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04/10/2022 | FRANCE | N°20/15964

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 04 octobre 2022, 20/15964


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 04 OCTOBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15964 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTGH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 octobre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 17/08940





APPELANT



MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE

PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

34 quai des Orfèvres

75055 PARIS



représenté à l'audience par Mme M.-D. PERRIN, substitut général





INTIME



Monsieur [Z] [I] né le 20...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 04 OCTOBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15964 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTGH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 octobre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 17/08940

APPELANT

MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

34 quai des Orfèvres

75055 PARIS

représenté à l'audience par Mme M.-D. PERRIN, substitut général

INTIME

Monsieur [Z] [I] né le 20 février 1998 à [Localité 2], au Mali,

Commune de Sony

MALI

représenté par Me Zaïra MATIATOU substituant Me Laurence ROQUES de l'AARPI R2 LIBERTES AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 344

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 juin 2022, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 22 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit que l'action était régulière au regard de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé que M. [Z] [I], né le 20 février 1998 à [Localité 2], au Mali, est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens et débouté M. [Z] [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la déclaration d'appel en date du 5 novembre 2020 et les conclusions notifiées le 28 janvier 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. [Z] [I] est français en vertu des dispositions de l'article 18 du code civil comme né d'un père français, ordonné la mention prévue par l'article 18 du code civil et à chaque partie la charge de ses propres dépens, statuant à nouveau, de dire que M. [Z] [I], se disant né le 20 février 1998 à [Localité 2], n'est pas français, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de le condamner aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 avril 2021 par M. [Z] [I] qui demande à la cour de prononcer la caducité de l'appel, subsidiairement de confirmer le jugement, dire qu'il est français en vertu des dispositions de l'article 18 du code civil comme né d'un père français, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner l'État à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 11 mai 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 25 janvier 2022 par le ministère de la Justice. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

M. [Z] [I], se disant né le 20 février 1998 à [Localité 2] (Mali), prétend qu'il est français par filiation paternelle, pour être né de [W] [I], français pour être né le 18 mars 1978 à Bamako (Mali) de [U] [I], né en 1942 à Sobokou (ancien Soudan français). Ce dernier aurait conservé la nationalité française après le 20 juin 1960 pour avoir souscrit une déclaration de nationalité française le 19 septembre 1968 sur le fondement de l'article 152 de la loi du 28 juillet 1960, enregistrée le 19 novembre 1968 sous le numéro 08273/68.

L'intéressé s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis à l'étranger le 5 mai 2015 (décision n°5124/2015, pièce n°1 de l'intimé).

Ainsi, n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il lui appartient en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

Les certificats de nationalité délivrés à son père et son grand-père revendiqués, respectivement en 2006 et en 1968 (pièces n°11 et n°18 de l'intéressé), n'ont pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur lui.

Conformément à l'article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »

Nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article.

Il incombe donc à M. [Z] [I] d'apporter la preuve de son état civil au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil.

Le tribunal a retenu que l'état civil de M. [Z] [I] est certain dès lors que son acte de naissance dressé au Mali a été transcrit dans les registres français de l'état civil.

Toutefois, la circonstance que l'acte de naissance étranger a été transcrit par le consul général de France à Bamako n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes. En effet, la transcription de celui-ci sur les registres de l'état civil français, simple mesure de publicité, n'a pas pour effet de le purger des vices dont il est atteint, la valeur probante de cette transcription étant subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel elle a été effectuée.

Le juge est ainsi tenu de vérifier la force probante, au regard des dispositions de l'article 47 du code civil, de l'acte de naissance étranger de l'intéressé.

En outre, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'article 98-4 du code civil, étant inapplicable à l'espèce, aucune disposition ne fait obligation au ministère public d'agir devant le tribunal judiciaire de Nantes en nullité de l'acte transcrit par l'officier d'état civil consulaire, préalablement à la contestation de l'acte d'état civil étranger sur la base duquel l'acte de l'état civil consulaire français a été dressé, le vice dont est affecté l'acte étranger d'origine privant l'acte d'état civil consulaire français de sa valeur probante.

