REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Chambre commerciale internationale
PÔLE 5 - CHAMBRE 16
ARRET DU 18 OCTOBRE 2022
(n° /2022 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18229 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZVN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de paris RG n° 17/13222
APPELANT
Monsieur [R] [X]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 3]
domicilié : [Adresse 1]
Représenté par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat postulant du barreau de CRÉTEIL, toque : PC 427
Assisté par Me Anne BERNARD-DUSSAULX, avocat plaidant du barreau du PARIS, toque : C 806
INTIMEES
Société WORLDPAY AP LTD
société de droit anglais
ayant son siège social : [Adresse 6]
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Dan BENGUIGUI, du cabinet ALLEN OVERY LLP, avocat plaidant du barreau du PARIS, toque : J022
Société SEROPH HOLDING BV
société de droit néerlandais,
immatriculée au registre des socités d'AMSTERDAM sous le numéro 33274342
ayant son siège social : [Adresse 4] (PAYS-BAS)
défaillante
PARTIE INTERVENANTE :
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [T] [I] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI
ARRÊT :
- par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marc BAILLY, Président, et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
I/ FAITS ET PROCÉDURE
1- Monsieur [R] [X], âgé de 72 ans, est un retraité de nationalité française. Il a été démarché par les sociétés Finch Markets, Bank of Broker, 50 Option et Triompheoption en vue d'investir des fonds sur leurs plateformes de trading en ligne. Courant 2014, il a investi la somme de 80.500 euros sur ces plateformes.
2- La société Worldpay AP Ltd (ci-après « Worldpay ») (anciennement « Envoy ») est un prestataire de services de paiement de droit anglais, agréé par la Financial Conduct Authority (FCA) depuis 2009, qui offre des services de paiement et de réception de fonds à l'échelle internationale, à travers un réseau de 250 comptes bancaires, détenus dans divers établissements financiers, et notamment auprès de la société [G]. Elle compte parmi ses clients des fournisseurs de solutions de paiement, qui utilisent son réseau et sa technologie.
3- La société de droit israélien Charge It Ltd., à laquelle a succédé la société de droit néerlandais Seroph Holding BV (ci-après « la société Seroph » et anciennement dénommée « [F] ») est spécialisée dans la fourniture d'infrastructures informatiques dédiées aux paiements sur Internet, avec laquelle la société Worldpay a conclu une convention intitulée « Payment Processing Agreement » ( traduite par « contrat de traitement des paiements » ou « contrat de services de paiement ») le 19 février 2009, convention dénoncée le 27 juin 2014.
4- Monsieur [X] n'ayant pu récupérer les fonds investis et ses interlocuteurs ayant disparu, il a demandé aux sociétés [G] et Worldpay le remboursement de ses fonds. Suite à leur refus et se trouvant dans la même situation que 146 autres particuliers, ces derniers ont, par l'intermédiaire de leur conseil, envoyé une mise en demeure en date du 25 mars 2015 au conseil de la société Worldpay afin de demander à cette dernière de régler la somme globale de 8.066.933,56 euros et 69.230,48 USD outre 1.500 euros à chacun pour les frais engagés pour recouvrer leur créance, ce que cette dernière a refusé, indiquant qu'elle n'avait aucun rapport avec les courtiers en bourse non régulés concernés, ni avec lesdits particuliers. Une seconde lettre de mise en demeure a été adressée directement à Worldpay le 11 avril 2016 et à Seroph le 21 mars 2016 par LRAR au nom de 53 personnes, dont Monsieur [X].
5- Monsieur [R] [X] a, par exploits en date des 21 et 22 septembre 2017 assigné les sociétés BNP PARIBAS, THE ROYAL BANK OF SCOTLAND PLC, WORLDPAY AP Ltd, et SEROPH HOLDING BV devant le Tribunal de Grande Instance de Paris aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices dus à la violation de leur obligation de vigilance. Il s'est désisté de sa demande à l'égard de la BNP PARIBAS.
6- La société Seroph a été mise en examen le 20 mai 2016 dans le cadre d'une information judiciaire relative aux pratiques des plateformes de trading.
