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13/10/2022 | FRANCE | N°19/10508

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 octobre 2022, 19/10508


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 13 OCTOBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10508 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZYI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F18/03364



APPELANT



Monsieur [H] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me M

atthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477





INTIMÉE



SAS BDL CAPITAL MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Philippe ROZEC, avocat au barr...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10508 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZYI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F18/03364

APPELANT

Monsieur [H] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMÉE

SAS BDL CAPITAL MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe ROZEC, avocat au barreau de PARIS, toque : R045

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 juin 2007, M. [H] [E] (le salarié), a été engagé par la société BDL Capital Management (la société BDL) en qualité d'analyste financier.

Le 31 janvier 2018, le contrat de travail était rompu dans le cadre d'une rupture conventionnelle.

Contestant le paiement de certaines primes, et remettant en cause la validité de la rupture conventionnelle, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 3 mai 2018 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 26 avril 2019, notifié aux parties par lettre du 7 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- condamné la société BDL Capital Management à verser au salarié 31 000 euros au titre du bonus pour l'année 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, le 17 mai 2018

- rappelé qu'en vertu de l'article R1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté M [E] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société BDL Capital Management de ses demandes,

- condamné la société BDL aux dépens.

Par déclaration du 22 octobre 2019, M.  [E] a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 9 juin 2022, il demande à la Cour :

- de réformer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société au titre des rappels de bonus à 31 000 euros pour l'année 2017 et,

Statuant à nouveau,

- de condamner la société BDL à lui verser à titre de rappel de bonus les sommes de:

A titre principal,

-152 300 euros pour l'année 2016,

-378 792 euros pour l'année 2017,

A titre subsidiaire,

-152 300 euros pour l'année 2016,

-183 300 euros pour l'année 2017,

A titre infiniment subsidiaire,

-de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le versement d'un bonus de 31 000 euros au titre de l'année 2017.

- d'infirmer le jugement pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

-de condamner la société BDL Capital Management au paiement de rappel d'indemnité de congés payés, à savoir :

A titre principal,

- 61 550 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2015,

- 7 950 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2016,

- 18 330 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2017,

- 37 879 euros pour la période de référence s'achevant en janvier 2018 ;

A titre subsidiaire,

-61 550 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2015,

-7 950 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2016,

-18 330 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2017,

-18 330 euros pour la période de référence s'achevant en janvier 2018 ;

A titre infiniment subsidiaire,

-61 550 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2015,

-7 950 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2016,

-3 100 euros pour la période de référence s'achevant en mai 2017,

-3 100 euros pour la période de référence s'achevant en janvier 2018.

En tout état de cause,

- de débouter la société BDL Capital Management de l'ensemble de ses demandes ;

- d'ordonner le versement des intérêts légaux capitalisés à compter de la saisine ;

- de condamner la société BDL Capital Management au paiement de la somme de  4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 3 juin 2022, la société BDL demande au contraire à la Cour :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sauf en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [E] les sommes de

- 31 000 € au titre du bonus pour l'année 2017,

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, le 17 mai 2018 ;

- 900 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de juger qu'elle pouvait librement fixer la prime discrétionnaire prévue au contrat de travail de M. [E] à 31 000 euros en 2016 et 0 euros en 2018

Par conséquent,

- de le débouter de l'intégralité de ses demandes,

-d'ordonner à M. [E] de rembourser la somme de 31 000 euros bruts

- de le condamner à lui verser 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 30 juin 2022 pour y être examinée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- sur les rappels de bonus

En application de l'article 1192 du code civil on ne peut apprécier les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

Par ailleurs, il est admis que le contrat de travail peut prévoir en plus de la rémunération fixe, l'attribution d'une prime laissée à la libre appréciation de l'employeur sous réserve pour celui-ci, de ne pas traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable au regard de l'avantage considéré.

Le versement de cette prime ou de ce bonus ne présente aucun caractère obligatoire dans le cas d'une libéralité considérée comme une gratification bénévole, c'est à dire lorsque l'employeur décide librement de l'opportunité du versement et, ou du montant octroyé.

Aux termes du paragraphe 'rémunération' du contrat de travail, il est stipulé: 'en rémunération de sa fonction, M. [H] [E] percevra un salaire annuel brut global de trente cinq mille euros versé sur 12 mois. Soit un salaire mensuel brut de deux mille neuf cent dis sept euros (2917 €).

M. [H] [E] pourra également recevoir une prime annuelle. Toutefois l'attribution de cette prime sera en fonction de ses performances et des résultats financiers de BDL Capital Management. Son versement est également conditionné à la présence de M. [H] [E] dans l'entreprise à sa date de versement. En conséquence aucun prorata ne sera dû en cas de départ, pour quelle que cause que ce soit, avant la date de versement.'

Sans ambiguïté dès lors que le verbe pouvoir est utilisé relativement à la réception par le salarié d'une prime annuelle, ('M. [E] pourra également recevoir une prime annuelle...'), il y a lieu de considérer que le versement de cette prime ou de ce bonus ne présente aucun caractère obligatoire puisque le contrat permet à l'employeur de décider librement de l'opportunité du versement et d'apprécier le montant à verser en fonction des performances du salarié et des résultats financiers.

Par ailleurs, M.  [E] ne démontre pas qu'il ait été traité différemment des salariés placés dans une situation comparable à la sienne au regard de l'avantage considéré.

En effet, pour solliciter des rappels de bonus à hauteur de 152 300 euros pour 2016 et 378 792 euros pour 2017, il se fonde de manière indifférenciée, sur la violation d'une politique de rémunération prévue en interne se fondant sur un document intitulé 'politique de rémunération dans le cadre de la gestion d'OPCVM,' , lequel précise en son article 3 qu'il est applicable pour la première fois pour la détermination des rémunérations au titre de l'exercice clos le 30 octobre 2017.

