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04/10/2022 | FRANCE | N°20/16838

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 04 octobre 2022, 20/16838


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 04 OCTOBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16838 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCV4C



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 16/07091



APPELANT



LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PRO

CUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté à l'audience par Mme M.-D. PERRIN, substitut général





INTIMEE



Madame [M] [T] née le 8 févri...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 04 OCTOBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16838 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCV4C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 16/07091

APPELANT

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Mme M.-D. PERRIN, substitut général

INTIMEE

Madame [M] [T] née le 8 février 1976 à [Localité 4] (Inde),

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4] INDE

assignée le 31 décembre 2020 à l'étranger

non comparante

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er juillet 2022, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

                          

Vu le jugement rendu le 19 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a déclaré l'action régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la désuétude, jugé que Mme [M] [T], née le 8 février 1976 à [Localité 4] (Inde), est française, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil, rejeté le surplus des demandes et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'appel formé le 23 novembre 2020 et les conclusions remises le 22 février 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé de l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, infirmer le jugement de première instance, statuant à nouveau, à titre principal dire que Mme [M] [T], se disant née le 8 février 1976 à [Localité 4] (Inde), n'est pas française, à titre subsidiaire, la débouter de ses demandes et juger qu'elle a perdu la nationalité française le 17 août 2012, constater son extranéité et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'absence de conclusions de la part de Mme [M] [T], qui n'a pas constitué avocat ;

Vu l'ordonnance de clôture du 11 mai 2022 ;

MOTIFS :

Il n'est pas établi que Mme [M] [T] a reçu les actes de procédure à sa personne et dès lors qu'elle n'a pas constitué avocat devant la cour, il est statué par défaut.

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile, dans sa version applicable en l'espèce, par la production du récépissé délivré le 19 février 2021 par le ministère de la Justice.

Mme [M] [T], se disant née le 8 février 1976 à [Localité 4] (Inde), a saisi le tribunal en faisant valoir qu'elle est de nationalité française par filiation maternelle, sa mère [D] [T] s'étant mariée le 31 janvier 1962 avec [F] [T], de nationalité française, et étant ainsi devenue française par mariage. L'intéressée a notamment soutenu devant le premier juge que sa mère, née le 28 janvier 1936 au Tamil Nadu, en dehors des Etablissements français de l'Inde, n'a pas été saisie par les dispositions du traité franco-indien de cession à l'Union indienne des Etablissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon, entré en vigueur le 16 août 1962, et aurait donc conservé la nationalité française lors de la rétrocession de ces Etablissements.

Le tribunal a retenu que les conditions pour l'établissement de la nationalité française de l'intéressée étaient réunies et l'a jugée française, après avoir écarté le moyen du ministère public visant à faire constater à son encontre la perte de la nationalité française par désuétude en application des articles 30-3 et 23-6 du code civil.

Le ministère public a formé appel contre cette décision.

Devant la cour, en application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à Mme [M] [T], qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve qu'elle réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française. Néanmoins, Mme [M] [T] n'a pas constitué avocat et n'a donc pas conclu, de sorte qu'elle est réputée s'approprier les motifs du jugement, en application du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile.

Le ministère public soulève à titre subsidiaire, à l'égard de l'intéressée, la désuétude prévue à l'article 30-3 du code civil aux termes duquel « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français ».

Dès lors qu'il ne suppose pas que la nationalité de l'intéressée soit établie préalablement mais seulement qu'elle soit revendiquée par filiation, la désuétude doit cependant être examinée à titre principal. En effet, cet article empêche l'intéressée, si les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation.

L'application de l'article 30-3 du code civil est subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

La résidence habituelle à l'étranger s'entend d'une résidence hors du territoire national.

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

En l'espèce, il y a lieu de relever que les Établissements français de l'Inde sont devenus territoire étranger depuis le traité franco-indien du 28 mai 1956, entré en vigueur le 16 août 1962.

Le premier juge a notamment retenu que la désuétude prévue par l'article 30-3 du code civil n'est pas opposable à l'intéressée en l'absence de survie pendant plus de cinquante ans après l'indépendance des Etablissements français de l'Inde du parent susceptible de transmettre la nationalité française par filiation, l'intéressée ayant rapporté la preuve que le décès de sa mère [D] [T] est intervenu le 23 décembre 2002, soit quasiment dix ans avant l'écoulement de la période cinquantenaire, par la production de l'acte de décès de cette dernière.

Toutefois, le ministère public conteste devant la cour la force probante de cet acte de décès.

Il produit à cette fin les deux certificats, versés aux débats en première instance par l'intéressé, de décès établis respectivement le 26 octobre 2015 et le 9 mars 2017 sur la base de « renseignements pris sur le document original de décès » (pièces n°16 et n°17) et soutient que les apostilles apposées sur ces actes ne sont pas conformes aux exigences posées par la Convention de la Haye du 5 octobre 1961.

