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28/09/2022 | FRANCE | N°17/22379

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 28 septembre 2022, 17/22379


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022



(n° 2022/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22379 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4TBS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/06655







APPELANTE



Madame [Z] [P] [N]

née le 05 Mai

1945 à [Localité 14] (67)

[Adresse 5]



représentée par Me Danielle MARSEAULT DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099







INTIMES



Madame [L] [I] épouse [A]

née le 23 J...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022

(n° 2022/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22379 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4TBS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/06655

APPELANTE

Madame [Z] [P] [N]

née le 05 Mai 1945 à [Localité 14] (67)

[Adresse 5]

représentée par Me Danielle MARSEAULT DESCOINS, avocat au barreau de PARIS, toque : R099

INTIMES

Madame [L] [I] épouse [A]

née le 23 Juillet 1959 à [Localité 14] (67)

[Adresse 7]

Madame [R] [I] divorcée [T]

née le 24 Mars 1962 à [Localité 14] (67)

[Adresse 3]

Monsieur [K] [I]

né le 11 Décembre 1964 à [Localité 14] (67)

[Adresse 6]

représentés par Me Alain STIBBE de l'AARPI DGS-GRYNWAJC-STIBBE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0211

Madame [J] [I] épouse [U]

[Adresse 1]

assignée selon procès-verbal de recherches infructueuses par acte d'huissier du 06.02.2018

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUEs, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[E] [H]-[N] [I] veuve en premières noces d'[W] [N] et veuve en secondes noces de [S] [I] est décédée le 21 novembre 2008 à [Localité 12], laissant pour lui succéder :

-[Z] [N], née de sa première union,

-[R] [I]

-[J] [I],

-[L] [I],

-[K] [I],

nés de sa seconde union.

Par testament authentique du 9 août 1972 reçu par Me [Y], notaire à [Localité 14], [E] [H] veuve [I] a institué les quatre enfants issus de son union avec [S] [I], légataires universels.

Par acte authentique reçu le 20 novembre 1988 par Me [X], notaire à [Localité 9], [E] [H] veuve [I] a fait donation de la nue propriété de la moitié indivise d'un bien immobilier sis à [Adresse 2], ainsi que des bâtiments annexes au quatre enfants issus de sa seconde union, soit 1/8e pour chacun d'eux.

Par actes d'huissier des 4 et 15 avril 2014 Mme [Z] [N] a assigné Mme [J] [I], Mme [L] [I], Mme [R] [I] et M. [K] [I] aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation partage et le rapport à la succession de dons manuels.

Par jugement du 9 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a statué dans les termes suivants :

-ordonne l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [E] [H] veuve [I],

-désigne le Président de la chambre interdépartementale des notaires de [Localité 11] pour procéder à ces opérations, avec faculté de déléguer tout membre de sa Compagnie à cet effet,

-dit que les parties devront communiquer au greffe du tribunal (2ème chambre) le nom du notaire commis par la chambre des notaires,

-rappelle que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

-rappelle que le notaire peut, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, s'adjoindre un expert, choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut désigné par le juge commis,

-rappelle que le notaire commis devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation,

-commet tout juge de la 2ème chambre (1ère section) pour surveiller ces opérations,

-rappelle qu'à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2ème chambre (1ère section) un procès-verbal de dires et son projet de partage,

-dit que les parties devront communiquer au greffe du tribunal (2ème chambre) le nom du notaire commis par la chambre des notaires,

-dit que la somme de 35 000 € sera prise en compte dans la masse de calcul de la quotité disponible au titre de la donation du 24 décembre 1988,

-ordonne le rapport à la succession de [E] [H] veuve [I] des sommes suivantes :

*1 838,47 € par Mme [A],

*1 524,50 € par Mme [R] [I],

*2 500 € par Mme [J] [I] épouse [U],

*11 262,25 € par M. [K] [I],

-déboute Mme [N] de sa demande de rapport à la succession des fruits de la vente de la collection de [S] [I] en date des 26 et 27 septembre 1998,

-dit qu'il appartiendra au notaire d'établir le montant de l'actif successoral et de procéder au calcul de la réserve et de la quotité disponible,

-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonne l'exécution provisoire,

-dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et qu'ils seront supportés par les co-partageants à proportion de leurs parts dans la succession.

Mme [Z] [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 décembre 2017.

