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13/10/2022 | FRANCE | N°19/10367

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 octobre 2022, 19/10367


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 13 OCTOBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10367 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZCX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/00472



APPELANTE



Madame [S] [H]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Jacques MOURNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0645





INTIMÉE



SAS SANUKIYA

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Avi BITTON, avocat au barre...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10367 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZCX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/00472

APPELANTE

Madame [S] [H]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jacques MOURNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0645

INTIMÉE

SAS SANUKIYA

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : P339

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [S] épouse [M] (la salariée) a été engagée le 1er février 2018 en qualité de commis de salle dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 130 heures, par la société Mondial, aux droits de laquelle se présente aujourd'hui la société Sanukiya, exploitant un restaurant [Adresse 3] .

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des hôtels, cafés et restaurants.

Le 14 décembre 2018, l'employeur délivrait à la salariée un avertissement pour absence injustifiée.

Le 29 décembre suivant la salariée prenait acte de la rupture de son contrat de travail.

Estimant que cette décision était imputable aux manquements de son employeur, Mme [H] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 18 janvier 2019 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 4 septembre 2019, notifié aux parties par lettre du 12 septembre 2019, cette juridiction a :

- débouté la demanderesse de l'ensemble de ses demandes et la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle

- condamné la partie demanderesse au paiement des entiers dépens.

La salariée a interjeté appel par déclaration du lundi14 octobre 2019, premier jour ouvrable succédant à l'expiration du délai d'appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 14 janvier 2020, elle demande à la Cour:

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-de requalifier la prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement abusif ;

- de condamner en conséquence la Société Sanukiya à lui payer les sommes de :

- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- 677, 9 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 67, 79 euros à titre de congés payés afférents ;

- 338, 95 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 5 814, 28 euros à titre de rappel de salaire de février à décembre 2018 inclus ;

- 581, 42 euros à titre de congés payés afférents ;

- d'ordonner la délivrance d'un certificat de travail, d'une attestation pôle emploi et d'un bulletin de paye conformément au prononcé de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la date de l'arrêt à intervenir ;

- de condamner la Société Sanukiya aux entiers dépens de l'instance et à l'intérêt au taux légal avec capitalisation à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- de condamner la Société Sanukiya à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 15 juin 2020, Sanukiya demande à la Cour :

A titre principal

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de Mme [H],

A titre reconventionnel,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Sanukiya de sa demande reconventionnelle de condamnation au versement d'une indemnité de préavis ;

Statuant à nouveau,

- de condamner Madame [H] à verser à la société Sanukiya la somme de 493,94 euros à titre d'indemnité réparant le préjudice subi par la société Sanukiya du fait de l'absence de préavis réalisé par la salariée,

En tout état de cause :

- de condamner Mme [H] à verser à la société Sanukiya la somme de 5 160 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner Mme [H] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 avril 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 30 juin 2022 pour y être examinée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- sur l'exécution du contrat de travail,

L'article L. 3123-6 du code du travail rappelle que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit et spécifie les mentions devant y figurer, exigeant notamment qu'y soient précisées la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Par ailleurs, la modification des termes du contrat de travail ne peut intervenir que d'un commun accord.

La combinaison de ces dispositions conduit à considérer que l'accord sur la modification de la durée du contrat à temps partiel nécessite la signature d'un avenant.

Aux termes du contrat de travail signé le 1er février 2018, Mme [H] a été engagée à compter de cette même date, l'article 6 stipulant que la salariée exercerait ses fonctions à temps partiel à raison de 30 heures par semaine, soit 130 heures par mois, la durée du travail étant répartie à hauteur de six heures par jour du lundi au samedi.

Aucun avenant matérialisant un accord de volonté des parties pour une réduction de la durée mensuelle à hauteur de 104 heures à compter du 8 février 2018 n'est produit alors qu'un avenant a été signé entre la société Sanukiya et la salariée, à effet du 1er avril 2018, relativement au transfert du contrat de travail, cet avenant spécifiant que ledit transfert se faisait 'aux mêmes conditions d'emploi, de durée du travail et de rémunération' .