Sur cette base, le salarié rappelle que la prime annuelle est déterminée par le comité de rémunération qui s'appuie sur l'évaluation d'objectifs qualitatifs et quantitatifs deux fois par an et qu'elle est liée aux performances de la société et des collaborateurs, examinées, s'agissant des analystes financiers en fonction :

- des performances globales de la société de gestion,

- du résultat opérationnel dans sa fonction,

- de la réalisation de performance /P&L

- du respect de la réglementation,

- de la contribution aux objectifs stratégiques de la société

- de la construction de l'équipe.

M. [E] considère que ces règles n'ont pas été respectées pour 2016 et 2017 et que sa performance dont l'employeur rappelle, sans être contesté sur ce point, qu'elle était mauvaise sur les deux exercices considérés, a été altérée dès lors que son secteur ou portefeuille a été unilatéralement réduit et que ne lui est resté qu' un secteur composé de sociétés les moins profitables, relevant essentiellement du domaine de la santé.

La société ne conteste pas la réalité de la réduction du portefeuille, mais rappelle qu'elle n'a nullement été imposée au salarié et que le nombre de secteurs suivis n'a pas d'incidence sur la réalisation de la performance (ratio entre les pertes et profit, autrement nommé 'P&L') puisque ce sont les préconisations de l'analyste qui génèrent ou non un 'P&L' positif, critère déterminant pour l'attribution des bonus.

M. [E] ne met pas la cour en mesure de considérer qu'il était sur ces points dans une situation différente des autres analystes pour lesquels il n'objective pas une augmentation de secteur ou une absence de modification de secteur ni les éventuels effets de celles-ci sur les performances de celui qui le détient, alors qu'il ne conteste pas qu'à la tête du même secteur entre 2011 et 2013 inclus, ses recommandations ont permis de dégager des P&L très variés, pouvant aller de 301 890 euros en 2011 à 12 515 505 euros en 2013 dont dépendaient des bonus plus ou moins élevés, le tout démontrant le lien manifeste entre la performance personnelle du salarié et le montant des bonus servis, mais écartant la corrélation entre la taille du secteur et le montant des bonus.

Par ailleurs si M. [H] (pièce N° 33 du salarié), fait état dans son témoignage du fait que le gérant de la société a imposé 'la réduction unilatérale du portefeuille de M. [E]', évoquant la reprise du secteur de la consommation en 2016, rien ne caractérise la réalité d'une différence de situation avec les autres analystes sur ce point, et donc les effets de cette différence sur la réduction voire l'anéantissement du bonus, alors au demeurant que l'employeur, fait référence dans le relevé des propositions d'investissement y compris pour 2016 et versé en pièce N° 8 non autrement contestée, à la participation de M. [E] à des propositions dans le secteur consommation dont il se prétend pourtant dépossédé à cette date.

De plus, le salarié ne démontre pas l'existence d'une différence de situation entre lui et ses collègues s'agissant des piètres performances attachées au secteur santé et ses effets sur ses bonus, alors qu'il n'explicite pas la différence figurant dans le tableau auquel il se réfère (pièce N° 15), entre une performance en baisse à long terme à hauteur de 9,2%, mais en hausse de 9,9% à court terme.

M. [E] soutient encore qu'il n'a pas eu les moyens matériels de travailler dès lors que deux analystes juniors qui lui avaient été initialement attribués, ont été affectés à une autre équipe.

Cependant outre que les intéressés attestent de l'investissement insuffisant de M. [E] dans leur propre formation et de l'amélioration qu'ils ont noté sur ce point depuis leur rattachement à une autre équipe, la réalité d'une différence de situation avec les autres analystes quant aux moyens humains ou matériels mis à sa disposition et donc l'impact de celle-ci sur les bonus alloués, n'est pas démontrée.

M. [E], défaillant sur la preuve de la différence de situation entre lui est les autres analystes, doit donc être débouté de ses demandes de rappel de bonus dont le caractère obligatoire a été écarté.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il lui a alloué à ce titre la somme de 31000 euros.

II- sur les indemnités de congés payés afférentes aux bonus.

En vertu des articles L. 3141-22 devenus L. 3141-24 du code du travail, le congé annuel prévu à l'article  L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Il est admis que les primes sont prises en compte dans le calcul de cette indemnité si elles sont versées en contrepartie du travail et ont un caractère obligatoire pour l'employeur.

De ce qui précède il résulte qu'en vertu des dispositions contractuelles, le versement du bonus ne présente aucun caractère obligatoire.

Dès lors, les primes versées n'entrent pas dans le calcul de l'indemnité de congés payés due au salarié.

Le jugement ayant rejeté les demandes formées de ce chef doit donc être confirmé.

III- sur la demande reconventionnelle,

L'infirmation du jugement valant titre de remboursement des sommes versées en exécution de cette décision, il n'y a pas lieu d'en ordonner la restitution.

IV- sur les frais irrépétibles,

En raison des circonstances de l'espèce, malgré l'issue du litige, les frais irrépétibles engagés par les parties en première instance et en cause d'appel, resteront à leur propre charge.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a condamné la société BDL Capital Management à verser à M. [E] les sommes de :

- 31 000 euros à titre de rappel de bonus pour l'année 2017,

- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement sur ces seules dispositions et statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. [E] de l'ensemble de ses demandes,

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles,

CONDAMNE M. [E] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/10508
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;19.10508 ?
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