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03/11/2022 | FRANCE | N°19/07134

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 03 novembre 2022, 19/07134


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07134 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7UXA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er mars 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS RG n° 11-17-09-0484





APPELANTS



Monsieur [H] [Y]

né le [Date naissance 5] 1945 à [Localité 11] (80)

[Adres

se 9]

[Localité 10]



représenté par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595





Madame [C] [Y], en qualité de curatrice renforcée de Monsieur [Y] [H]

née le [Date naissance ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07134 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7UXA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er mars 2019 - Tribunal d'Instance de PARIS RG n° 11-17-09-0484

APPELANTS

Monsieur [H] [Y]

né le [Date naissance 5] 1945 à [Localité 11] (80)

[Adresse 9]

[Localité 10]

représenté par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595

Madame [C] [Y], en qualité de curatrice renforcée de Monsieur [Y] [H]

née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 13] (94)

[Adresse 6]

[Localité 8]

représentée par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595

INTIMÉES

Madame [B] [F] [U] épouse [Y]

née le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 12] (BENIN)

[Adresse 4]

[Localité 10]

représentée par Me Isabelle ROTH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0015

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée et assistée de Me Stéphane GAUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R233

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable acceptée le 31 mars 2014, la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNPPPF) a consenti à M. [H] [Y] un crédit Cetelem d'un montant à l'ouverture de 1 500 euros, utilisable par fractions et remboursable par échéances mensuelles fixées en fonction du solde dû, le taux effectif global lors de la souscription du contrat étant révisable en fonction des utilisations.

Le 21 mai 2014, M. [Y] a souscrit auprès de la société BNPPPF un second crédit Cetelem d'un montant de 930 euros, remboursable en cinq mensualités de 188 euros affecté au financement d'un achat auprès de la société Atlas.

Les deux crédits ont été intégralement remboursés pour un montant total de 3 813,59 euros.

Par jugement du tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine en date du 16 février 2016, M. [Y], sous curatelle depuis le 28 février 2011, a été placé sous mesure de curatelle renforcée pour une durée de cinq ans, cette mesure de protection étant confiée à sa fille Mme [C] [Y].

Saisi le 5 octobre 2017 par M. [Y] assisté de Mme [Y] en sa qualité de curatrice d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats de crédit, le tribunal d'instance de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 1er mars 2019 auquel il convient de se reporter, a notamment :

- rejeté la fin de non-recevoir,

- déclaré irrecevable l'exception de sursis à statuer,

- débouté en conséquence M. [Y] de l'intégralité de ses demandes formées au titre des deux crédits,

- condamné M. [Y] à payer à la société BNPPPF la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir constaté l'intérêt à agir des demandeurs, le tribunal a retenu que si l'emprunteur ne pouvait contracter seul de crédit à la consommation en raison de son placement sous curatelle simple au moment de leur souscription, celui-ci ne rapportait pas la preuve d'un préjudice tiré de la conclusion de ces contrats ni de son absence de consentement libre et éclairé. Il a considéré que les emprunts portaient sur des sommes modiques et souligné qu'ils avaient été intégralement remboursés.

Par une déclaration en date du 2 avril 2019, M. [Y], assisté de sa curatrice, a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 12 décembre 2019, M. [Y] demande à la cour :

- in limine litis, de rejeter la demande de sursis à statuer formulée par Mme [U] épouse [Y],

- à titre principal, de rejeter les prétentions de Mme [U] épouse [Y] et de la société BNPPPF,

- de dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,

- de réformer le jugement,

- en conséquence, de constater l'absence d'un consentement libre et éclairé de M. [Y],

- de constater que les contrats ont été conclus avec la société Cetelem en contravention avec la mesure de curatelle,

- de dire et juger que la société Cetelem n'a pas été diligente dans sa décision d'octroyer des crédits à M. [Y] compte tenu de son état et de sa situation qu'elle ne pouvait ignorer,

- en conséquence, de prononcer l'annulation de tous les contrats conclus après le jugement de curatelle simple du 28 février 2011 entre M. [Y] et la société Cetelem, sans accord de la curatrice Mme [Y],