L'existence d'un accord pour 104 heures de travail par mois au lieu des 130 heures initialement prévues ne résulte pas de l'échange de courriers électroniques sur lequel se fonde l'employeur, alors que n'y est pas évoquée la problématique de la durée mensuelle de travail, mais seulement, la nature des tâches ou la répartition des heures de travail sur les jours de la semaine.

L'employeur ne méconnaît pas avoir été informé du différend l'opposant à sa salariée préalablement à la notification de la prise d'acte dès lors qu'est produit aux débats le courrier du 20 décembre 2018 par lequel le service juridique d'un syndicat de salariés évoquait un désaccord relativement à la durée du travail abusivement réduite à 104 heures et demandait une régularisation, courrier auquel l'employeur n'a donné aucune suite avant le 3 janvier 2019, date de réception de la lettre de prise d'acte reprenant ce même grief.

Le fait que l'employeur ait préalablement notifié à la salariée une mise en demeure de se présenter à son travail à raison d'une absence injustifiée constatée le 26 novembre 2018, puis le 3 décembre suivant, et qu'un avertissement ait été par la suite prononcé et notifié pour absence injustifiée le 14 décembre 2018 est inopérant sur l'existence du manquement imputable à l'employeur depuis le 8 février précédent et qui est donc établi.

II- sur les sommes dues à titre de rappel de salaire,

La durée contractuelle de travail étant de 130 heures, et rien ne permettant de considérer que la salariée n'était pas disponible pour travailler dans cette limite, la société Sanukiya reste redevable d'un rappel de salaire correspondant à la différence entre les sommes perçues pour 104 heures de travail et la limite contractuelle de 130 heures, soit 5 814,28 euros pour la période du 8 février au 29 décembre 2018, date de la rupture du contrat.

A cette somme s'ajoutent 581,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

III- sur la rupture du contrat de travail,

A- sur l'imputabilité de la rupture,

Dans le cadre de l'exception d'inexécution, il est admis que les manquements de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail peuvent justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié dès lors que ce dernier établit que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.

De ce qui précède il résulte que l'employeur a gravement manqué à ses obligations en imposant la réduction de la durée mensuelle de travail dans des conditions irrégulières à hauteur de 20% , le salaire en résultant en étant d'autant diminué.

Le fait que cette situation ait perduré pendant presque un an ne fait qu'aggraver le manquement constaté, la durée pendant laquelle la salariée a subi l'inexécution des dispositions contractuelles ne pouvant avoir aucun effet sur le fait que ce manquement est grave et qu'il justifie la rupture immédiate du contrat de travail imputable à l'employeur.

En conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point, la prise d'acte de la rupture devant avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

B- sur les sommes dues.

La salariée peut prétendre au versement de l'indemnité de préavis, aux congés payés afférents ainsi qu'à l'indemnité de licenciement.

La société Sanukiya doit être en conséquence, dans les limites des demandes, condamnée à lui verser les sommes suivantes :

-677, 90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-67, 79 euros à titre de congés payés afférents ;

-338, 95 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

En outre, en application des dispositions de l'article L 1235-3 dans sa rédaction issue de l'ordonnance N° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la société Sanukiya doit être condamnée à verser à la salariée la somme de 1350 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

IV- sur les autres demandes,

De ce qui précède, il résulte que la demande reconventionnelle de la société Sanukiya est rejetée.

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

L'employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt sans que le prononcé d'une astreinte soit à ce stade justifié.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à Mme [H] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

la Cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

DIT que la prise d'acte du 29 décembre 2018 a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Sanukiya à verser à Mme [H] les sommes de :

- 1 350 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 677, 90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 67, 79 euros à titre de congés payés afférents ;

- 338, 95 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 5 814, 28 euros à titre de rappel de salaire de février à décembre 2018 inclus ;

- 581, 42 euros à titre de congés payés afférents ;

- 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

DIT que l'employeur sera tenu de présenter à la salariée un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Sanukiya aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/10367
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;19.10367 ?
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