7- Par jugement en date du 16 novembre 2020, le Tribunal judiciaire de Paris a :
- Débouté M. [R] [X] de ses actions formées contre la société [G] Markets PLC (anciennement dénommée The Royal Bank of Scotland PLC) et contre la société Worldpay AP LTD ;
- Condamné la société Seroph Holding BV à payer à M. [R] [X] les sommes de :
- vingt mille euros (20.000 €) en réparation de son préjudice financier,
- mille cinq cents euros (1.500 €) en réparation de son préjudice moral,
- trois mille euros (3.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- L'a débouté du surplus de ses demandes indemnitaires ;
- Condamné la société Seroph Holding BV aux entiers dépens exposés par M. [X], dont distraction au profit de Maître Anne BERNARD-DUSSAULX, avocat au Barreau de Paris ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples, notamment celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
8- Le 14 décembre 2020, Monsieur [R] [X] a interjeté appel de ce jugement, limité à l'encontre de la société Worldpay et de la société Seroph.
9- La société Seroph ne s'est pas constituée et ne s'est pas fait représenter.
10- Le dossier a été communiqué au Ministère public le 23 février 2022, qui a rendu son avis le 14 mars 2022.
11- La clôture a été prononcée le 14 juin 2022.
II/ PRÉTENTIONS DES PARTIES
12 - Par conclusions n°3 transmises par voie électronique le 25 mai 2022, Monsieur [R] [X] demande à la cour sur le fondement des articles 1382 ancien du code civil et L.521-1 et suivants du code monétaire et financier de bien vouloir :
- INFIRMER le jugement du 16 novembre 2020 en ce qu'il a :
- DEBOUTÉ Monsieur [R] [X] de ses actions formées contre la société [G] MARKETS PLC et contre la société WORLDPAY AP LTD ;
- CONDAMNÉ la société de droit néerlandais SEROPH HOLDING BV à payer à Monsieur [R] [X] :
o 20.000 euros en réparation de son préjudice financier,
o 1.500 euros en réparation de son préjudice moral,
o 3.000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile
- DEBOUTÉ du surplus des demandes ;
- CONDAMNÉ la société SEROPH HOLDING BV aux entiers dépens exposés par Monsieur [X] [R] [X] ;
- DEBOUTÉ les parties de leurs demandes plus amples, notamment celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
- ORDONNÉ l'exécution provisoire.
Et, statuant à nouveau,
À titre principal :
- CONDAMNER in solidum les sociétés WORLDPAY AP Ltd et SEROPH HOLDING BV à payer à Monsieur [R] [X] la somme de 73.734,71 Euros en réparation de son préjudice financier ;
À titre subsidiaire :
- CONDAMNER in solidum les sociétés WORLDPAY AP Ltd et SEROPH HOLDING à payer à Monsieur [R] [X] la somme de 58.987,77 Euros, outre les intérêts légaux à compter des mises en demeure adressées à ces dernières, en réparation de son préjudice né de la perte de chance ;
En tout état de cause :
- CONDAMNER in solidum les sociétés WORLDPAY AP Ltd et SEROPH HOLDING BV à payer à Monsieur [R] [X] la somme de 10 000 Euros en réparation de son préjudice moral ;
- CONDAMNER tous succombant à payer à Monsieur [R] [X] la somme de 7.000 Euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Anne BERNARD-DUSSAULX, avocat au Barreau de Paris.
13 - Par conclusions récapitulatives en réponse n°3 transmises par voie électronique le 1er juin 2022, la société WORLDPAY AP LTD demande à la cour de bien vouloir:
À TITRE PRINCIPAL,
- DIRE ET JUGER que Worldpay AP Ltd. n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 16 novembre 2020, mais seulement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [X] et [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de Worldpay AP Ltd.
- DEBOUTER Monsieur [R] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Worldpay AP Ltd.
À TITRE SUBSIDIAIRE,
- DIRE ET JUGER que Monsieur [R] [X] ne démontre aucun lien de causalité entre une faute qu'aurait commise Worldpay AP Ltd. et le préjudice qu'il prétend avoir subi.
En conséquence,
- DÉBOUTER Monsieur [R] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Worldpay AP Ltd.
À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
- DIRE ET JUGER que Monsieur [R] [X] ne démontre pas la réalité du préjudice qu'il prétend avoir subi et qu'il ne saurait revendiquer l'indemnisation d'une perte de chance.
En conséquence,
- DÉBOUTER Monsieur [R] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Worldpay AP Ltd.
En tout état de cause,
- METTRE Worldpay AP Ltd hors de cause.
- CONDAMNER Monsieur [R] [X] à verser à Worldpay AP Ltd. la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER Monsieur [R] [X] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
14- La société Seroph Holding BV n'ayant pas comparu n'a pas formé appel incident.
15- Par son avis du 14 mars 2022, le ministère public invite la Cour à infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 16 novembre 2020 en jugeant que la société Worldpay, la société Seroph Holding et la victime sont responsables du dommage causé à M. [R] [X], dans des proportions qu'il appartiendra à la Cour d'apprécier.
16- Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour le rappel de l'ensemble des moyens développés par les parties, par application de l'article 455 du code de procédure civile.
III/ MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur le droit applicable
17- Monsieur [X] soutient que le droit français est applicable en vertu du règlement CE n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »), le fondement de son action étant délictuel.
18- Il indique que la société Worldpay, société de droit anglais, est titulaire d'un compte bancaire en France, au sein de la succursale française de la banque ROYAL BANK OF SCOTLAND (devenue [G]).
19- Il soutient que la faute commise par la société Worldpay et par la société Seroph a été rendue possible par le moyen de ce compte bancaire ouvert en France, moyen qui a permis la disparition des fonds et la réalisation de l'escroquerie dont Monsieur [X] soutient avoir été victime. Il précise qu'en matière de préjudice financier, le fait dommageable se localise sur le compte bancaire où les fonds ont été perdus ou détournés, en l'espèce le compte bancaire détenu par la société Worldpay en France.
20- En réponse, la société Worldpay indique qu'elle est un établissement de paiement de droit anglais agréé par la FCA et soutient que les obligations françaises issues des règles européennes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ne lui sont pas applicables, qu'elle n'est pas un établissement de crédit, qu'elle n'a jamais été présente en France et n'y a pas davantage agi en libre prestation de services. Elle fait en outre valoir que Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve de ce que les opérations de paiement litigieuses ont effectivement transité par le compte bancaire de Worldpay. Elle conteste avoir jamais effectué le moindre transfert de fonds vers un site de courtage, ni avoir été en contact avec l'un quelconque de ces sites et soutient que seul le droit anglais lui est applicable dès lors que l'activité de paiement de la société WORLDPAY est exclusivement réalisée depuis le Royaume-Uni, et le contrat la liant à SEROPH prévoyant une clause de loi applicable désignant le droit anglais.
21- Elle ajoute que durant la période des faits litigieux, Worldpay n'était soumise qu'aux seules obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en vigueur au Royaume-Uni. Le fait qu'elle ait disposé d'un compte bancaire ouvert en France, comme au sein de dizaines de juridictions n'emporte selon elle aucune conséquence sur le droit applicable à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme qui restent soumises au droit anglais. Elle en conclut que la faute alléguée contre elle ne peut être appréciée qu'au regard du droit anglais.
Sur ce,
22- Selon l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
23- Le litige porte sur une demande d'indemnisation d'un préjudice lié à la faute alléguée d'un établissement prestataire de services de paiement de droit anglais et d'un établissement prestataire de services de paiement néerlandais à l'égard d'une personne physique française pour la violation du devoir de vigilance et de lutte contre le blanchiment dans le cadre d'opérations de placements sur des comptes off-shores non régulés.
24- Le juge français étant saisi du litige, il y a lieu, pour rechercher le droit applicable, de faire application du règlement CE n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II ») compte tenu de la nature délictuelle du litige, dès lors que:
-la juridiction saisie est située dans un État membre de l'Union européenne,
-la situation comporte un élément d'extranéité de nature à justifier la mise en 'uvre d'une règle de conflit de lois,
-et l'on est en présence d'une demande fondée sur une obligation délictuelle, relevant de la matière civile et commerciale.
Aux termes de l'article 4.1 du règlement « Rome II » :
« Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. »
25- En cohérence avec l'interprétation dégagée pour déterminer la compétence juridictionnelle conformément à l'invitation donnée par le considérant n°7 du règlement Rome II, il y a lieu de considérer que lorsque le dommage allégué consiste en un préjudice financier, la loi du pays du domicile de la victime est applicable lorsque le dommage se réalise directement sur un compte bancaire de celle-ci ouvert auprès d'une banque établie dans le pays de son domicile.
26- En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société Worldpay, il est établi par les pièces versées aux débats et notamment par les ordres de virement donnés par Monsieur [X] de son compte BNP et de ses extraits de compte que les fonds ont bien été transférés de son compte BNP sur un compte français de la société Worldpay, compte ouvert dans l'établissement français de la banque [G], mis à disposition de la société Seroph, et que les tentatives pour récupérer les fonds auprès de [G] et de Worldpay sur ledit compte sont restées vaines.
27- La disparition des fonds à partir de ce compte est dès lors « cristallisée » en France et constitue le lieu de survenance du dommage au sens du règlement Rome II, le lieu de remise et de disparition des fonds étant incontestablement situé en France.
28- Il y a lieu de confirmer la décision sur ce point.