- d'ordonner le remboursement de toutes les sommes prélevées et au minimum de 3 813,59 euros par la société Cetelem, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement y compris en espèce dont il convient de produire le montant par la société Cetelem,

- de produire l'intégralité des contrats souscrits entre M. [Y], Mme [U] épouse [Y] et Cetelem,

- de condamner la société Cetelem à régler solidairement à Mme [Y] en sa qualité de curatrice de M. [Y] et M. [Y] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice,

- de condamner la société Cetelem à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant explique que M. [Y] s'est marié en secret, que son accord n'avait pas été sollicité et que c'est Mme [B] [F] [U] épouse [Y] qui a conclu les contrats litigieux au nom de son époux et qu'une assignation aux fins de nullité du mariage a été déposée.

L'appelant relève que l'absence de M. [K] [G], désigné comme mandataire ad hoc dans le cadre d'une procédure d'annulation du mariage se déroulant devant le juge aux affaires familiales, est sans incidence concernant le présent litige.

Visant l'article 467 du code civil et le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, il rappelle que la curatrice de M. [Y] était absente au moment de la conclusion des contrats litigieux. Il souligne que le contrat de crédit constitue bien un acte de disposition, et demande l'annulation de celui-ci sur le fondement de l'article 465 du code civil. Il estime que ce contrat a été conclu en raison de l'influence de Mme [U] épouse [Y], qui a profité de l'état de faiblesse de son époux.

L'appelant dénonce l'insuffisance des vérifications opérées par la société Cetelem qui aurait dû prendre connaissance de la mesure de protection dont faisait l'objet le souscripteur. Il indique que la conclusion de ce crédit a été préjudiciable à M. [Y] en diminuant son patrimoine. Il vise subsidiairement l'article 1128 du code civil pour dénoncer l'absence de consentement libre et éclairé du souscripteur et notent que le contrat est en conséquence nul.

Par des conclusions remises par voie électronique le 24 septembre 2019, la société BNPPPF demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner solidairement M. [Y], Mme [Y], ès qualité de curatrice renforcée de M. [Y], et Mme [U] épouse [Y], à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société BNPPPF rappelle à titre liminaire que les contrats litigieux se sont déroulés sans incident et ont été intégralement soldés sans faire l'objet d'incidents de paiement. Elle conteste avoir manqué de diligence au moment de l'octroi du crédit litigieux et relève qu'elle ne disposait d'aucun moyen de savoir si le souscripteur faisait l'objet d'une mesure de protection. Après avoir souligné qu'il s'agit d'un conflit entre les deux époux ne la concernant pas, elle soutient qu'aucun préjudice n'a été subi par M. [Y] et qu'aucune faute n'est démontrée.

Par une ordonnance rendue le 22 juin 2021, le magistrat chargé de la mise en état a constaté l'irrecevabilité des conclusions déposées le 12 septembre 2019 par Mme [B] [F] [U] épouse [Y], en raison du défaut d'acquittement du droit prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, il convient de relever que la cour n'est saisie d'aucune contestation concernant le rejet de la fin de non-recevoir et l'irrecevabilité de l'exception de sursis à statuer. Il n'y a donc pas lieu d'évoquer les moyens développés par l'appelant sur le sursis à statuer.

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur des demandes de : « dire et juger » qui ne sont pas des prétentions juridiques. De la même façon, il ne sera pas statué sur la demande « de produire l'intégralité des contrats souscrits entre M. [Y], Mme [U] épouse [Y] et Cetelem », qui n'est dirigée contre aucune partie et qui n'est étayée d'aucun moyen.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Comme l'a souligné à juste titre le premier juge et en dépit d'une réitération à hauteur d'appel, l'appelant persiste à formuler des demandes à l'encontre de « Cetelem » alors que seule la société BNPPPF, qui exploite cette marque, est détentrice de la personnalité morale.

