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27/09/2022 | FRANCE | N°20/15774

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 27 septembre 2022, 20/15774


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022



(n ° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15774 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSWD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 18/01191





APPELANTE



Madame [B] [P] née le 19 octobre 1986 à [L]

[N] (Algérie),



[T] [R] [S]

[L] [N]

ALGÉRIE



représentée par Me Solal CLORIS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 77





INTIME



LE MINISTERE PUBLIC pris en l...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022

(n ° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15774 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCSWD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 18/01191

APPELANTE

Madame [B] [P] née le 19 octobre 1986 à [L] [N] (Algérie),

[T] [R] [S]

[L] [N]

ALGÉRIE

représentée par Me Solal CLORIS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 77

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 juin 2022, en audience publique, l'avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre,

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 24 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que les formalités prévues par l'article 1043 ont été respectées, déclaré que Mme [B] [P], née le 19 octobre 1986 à [L] [N] (Algérie), est irrecevable à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, dit que Mme [B] [P] est réputée avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, débouté Mme [B] [P] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et l'a condamnée aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 3 novembre 2020 et les dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2021 par Mme [B] [P] qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire qu'elle est de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 14 avril 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de confirmer le jugement, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner l'appelante aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 5 avril 2022 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé du ministère de la Justice en date du 21 janvier 2021.

Mme [B] [P], se disant née le 19 octobre 1986 à Béni [N] (Algérie), soutient qu'elle est française par filiation paternelle, son père, M. [G] [P] ayant été reconnu français par jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 5 septembre 2014.

A la demande du ministère public, le jugement a déclaré, en application de l'article 30-3 du code civil, que Mme [B] [P] est irrecevable à faire la preuve qu'elle a la nationalité française par filiation. Pour statuer ainsi, le jugement a notamment retenu que Mme [B] [P] et son père, M. [G] [P] sont nés en Algérie et y ont toujours résidé, qu'il n'est pas allégué que ses ascendants auraient eu une résidence en France, que le délai cinquantenaire de fixation à l'étranger de Mme [B] [P] est échu le 3 juillet 2012, soit antérieurement à son assignation, et qu'il n'est pas rapporté d'éléments d'une possession d'état de français de l'intéressée ou de son père acquise antérieurement à l'échéance du délai de cinquante ans visé par l'article 30-3.

Mme [B] [P] critique ce jugement en faisant valoir que son père et elle-même ont revendiqué la nationalité française avant l'expiration, le 3 juillet 2012, du délai de cinquante ans visé par l'article 30-3 et que le refus qui lui a été opposé de délivrance d'un certificat de nationalité française, était injustifié.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que :

- L'article 30-3 du code civil dispose que : « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français » ;

- Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue ;

- Le délai d'un demi-siècle de résidence à l'étranger s'apprécie au jour de l'introduction de l'action déclaratoire de nationalité française ;

- La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative. L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé ou de son parent, non seulement de l'enfant lui-même mais également de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger ;

- L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir ;

- La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a dit, dans son arrêt rendu le 13 juin 2019 (pourvoi n°18-16.838, publié), que « la solution retenue par l'arrêt du 28 février 2018 (1ère Civ., pourvoi n° 17-14.239) doit, donc, être abandonnée ».

En l'espèce, Mme [B] [P] n'allègue pas qu'elle ou son père, né le 25 mai 1954, à Béni [N] en Algérie, ont résidé en France avant l'expiration du délai de 50 ans précité. Elle se borne à soutenir qu'il y a lieu de tenir compte pour l'appréciation de l'acquisition de la désuétude de la date du 20 février 2012 à laquelle son père a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une action déclaratoire de nationalité et de la date à laquelle elle a formé une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française, qui lui a été refusé par décision du 16 avril 2007. Elle estime en effet que ces démarches établissent qu'elle et son père se considéraient comme français antérieurement à l'expiration le 3 juillet 2012 du délai cinquantenaire de l'article 30-3 et ce faisant caractérisent une possession d'état de français.

Toutefois, il importe peu que son père ait saisi le tribunal le 20 février 2012 ou qu'elle ait formé en 2007 une demande de délivrance de certificat de nationalité française avant l'expiration du délai de 50 ans, la circonstance que l'intéressée et son père se soient considérés comme français n'étant pas suffisante pour établir une possession d'état de Français qui suppose également la reconnaissance par les autorités françaises.

Par ailleurs, il doit être relevé que le jugement définitif du 5 septembre 2014 est également sans incidence sur l'acquisition de la désuétude s'agissant d'un titre de nationalité qui ne suffit pas à caractériser une possession d'état de français.

Ainsi, comme justement relevé par le jugement, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, il n'est pas rapporté d'éléments d'une possession d'état de français de l'intéressée ou de son père acquise antérieurement à l'échéance du délai de cinquante ans visé par l'article 30-3.

Les conditions de l'article 30-3 sont donc remplies concernant Mme [B] [P].

Le jugement sera cependant infirmé en ce qu'il a déclaré Mme [B] [P] irrecevable à faire la preuve, qu'elle a par filiation, la nationalité française, l'article 30-3 du code civil n'édictant pas une fin de non-recevoir.

Il y a lieu de juger que Mme [B] [P] n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, qu'elle est réputée l'avoir perdue à la date du 4 juillet 2012 et de constater son extranéité.

Les dépens seront supportés par Mme [B] [P] qui succombe en ses prétentions. 

 

PAR CES MOTIFS

 

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté que les conditions de l'article 30-3 du code civil sont remplies à l'égard de Mme [B] [P],

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [B] [P] n'est pas admis à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française,

Dit que Mme [B] [P] est réputée avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne Mme [B] [P] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/15774
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.15774 ?
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