2. Sur le fond
29- Monsieur [R] [X] soutient que les sociétés WORLDPAY et SEROPH ont commis des fautes en qualité d'établissements prestataires de services de paiement, qu'outre le défaut d'obtention d'un agrément par la société Seroph et le fait que la société Worldpay n'a pas vérifié l'agrément de son co-contractant, elles ont commis un manquement à une obligation de vigilance générale fondée sur l'article 1382 du code civil (ancien) et un manquement à une obligation de vigilance spéciale au titre de la règlementation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme résultant de la Directive 2005/50/CE du 26 octobre 2005 et des articles L.561-5, L.561-6 et R.312-2, R.561-12 du code monétaire et financier ( ci-après « la règlementation LBC-FT »), manquements qui lui ont causé un préjudice. En toute hypothèse, il soutient que la société Worldpay était soumise à une obligation de vigilance équivalente en droit anglais, au titre des « Money Laundering Regulations 2007 ».
30- Il indique que Seroph exerçait l'activité de prestataire de services de paiement, offrant à ses clients un service consistant à réceptionner pour leur compte les fonds versés par leurs propres clients, ces fonds transitant par le compte bancaire de Worldpay, contractant avec des sociétés de courtage frauduleuses ou des sociétés non régulées et qu'elle n'a pas rapporté la preuve de l'obtention des agréments à l'exercice de son activité en France.
31- Il soutient que la société WORLDPAY a accepté de conclure un contrat avec Seroph sans s'assurer que celle-ci disposait d'un agrément pour exercer l'activité de prestataire de services de paiement en Europe et en France, agrément imposé par les articles L.572-5, L.521-1 et L.521-2 et L.314-1 du code monétaire et financier pour exercer l'activité de prestataire de service de paiement
32- Il ajoute qu'en mettant à la disposition de la société Seroph les comptes bancaires qu'elle détenait dans les livres des banques bénéficiaires des virements, la société WORLDPAY a fait preuve de négligence et n'a pas procédé aux vérifications nécessaires sur l'agrément et sur les activités frauduleuses de son co-contractant, alors qu'elle connaissait les destinataires finaux des fonds qui transitaient sur son compte.
33- Il soutient que la faute de Seroph et Worldpay a contribué à la survenance du dommage, ayant permis la disparition des fonds investis sur les plateformes de trading en ligne fictives des sociétés de courtage frauduleuses, que sur les 78 entités répertoriées sur la liste noire « Option binaire » publiée par l'AMF le 18 juin 2014, près de la moitié ont eu recours à la filière de paiement WORLDPAY/[F], et que le montage WORLDPAY/[F] était systématiquement utilisé par les courtiers frauduleux afin de faire écran entre eux-mêmes et les investisseurs, ce qui leur permettait d'exercer leurs activités frauduleuses en France tout en rassurant leurs victimes sur la destination des fonds puisque ces dernières pensaient procéder à des virements vers la France, que cet objectif n'aurait jamais été atteint sans le concours de WORLDPAY. Il précise que la même constatation peut être faite pour la liste noire « FOREX » publiée par l'AMF.
34- Enfin, il conteste toute faute d'imprudence de sa part, indiquant que le site de trading avait l'apparence d'une plate-forme reflétant les cours de bourse d'un marché financier, que toute personne normalement vigilante pouvait croire à un site conforme à la réglementation, que les documents fournis en appui des opérations tendaient également et objectivement à la véracité de l'activité de trading des sociétés Finch Markets, BanQ of Broker, 50 Option et Triompheoption.
35- En réponse, la société WORLDPAY conteste toute implication et toute faute de sa part, notamment toute obligation de vérifier l'agrément de Seroph, puisqu'à aucun moment, il n'a été question pour Seroph Holding BV de fournir des services de paiement régulés, pas plus en France ou à des consommateurs français, qu'au sein de l'UE.
36- Elle soutient qu'elle a toujours agi en conformité avec l'obligation de vigilance qui lui incombait sous l'empire du droit anglais, tant lors de l'entrée en relation avec Seroph que durant cette relation d'affaires. Elle fait valoir qu'elle n'était astreinte à un devoir de vigilance qu'à l'égard de ses seuls clients, ces derniers, dont Seroph, étant seuls tenus de mettre en 'uvre leurs propres procédures de vigilance et de contrôle à l'égard de leurs propres clients.
37- Elle ajoute que les obligations résultant des dispositions de la lutte contre le blanchiment prévues par les articles L. 561-5, L. 561-6 et L. 561-10-2 du CMF ne lui étaient pas applicables, Worldpay ne disposant ni d'une filiale, ni d'une succursale en France et n'ayant pas eu recours à un agent ou mandataire en France.