Sur la demande de nullité des contrats

Il ressort du dossier et des pièces produites que M. [Y] s'est marié avec Mme [U] à l'insu de ses enfants le 21 mai 2010, qu'il a été placé sous curatelle simple le 28 février 2011, que ce jugement de curatelle est devenu opposable aux tiers à compter du 20 juin 2011 et que malgré cette mesure de protection, M. [Y] a souscrit, le 31 mars puis le 21 mai 2014 deux crédits d'un montant respectif de 1 500 et 930 euros dont il est réclamé l'annulation.

Au visa non contesté des articles 444, 465, 467 et 505 du code civil et du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 définissant les actes de disposition, et par de justes motifs que la cour adopte, le premier juge a relevé que les deux crédits litigieux avaient été conclus sans l'assistance de Mme [Y] en qualité de curatrice, que la mesure de protection était opposable à la société BNPPPF et que M. [Y] n'avait pas la capacité de souscrire seul ces contrats.

Pour autant, en application de l'article 465 susvisé, le premier juge n'a pas prononcé l'annulation des contrats en l'absence de preuve d'un préjudice tiré de cette souscription irrégulière.

Dans ses écritures d'appel, l'appelant invoque l'existence incontestable de son préjudice en faisant valoir que la conclusion de ce (sic) contrat a diminué son patrimoine et lui a alors causé un préjudice non négligeable.

Ainsi, pas plus en première instance qu'en appel, M. [Y] ne rapporte la preuve du « naufrage financier » qu'il invoque. Bien qu'invité par le premier juge à produire des renseignements financiers de nature à démontrer que la dette souscrite, d'un montant de 2 430 euros, constituerait une dette significative au regard de son budget habituel, l'appelant ne produit toujours aucune information concernant ses relevés bancaires des mois de mars et mai 2014, ses revenus, ses charges et son patrimoine lors de la signature des contrats. Il n'est toujours pas démontré que les mensualités de remboursement (entre 188 et 270,81 euros) aient grevé la situation financière du majeur protégé.

Au contraire, comme l'a souligné le premier juge, le remboursement intégral des deux prêts sans incident de paiement démontre la capacité financière du demandeur d'y faire face.

À cet égard, il convient de relever que le second crédit ayant été affecté à l'achat d'un bien d'un montant de 930 euros, le montant du crédit ne pouvait donc apparaître sur les comptes de M. [Y], au demeurant non produits.

De surcroît, l'absence de production des contrats litigieux ne permet pas d'en connaître les modalités. Il existe un conflit entre M. [Y] et Mme [U], objet d'un litige pendant devant le tribunal judiciaire de Paris tendant à l'annulation du contrat de mariage.

L'appelant évoque par ailleurs, sans les produire, la souscription d'autres crédits dont la cour n'est pas saisie et qui semblent relever du litige entre M. [Y] et Mme [U] dont il s'estime victime d'une escroquerie. Ce litige familial n'est pas opposable à la banque. De la même façon, l'ordre de réexpédition des courriers du couple, en date du 2 mars 2017, est sans lien avec la souscription des deux crédits litigieux. Enfin, si Mme [Y] justifie avoir effectué plusieurs virements d'un montant total de 41 700 euros en faveur de son père, les pièces produites ne suffisent pas à établir un lien avec les deux crédits souscrits.

Enfin, il convient de rappeler que les dispositions du code civil relatives au consentement libre et éclairé renvoient expressément à celles relatives aux mesures de protection qui conditionnent l'annulation d'un acte de disposition par une personne sous curatelle à la preuve d'un préjudice subi par la personne protégée.

En l'occurrence, M. [Y] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice imputable à la société BNPPPF.

Dès lors, c'est par de justes motifs qu'en l'absence de preuve d'un préjudice, le premier juge a rejeté la demande d'annulation des deux crédits et les demandes subséquentes de remboursement et de dommages-intérêts. Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Au vu de la solution adoptée au litige, M. [Y], qui succombe, devra supporter les entiers dépens d'appel.

Une somme de 800 euros sera allouée à la société BNPPPF en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [Y], assisté de Mme [A] [Y], en qualité de curatrice aux dépens d'appel ;

Condamne M. [H] [Y], assisté de Mme [A] [Y], en qualité de curatrice à payer à la société BNP Paribas personal finance une somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/07134
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;19.07134 ?
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