En l'espèce, comme le relève à juste titre le ministère public, si l'intéressé verse aux débats une copie délivrée le 27 juin 2014 de son acte de naissance transcrit par le consul général de France à Bamako sur les registres du service central de l'état civil de [Localité 1] (sa pièce n°5), sur production d'une copie de l'acte malien original n°59/AO7, il ne communique aucune copie dudit acte malien.

Le ministère public, en revanche, produit notamment sous la forme de photocopies certaines des pièces dont il affirme qu'elles ont fondé la transcription consulaire, dont le volet n°3 de l'acte de naissance n°59/AO7 (sa pièce n°7) et une copie intégrale du même acte délivrée le 18 novembre 2013 (pièce n°5).

Or, ledit volet n°3, la copie intégrale de l'acte n°59/AO7, ainsi que la copie de l'acte transcrit à Nantes produite par l'intéressé, mentionnent un jugement supplétif d'acte de naissance n°572 rendu par le tribunal civil de Kayes en mars 2007.

Lorsqu'un acte d'état civil assure la publicité d'une décision de justice, il devient indissociable de celle-ci, dont l'opposabilité en France reste subordonnée à sa régularité internationale. Ainsi, toute mention figurant dans l'acte d'état civil en exécution d'une décision de justice étrangère ne peut faire foi au sens de l'article 47 du code civil qu'à la condition que cette décision soit produite et remplisse les conditions pour sa régularité internationale.

En outre, comme le relève à juste titre le ministère public, aux termes de l'article 36 points a) et c) de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962, la partie à l'instance qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou qui en demande l'exequatur doit produire une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité, accompagnée d'un certificat du greffier constatant qu'il n'existe contre la décision ni opposition, ni appel.

A cet égard, contrairement à ce qu'affirme l'intimé, l'article 24 de cette convention se borne à prévoir une simple dispense de légalisation au bénéfice des expéditions d'actes judiciaires provenant des États contractants, l'intéressé restant tenu de produire les documents mentionnés par l'article 36 du même texte.

Or, en l'espèce, l'intimé ne produit ni une expédition du jugement supplétif d'acte de naissance n°572, ni le certificat de non appel y afférent.

Le ministère public verse en pièce n°1 l'extrait conforme dudit jugement délivré le 18 octobre 2012, qui selon ses affirmations a été produit devant les autorités consulaires aux fins de la transcription de l'acte de naissance de l'intéressé sur les registres de l'état civil français.

Ce simple extrait n'est pas de nature à justifier de la teneur exacte de la décision rendue.

Il s'ensuit que l'intéressé ne saurait faire valoir l'autorité de cette décision sur le territoire français conformément à l'article 36 susmentionné.

De surcroît, une discordance portant sur la mention substantielle de la date du jugement n°572 est observable entre d'une part l'extrait de cette décision versé par le ministère public en pièce n°1, et d'autre part la copie intégrale de l'acte n°59/AO7 ainsi que le volet n°3 de l'acte (pièces n°5 et n°7 du ministère public). En effet, si le premier indique que la décision a été rendue le 7 mars 2007, les secondes mentionnent comme date du jugement le 13 mars 2007.

Au vu de ces constatations, l'acte n°59/AO7 est dépourvu de toute force probante au sens de l'article 47 du code civil.

A défaut de rapporter la preuve d'un état civil certain, l'intéressé ne saurait prétendre à la nationalité française à quelque titre que ce soit.

Il convient donc de constater son extranéité. Le jugement est infirmé.

M. [Z] [I], qui succombe à l'instance, est condamné aux dépens.

La demande de ce dernier au titre de l'article 699 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Dit que la déclaration d'appel n'est pas caduque,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Juge que M. [Z] [I], se disant né le 20 février 1998 à [Localité 2], n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Rejette la demande de M. [Z] [I] au titre de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] [I] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/15964
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;20.15964 ?
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