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06/10/2022 | FRANCE | N°20/001484

France | France, Cour d'appel de Paris, H0, 06 octobre 2022, 20/001484


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le : République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRÊT DU 06 Octobre 2022
(no 172 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00148 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB3GQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2020 par le Tribunal de proximité de VILLEJUIF RG no 11-19-001000

APPELANTE
Madame [X] [D] épouse [Z] (créancière-bailleresse)
[Adresse 7]
[Localité 14]
comparante

en personne assistée de Me Sophie BEAUFILS de l'AARPI G.B AVOCATS, avocat au barreau de PARIS (toque : E1889) substituée ...

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le : République française
Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRÊT DU 06 Octobre 2022
(no 172 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00148 - No Portalis 35L7-V-B7E-CB3GQ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Février 2020 par le Tribunal de proximité de VILLEJUIF RG no 11-19-001000

APPELANTE
Madame [X] [D] épouse [Z] (créancière-bailleresse)
[Adresse 7]
[Localité 14]
comparante en personne assistée de Me Sophie BEAUFILS de l'AARPI G.B AVOCATS, avocat au barreau de PARIS (toque : E1889) substituée par Me Florence GOMES de l'AARPI G.B AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE (toque : NAN314)

INTIMES

Madame [V] [A] (débitrice)
[Adresse 4]
[Localité 12]
comparante en personne

Maître [Y] [U]
Barreau du Val-de-Marne
[Adresse 10]
[Localité 13]
non comparante

BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (43644017219001 ; 43644017219100)
Chez NEUILLY CONTENTIEUX
[Adresse 3]
[Localité 11]
non comparante

SIP [Localité 12] (TH16 0381474990204)
[Adresse 1]
[Localité 12]
non comparante

EDF SERVICE CLIENT (001002659157)
Chez CONTENTIA
[Adresse 2]
[Localité 8]
non comparante

MENAFINANCE
CA CONSUMER FINANCE ANAP
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 9]
non comparante
[T] [P] [C]
[Adresse 6]
[Adresse 6] SUEDE
non comparante

CA CONSUMER FINANCE(22000699970)
[Adresse 15]
[Adresse 15]
[Localité 9]
non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Fabienne TROUILLER conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, présidente
Mme Fabienne TROUILLER, conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [V] [G] [A] a saisi la commission de surendettement des particuliers de Val-de-Marne qui a, le 5 mars 2019, déclaré sa demande recevable.

Estimant la situation de Mme [A] irrémédiablement compromise, la commission a imposé le 26 mars 2019 un rétablissement personnel sans liquidation.

Mme [X] [D] épouse [I], bailleresse, a contesté cette décision, rappelant que Mme [A] avait bénéficié d'une allocation pour le logement jamais reversée.

Par jugement réputé contradictoire en date du 26 février 2020, le tribunal de proximité de Villejuif a dit recevable le recours, l'a rejeté et a constaté la situation irrémédiablement compromise de Mme [A] et prononcé son rétablissement personnel sans liquidation.

La juridiction a souligné que Mme [A], âgée de 48 ans, était séparée avec deux enfants à charge et que la présomption de bonne foi devait s'appliquer.

Elle a relevé que le passif de Mme [A] s'élevait à la somme de 45 449,69 euros, sous réserve des versements effectués, que ses ressources s'élevaient à la somme de 2 689 euros et ses charges à 2 578 euros. Il a estimé qu'une capacité de remboursement de 111 euros était incompatible avec le remboursement d'un passif de plus de 45 000 euros sur 84 mois et qu'il n'existait aucune perspective raisonnable d'évolution favorable à court terme.

Le jugement a été notifié à Mme [I] le 2 mars 2020.

Par déclaration enregistrée le 12 mars 2020 au greffe de la cour d'appel Paris, Mme [I] a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 septembre 2022.

À cette audience, Mme [I] est assistée par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé l'infirmation du jugement et le renvoi du dossier à la commission de surendettement pour mise en place d'un plan de remboursement de la dette locative.

Elle fait valoir qu'elle a logé la débitrice à compter du 24 janvier 2012 jusqu'au 26 octobre 2020, que les impayés ont débuté en novembre 2016, qu'un jugement du 19 décembre 2017 a condamné Mme [A] au paiement de l'arriéré locatif avec acquisition de la clause résolutoire et expulsion, que sa créance locative s'élève à la somme de 15 995,30 euros, arrêtée au 18 février 2022 après déduction de la caution et de l'aide départementale.

Elle souligne qu'elle a acheté cet appartement à crédit, qu'elle doit rembourser une somme de 1 523,71 euros par mois jusqu'au 5 janvier 2027, outre les charges de copropriété, soit 164 euros par mois. Elle ajoute avoir un enfant étudiant à charge et un mari atteint d'une maladie grave et qu'un effacement de sa créance aurait des conséquences d'une particulière gravité.

Elle estime que Mme [A] n'est pas dans une situation irrémédiablement compromise et que le premier juge avait constaté l'existence d'une capacité de remboursement.

Elle précise que Mme [A], qui est professeur d'anglais et âgée de 50 ans, lui avait proposé de lui rembourser 400 euros par mois et qu'il n'est pas admissible qu'elle ne travaille que dix heures par mois. Elle rappelle qu'elle perçoit une pension alimentaire de 1 000 euros.

Mme [A] a comparu en personne et réclamé la confirmation du jugement.

