qu'elle a proposé et que le tribunal a prévu un processus de restitution complexe en deux étapes avec restitution du matériel par Mme [Z] à CMV Mediforce puis sa récupération par la société Medical Valley alors qu'il conviendrait d'ordonner directement la restitution du matériel à la société Medical Valley par Mme [Z].

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022 et l'affaire appelée à l'audience le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de constater que la société BNP Paribas Lease Group, actionnaire unique, a décidé le 6 avril 2020, de la dissolution anticipée de la société CMV Mediforce. Il convient donc de constater que la société BNP Paribas Lease Group vient aux droits de la société CMV Mediforce suite à la dissolution sans liquidation et à la transmission universelle du patrimoine à l'associé unique intervenue le 11 juin 2020.

Sur la nullité pour vice du consentement du contrat de fourniture du matériel de kinésithérapie et la caducité du contrat de crédit-bail

Il n'est pas contesté que le 7 janvier 2017, Mme [C] [Z], kinésithérapeute, a conclu avec la société CMV Médiforce un contrat de crédit-bail avec option d'achat portant sur du matériel de kinésithérapie YSY EST EVO 2-8 Ludiques-Interferentiel Reeduca 2016, pour une durée de 3 ans et que le matériel objet du crédit-bail d'une valeur de 4 149 euros a été fourni à la société CMV Mediforce par la société Medical Valley selon commande du 23 octobre 2016 et facture émise le 16 novembre 2016.

Mme [Z] a reçu livraison du matériel par la société Mediacl Valley selon procès-verbal de livraison signé par elle et le représentant de la société Medical Valley le 17 novembre 2016.

Il est acquis que ce matériel a été fabriqué par la société YSY Medical, société placée en liquidation judiciaire depuis le 5 septembre 2018.

Mme [Z] qui poursuit l'annulation du contrat de fourniture du matériel et en conséquence la caducité du contrat de crédit-bail souscrit par elle, invoque un vice du consentement portant sur le défaut d'information relative à l'absence de certification CE du dispositif dont elle a souscrit la location.

Il est acquis que les contrats litigieux forment un ensemble contractuel unique et qu'il existe une interdépendance entre eux de sorte que Mme [Z] est bien fondée à poursuivre l'annulation du contrat de fourniture du matériel conclu entre la société CMV Mediforce et la société Medical Valley, l'annulation de ce contrat étant susceptible d'entraîner l'anéantissement du contrat de crédit-bail conclu entre elle et la société CMV Mediforce et portant sur ce même matériel.

L'annulation est poursuivie tant sur le dol que sur l'erreur sur les qualités substantielles.

Selon les dispositions de l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant aux termes de l'article 1132 du même code.

L'article 1137 du même code définit le dol comme le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ou encore la dissimulation intentionnelle par l'un des cocontractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

L'article 1138 du même code admet le dol lorsqu'il émane d'un tiers qui a agi en connivence avec l'une des parties à l'égard de la partie victime.

En l'espèce, il est constant que Mme [Z] a reçu livraison du matériel de kinésithérapie YSY EST EVO directement de la part de la société Medical Valley le 17 novembre 2016 sans émettre aucune réserve particulière lors de la signature du procès-verbal de livraison et qu'elle a ensuite validé un contrat de crédit-bail avec la société CMV Mediforce le 7 janvier 2017 portant sur le matériel livré pour une durée de trois années.

Mme [Z] a ensuite utilisé le matériel pendant plusieurs mois en exécutant les termes du contrat, sans le remettre en cause.

La décision de l'ANSM procédant à une suspension de la commercialisation de produits de la société YSY Medical, fabricant du matériel, a été prise le 1er mars 2017, soit postérieurement à la fourniture du matériel puis à sa location et n'est devenue définitive que le 22 juin 2018 par suite de la décision du tribunal administratif de Nîmes statuant au fond et ayant rejeté le recours de la société YSY Medical contre la décision de l'ANSM.

