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27/10/2022 | FRANCE | N°20/10380

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 27 octobre 2022, 20/10380


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10380 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDP2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2020 - Juge des contentieux de la protection de JUVISY-SUR-ORGE - RG n° 11-18-001266



APPELANTE



La société CREATIS, société anonyme

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]



re...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10380 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDP2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juin 2020 - Juge des contentieux de la protection de JUVISY-SUR-ORGE - RG n° 11-18-001266

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [S] [V]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 9] (76)

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par Me Charlotte LAURENT, avocat au barreau de l'ESSONNE

Madame [F] [V] née [R]

[Adresse 6]

[Localité 8]

DÉFAILLANTE

Caducité partielle par ordonnance en date du 18 mai 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 26 juillet 2011, la société Creatis a consenti à M. [S] [V] et Mme [F] [V] un prêt personnel sous la forme d'un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 68 900 euros, remboursable en 144 mensualités de 681,31 euros hors assurance, incluant les intérêts au taux débiteur fixe de 6,25 %.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société Creatis a, par lettre recommandée avec accusé de réception revenu signé le 18 février 2017, mis en demeure Mme [V] de rembourser les sommes restant dues. La société Creatis a entendu se prévaloir de la déchéance du terme par courriers recommandés présentés le 19 octobre 2017 et revenus signés le 22 novembre 2017 pour Mme [V] et le 25 novembre 2017 pour M. [V].

Saisi le 17 juillet 2018 d'une demande tendant principalement à la condamnation des emprunteurs au paiement du solde restant dû, le tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge, par un jugement réputé contradictoire rendu le 15 juin 2020 auquel il convient de se reporter, a rendu la décision suivante :

« DIT la société anonyme Creatis recevable en ses demandes ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la société anonyme Creatis au titre du contrat de crédit n° l00000107857 conclu le 26 juillet 2011 avec M. [S] [V] et Mme [F] [V] née [R], nés respectivement le [Date naissance 1] 1967 et le [Date naissance 2] 1966, à compter de la date de conclusion du prêt ;

CONDAMNE solidairement M. [S] [V] et Mme [F] [V] née [R] à payer à la société anonyme Creatis la somme de 27 510,00 € pour solde du contrat de crédit n° 100000l07857 en date du 26 juillet 2011, cette somme ne portant intérêts qu'au taux légal non soumis à la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier à compter du 22 novembre 2017 ;

DÉBOUTE la société anonyme Creatis de sa demande de capitalisation des intérêts ;

DÉBOUTE M. [S] [V] de sa demande de délais de paiement ;

RAPPELLE qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans ladite procédure ;

DÉBOUTE la société anonyme Creatis de ses autres demandes plus amples ou contraires ;

DÉBOUTE M. [S] [V] de ses autres demandes plus amples ou contraires ;

DÉBOUTE la société anonyme Creatis de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [S] [V] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [S] [V] et Mme [F] [V] née [R] aux entiers dépens de l'instance ».

Après avoir contrôlé la recevabilité de l'action au regard des dispositions de l'article L. 311-52 du code de la consommation et des règles relatives à la prescription, le tribunal a relevé que la signature d'une clause attestant de la remise de la notice d'assurance prévue par l'article L. 311-19 du même code ne permettait de présumer de la régularité dudit document. Il a ensuite constaté l'absence de bordereau de rétractation prévu par les articles L. 311-15 et R. 311-4 du code de la consommation parmi les documents versés par le prêteur, avant de constater une violation des dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation relatif au TAEG. Il a en conséquence prononcé la déchéance du droit aux intérêts puis a écarté la majoration prévue par les articles 1231-6 du code civil afin de garantir l'effectivité de cette sanction.

Par une déclaration par voie électronique en date du 22 juillet 2020, la société Creatis a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 24 février 2021, l'appelante demande à la cour de :

- au visa des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation,

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel, d'y faire droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, a ainsi minoré sa créance,

Statuant à nouveau :

- dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts,

- condamner solidairement M. et Mme [V] à lui payer la somme de 50 284,86 euros, avec intérêts au taux contractuel de 6,25 % à compter du 22 novembre 2017,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts, par application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner solidairement M. et Mme [V] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer M. [V] irrecevable en ses demandes, fins et conclusions, comme prescrites s'agissant de la déchéance du droit aux intérêts,

- à titre subsidiaire, le déclarer mal fondé en ses prétentions et de les rejeter,

- condamner solidairement les intimés aux dépens.'

Visant l'article L. 110-4 du code de commerce, la banque soutient que le moyen tiré de l'irrégularité formelle de l'offre de prêt est irrecevable comme prescrit.

Subsidiairement elle indique que le bordereau de rétractation ne doit figurer que sur l'exemplaire de l'emprunteur selon l'article L. 312-21 du code de la consommation et que la reconnaissance par l'emprunteur de la remise du bordereau constituait un premier indice de cette remise, corroboré en l'espèce par le remboursement régulier des échéances du prêt et l'absence de contestation de la part des emprunteurs.