Aux termes des articles 3 à 5 de la Convention, l'apostille permet d'attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou du timbre dont cet acte est revêtu. Elle doit être conforme au modèle annexé à la convention.

Par ailleurs, si le « Manuel Apostille » auquel se réfèrent les premiers juges, édité par le bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé prévoit, dans son paragraphe 217, que lorsqu'une 'autorité compétente' désignée pour l'apostille dans un Etat donné ne peut vérifier l'origine de tous les actes publics, cette autorité 'peut estimer opportun de prendre des dispositions pour qu'une autorité intermédiaire vérifie et certifie l'origine de certains actes publics, avant d'émettre elle-même une apostille pour la certification de cette autorité intermédiaire', ce Manuel rappelle également qu'il est 'indispensable que l'Autorité compétente s'assure de l'origine de l'acte pour lequel elle émet une Apostille', la certification des trois points suivants étant exigée :

- l'authenticité de la signature figurant sur l'acte public sous-jacent (le cas échéant),

- la qualité du signataire de l'acte,

- l'identité du sceau ou timbre dont est revêtu l'acte (le cas échéant).

Les paragraphes 15 et 16 du même manuel indiquent en outre que les procédures constituées de plusieurs niveaux d'authentification sont contraignantes et 'peuvent entraîner une confusion quant à l'acte auquel l'Apostille se rapporte' et que si 'la procédure en plusieurs étapes n'est pas nécessairement contraire à la Convention Apostille, elle fait perdurer certains des aspects de la chaîne de légalisation que la Convention Apostille était censée supprimer'.

Ainsi, ces recommandations, qui n'excluent pas l'intervention d'une autorité intermédiaire, ne sauraient justifier l'amoindrissement, voire la suppression de tout ou partie des contrôles exigés par la Convention quant à l'origine de l'acte.

Or, force est de constater qu'en l'espèce, comme le souligne le ministère public, les apostilles figurant respectivement sur les deux certificats de décès ne satisfont pas aux exigences de la Convention.

En effet, ces certificats ne comportent pas l'indication des nom et prénom de l'officier d'état civil qui les a établis, mais seulement la signature illisible de celui-ci et l'indication de sa qualité (respectivement, « officier d'état civil adjoint n°1 » pour la pièce n°16 et « officier d'état civil adjoint » pour la pièce n°17).

En outre, si au verso de ces documents se trouve la mention « verified and authenticated » accompagnée du cachet humide d'une autorité intermédiaire identifiée comme « under secretary to government public (foreigners) department government of Tamilnadu », ni les nom et prénom de cet « under secretary » ni l'objet de son authentification ne sont précisés.

Enfin, les apostilles apposées au-dessus de ces cachets se bornent à certifier la présence de la signature de l'« under secretary », autorité intermédiaire, mais omettent à leur tour d'indiquer les nom et prénom de ce dernier et ne font aucunement mention de l'officier d'état civil qui a dressé le certificat concerné.

Il en résulte que les noms et prénoms des officiers d'état civil ayant respectivement établi les deux certificats de décès susmentionnés ne sont authentifiés ni directement dans le carré d'apostille ni indirectement par le biais d'une autorité intermédiaire dont les prénoms, nom et signature seraient authentifiés par l'apostille.

Les apostilles apposées sur les certificats ne sont donc pas conformes au modèle annexé à la Convention de la Haye, lequel consacre une ligne spécifique à la mention de l'identité du signataire de l'acte, distincte de celle qui indique la qualité de ce dernier.

En conséquence ces certificats, qui contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ne sont pas régulièrement apostillés, n'ont pas de force probante en France.

La preuve n'est donc pas rapportée du fait que [D] [T], dont l'intéressée tiendrait sa nationalité française par filiation, est décédée antérieurement au 16 août 2012.

Or, aucun élément ne permet de justifier, pour [D] [T], d'une possession d'état de Française pendant le délai d'un demi-siècle visé par l'article 30-3 du code civil, celle-ci ayant en outre, comme l'a relevé le tribunal, toujours résidé en Inde.

Il en va de même pour l'intéressée.

Les conditions prévues par l'article 30-3 du code civil sont donc réunies.

En conséquence, Mme [M] [T] n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française.

Elle est réputée avoir perdu cette nationalité le 17 août 2012.

Les dépens seront supportés par Mme [M] [T], qui succombe en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau :

Dit que Mme [M] [T], se disant née le 8 février 1976 à [Localité 4] (Inde), n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française,

Dit que Mme [M] [T], se disant née le 8 février 1976 à [Localité 4] (Inde), est réputée avoir perdu la nationalité française le 17 août 2012,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [M] [T] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/16838
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;20.16838 ?
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