Par un arrêt mixte du 26 juin 2019, la cour d'appel a :

-confirmé ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

*fixé à 35 000 € la valeur de la moitié du bien immobilier de [Localité 8],

*ordonné le rapport à la succession de [E] [H] veuve [I] d'une somme de 1838,47 pour Mme [L] [I] épouse [A] et d'une somme de 1 524,50 € pour Mme [R] [I],

*débouté Mme [Z] [N] de sa demande de rapport à la succession des biens mobiliers vendus en septembre 1998 sous l'intitulé « collection [S] [I] de [Localité 13] »,

- avant dire-droit ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer la valeur du bien dépendant de l'actif de la succession situé à [Localité 8] (57) à la date du décès (21 novembre 2008) et à sa valeur actuelle et désigné en qualité d'expert, M.  [D] [G],

- débouté Mme [Z] [N] de ses prétentions en rapport énoncées contre M. [K] [I],

- ordonné le rapport à la succession de [E] [H] par Mme [L] [I] épouse [A] de la somme de 762,25 €,

- ordonné le rapport à la succession de [E] [H] par M. [K] [I] de la somme de 95 043,73 correspondant au prix net du mobilier vendu en septembre 1998 sous l'intitulé « collection [S] [I] »,

- débouté les consorts [I] de leurs prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et qu'ils seront supportés par les co-partageants à proportion de leurs parts dans la succession, sous réserve du coût de l'expertise, dont la charge sera appréciée après le dépôt du rapport.

L'expert ayant déposé son rapport au greffe de la cour le 25 octobre 2020, les parties ont conclu en ouverture de rapport.

La clôture initialement fixée le 29 mars 2022 a fait l'objet d'un premier report au 24 mai 2022, puis d'un second report au 31 mai 2022, date à laquelle elle a été prononcée.

Il résulte de l'examen du dossier de la procédure que le conseil de Mme [Z] [N] a adressé le 31 mai 2022 un message électronique annonçant la remise de ses conclusions. Or, aucunes conclusions n'étaient jointes à ce message ; le lendemain de clôture, les conclusions annoncées par le message de la veille ont été adressées au greffe.

Il suit que les conclusions remises par l'appelante le 1er juin 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction ne sont pas recevables. Il sera par conséquent statué au vu des conclusions remises par cette dernière le 20 mai 2022.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 20 mai 2022, l'appelante demande à la cour de :

-débouter M. [I] de ses demandes fins et conclusions,

-constater que M. [I] n'a jamais remis à monsieur [G] de permis de construire,

-constater qu'au regard du cadastre la surface habitable est de 100m2 mais constater que l'ensemble du terrain représente une surface de 1232M2 dont seule l'emprise (114M2) a été prise en compte par l'expert,

-dire et juger que les travaux et frais prétendument réalisés par M. [I] ne peuvent être pris en compte pour déterminer la valeur du bien en 2008,

à titre subsidiaire, constater que les justificatifs produits sont inopérants,

à titre plus subsidiaire encore, dire et juger que le chiffre de 75 000 € avancé par M. [I] doit faire l'objet au moins d'un abattement de 50%,

-constater qu'à tort l'expert n'a pas pris en compte la valeur du terrain en dehors de l'emprise,

ce faisant

vu la valeurs des terrains nus à [Localité 8] et la constructibilité du terrain sur toute sa surface,

-dire et juger que la valeur du bien au jour d'aujourd'hui, dans son état au jour de la donation en 1988 doit être évalué à 189 720 € (145 000 € valeur retenue par l'expert augmentée de la valeur du terrain oubliée) et à titre très subsidiaire si on admet partie des travaux réalisés par M. [I] à 152 220 €

-condamner les intimés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 mai 2022, Mme [L] [I], M. [K] [I] et Mme [R] [I], intimés, demandent à la cour de :

-fixer la valeur du bien immobilier à 60 000 euros,

-fixer le rapport de la donation de la moitié de la valeur du bien sis [Localité 8] à la masse successorale à 30 000 euros,

-débouter Mme [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-condamner Mme [Z] [N] à verser à chacun des concluants la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [J] [I] épouse [U], intimée, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE :

Les demandes de constat et tendant à voire « dire et juger » qui n'élèvent pas de droit spécifique au profit de la partie qui les formulent ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais relèvent des moyens. Elles ne donneront donc pas lieu à mention dans le dispositif du présent arrêt.