L'appelante soutient avoir vérifié la solvabilité de Mme [V] conformément aux prescriptions légales et relève que les emprunteurs n'ont pas souscrit d'assurance, rendant sans objet la remise d'une notre d'assurance. Elle relève que M. [V] était informé des conséquences de l'absence d'adhésion à l'assurance.

Elle indique que le crédit étant à taux fixe, elle n'était pas tenue d'indiquer les hypothèses de calcul du TAEG sur la FIPEN.

Elle relève enfin que le plan de surendettement dont fait l'objet M. [V] est sans effet sur le montant de sa créance, et qu'aucun délai supplémentaire ne saurait lui être accordé.

Par des conclusions remises par voie électronique le 26 avril 2021, M. [V] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en date du 15 juin 2020 par le Juge des contentieux de la protection près le Tribunal de Proximité de Juvisy-sur-Orge,

en conséquence,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts depuis l'origine du prêt,

- prendre acte de l'existence d'un plan de surendettement,

- infirmer la décision rendue pour le surplus,

statuant à nouveau,

- ramener le montant de la clause pénale à un euro symbolique,

- lui accorder les plus larges délais de paiement selon les modalités suivantes : 400 euros par mois durant 23 mois et le solde à la 24ème mensualité,

- condamner la société Creatis à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Creatis aux entiers dépens avec distraction au profit de Maitre Charlotte Laurent, avocat au Barreau de l'Essonne.'

L'intimé vise l'article 71 du code de procédure civile pour rappeler qu'une défense au fond échappe à la prescription.

Il fait valoir une violation des dispositions de l'article L. 311-12 du code de la consommation du fait de l'absence de tout bordereau de rétractation, rappelle que la signature d'une clause stéréotypée ne permet pas de rapporter la preuve de sa remise et soutient qu'une telle clause est abusive et vise à contourner l'obligation légale d'établir des exemplaires identiques de l'offre préalable.

Il indique n'avoir rempli aucune fiche de dialogue au sens de l'article L. 311-10 et soutient que sa solvabilité n'a pas été vérifiée. Il ajoute au visa de l'article L. 311-19 du code de la consommation qu'aucune notice d'assurance ne lui a été remise et que le simple fait de ne pas y souscrire ne dispensait pas la banque de cette remise. Il précise cependant que si la mention qu'il a signée permettait d'établir la remise de la notice, il incombe à la banque d'en prouver la régularité.

Il vise l'article 1231-5 du code civil pour que soit limitée la clause pénale sollicitée par la banque, qu'il considère comme manifestement excessive.

Il informe enfin la cour de l'existence d'un plan de surendettement proposé par la commission de surendettement des particuliers, lequel n'a pas été contesté par la société Creatis et dont il respecte les mesures, de sorte que toute condamnation devra se faire conformément à la décision d'échelonnement de la commission.

Il réclame enfin le bénéfice de délais de paiement, notamment en raison de sa séparation avec Mme [V] et des charges lui incombant.

Régulièrement assignée par acte d'huissier délivré le 21 octobre 2020 conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, Mme [V] n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 6 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

A titre liminaire, il sera rappelé que le créancier peut, à tout moment de la procédure de surendettement, agir selon les voies du droit commun pour se procurer un titre. La recevabilité comme la mise en place de mesures imposées par la Commission de surendettement des particuliers ne fait ainsi pas obstacle à une action du prêteur, et seule l'exécution de la décision de justice est affectée par la procédure de surendettement.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 26 juillet 2011 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l'action de la société Creatis au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, ne fait pas l'objet de contestation.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

1- La prescription

Le premier juge a soulevé d'office un ou plusieurs moyens susceptibles d'entrainer la déchéance du droit aux intérêts et M. [V] s'en est ensuite emparé pour s'opposer à la demande de la société Creatis en se prévalant d'une déchéance du droit aux intérêts, ce à quoi cette dernière objecte que, quelle que soit la date à prendre en compte de l'office du juge ou des conclusions de M. [V], cette demande est prescrite.

L'article L. 141-4 (R. 632-1 dans la nouvelle numérotation) du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le premier juge, étant rappelé qu'en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur, ou soulevé d'office par le juge, constitue une défense au fond et n'est donc pas soumis à la prescription (article 72 du code de procédure civile et Avis n° 15014 du 18 septembre 2019 de la première chambre civile de la Cour de cassation).

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription.

2- Le bordereau de rétractation

L'article L. 311-12 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat prévoit que pour permettre l'exercice du droit de rétractation reconnu au débiteur, qui peut, dans un délai de quatorze jours à compter de son acceptation de l'offre, revenir sur son engagement, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable.

La présence du bordereau est exigée par les modèles-types d'offres préalables fixés par les articles R. 311-6 et R. 311-7 du même code. Ce formulaire doit, en application de ces articles, comporter un certain nombre de mentions obligatoires, tant au recto qu'au verso.

Il résulte de l'article L. 311-48 a 1 devenu L. 341-4 du code de la consommation que l'absence de bordereau de rétractation conforme entraîne la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur.