38- Elle ajoute que les règles françaises de LCB-FT ont pour objet la protection de l'intérêt général et la préservation de l'intégrité du système bancaire et financier, mais ne protègent pas les intérêts privés, de sorte qu'elles ne font naître aucun droit à réparation au bénéfice des particuliers. Elle en conclut que Monsieur [X] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le préjudice qu'il allègue et les manquements règlementaires qu'il reproche à WORLDPAY.
39- Elle rappelle que Monsieur [X] n'a jamais été en relation d'affaires, ni entretenu un quelconque lien avec elle, et qu'il ne peut dès lors se prétendre victime d'une escroquerie, voire d'un abus de confiance, sanctionnés par les articles 313-1 et 314-1 du code pénal.
40- Elle ajoute que l'imprudence fautive de Monsieur [X] est à l'origine de son propre préjudice, que ce dernier, n'a pas procédé à la moindre recherche pour s'enquérir de la fiabilité et de la réputation des sociétés Finch Markets, BanQ of Broker, 50 Option et Triompheoption ou de leurs prétendus collaborateurs, auxquels il se préparait pourtant à confier l'intégralité, sinon l'essentiel de son épargne, qu'il n'a pas consulté le site de l'AMF afin de vérifier si Finch Markets, BanQ of Broker, 50 Option et Triompheoption bénéficiaient d'une quelconque licence ou autorisation, ou si ces prestataires faisaient l'objet de commentaires négatifs de la part du régulateur, voire de mises en garde, alors qu'une simple recherche Internet en amont de son premier virement lui aurait permis de constater les alertes données par un grand nombre d'internautes et d'éviter la perte de ses fonds. Elle conteste toute perte de chance, estimant qu'il n'y avait aucun alea.
Sur ce,
- Sur l'absence d'agrément de Seroph et l'obligation de vigilance
41- Il résulte de l'article 1382 du code civile, devenu l'article1240 que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et de l'article 1241 que « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
42- Il est constant que la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation d'obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L.561-5 à L.561-22 du code monétaire et financier pour demander des dommages-intérêts à l'établissement financier.
43- Sans avoir à se référer à ces obligations de vigilance spécifiques imposées au titre de la règlementation LCB-FT, que les premiers juges ont à juste titre écartées, il résulte des dispositions du code civil susrappelées une obligation générale de vigilance dont le non-respect, s'il cause un préjudice à un tiers, même en l'absence de tout lien contractuel, oblige son auteur à le réparer.
44- Fait partie notamment de l'obligation générale de vigilance le respect de dispositions légales et réglementaires applicables à certaines professions ou activités réglementées dans l'Union européenne en application du droit de l'Union et de sa transposition dans les différents Etats.
45- Ainsi, sans que cela ne constitue une restriction affectant la libre prestation de services au sein de l'Union européenne, pèse sur les établissements prestataires de services de paiement une obligation d'agrément issue de l'article 10 de la directive n°2007/24/CE concernant les services de paiement dans le marché intérieur. L'absence d'agrément d'un établissement prestataire de services de paiement, outre qu'elle puisse être sanctionnée par les autorités régulatrices et outre qu'elle constitue une faute, peut également induire un manquement à l'obligation générale de vigilance pour ses cocontractants qui se passeraient de s'assurer dudit agrément.
46- En l'espèce, Worldpay ne conteste pas sa qualité d'établissement prestataire de services de paiement et elle justifie de son agrément au Royaume-Uni. Elle conteste par contre que Seroph, établissement de droit néerlandais qu'elle qualifie de « fournisseur de solutions de paiement » (conclusions Worldpay §8) avec lequel elle avait signé un contrat de services de paiement (« payment processing agreement »), non comparante en appel, doive justifier d'un agrément.
47- Or, il résulte des pièces versées aux débats que :
Le contrat de services de paiement signé entre les parties décrivant en annexe 1 les services de paiement fournis et les moyens mis à disposition de Seroph laisse planer une ambiguité sur la manière dont Seroph allait en faire usage, la fourniture de « solutions » de paiement ne permettant pas d'exclure l'activité de services de paiement au profit de tiers. En effet, dans ses conclusions, Worldpay précise que « pour fournir des solutions de paiement à ses clients, Seroph Holding BV avait conclu une convention avec Worldpay par laquelle, notamment, Seroph Holding BV avait accès au Compte Bancaire Worldpay. Seroph Holding BV a donc communiqué à Finch Markets, BanQ of Broker, 50 Option et Triompheoption les coordonnées du compte bancaire Worldpay, en même temps qu'une référence ' commençant par « AC » pour 'AllCharge', le nom commercial de Seroph Holding BV ' devant être mentionnée par le client de Finch Markets, BanQ of broker, 50 Option et Triompheoption, en l'espèce Monsieur [R] [X], dans chacun de ses ordres de virements litigieux » (conclusions Worldpay §46).