Le testament reçu le 9 août 1982 par acte authentique ayant institué légataires universels les quatre enfants issus de la seconde union de la défunte et la donation du 20 novembre 1988 portant sur la moitié indivise du bien de [Localité 8] (l'autre moitié ayant déjà été recueillie par les intimés dans la succession de leur père) ayant été consentie « par préciput et hors part », elle n'est pas rapportable à la succession. Mme [Z] [N] qui se trouve par l'effet des legs universels exclue du partage ne peut prétendre qu'à une indemnité de réduction pour le cas où les libéralités consenties par la défunte porteraient atteinte à sa réserve héréditaire.

C'est donc de façon erronée que les intimés se fondent sur les dispositions de l'article 860 du code civil qui déterminent les valeurs dont il doit être tenu compte en cas de rapport de libéralités et demandent aux termes du dispositif de leurs conclusions au visa de cet article la fixation du rapport de la donation.

L'éventuelle atteinte à la réserve héréditaire de Mme [Z] [N] se détermine en fonction de la quotité disponible dont la défunte a pu librement disposer et c'est en cas de dépassement de celle-ci que les libéralités consenties par [E] [H] de son vivant ou à cause de mort sont réductibles.

Ainsi, l'article 922 dispose que « La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.

Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation.

(...)

On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer. »

Quelque soit la confusion des parties sur les notions de rapport et de réduction, elles s'opposent sur la valeur du bien de [Localité 8] dont la moitié indivise ayant fait l'objet de la donation doit être réunie à la masse des biens laissés par [E] [H] à son décès pour calculer la quotité disponible.

En cas de dépassement de la quotité disponible, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après les règles énoncées à l'article 924-2 du code civil, soit d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet.

Toutefois, dans le cas de la présente espèce, en l'absence de partage entre les intimés institués légataires universels par voie testamentaire et Mme [Z] [N], le montant de l'indemnité de réduction susceptible d'être due se calcule d'après la valeur du bien donné à l'époque de la liquidation de cette indemnité.

Ainsi, l'expert a reçu pour mission par l'arrêt du 26 juin 2019 d'une part de recueillir tous éléments de nature à permettre à la cour de se prononcer sur l'évaluation du bien à la fin de l'année 2008 qui correspond à celle du décès de [E] [H] d'après son état au jour de la donation du 20 novembre 1988, paramètre retenus par l'article 922 pour déterminer le montant de la quotité dont le défunt peut disposer librement. D'autre part, l'expert devait également fournir tous éléments sur la valeur actuelle du bien d'après son état au jour de la donation, s'agissant des critères permettant de calculer le montant de l'indemnité de réduction due en cas de libéralités réductibles.

L'expert conclut que la valeur du bien à la date du dépôt de son rapport d'après son état à l'époque de la donation est de 100 000 € et que sa valeur à la date de donation d'après son état à la date de celle-ci est de 90 000 €, répondant ainsi imparfaitement à la mission qui lui a été confiée puisqu'il n'a pas évalué comme il lui avait été demandé le bien à la date de l'ouverture de la succession d'après son état à la date de donation et que la valeur du bien à la date de donation d'après son état à la date de celle-ci ne présente pas d'utilité ni pour déterminer l'existence d'un dépassement de la quotité disponible, ni pour calculer le montant de l'indemnité de réduction.

En revanche l'évaluation du bien à la date du dépôt de rapport d'expertise d'après son état à la date de la donation qui correspond à plusieurs des critères de l'article 924-2 du code civil présente une utilité pour déterminer le montant de l'indemnité de réduction éventuellement due par les intimés. Mme [Z] [N] n'a d'ailleurs saisi la cour que d'une demande de fixation « de la valeur du bien au jour d'aujourd'hui dans son état au jour de la donation en 1988 ».

La demande des intimés de fixer « la valeur du bien immobilier à 60 000 € » et « le rapport de donation de la moitié de valeur du bien sis à [Localité 8] à la masse successorale à 30 000 € » présentée au visa de l'article 860 du code civil est comme il a été vu sans objet en l'absence de rapport et de partage.

La cour n'étant pas saisie d'une demande de fixation de la valeur à la date du décès du bien de [Localité 8] objet de la donation consentie par [E] [H] aux quatre enfants nés de sa seconde union, d'après son état à la date de donation, elle n'est pas en mesure de se prononcer sur l'existence d'une atteinte à la réserve héréditaire de Mme [Z] [N] susceptible de résulter de cette donation.

Les parties sont donc renvoyées devant le notaire chargé du règlement de la succession qui aura charge de vérifier si les libéralités consenties par [E] [H] portent atteinte à la réserve héréditaire de Mme [Z] [N].

L'expert a d'abord procédé à une analyse globale du bien objet de la donation consentie par [E] [H] aux quatre enfants issus de sa seconde union, tel qu'il se présente à la date des opérations d'expertise.

