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13/10/2022 | FRANCE | N°19/07859

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 octobre 2022, 19/07859


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 13 OCTOBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07859 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKP7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/05381





APPELANT



Monsieur [I] [O]

Chez Mme [G] [B] - [Adresse 4

]

[Localité 3]



Représenté par Me Christophe VIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0617







INTIMÉE



SA SYSTRA

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Mickaël...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07859 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKP7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/05381

APPELANT

Monsieur [I] [O]

Chez Mme [G] [B] - [Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Christophe VIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0617

INTIMÉE

SA SYSTRA

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Mickaël VALETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2237

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 2 juin 2008, M. [I] [O] a été engagé en qualité d'agent d'études signalisation par la société Inexia aux droits de laquelle se présente aujourd'hui la société Systra, société de conseil d'ingénierie spécialisée dans le domaine des infrastructures de transport public urbain et ferroviaire.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative aux bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil dites Syntec.

Le 5 février 2016, M. [O] était affecté sur le projet de la ligne à grande vitesse (LGV) [Localité 6], en qualité d'adjoint responsable domaine signalisation énergie.

La mission initialement prévue jusqu'au 31 juillet 2017 se poursuivait jusqu'au 31 décembre suivant.

Le 7 mars 2018, le salarié était convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 16 mars suivant et le 26 mars 2018, il était licencié pour faute pour avoir utilisé son véhicules dans des conditions non conformes au règlement intérieur et à la charte d'utilisation des véhicules de l'entreprise.

Il était dispensé de l'exécution de son préavis.

Au dernier état de son emploi, la rémunération mensuelle brute était de 3 472,68 euros.

Contestant le bien fondé de la mesure prise à son encontre, M. [O] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 18 juin 2019, cette juridiction a débouté l'intéressé de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 10 juillet 2019, ce dernier a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées au greffe par voie électronique le 15 octobre 2021, il demande à la cour:

- de le dire recevable et bien fondé,

- d'infirmer le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

- de dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société Systra SA à lui verser:

- 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- de dire que les condamnations à intervenir porteront intérêt à partir de chaque échéance mensuelle avec capitalisation des intérêts selon l'article 1343-2 du code civil à partir de la date de la saisine,

- de condamner la société Systra aux entiers dépens et frais d'exécution éventuels.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 12 décembre 2019, la société demande au contraire à la cour:

- de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- de débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- de le condamner à lui verser 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2022.

Par notes en délibéré sollicitées par la cour lors de l'audience et parvenues les 19 et 29 avril 2022, les parties ont été invitées a donner toute explication sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure , aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour et aux notes précitées pour les précisions sollicitées par la cour.

MOTIFS

I- Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel,

Selon l'article 901 alinéa 1er dans sa rédaction issue du décret N° 2022-245 du 25 février 2022, la déclaration d'appel est faite par acte comportant le cas échéant une annexe contenant (...), et à peine de nullité, (...) 4° les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité , sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.'

Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 « lorsqu'un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier au format XML contenant l'acte sous forme de message de données. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. »

Il est admis que les textes réglementaires ne peuvent remettre en cause des actes régulièrement accomplis sous l'empire de textes antérieurs, mais peuvent en revanche conférer validité à des actes antérieurs pour autant qu'ils n'ont pas à la suite d'une exception de nullité été annulés par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

Il en résulte qu'antérieurement à l'arrêté du 25 février 2022 dont l'article 4 précise que 'lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document', la déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs du dispositif du jugement critiqués constitue un acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile et à celles de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 précité, peu important que la déclaration ne mentionne pas expressément l'existence d'une annexe, dès lors que la déclaration d'appel et l'annexe, qui fait corps avec elle, sont transmises en même temps au greffe de la cour.

En l'espèce, la déclaration d'appel formée le 10 juillet 2019 au nom de M. [O] portait dans la rubrique 'objet/portée de l'appel' la mention suivante: 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués' , un document intitulé 'Déclaration d'Appel complémentaire' y était joint dans lequel figuraient les mentions suivantes: ' les chefs de jugement critiqués sont les suivants:

- déboute M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- laisse les dépens à la charge de M. [O]'

et en encadré: 'signifiée par RPVA en pièce jointe à la déclaration d'appel le 10 juillet 2019".

Cette déclaration d'appel à laquelle était joint le document précité est donc conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile et opère en conséquence l'effet dévolutif permettant à la cour de statuer, sans excès de pouvoir, sur les chefs de jugement ainsi critiqués.