48- Seroph n'a pas contesté sa qualité de fournisseur de solutions de paiement, ayant au contraire reconnu utiliser le réseau et la technologie de Worldpay pour offrir des solutions de paiement à ses clients. Elle avait ainsi, alors qu'elle s'était constituée en première instance, conclu aux fins d'obtenir un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'information en cours portant sur des infractions pour lesquelles elle était mise en examen, notamment l'infraction d'exercice illégal de l'activité de prestataire de service de paiement.
49- La société Seroph s'était présentée comme « spécialisée dans les prestations de services de paiement, faisant partie d'un groupe international de sociétés qui interviennent sur le marché des prestations de services de paiement sur Internet, exerçant leur activité sous la dénomination commerciale [F] » (pièce [X] n°18 ' conclusions de demande de sursis à statuer de Seroph).
50- Elle expliquait que « la transmission de fonds est un service de paiement simple généralement basé sur des virements opérés par un payeur au bénéfice d'un prestataire de services de paiement, qui transmet le montant correspondant, par exemple par le biais d'un réseau de communication, à un bénéficiaire ou à un autre prestataire de services de paiement agissant pour le compte du bénéficiaire ».
51- Il résulte de ces éléments qu'à tout le moins l'ambiguité planant sur la qualité de « fournisseur de solutions de paiement » de Seroph qui s'apparentait à des prestations de services de paiement aurait dû être levée et qu'il appartenait à Worldpay qui a contracté avec Seroph pour lui fournir ses services de lever ladite ambiguité au titre de son obligation de vigilance.
52- La convention signée en 2009 avec Seroph n'a été dénoncée par Worldpay qu'en 2014.
53- Or, le 6 mai 2013, la publication d'un post sur internet dont la réalité n'est pas contestée (pièce [X] n°14) ayant pour titre « [F] Launches Advanced Kit Merchant Account for Offshore and Non-Regulated Brokers », traduit par « [F] lance le service « Advanced Kit Merchant Account » pour les courtiers offshore et non régulés » précisait :
« Le mois dernier, Forex Magnates a publié un article exclusif sur les difficultés rencontrées par certains courtiers non régulés en matière de traitement des paiements. Les principales banques d'affaires de l'UE n'étant pas disposées à travailler directement avec les entreprises non régulées, ces dernières ont généralement eu recours à des intermédiaires pour le traitement de leurs paiements en ligne. Cela contraste avec les entreprises régulées qui ont un compte marchand en relation directe avec les banques commerciales. Pour les entreprises non régulées, il y a eu de plus en plus de cas où des entreprises tierces ont bloqué les retraits des courtiers pendant que les vérifications nécessaires étaient faites. Fournissant une solution, le fournisseur de paiement [F], qui propose ses services aux entreprises en ligne, y compris les courtiers en forex et en options binaires, a annoncé le lancement d'[F] Advanced Kit Marchant Account. Ce produit offre aux courtiers non régulés et aux entités offshore la possibilité de recevoir un « Direct Merchant ID » (MID) pour le traitement des paiements par Visa et MasterCard ; [F] a expliqué à Forex Magnates qu'il peut fournir aux entreprises un lien direct avec des banques marchandes en utilisant leurs relations existantes avec leurs partenaires bancaires ».
54- Cette publication permet elle-aussi de considérer comme avéré le risque que Seroph se livre elle-même à une activité de PSP qu'elle vante et qui utilise la technologie développée par Worldpay dont elle bénéficie par la convention signée entre les deux parties.
55- Selon cette convention (Annexe 1 §3) « Le Commerçant pourra utiliser le Service de Paiement pour collecter et envoyer des Paiements de/à ses clients et fournisseurs. Avant d'utiliser les Services de Paiement, le Commerçant devra transmettre à Envoy les documents décrits dans le « Merchant Application Form » pour satisfaire aux exigences d'information sur les diligences « know your customer ».
56- Or, ni Seroph ni Worldpay ne justifient à aucun moment au cours de la période d'exécution dudit contrat avoir satisfait à ces obligations de « Know Your Customer », ce d'autant qu'interrogée sur ce point, Worldpay a opposé le secret bancaire, alors que sa responsabilité est recherchée.
