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25/10/2022 | FRANCE | N°20/01811

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 4, 25 octobre 2022, 20/01811


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4



ARRET DU 25 OCTOBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01811 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBLIR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2019 -Tribunal d'Instance de SAINT-DENIS - RG n° 11-19-352





APPELANTE



Madame [G] [K]

Née le 04 Décembre 1970 à [Localit

é 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Kamel AIT HOCINE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 41





INTIMEE



S.A. IMMOBILIERE 3F Agissant poursuites et di...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4

ARRET DU 25 OCTOBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01811 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBLIR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2019 -Tribunal d'Instance de SAINT-DENIS - RG n° 11-19-352

APPELANTE

Madame [G] [K]

Née le 04 Décembre 1970 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Kamel AIT HOCINE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 41

INTIMEE

S.A. IMMOBILIERE 3F Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : B 5 52 141 533

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée et ayant pour avocat plaidant Me Elisabeth WEILLER de la SCP MENARD - WEILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0128

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie MONGIN, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Michel CHALACHIN, président de chambre

Mme Marie MONGIN, Conseillère

M. François BOUYX, conseiller

qui en ont délibété.

Greffier, lors des débats : Mme Cynthia GESTY

ARRÊT : contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour prévue le 18 octobre 2022 et prorogée au 25 octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie MONGIN, présidente et par Mme Gisèle M'BOLLO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 29 juin 2000, prenant effet le 1er juillet 2000, la société anonyme d'habitations à loyer modéré Immobilière 3F a donné en location à M. et Mme [O] [C] Abel un appartement situé [Adresse 2]), moyennant un loyer mensuel de 1 978,28 francs (301,5 euros), outre les provisions sur charges.

A la suite du divorce des époux, Mme [G] [K] devenait seule titulaire du bail selon l'attestation du bailleur au mois de décembre 2010.

M. [I], voisin de Mme [K], dénonçait au bailleur dans le courant de l'année 2018, des faits de sous-locations auxquels il prétendait que celle-ci se livrait. La société Immobilière 3F lui a fait délivrer ainsi qu'à M. [B] [Z] une sommation interpellative par acte d'huissier en date du 12 juin 2018, à laquelle il était répondu que depuis trois mois, M. [Z], étudiant, était hébergé dans une chambre du logement de Mme [K] moyennant le versement d'une somme de 310 euros par mois.

Par exploit d'huissier en date des 15 et 20 février 2019, la société Immobilière 3F a assigné Mme [K] et M. [Z] devant le tribunal d'instance de Saint-Denis afin d'obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire du bail, l'expulsion de Mme [K] et M. [Z] et leur condamnation solidaire à lui verser une indemnité mensuelle d'occupation.

Par jugement du 22 novembre 2019, cette juridiction a ainsi statué :

Prononce la résiliation du contrat de bail,

Ordonne, faute de départ volontaire, l'expulsion de Mme [K] et M. [Z] ainsi que celle de tout occupant de leur chef, avec l'assistance de la force publique,

Dit que l'expulsion ne pourra être mise en oeuvre qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant le commandement d'avoir à quitter les lieux,

Condamne solidairement Mme [K] et M. [Z] à verser à la société Immobilière 3F une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer révisé majoré des charges à compter du présent jugement jusqu'à la reprise effective des lieux,

Rappelle que le sort des meubles et objets mobiliers laissées dans les lieux est régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

Déboute la société Immobilière 3F du surplus de ses demandes,

Déboute Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne solidairement Mme [K] et M. [Z] à verser à la société Immobilière 3F la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Mme [K] et M. [Z] aux dépens,

Ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 17 janvier 2020, Mme [K] a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 janvier 2022, elle demande à la cour de :

- à titre principal, constater que la demande d'expulsion formulée par la société Immobilière 3F est infondée,

- en conséquence, infirmer le jugement du 18 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