Le prêteur fait à juste titre valoir que cette exigence ne s'applique qu'aux exemplaires destinés aux emprunteurs mais il convient de rappeler que c'est au préteur qu'il appartient, s'agissant d'une disposition d'ordre public, de justifier de la présence et de la régularité du bordereau de rétractation sur les exemplaires emprunteurs.

En l'espèce la société Creatis produit son exemplaire qui n'en comporte aucun et qui montre que les deux emprunteurs ont apposé chacun leur signature sous une clause selon laquelle ils reconnaissent rester en possession d'un exemplaire de cette offre, doté d'un formulaire détachable de rétractation.

Pour autant, cette clause, qui ne constitue qu'un indice de la présence d'un tel bordereau, n'est corroborée par aucun élément permettant d'en vérifier la conformité aux dispositions légales. Le seul fait que les emprunteurs ne produisent pas leur exemplaire ne saurait être suffisant pour considérer que la société Creatis a satisfait à ses obligations et reviendrait à inverser la charge de la preuve. Les règlements effectués par les emprunteurs ne permettent pas davantage d'établir la présence d'un bordereau conforme.

En l'absence de tout autre élément, cette clause est donc insuffisante à rapporter la preuve qui incombe au prêteur de ce qu'il a effectivement remis une offre de prêt comportant un bordereau de rétractation conforme aux dispositions d'ordre public précitées et cette absence prive la cour d'en vérifier le contenu.

Partant, la société Creatis ne justifiant pas de l'exécution de son obligation, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels sans qu'il soit besoin d'examiner la pertinence des autres moyens développés à l'appui de cette même demande.

3- La vérification de la solvabilité de M. [V]

L'article L. 311-9 devenu L. 312-16 du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

Contrairement à ce que soutient M. [V], la société Creatis verse bien aux débats la fiche dialogue « ressources/charges » qui comprend 5 pages qui sont toutes paraphées par les deux co-emprunteurs. Les renseignements concernant Mme [V] y figurent en page 2 et ceux concernant M. [V] en page 3 laquelle reprend sa situation professionnelle (fonctionnaire SNCF depuis le 1er janvier 2006) et son salaire (1 433,98 euros), étant précisé qu'ensuite les prêts rachetés sont communs. La signature de chacun des co-emprunteurs figure en page 5.

La société Creatis justifie avoir par ailleurs vérifié la solvabilité des co-emprunteurs au moyen d'un nombre suffisant d'informations dès lors que sont de produits les justificatifs de leurs ressources et de leurs charges.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

4- La notice d'assurance

L'article L. 311-19 devenu L. 312-29 du code de la consommation impose au prêteur, lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, de remettre à l'emprunteur une notice qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

Il résulte de l'article L. 311-48 a 1 devenu L. 341-4 du code de la consommation que l'absence de remise de cette notice entraîne la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur.

Il n'est pas contesté que cette notice n'a pas été remise mais la société Creatis soutient que cette remise est sans intérêt puisque M. [V] a coché la case « sans assurance ».

Elle ne soutient pas ne pas avoir proposé d'assurance. D'ailleurs dans sa fiche d'informations précontractuelles elle mentionne « Coût de l'assurance facultative qui vous est proposée à l'aide d'un exemple chiffré » Dès lors, la remise de cette notice était obligatoire pour permettre à l'emprunteur d'accepter ou de refuser d'y souscrire en toute connaissance de ce qu'il pouvait espérer comme couverture.

L'absence de remise de la notice entraîne donc la déchéance du droit aux intérêts et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les sommes restant dues

Il résulte de l'article L. 311-48 devenu L. 341-8 du code de la consommation qu'en cas de déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital restant dû après déduction des intérêts prélevés dont il a été déchu.

En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts doivent être imputées sur le capital restant dû.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [V] au paiement de la somme de 27 510 euros pour solde du contrat de crédit n° 100000107857.

Sur l'indemnité de résiliation

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation. La société Creatis doit donc être déboutée sur ce point et le jugement confirmé.

Sur les intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 6,25 %. Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire que la somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme sans majoration de retard.

Le jugement déféré est donc également confirmé en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal au 22 novembre 2017 et la non application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L. 311-23 devenu L. 312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 devenus L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Creatis de sa demande de capitalisation des intérêts.

Sur les délais de paiement

M. [V] admet bénéficier d'un plan de surendettement mais sollicite des délais de paiement pour le cas où le plan deviendrait caduc.

Le plan de surendettement consiste déjà en l'octroi de délai sur 84 mois en tout état de cause bien supérieurs à ceux que la cour pourrait accorder. La demande ne peut donc qu'être rejetée et le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

La société Creatis succombant en son appel, il convient de mettre les dépens d'appel à sa charge et il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de la condamner à payer à M. [V] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, dans les limites de l'appel ;

Y ajoutant,

Condamne la société Creatis aux dépens de l'appel'avec distraction au profit de Maitre Charlotte Laurent, avocat au Barreau de l'Essonne sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Creatis à payer à M. [S] [V] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/10380
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;20.10380 ?
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