57- Pour l'ensemble de ces motifs, et ceux, concordants des premiers juges, c'est à juste titre qu'ils ont retenu que Seroph relevait de la catégorie des établissements prestataires de services de paiement soumis à agrément.
58- S'agissant des opérations de paiement effectuées à partir du territoire français, il est établi par les ordres de virement produits par Monsieur [X] que les fonds transitaient en France par un intermédiaire, en l'espèce Worldpay qui détenait un compte en France dans les livres de la banque [G] à [Localité 5], compte qu'elle mettait à la disposition de Seroph pour ses prestations de paiement (pièce Chastenet n°13), sans avoir vérifié l'agrément de Seroph, au demeurant inexistant.
59- La violation par Seroph de son obligation d'agrément est dès lors établie.
60- Il appartenait à Worldpay, qui a ouvert un compte en France mis à disposition de Seroph, de s'assurer que Seroph remplissait les obligations issues de la règlementation européenne applicable aux services de paiement dans le marché intérieur.
61- En ne le faisant pas, la société Worldpay a violé ses obligations générales de vigilance. Il est dès lors inopérant de soutenir, comme le fait la société Worldpay, qu'il appartenait à Monsieur [X] de rapporter la preuve d'une absence d'exemption à l'obligation d'agrément.
62- La décision des premiers juges devra être confirmée sur ce point.
- Sur le lien de causalité
63- Il résulte des pièces versées aux débats que Seroph a fourni des solutions de paiement au profit des sociétés Finch Markets, BanQ of Broker, 50 option et Triompheoption, plateformes de trading en ligne auxquelles Monsieur [X] a souscrit, qui pour partie étaient déjà inscrites sur la liste noire publiée par l'AMF en 2014 et qui faisait l'objet de nombreuses alertes sur internet.
64- S'agissant de Seroph, outre les motifs énoncés ci-dessus et ceux précis et concordants relevés par les premiers juges que la cour adopte, il y a lieu de retenir qu'elle avait une parfaite connaissance des bénéficiaires auxquels étaient destinées ses opérations. Elle a ainsi elle-même vanté son activité à destination du marché non régulé, tout en mettant en avant l'utilisation des services bancaires des établissements prestataires des services de paiement agréés avec lesquels elle avait contracté pour mettre en avant ses prestations (cf. post sur internet daté du 6 mai 2013 (pièce [X] n°14)
65- S'agissant de Worldpay, qui conteste avoir eu connaissance de l'activité de prestataire de services de paiement de Seroph, et qui conteste connaitre les bénéficiaires des transactions, ni avoir un lien avec eux, et qui excipe de son obligation de confidentialité pour refuser de communiquer, le cas échéant,les noms des bénéficiaires, la société Seroph a, par un courrier de son conseil en première instance en date du 5 août 2016 versé aux débats (pièce [X] n° 8) indiqué « qu'au titre de ses obligations contractuelles vis-à-vis de Worldpay AP Ltd, la société Seroph Holging BV lui a communiqué l'identité des sites marchands pour lesquels elle réalisait des prestations de services de paiement. Ainsi, en juillet 2013, notre cliente transmettait, notamment, à Monsieur [C] [U], directeur des risques du département paiements Alternatifs de Worldpay AP Ltd, la liste des sites marchands dont les opérations transitaient alors par le registre de Worldpay AP Ltd. De même, si la société Seroph Holding BV n'a jamais été en relation financière directe avec les utilisateurs finaux des sites Internet de Forex, tel n'était pas le cas de la société Worldpay AP Ltd. », ce qui contredit la position développée en appel par Worldpay.
66- Or, sans qu'il soit là aussi nécessaire de se référer à l'obligation renforcée de vigilance résultant des dispositions de la règlementation LCB-FT invoquée à tort par Monsieur [X], le fait que deux des sociétés de placement en ligne choisies par Monsieur [X] (BanQ of Broker et 50 Option) avaient déjà fait l'objet d'une mention sur la liste noire des placements à haut risque ou arnaques connues par l'AMF en 2013, que sur les ordres de virement produits figurent non seulement le nom du bénéficiaire final (50 Option) mais aussi la référence correspondant à Seroph commençant par AC (signifiant AllCharge devenue Seroph) suivie de chiffres correspondant au destinataire final (ACXXXX), suffit pour établir que Monsieur [X] d'une part, mais aussi les sociétés Worldpay et Seroph d'autre part, qui sont des professionnelles, étaient à tout le moins alertés, sinon parfaitement informés des risques encourus à faire des investissements sur ce type de plateformes et connaissaient les risques liés à l'utilisation de leurs services de paiement pour procéder auxdits placements, et qu'en contribuant à ces placements et/ou en laissant leurs services de paiement à disposition pour procéder à ces placements, elles ont manqué à leur obligation générale de vigilance et engagé leur responsabilité, le lien de causalité étant dès lors établi entre le défaut de vigilance, le manque de bonnes pratiques professionnelles sur ce type de secteur et le dommage, les placements ayant été rendus possibles par le truchement de la technologie et du compte Worldpay ouvert en France et mis à disposition de Seroph.