- condamner la société Immobilière 3F à lui régler la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour estimait la résiliation du bail bien fondée, appliquer le délai de deux mois prévu à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- accorder un délai supplémentaire d'un an à compter de la signification de l'assignation à intervenir pour quitter les lieux eu égard aux circonstances particulières de l'espèce sur le fondement des dispositions des articles L. 412-3 et suivants du code des procédures civiles des voies d'exécution,

- en tout état de cause, condamner la société Immobilière 3F à payer à l'appelante la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de la procédure civile,

- condamne la société Immobilière 3F aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par la voie électronique le 9 décembre 2021, la société Immobilière 3F demande à la cour de :

- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont non fondées, ni en fait, ni en droit,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail liant les parties en date du 29 juin 2000 et portant sur le logement sis [Adresse 2], ce aux torts exclusifs de Mme [K] compte tenu des faits avérés de sous location,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné l'expulsion de Mme [K] ainsi que celle de tout occupant en la forme ordinaire et accoutumée et même avec l'assistance de la force publique, si besoin est,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'expulsion ne pourra être mise en 'uvre qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant le commandement d'avoir à quitter les lieux,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement Mme [K] et M. [Z] à payer à la société Immobilière 3F une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer qui aurait été du en cas de poursuite du bail sans préjudice des charges courantes et ce, jusqu'à complète reprise des lieux,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rappelé que le sort des meubles et objets mobiliers est régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamner Mme [K] à payer à la société Immobilière 3F la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022.

SUR CE,

Considérant qu'il doit être relevé que l'appelante verse aux débats la copie de plaintes et de main courante qu'elle a dû faire établir auprès des services de police en raison des agissements et propos de ses voisins, M. et Mme [I] ; que c'est ainsi que le 4 janvier 2017, Mme [K] informait les services de police par main courante que M. [I] était la nuit précédente, vers minuit, venue se plaindre de bruits qui ne provenaient pas de chez elle et que sa femme a rejoint son mari pour l'injurier et la menacer en lui disant : « mécréant, tu iras en enfer, quand je vais te voir je vais te frapper » ;

Que Mme [K] a confirmé ces faits dans une plainte déposée le 20 avril 2018 auprès des mêmes services de police en précisant qu'elle était d'origine marocaine et musulmane mais qu'elle avait changé de religion pour devenir chrétienne, ce qui pouvait être une des causes de l'animosité manifestée récemment par ses voisins ; que le fils de Mme [K] a également déposé une plainte en raison des menaces de M. [I] qui a brutalement frappé sur la porte et que, n'ayant pas voulu lui ouvrir, celui-ci lui a crié « sors de chez toi ça va pas se passer comme ça » ;

Qu'en outre est versée aux débats le dépôt de plainte du 2 octobre 2018 d'une amie de Mme [K] ( pièce n°14) qui lui rendait visite pour la réconforter, laquelle rapporte avoir été poursuivie par M. [I] qui voulait obtenir le numéro de téléphone de Mme [K] ; qu'elle a prétexté ne pas parler français pour lui échapper puis, rattrapée par lui, il l'a empêchée de passer, l'a giflée et brutalement poussée, ces violences n'ayant cessé que grâce aux voisins qui sont sortis sur le palier ;

Qu'il est particulièrement piquant que les faits dénoncés par cette personne soit rapportés dans un courrier adressé le 12 octobre suivant par M. [I] à M. [W], chef de secteur de la bailleresse, dans la pièce n°5 que la bailleresse verse aux débats, courrier long de plus de 4 pages denses, rédigé dans un style pour le moins particulier qui peut ressembler à un rapport de détective privé, enjoignant au destinataire qui est le représentant du bailleur «Prenez bien note de cette information...» ; il écrit notamment à propos de l'amie de Mme [K], désignée sous l'intitulé : «sous- locatrice (sic) n°1)», « comme je l'empêchais de se rendre chez Mme [K] et qu'en même temps j'étais en train d'appeler la police, elle a tenté de forcer le passage (...) la sous-locatrice n°1 m'a giflé, légèrement, le visage et qu'en réaction j'ai tenté de la prendre par ses vêtements pour la faire sortir de l'entrée 5 sans lui porter un seul coup.» ( souligné par la cour) ;

