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29/09/2022 | FRANCE | N°19/06776

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 29 septembre 2022, 19/06776


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06776 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADXP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 16/02110



APPELANT



Monsieur [W] [T]

[Adresse 3]

[Localité 4]
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Représenté par Me Antonio ALONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074





INTIMÉE



Me [Y] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de SAS IOC PRINT

[Adresse 2]

[Locali...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06776 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CADXP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 16/02110

APPELANT

Monsieur [W] [T]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Antonio ALONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074

INTIMÉE

Me [Y] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de SAS IOC PRINT

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Stéphanie WIMART, avocat au barreau de PARIS, toque : E1254

PARTIE INTERVENANTE

ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 5]

N'ayant pas constitué avocat, assignée à personne morale le 1er mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [T] a été engagé le 19 octobre 2015 en qualité de directeur des ventes par la société IOC Print (la société) exerçant sous l'enseigne 'Print and Display', spécialisée dans l'impression grand format et la production d'affiches.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle relative aux imprimeries de labeur et industries graphiques.

Par lettre remise le 15 janvier 2016, l'employeur notifiait au salarié la rupture de sa période d'essai.

Contestant le bien fondé de la mesure prise à son encontre, l'intéressé a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 23 juin 2016 pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 25 avril 2019, notifié aux parties par lettres du 9 mai 2019, cette juridiction a débouté M [T] de l'intégralité de ses demandes, condamné ce dernier à verser à la société 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile , rejeté les demandes de la société IOC Print et condamné M. [T] aux dépens.

Par déclaration du 29 mai 2019, celui-ci a interjeté appel.

Le 13 janvier 2021, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigné Maître [U] en qualité de liquidateur judiciaire.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 25 février 2022, l'appelant demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris par le conseil de prud'hommes de Créteil du 25 avril sauf en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société IOC Print,

- statuant à nouveau, de fixer au passif de la société IOC Print les sommes de :

-22 666,66 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d'essai

-6 666,66 euros bruts au titre de rappel de prime d'objectifs

-666,66 euros au titre des congés payés afférents

-6 666,66 euros nets de toute cotisation à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'obtenir la totalité de prime d'objectifs annuelle

-3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

-d'ordonner la remise des bulletins de paie conformes à la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

Y ajoutant

-de fixer au passif de la société IOC Print la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- de fixer au passif de la société IOC Print les entiers dépens et ce compris les frais liés à l'intervention forcée des AGS,

- de dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable au liquidateur de la société IOC Print, Maître [U] ès qualités,

-de dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable à l'UNEDIC AGS Île-de-France Est.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 2 juin 2022, Me [U] ès qualités demande au contraire à la Cour :

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil en date du 25 avril 2019.

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Créteil en date du 25 avril 2019 en ce qu'il a constaté l'absence d'abus du droit de rompre la période d'essai de M. [T].

En conséquence,

- de débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

- d'infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau

- de condamner M. [T] à verser

- 5 000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1240 du Code civil (ancien article 1382).

-3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- de condamner M. [T] aux entiers dépens.

En tout état de cause,

- de déclarer l'arrêt opposable à l'AGS Île-De-France

Le 1er mars 2022, M. [T] a assigné l'AGS en intervention forcée.

Par courrier du 8 mars 2022, l'AGS a indiqué qu'elle ne serait ni présente ni représentée à l'audience.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 21 juin 2022 pour y être examinée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- sur les primes d'objectif,

Il est admis qu'une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération du salarié dès lors qu'elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur, ne fait pas porter le risque d'entreprise sur le salarié et n'a pas pour effet de réduire la rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels.

Lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail qui renvoie à un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge, en cas de litige, de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et, à défaut, des éléments de la cause.

L'offre d'emploi que le salarié verse aux débats fait expressément référence à une rémunération annuelle de '70KFbrut' et la promesse d'embauche du 4 août 2015, signée des deux parties précise aussi : ' Votre rémunération brute mensuelle sera de 4000 euros, soit 52 000 euros brut annuel (...) Cette rémunération fixe sera complétée par une partie variable équivalente à un maximum de 20 000 euros brut sur une base annuelle pour l'année 2016. Les modalités de calcul et de paiement de cette partie variable seront précisées par un avenant à votre contrat de travail qui sera établi'.

L'article 6 du contrat de travail, intitulé 'rémunération' reprend les termes de la promesse précitée et stipule qu'en 'rémunération de l'accomplissement de ses fonctions, M. [T] percevra une rémunération fixe mensuelle brute de 4000 euros, soit 52 000 euros brut (...)

A cette rémunération s'ajoutera le versement d'une prime sur objectifs. Cette rémunération variable sera d'un montant brut maximum de 20 000 euros pour l'année 2016.

Le 31 janvier 2016, au plus tard, un avenant au présent contrat viendra préciser les objectifs annuels pour l'année 2016. Cet avenant fixera les conditions de réalisation ainsi que les modalités de calcul et la périodicité de règlement des primes liées à la réalisation de ces objectifs.

En début de chaque année, les objectifs annuels seront révisés en fonction de l'évolution des prix ou du marché. La société en informera M. [T] par écrit et le 31 janvier de chaque année civile au plus tard, les nouveaux objectifs seront validés et signés. Un entretien sera organisé pour expliciter ces objectifs'.