Cette décision a été motivée par le fait que la société YSY Medical ne disposait plus de certificat CE de conformité valide depuis le 7 mars 2014.

Il est justifié que le 2 mai 2017, l'ANSM attirait l'attention des directeurs d'établissements de santé en vue de la diffusion de l'information aux services de gynécologie, aux sages-femmes et aux kinésithérapeutes de sa décision du 1er mars 2017 de retrait des dispositifs médicaux fabriqués par la société YSY Medical puis par courriers adressés les 25 septembre 2017 et 22 février 2018 à ses partenaires et clients, elle les informait de la procédure judiciaire et de son évolution (décision en référé, décision du Conseil d'État).

Ce n'est que par une alerte datée du 22 novembre 2018 que l'ANSM attirait l'attention des potentiels distributeurs de produits médicaux en particulier des dispositifs d'électrothérapie et biofeedback YSY ER/EST/EVOLUTION 2/EVOLUTION 4 fabriqués par la société YSY Medical, de la nécessité d'en suspendre l'utilisation pour ceux mis sur le marché après le 7 mars 2014 et de déclarer tout incident dans le cadre de la matério-vigilance.

La diffusion de l'information relative à la suspension définitive du marché des produits YSY Medical n'a donc pas été efficiente avant le 22 novembre 2018. Tout au plus l'attention des distributeurs et utilisateurs a pu être attirée par le courrier de l'ANSM du 2 mai 2017 procédant à la diffusion de la décision du 1er mars 2017, sans que cette décision ne soit définitive avant le 22 juin 2018.

La société Medical Valley fournit par ailleurs en pièce 4 le certificat rédigé en langue anglaise reçu de la société YSY Medical attestant de la conformité à la directive 93/42/CEE du 17 juin 1993 sur les dispositifs médicaux, de ses produits avec une validité du certificat CE du 12 mars 2012 au 25 mai 2017 et une photographie d'un matériel de la société YSY Medical montrant la présence d'un marquage CE au dos du matériel.

Elle communique également trois attestations conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile, émanant de clients de la société YSY Medical et rédigées au mois de septembre 2020, selon lesquelles les appareils YSY reçus après le 8 mars 2014 étaient tous revêtus lors de leur livraison d'une étiquette attestant de leur certification CE. Les trois rédacteurs indiquent tous avoir été alertés d'une potentielle difficulté par le courrier de l'ANSM du 2 mai 2017.

Mme [Z] ne démontre pas que la société Medical Valley ait été informée dès 2014 du retrait de certification CE des produits commercialisés par YSY Medical, alors qu'il est acquis que la diffusion officielle de ce retrait par l'ANSM résulte d'une première alerte du 2 mai 2017 et d'un courrier du 22 novembre 2018. Il n'est pas non plus démontré que ce distributeur ait intentionnellement continué à commercialiser les produits médicaux litigieux en toute connaissance de cause et sans en informer ses clients.

Mme [Z] affirme en outre qu'en sa qualité de distributeur, la société Medical Valley devait vérifier la validité de la certification et aurait dû lui délivrer une information pertinente de sorte qu'elle a été induite en erreur.

Toutefois, comme il a été constaté plus haut, rien ne permettait à la société Medical Valley de douter de la perte de la certification CE des produits vendus au vu des étiquettes apposées sur les dispositifs et au vu du certificat remis par la société YSY Medical de sorte qu'elle n'était pas débitrice vis-à-vis de la crédit preneuse d'une information qu'elle ne possédait pas au moment de la vente le 16 novembre 2016.

Les dispositions de l'article L. 5211-3 du code de la santé publique en vigueur du 7 mars 2012 au 19 janvier 2018, soit au moment de la conclusion des contrats, précisent par ailleurs que l'obligation de certification incombe exclusivement au fabricant du produit concerné.