Il a retenu que ce bien était situé dans un village rural sans commodités et à l'écart des grands axes mais aussi de son environnement naturel et de la belle vue dont il dispose sur l'étang de [Localité 8], de son bon standing, de la qualité de ses prestations, du bon niveau d'équipement.

Il a retenu que le bien développait une surface habitable de 85m² au vu du plan schématique fourni par M.  [K] [I] et d'après le relevé sommaire des surfaces qu'il a effectué et a valorisé le bien en fonction d'un prix au m² de surface habitable ; ainsi, il n'a pas valorisé de façon distincte le sous-sol, le garage et les dépendances tout en précisant que la surface utile globale était de 127 m².

De même, s'étant déterminé en fonction d'éléments de référence portant sur le prix de vente du m² habitable de maisons situées à proximité du bien faisant l'objet de la donation, disposant de terrain attenant, l'expert également n'a pas valorisé de façon autonome la surface totale du foncier de 1 232 m² sans se prononcer sur l'intérêt que présentait le terrain dont il a, pour autant, retenu qu'il constituait un élément favorable d'appréciation sur la valeur du bien.

En effet, à la lecture du rapport, on apprend que le terrain dont s'agit est clos, engazonné et arboré ; l'accès depuis la voie publique se fait par un portail métallique et un portillon piéton; il bénéficie d'une vue directe sur l'étang de [Localité 8] dont les rives sont également directement accessibles par un autre portillon piéton. Il dispose d'une aire de stationnement en dalles de pierre, et d'un puits. En sus du chalet d'habitation, sont édifiées sur ce terrain deux dépendances, l'une à usage de garage et de stockage et une autre à usage de rangement. A été aménagée par M. [K] [I] sur le terrain une terrasse en bois de plain-pied avec le chalet.

L'expert après avoir relevé que les parties s'opposaient sur l'état du bien donné à l'époque de la donation et que l'ensemble immobilier en 1988 était déjà ancien et nécessitait des travaux de rénovation, a choisi de considérer que celui-ci était encore fonctionnel, en état correct d'entretien et de confort standard à cette époque.

Si le bien a fait l'objet par acte du 2 janvier 2014 d'une licitation par Mme [R] [I] épouse [T], Mme [L] [I] épouse [A] et Mme [J] [I] épouse [U] à leur frère [K] et à la compagne de ce dernier, la valeur de ce bien servant au calcul de l'indemnité de réduction ne peut être basée sur le prix de cette aliénation contrairement à ce que prévoit l'article 924-2 du code civil puisque d'une part ce dernier qui a été gratifié par la donation n'a procédé à aucune aliénation, ayant au contraire accru sa part indivise et d'autre part les liens familiaux unissant les parties cédantes et cessionnaires et leur intérêt commun à conserver dans la famille le bien de [Localité 8] constituent des freins à la fixation du prix en vue de sa valeur vénale.

Sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer sur le sérieux et l'honnêteté du professionnel de l'immobilier qui a émis un avis de valeur à la demande de M. [K] [I], lui-même agent immobilier, cet avis qui n'a pas été rendu à l'issue d'opérations menées contradictoirement ne présente pas les qualités probatoire de l'expertise judiciaire qui a été ordonnée. De plus, cet avis de valeur en date du 23 septembre 2010 ne porte pas sur l'état du bien à l'époque de la donation. Il n'est en tout état de cause pas pertinent.

Mme [Z] [N] justifie que la commune de [Localité 8] bénéficie d'une desserte en autocar quatre fois par jour avec la ville de [Localité 13]. C'est donc de façon erronée que dans les éléments d'appréciation (page 18 du rapport d'expertise) l'expert indique une absence de desserte par les transports en commun, étant avéré par ailleurs qu'anciennement cette commune était desservie par le train. Il résulte par ailleurs des investigations de l'expert que la commune de [Localité 8] est situé à 12 km de la gare de [Localité 13] desservie actuellement par une ligne TGV ([Localité 11]/[Localité 14]). De plus, la commune de [Localité 8] est à 3 km de la RN4 qui est l'axe reliant [Localité 11] à [Localité 10] et [Localité 14].

Il ne peut être considéré comme l'a fait l'expert que cette commune se trouve à l'écart des grands axes routiers tant à la date d'aujourd'hui qu'à la date de donation tandis que les éléments précités permettent de retenir que le bien expertisé a toujours bénéficié d'une bonne desserte par la route et le chemin de fer.