Le contrat, qui en application de l'article 1103 du code civil tient lieu de loi à ceux qui l'ont fait, est clair et ne nécessite pas d'interprétation s'agissant de l'ajout à la rémunération fixe de 52 000 euros annuel d'une prime sur objectifs.

M. [T] pouvait donc prétendre à cette rémunération variable dès sa prise de fonction le 19 octobre 2015, puisque c'est par une phrase distincte, qui ne concerne pas le principe mais seulement le montant de la somme due au titre de la rémunération variable, qu'il a été stipulé que ' Cette rémunération variable sera d'un montant brut maximum de 20 000 euros pour l'année 2016'.

S'agissant de l'année 2016, dès lors qu'il appartient à l'employeur, indépendamment de tout avenant, de fixer les objectifs au salarié sur lesquels il se fonde pour calculer la rémunération variable, il importe peu qu'aucun avenant n'ait été régularisé avant le 31 janvier 2016, la rémunération variable demeurant due.

Aucun accord entre l'employeur et le salarié sur les modalités de calcul de la prime n'est intervenu, et l'employeur ne démontre pas avoir fixé les objectifs auxquels il rattachait le versement de cette dernière.

Dans ces conditions, et en référence au seul élément de la cause résultant du maximum de 20 000 euros fixé pour l'année 2016, soit 1 666,66 euros par mois, il convient de faire droit à la demande formée à hauteur de 6 666,66 euros, outre 666,66 euros au titre des congés payés afférents. 

Le jugement doit donc être infirmé de ce chef.

II- sur la rupture de la période d'essai,

Selon l'article L. 1221-19 du code du travail , le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont l'article L 1221-20 précise qu'elle permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Il est admis que même si l'interruption par l'employeur d'une telle période n'a pas à être motivée, les circonstances de la rupture peuvent révéler une attitude fautive de ce dernier, la rupture pour un motif non inhérent à la personne du salarié étant considérée comme abusive.

En l'espèce, les échanges de courriers électroniques antérieurs à la décision prise par la société, en particulier ceux du 22 décembre 2015, entre le directeur général M. L., et le salarié, tels que versés aux débats en pièce N° 14 du salarié, dans leur chronologie reconstituée sur la base de leurs dates et heures d'envoi, démontrent que l'employeur exprimait dès cette période, des réserves sur la façon dont les tâches étaient accomplies, en particulier relativement à la prise en compte de la situation spécifique de quatre salariés subordonnés de M. [T] et sur le sort desquels l'employeur avait précédemment attiré son attention.

Pour autant, et alors que le salarié évoque la suppression de son poste comme motif réel de la rupture de sa période d'essai, M. [U] ès qualités ne met pas la cour en mesure de constater que la pérennité du poste en cause a subsisté au delà de la rupture de la période d'essai, l'absence de tout recrutement d'un directeur commercial pour le remplacer étant expressément admise.

Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la rupture de la période d'essai tient à un motif inhérent à la personne du salarié.

En réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la rupture abusive de la période d'essai, M. [T] sollicite une indemnité équivalente à quatre mois de salaire sans justifier de sa situation professionnelle au delà du 20 juin 2016, date jusqu'à laquelle il a été admis au bénéfice de l'aide au Retour à l'Emploi.

Au regard du préjudice démontré, il y a lieu de lui allouer la somme de 4 500 euros à titre de dommages-intérêts.

III- sur le préjudice né de la perte de chance de percevoir des primes d'objectif,

La perte de chance implique une incertitude sur l'orientation future d'une alternative ouverte dont la disparition actuelle présente le caractère certain à la mesure de la probabilité du choix ou de l'événement souhaitable ou souhaité.

Si une perte de chance même minime est indemnisable, conformément au droit commun, il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'existence de son préjudice.

En l'espèce, le salarié allègue une perte de chance de percevoir la prime d'objectif attachée à son activité de 2016.

Cependant il ne justifie pas du caractère certain de la perte de chance qu'il allègue.

Le jugement ayant rejeté la demande formée doit donc être confirmé.

IV- sur la demande reconventionnelle,

De ce qui précède il résulte que le caractère abusif de l'action de M. [T] ne peut être caractérisé.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée de ce chef par M. [U] ès qualités.

V- sur les autres demandes,

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA IDF Est dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail.

M. [U] ès qualités sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation, jusqu'à la décision ouvrant la procédure collective qui suspend le cours des intérêts.

En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M. [T] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par M. [T] à titre :

- de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai,

- de rappel de prime d'objectif et congés payés afférents,

- de frais irrépétibles,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

FIXE la créance de M. [T] au passif de la procédure collective de la société IOC Print aux sommes de:

- 6 666,66 euros à titre de rappel sur prime d'objectif pour la période courant du 19 octobre 2015 au 15 février 2016,

- 666,66 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture ausive de la période d'essai,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

DIT que M. [U] ès qualités sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif, dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF Est dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE M. [U] en qualité de liquidateur judiciaire de la société IOC Print aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/06776
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.06776 ?
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