Mme [Z] ne démontre donc ni man'uvres dolosives, ni dissimulation intentionnelle d'information, ni encore d'erreur que les qualités essentielles de la prestation.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté Mme [Z] de sa demande d'annulation du contrat de vente pour vice du consentement.

Partant le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande de résolution du contrat de vente pour défaut de délivrance conforme

Par application des dispositions de l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. Le vendeur est tenu de délivrer un bien conforme aux contrats et répond des défauts de conformité.

Mme [Z] invoque un manquement de la société Medical Valley à son obligation de délivrance conforme en l'absence de vérification de la validité du certificat CE et en ce qu'elle avait nécessairement connaissance d'un défaut de certificat valide depuis novembre 2016, date de l'achat du matériel.

En l'espèce, Mme [Z] ne conteste pas la présence d'un label CE sur le matériel qui lui a été délivré le 17 novembre 2016. Elle ne se plaint pas d'un quelconque désordre affectant le matériel alors qu'elle l'a utilisé pendant plusieurs mois tout en versant régulièrement les loyers jusqu'au terme du contrat au mois de décembre 2019.

Comme il a été indiqué, rien ne permettait à la société Medical Valley de douter de la perte de la certification CE depuis mars 2014 pour les produits vendus par la société YSY Medical au vu des étiquettes apposées sur les dispositifs et au vu du certificat remis par cette société et attestant d'une certification européenne valable du 12 mars 2012 au 25 mai 2017.

Aucun élément ne permet non plus d'accréditer une connaissance par la société Medical Valley de l'existence d'un défaut de certificat valide depuis novembre 2016, date de l'achat du matériel et alors que la décision de retrait n'a été prise par l'ANSM que le 1er mars 2017 avec effet rétroactif.

C'est donc à tort que le premier juge a considéré, sans en préciser le fondement, que la société Mediacl Valley aurait dû s'informer sur l'absence de validité du certificat CE et a prononcé la résolution du contrat.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente avec condamnation de la société Medical Valley à rembourser à la société CMV Mediforce la somme de 4 149 euros TTC correspondant au prix du matériel, avec intérêts et à récupérer le matériel auprès de la société CMV Mediforce.

Le jugement est également infirmé en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat de crédit-bail conclu le 7 janvier 2017 entre Mme [Z] et la société CMV Mediforce comme conséquence de l'annulation du contrat de vente et condamné la société CMV Mediforce à restituer à Mme [Z] les loyers versés à hauteur de 4 486,68 euros avec obligation pour Mme [Z] de restituer à la société CMV Mediforce le matériel, objet du contrat de crédit-bail.

Mme [Z] forme une demande d'indemnisation à hauteur de 500 euros à l'encontre de la société BNP Paribas Lease Group, faisant état d'un préjudice financier. Elle explique avoir dû continuer de payer pour un matériel qu'elle n'avait plus le droit d'utiliser alors que le crédit bailleur est resté taisant, qu'elle a dû décaisser des fonds engendrant des problèmes de trésorerie.

Mme [Z] ne démontre aucune faute imputable à la société BNP Paribas Lease Group venant aux droits de la société CMV Mediforce susceptible de justifier l'allocation de dommages et intérêts.

Le jugement l'ayant débouté de sa demande à ce titre doit être confirmé.

Mme [Z] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel de sorte que le jugement déféré est infirmé.

Le jugement est également infirmé quant à l'allocation de frais irrépétibles et Mme [Z] condamnée à payer à la société Medical Valley et à la société BNP Paribas Lease Group venant aux droits de la société CMV Mediforce chacune une somme de 800 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Constate que la société BNP Paribas Lease Group vient aux droits de la société CMV Mediforce ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [C] [Z] de sa demande en annulation du contrat de vente et en dommages et intérêts ;

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme [C] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne Mme [C] [Z] aux dépens ;

Condamne Mme [C] [Z] à payer à la société Medical Valley et à la société BNP Paribas Lease Group venant aux droits de la société CMV Mediforce chacune une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/09915
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.09915 ?
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