Qu'il ne semble pas que la bailleresse ait été choquée d'apprendre qu'un de ses locataires pratiquait une police musclée dans l'immeuble dont elle avait la gestion, s'autorisant, par la force, d'empêcher un autre de ses locataires de recevoir une visite, retenant ce visiteur contre son gré et le molestant pour le faire sortir ;

Qu'en outre la bailleresse verse aux débats (pièce n° 2) un échange entre son chef de secteur et une de ses collaboratrices, en date du 18 mai 2018, lui demandant « d'entamer la procédure » pour « un souci de sous location avérée et constatée (annonces leboncoin, appel anonyme pour louer une chambre)» transférant un message de M. [I] avec des pièces jointes dont quatre d'entre elles sont des annonces du site leboncoin, qui ne sont curieusement pas versées aux débats par la bailleresse ; qu'il doit être observé que Mme [K], qui conteste avoir déposé une quelconque annonce sur ce site ou un autre, en a demandé la copie à la bailleresse, laquelle n'a pas répondu à cette demande ;

Que c'est sur la base de ce courrier qu'une sommation interpellative a été faite par huissier le 12 juin 2018, l'huissier ayant fait le rappel préalable suivant : «Vous ne saurez ignorer ni disconvenir que les locaux (...) sus désignés que vous occupez n'ont fait l'objet d'aucun contrat de bail entre vous même et la requérante » et l'indication donnée que : « la requérante entend récupérer son bien. Que vous êtes de ce fait occupant sans droit ni titre. Qu'en conséquence je vous fais SOMMATION : - D'avoir à quitter immédiatement les lieux que vous occupez indûment (...)- De me remettre les clefs» ;

Considérant que Mme [K] a adressé à la bailleresse pas moins de six courriers par lesquels elle se plaint de l'animosité et du harcèlement dont elle est victime, coups donnés sur sa porte au point que, celle-ci ne fermant plus, elle a dû la faire réparer, ce dont elle justifie par un cliché photographique et une facture, cris et insultes ; que Mme [K] indique également, en produisant les clichés photographiques, qu'une croix gammée a été peinte sur sa boîte aux lettres et que sur sa porte, avait été inscrit le mot « juif » (pièces n°35, 36 ) ; que ces faits démontrent le caractère religieux de l'animosité dont Mme [K] est victime et que la bailleresse n'a pu ignorer ;

Que Mme [K] verse aux débats dix attestations de personnes ayant constaté les violences verbales et psychologiques par coups dans sa porte dont Mme [K] a été l'objet, et les conséquences qui en résultaient pour elle ;

Considérant que n'est pas rapportée la preuve d'une sous-location autre que l'hébergement d'un étudiant pendant trois mois, alors que sa fille, elle-même étudiante, était absente et que cet hébergement était une façon pour Mme [K] d'avoir à son domicile une personne rassurante compte tenu de l'animosité dont elle était victime ;

Que notamment il n'est pas démontré contrairement à ce prétend la bailleresse que l'appelante aurait proposé une location sur le site leboncoin ou un autre site internet ;

Que la participation financière modérée demandée à cet étudiant n'est pas de nature à rendre l'unique manquement à l'obligation de sous-louer suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail ;

Qu'il en va d'autant plus ainsi s'agissant d'un bailleur social, bénéficiaire de fonds publics, qui a la charge d'assurer la quiétude de ses locataires et le respect des règles élémentaires permettant une sereine cohabitation entre ses locataires quelle que soit leur appartenance religieuse ;

Considérant en conséquence que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que la société Immobilière 3 F sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'en équité à verser à Mme [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe de l'arrêt contradictoire,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Déboute la société Immobilière 3F de l'ensemble de ses demandes,

- Condamne la société Immobilière 3F à verser à Mme [G] [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Immobilière 3F aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01811
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.01811 ?
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