67- C'est dès lors en vain que la société Worldpay fait valoir le principe de non immixtion et l'absence de lien contractuel avec Monsieur [X] ou avec les bénéficiaires finaux.
68- La responsabilité conjointe des sociétés Worldpay et Seroph sera dès lors retenue, le lien de causalité étant suffisamment établi entre les manquements de ces sociétés et la disparition des fonds, et la décision infirmée sur ce point.
- Sur l'indemnisation
69- Selon la théorie de l'équivalence des conditions, tout fait, même éloigné, sans lequel le dommage ne se serait pas produit, est réputé causal.
70- Comme l'a relevé à juste titre la société Worldpay, il aurait suffi à Monsieur [X] d'effectuer des recherches très simples sur internet avant son premier investissement en février 2014 pour connaitre les risques majeurs liés aux investissements projetés, deux des plateformes en ligne choisies ayant déjà fait l'objet d'une inscription sur la liste noire de l'AMF, les deux autres les suivant de peu (pièce Worldpay « l'Autorité des marchés financiers met à jour la liste des sites internet non autorisés proposant du trading d'options binaire » du 14 mai 2014), les mises en garde diffusées appelant le public à la plus grande prudence sur les opérations sur le Forex, et les messages d'internautes étant particulièrement clairs et alarmants.
71- En faisant fi de ces alertes et en décidant néanmoins d'investir sur ces plateformes, Monsieur [X] a fait preuve d'une imprudence qui a concouru à la réalisation de son dommage à équivalence des fautes commises par les sociétés Seroph et Worldpay qui doivent dès lors être condamnées in solidum.
72- Il y a lieu par conséquent d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point et de retenir la responsabilité des sociétés Worldpay et Seroph d'une part, et de Monsieur [X] d'autre part, à équivalence.
73- S'agissant du montant du préjudice indemnisable, celui-ci doit être évalué au montant total du capital investi, la perte de celui-ci n'étant pas liée à un aléa mais à des fautes. Or la perte de chance ne peut être retenue en l'absence d'aléa. En effet, le fait d'investir sur des sites notoirement frauduleux est dénué de toute probabilité de gain et donc de tout alea.
74- Il y a lieu par conséquent d'infirmer la décision sur ce point et de fixer le préjudice financier subi par Monsieur [X] aux sommes investies sur les plateformes litigieuses via le compte de Worldpay ayant totalement disparu, sans qu'il puisse y être ajouté des intérêts d'un emprunt dont le lien avec le dommage n'est pas établi. Monsieur [X] ayant investi 72.000 € et n'ayant rien récupéré, son indemnité doit être fixée à la moitié de cette somme, son imprudence ayant concouru pour moitié à son dommage.
75- L'existence et la justification d'un préjudice moral ne sont pas établies, Monsieur [X] invoquant simplement une situation de stress suite à l'escroquerie dont il a été victime et ne fournissant aucun élément permettant d'évaluer la difficulté de sa situation, sa vulnérabilité n'étant pas caractérisée. Il y a lieu de débouter Monsieur [X] de ses demandes à ce titre.
- Sur les dépens et les frais irrépétibles
76- Les sociétés Seroph et Worldpay succombant partiellement, il y a lieu de mettre les dépens de première instance et d'appel à leur charge. Par ailleurs il y a lieu de les condamner in solidum à payer à Monsieur [X] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
1- Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la société SEROPH HOLDING,
Statuant à nouveau,
2- Dit que le litige est soumis au droit français,
3- Dit que les sociétés SEROPH et WORLDPAY ont manqué à leurs obligations de vigilance,
4- Dit que M. [X] a concouru à la survenance du dommage à hauteur de 50 %,
5- Condamne, en conséquence, les sociétés SEROPH et WORLDPAY in solidum à payer à Monsieur [X] la somme de 36.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
6- Déboute Monsieur [X] du surplus de ses demandes,
7- Les condamne in solidum à payer à Monsieur [X] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
8- Les condamne in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Maître Anne BERNARD-DUSSAULX, Avocate au Barreau de Paris.
La greffière Le Président