II- Au fond,

De l'article L 1232-1 il résulte que le licenciement pour cause personnelle doit être motivé par une cause réelle et sérieuse et en vertu de l'article L. 1235-1 du Code du Travail le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il estime utile, le doute subsistant alors devant profiter au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, n'incombe-t-elle pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il est admis que le salarié commet une faute s'il n'exécute pas normalement son contrat de travail ou n'accomplit pas normalement sa prestation de travail et que son comportement est volontaire.

Enfin, le règlement intérieur et les notes de service qui le complètent ne pouvant produire effet que si l'employeur a accompli les diligences prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail, il ne peut être reproché à un salarié un manquement aux obligations édictées par ce règlement et par une note de service si l'employeur ne justifie pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel et communiqué le règlement à l'inspecteur du travail.

La lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige fait grief à M.[O] d'avoir utilisé le 4 février 2018 le véhicule de service mis à sa disposition, (immatriculé [Immatriculation 5]) en violation de l'article 21 du règlement intérieur imposant au salarié l'utilisation du véhicule pour des motifs liés au service, et de la charte d'utilisation des véhicules aux termes de laquelle le salarié s'engage à utiliser le véhicule à des fins strictement professionnelles et en aucun cas à des fins personnelles.

Il lui est également reproché d'avoir, ce même jour, mis le véhicule à disposition d'une personne étrangère à la société dès lors que le salarié a lui même déclaré que Mme [B] conduisait le véhicule au moment où un excès de vitesse avait été relevé.

L'employeur souligne qu'à l'occasion de ce comportement fautif, une enquête a révélé que le salarié avait utilisé de manière répétée, en 2017 et 2018, le véhicule de service mis à sa disposition le week end, pendant ses congés payés et en dehors de son périmètre géographique d'action, faisant peser sur l'entreprise la consommation de gas-oil ainsi que le coût des péages résultant des ces utilisations abusives.

Cependant, alors que M. [O] conteste le respect par l'entreprise des dispositions de l'article L. 1321-4 précité, tant s'agissant du règlement intérieur que de la charte d'utilisation des véhicules, il ne résulte pas des pièces versées par la société Systra que les diligences nécessaires pour rendre opposable au salarié les dispositions du règlement intérieur et de la note afférente aient été respectées, l'employeur n'apportant aucune justification de la consultation préalable des représentants du personnel ni de la communication des documents à l'inspecteur du travail.

En outre le contrat de travail et les avenants successifs ne permettent pas de considérer que M. [O] a effectivement eu connaissance des documents litigieux.

De ce fait, le caractère volontaire des faits retenus à l'appui du licenciement ne peut être considéré comme établi, le licenciement pour faute étant en conséquence dénué de cause réelle et sérieuse.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, M. [O] était âgé de 35 ans et totalisait presque dix ans d'ancienneté dans une entreprise qui employait plus de dix salariés.

Il justifie de son admission à l'Aide au Retour à l'Emploi jusqu'au 30 septembre 2020 et d'une perte de ce fait d'environ 50 euros brut par jour indemnisé.

En considération du préjudice économique dont il est justifié, et en application de l'article L. 1235-3 dans sa rédaction issue de l'ordonnance N° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixé à 30 000 euros.

En revanche, le jugement l'ayant débouté de sa demande au titre du licenciement vexatoire doit être confirmé dès lors que la faute de l'employeur n'est pas démontrée, la réalité d'un préjudice spécifique distinct de celui né de la rupture ne l'étant pas davantage.

III- Sur le remboursement des indemnités de chômage,

Les conditions d'application de l'article L 1235 - 4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités.

IV - Sur les autres demandes,

Les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 ne constituant pas des dépens afférents à l'instance au sens de l'article 695 du code de procédure civile, seul le juge de l'exécution est compétent pour trancher un litige sur ce point, la demande formée à ce titre devant dès lors être rejetée.

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M. [O] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT que la déclaration d'appel opère effet dévolutif,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice né du caractère vexatoire du licenciement,

INFIRME le jugement pour le surplus,

et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

CONDAMNE la société Systra à verser à M. [O] les sommes de :

- 30 000 euros à titre d dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1343-2 du code civil,

ORDONNE le remboursement à l'organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

CONDAMNE la société Systra aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/07859
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;19.07859 ?
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