Elle rappelle qu'elle vit seule avec ses deux enfants de 14 et 15 ans, que son père est décédé le [Date décès 5] et qu'elle cherche un autre travail. Elle souligne que son salaire n'est pas fixe (entre 500 et 900 euros par mois), qu'elle donne également des cours de coaching, qu'elle a beaucoup de charges qui l'empêchent de rembourser plus. Elle ajoute qu'elle perçoit 1 049 euros de pension alimentaire et propose, à défaut, de rembourser 100 euros par mois.

Elle explique que son contrat de travail est à durée indéterminée mais intermittent et qu'elle doit rester disponible pour la société qui l'emploie et qui a été rachetée.

Aucun autre créancier n'a comparu.

Par courrier adressé au greffe le 25 mai 2022, le SIP de [Localité 16] a indiqué que Mme [A] n'était redevable d'aucune somme.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il doit être rappelé que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les créanciers non comparants.

La bonne foi de la débitrice n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point.

En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours.

Sur l'existence d'une situation irrémédiablement compromise

En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

Aux termes des articles R.731-1 à R.731-3, « pour l'application des articles susvisés, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues à l'article L.731-1 à L.731-3, par référence au barème prévu à l'article R.3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L.262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur.
La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L.731-2.
Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème.
Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ».

En application de ces textes, il incombe au juge de se référer aux éléments objectifs qui lui sont soumis, c'est-à-dire le rapport entre le montant des dettes et les revenus disponibles ou ceux prévisibles et de déterminer la part des revenus que le débiteur peut affecter au paiement de ses dettes au regard des éléments dont il dispose, en prenant en compte l'évolution prévisible des revenus du débiteur.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la situation n'est pas irrémédiablement compromise dès lors qu'elle est susceptible d'évoluer, du fait de l'âge du débiteur, de sa qualification et de sa situation personnelle.

Aux termes de l'article L.711-6 du code de la consommation, dans les procédures ouvertes en application du présent livre, les créances des bailleurs sont réglées prioritairement aux créances des établissements de crédit et des sociétés de financement et aux crédits mentionnés au chapitre II du titre Ier du livre III.

La cour doit prendre en considération la situation du débiteur à la date à laquelle elle statue et déterminer la part des revenus que les débiteurs peuvent affecter au paiement de leurs dettes, en prenant en compte l'évolution prévisible de ses revenus.

Pour juger sa situation irrémédiablement compromise, le premier juge a notamment considéré que « la part des ressources de la débitrice nécessaires aux dépenses de la vie courante serait de 111 euros, ce qui est incompatible avec un remboursement d'un passif de plus de 45 000 euros sur 84 mois et qu'il lui faudrait près de 409 mois pour rembourser ses créanciers, durée excessive au regard des perspectives d'évolution de ses ressources et de ses charges compte tenu de son âge et de sa situation familiale ». Il en a déduit que sa « capacité réelle de remboursement était nulle puisqu'il n'existe aucune perspective raisonnable d'évolution favorable à court terme ».

Ces motifs, qui procèdent d'une présomption erronée et d'un déni sur l'existence d'une capacité de remboursement et d'une évolution, ne sauraient être confirmés. Le seul fait que Mme [A] ait déménagé, et donc diminué de plus de la moitié ses charges de loyers à compter du 15 octobre 2020, démontre que sa situation est encore évolutive et qu'une évolution favorable est possible. Mme [A] a indiqué en outre qu'elle recherchait un autre travail. De surcroît, elle dispose d'une marge de manoeuvre concernant ses heures de travail, puisqu'il est patent que limiter ses heures de travail à 10 heures par mois, alors que ses deux enfants sont scolarisés, pourrait être interprété comme un refus de rembourser ses créanciers et constitutif d'un comportement de mauvaise foi. Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

À cet égard, il convient de souligner que si le montant du passif reste élevé par rapport aux revenus de Mme [A], la situation de la créancière bailleresse doit être distinguée de celle des établissements bancaires institutionnels, dont l'équilibre financier n'est pas menacé par ce dossier.

Au contraire, les revenus déclarés à l'audience (1 669 euros) permettent d'envisager une capacité de remboursement à l'égard de Mme [Z] dès lors que les charges sont déclarées à hauteur de 1 300 euros. Si Mme [A] produit une attestation de paiement de la CAF d'un montant de 238 euros en mai 2022, celle d'août 2022 mentionne une revalorisation puisqu'elle s'élève à 3 235,36 euros. Cette imprécision ne permet pas à la cour, au jour où elle statue, de déterminer le montant exact des ressources dont dispose Mme [A] et donc le montant de sa capacité de remboursement, qu'elle a proposé de fixer à 100 euros.

Dès lors, au regard de l'âge de la débitrice, de l'absence de démonstration de toute incapacité de travailler et de ses expériences professionnelles, il est évident que sa situation, certes encore délicate, n'est nullement irrémédiablement compromise.

Dans ces circonstances, la cour ne dispose pas des justificatifs nécessaires pour évaluer précisément la capacité de remboursement de Mme [A] dont la situation est en voie de régularisation.

Dès lors il convient de renvoyer l'affaire devant la commission afin qu'elle détermine la capacité de remboursement de la débitrice.

Chaque partie supportera les éventuels dépens d'appel qu'elle a exposés.

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoireen dernier ressort par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours ;

Statuant de nouveau,

Dit que Mme [V] [G] [A] ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise ;

Renvoie le dossier à la commission de surendettement du Val-de-Marne pour élaboration d'un plan de remboursement concernant la créance de Mme [X] [D] épouse [I] ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : H0
Numéro d'arrêt : 20/001484
Date de la décision : 06/10/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-10-06;20.001484 ?
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