L'expert qui a obtenu de la commune de [Localité 8] des renseignements d'urbanisme indique page 8 de son rapport qu'il existerait théoriquement, sous réserve d'une étude d'urbanisme complète, une constructibilité résiduelle sur l'assiette foncière du bien. Or, il entrait dans la mission de l'expert sans faire une étude d'urbanisme complète, à tout le moins d'interroger la mairie sur cette constructibilité en fonction de l'empiètement des surfaces déjà construites par rapport à la surface totale du terrain.

Il est indéniable que M. [K] [I] a entrepris d'importants travaux de rénovation du chalet de [Localité 8] au cours des années 2014/2015 ; en cause d'appel les intimés constitués produisent d'ailleurs l'avis de déclaration de travaux qui n'a pas fait l'objet d'une opposition de la part de mairie ; cependant, peu importe que ces travaux apparaissent conformes aux règles d'urbanisme puisqu'il s'agit de déterminer la valeur du bien en fonction de son état à l'époque de la donation, soit avant la réalisation de ces travaux.

Les intimés produisent plusieurs attestations émanant d'amis ou de relations de famille en vue d'établir la vétusté du chalet de [Localité 8] à l'époque de la donation.

Sans remettre en cause la sincérité de leurs auteurs, il est difficile de porter une appréciation sur l'état d'un bien immobilier 30 ans auparavant ; par ailleurs les standards de confort ont évolué entre la date des attestations et la date de la donation de sorte que le confort et les conditions d'habitabilité qui pouvaient être acceptables 30 ans auparavant risquent d'être regardés au jour d'aujourd'hui comme sommaires, voire insalubres. Les goûts ainsi que les habitudes de vie ont, par ailleurs, changé ; ainsi les terrasse en bois de plain-pied comme celle dont équipée actuellement le bien étaient peu répandues. L'avis de l'expert concluant à l'état encore fonctionnel du bien et à un entretien correct à l'époque de la donation qui n'est donc pas utilement contredit, est adopté.

De surcroît, les intimés ne produisent que des justificatifs d'achat de différents matériaux et fournitures pour un montant total de 48 147,48 € dont il n'est pas établi qu'ils ont servi uniquement au bien de [Localité 8] ; la valeur du bien à la date la plus proche de la liquidation de l'indemnité de réduction d'après son état à l'époque de la donation ne saurait être déterminée en fonction du coût actuel de travaux dont l'estimation globale n'est de surcroît étayée par aucune pièce, l'expert sur ce point s'étant contenté de reprendre le chiffrage que lui a présenté M. [K] [I] sans se prononcer sur sa pertinence.

L'expert pour déterminer à la date du dépôt de son rapport la valeur du bien immobilier d'après son état à la date de donation, a retenu la moyenne de la fourchette basse des biens anciens en état correct du prix du seul m² habitable.

Au regard de l'importance de la superficie du terrain par rapport aux autres éléments de comparaison cités par l'expert, de la surface utile de 127 m² valorisant la surface habitable de 85 m² et qui existait déjà à l'époque de la donation, d'un potentiel constructible, de l'environnement résidentiel, de la qualité de la vue donnant directement sur l'étang de [Localité 8], de la bonne desserte de cette commune, il sera retenu un prix de 1 300 € par m² habitable. Il suit que valeur de la totalité du bien immobilier à la date du prononcé du présent arrêt d'après son état à la date de donation, dont la moitié indivise a fait l'objet de la donation est fixée à hauteur de 110 500 €.

L'expertise ayant été ordonnée afin de déterminer les droits des parties dans la succession de [E] [H], les frais en seront supportés par chacune des parties à proportion de ses droits dans la succession.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans la limite de l'appel,

Déclare irrecevables les conclusions remises par Mme [Z] [N] le 1er juin 2022 ;

Fixe à 110 500 € la valeur du bien immobilier sis à [Localité 8] cadastré section 1, numéro [Cadastre 4], [Adresse 2] d'après son état à la date de donation à la date du prononcé du présent arrêt, dont la moitié indivise a fait l'objet de la donation consentie par [E] [H] à Mmes [L] [I] épouse [A] et [R] [I], M. [K] [I] et Mme [J] [I] épouse [U] ;

Dit que les parties sont renvoyées devant le notaire chargé du règlement de la succession en vue de déterminer l'existence de libéralités réductibles ;

Dit que les frais d'expertise seront supportés par les parties à proportion du droit de chacune dans la succession de [E] [H].

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/22379
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;17.22379 ?
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