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27/09/2022 | FRANCE | N°20/14937

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 27 septembre 2022, 20/14937


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14937 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQGM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/06278





APPELANTE



Madame [H] [M] épouse [L] née le 28 septembre

1982 à El Eulma (Algérie),



[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Brahima DIABY, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C0390

assistée de Me Jean-Baudoin Kakel...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/14937 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQGM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/06278

APPELANTE

Madame [H] [M] épouse [L] née le 28 septembre 1982 à El Eulma (Algérie),

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Brahima DIABY, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C0390

assistée de Me Jean-Baudoin Kakela SHIBABA, avocat plaidant du barreau de LYON

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne DE MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2022, en audience publique, l'avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 16 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que les formalités prévues par l'article 1043 ont été respectées, déclaré irrecevable la demande de Mme [H] [M] tendant à ordonner la restitution de ses documents d'identité française, dit que Mme [H] [M] épouse [L], née le 28 septembre 1982 à El Eulma (Algérie), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, l'a condamnée aux dépens et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a dit que le jugement sera transmis par le greffe à la cour administrative d'appel de Lyon ;

Vu la déclaration d'appel en date du 20 octobre 2020 et les dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2020 par Mme [H] [M] qui demande à la cour d'annuler le jugement, de dire qu'elle est de nationalité française, d'ordonner la restitution des documents d'identité, de condamner le procureur général à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'État aux dépens, dont distraction au profit de Maître Jean-Baudoin Shibaba ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 10 mars 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de confirmer le jugement, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et de condamner l'appelante aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 5 avril 2022 ;

Vu la communication par l'appelant de la pièce n°22 le 9 juin 2022 ;

Vu les conclusions notifiées par le ministère public le 14 juin 2022 tendant au rejet de la pièce adverse n°22 communiquée après la clôture ;

Vu les conclusions notifiées par l'appelante tendant à voir déclarer recevable la pièce n° 22 et subsidiairement à ordonner le rabat de la clôture ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 9 mars 2021 par le ministère de la Justice.

Sur le rejet de la pièce n°22 et de la demande de rabat de clôture

L'appelante a communiqué sa pièce n°22 postérieurement à la clôture et a ensuite sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture.

L'appelante invoque la force majeure liée aux difficultés de communication avec les autorités algériennes pour justifier cette communication tardive et le rabat de la clôture.

Mais en vertu de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Et l'article 803 du même code dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

L'appelante ne justifie pas des difficultés qu'elle allègue, étant relevé que la déclaration d'appel date du 21 octobre 2020 et qu'elle n'établit pas l'existence d'un confinement en Algérie depuis cette date jusqu'à la clôture, intervenue le 5 avril 2022.

En conséquence, sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture est rejetée et la pièce n°22 communiquée postérieurement à la clôture est écartée des débats.

Sur la nullité du jugement

Pour solliciter la nullité du jugement, Mme [H] [M] considère, au visa des articles 29 du code civil et les articles 543, 546 et 561 du code de procédure civile, que les premiers juges ont porté atteinte à son droit d'appel et ont violé le principe de compétence exclusive des tribunaux judiciaires en matière de nationalité.

Le 26 juin 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a sursis à statuer sur la requête de Mme [H] [M], formée contre la décision du 18 janvier 2016 du préfet du Rhône lui refusant l'entrée sur le territoire français jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Lyon se soit prononcée sur la question de savoir si elle avait ou non la nationalité française.

Par jugement du 5 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon s'est déclaré incompétent et a ordonné le renvoi du dossier au tribunal de grande instance de Paris pour se prononcer sur la nationalité de Mme [H] [M].

Le tribunal de grande instance de Paris a considéré que, pour une bonne administration de la justice, son jugement serait transmis par le greffe à la Cour administrative de Lyon.

Nonobstant l'absence de caractère définitif du jugement, il ne peut être reproché au tribunal d'avoir transmis, pour information, la décision rendue. Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette transmission ne l'a pas empêchée d'interjeter appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire et n'a pas porté atteinte au principe de compétence exclusive du tribunal judiciaire pour connaître des contestations en matière de nationalité.

Comme le relève justement le ministère public, il appartient à Mme [H] [M] de contester la décision rendue par la cour administrative d'appel de Lyon au regard d'une décision judiciaire qui n'était pas encore définitive.

La demande de nullité du jugement est rejetée.

Sur le fond

Mme [H] [M] soutient qu'elle est française pour être née le 28 septembre 1982 à El Eulma (Algérie) de Mme [X] [O], née le 18 mars 1953 à Saint Arnaud (Algérie) laquelle aurait conservé de plein droit la nationalité française à l'indépendance de l'Algérie pour relever du statut civil de droit commun hérité de sa propre grand-mère maternelle, [B] [C] [K], née le 31 décembre 1902 à [Localité 5] (Nord).

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil.

Comme l'a justement retenu le tribunal, le certificat de nationalité française délivré à la mère ou aux frères et s'ur de Mme [H] [M] n'a pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur elle, la présomption de nationalité attachée au certificat de nationalité française ne valant que pour le titulaire dudit certificat.

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à Mme [H] [M] en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'elle réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française en justifiant de la nationalité française de [B] [C] [K] dont elle dit tenir la nationalité française et d'une chaîne de filiation légalement établie jusqu'à cette dernière au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Comme le relève justement le ministère public, un passeport ou une carte nationale d'identité n'établissent pas la preuve de la nationalité française mais constituent seulement des éléments de possession d'état de Français.

Faute de produire une déclaration de nationalité française, un décret de naturalisation ou une décision de justice définitive, Mme [H] [M] doit établir au moyen d'actes d'état civil probants la nationalité française de sa mère au jour de sa naissance et de la conservation de la nationalité française par cette dernière lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie.

Les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements français d'Algérie sont régis par l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966, dont les dispositions sont codifiées aux articles 32-1 et 32-2 du code civil. Il résulte de ces textes que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie le 3 juillet 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française, alors que les Français de statut de droit local originaires d'Algérie qui se sont vus conférer la nationalité de cet État ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf s'ils justifient avoir souscrit la déclaration récognitive prévue aux articles 2 de l'ordonnance précitée et 1er de la loi du 20 décembre 1966.

L'article 32-1 du code civil dispose que « Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ».

Selon l'article 32-2 du même code, « La nationalité française des personnes de statut civil de droit commun, nées en Algérie avant le 22 juillet 1962, sera tenue pour établie, dans les conditions de l'article 30-2, si ces personnes ont joui de façon constante de la possession d'état de Français ».

Mme [H] [M] prétend que son arrière-grand-mère maternelle relevait du statut civil de droit commun pour être née en France et qu'ainsi la nationalité française aurait été transmise à sa grand-mère, [A] [I], puis à sa mère. Mais, comme le relève justement le ministère public, l'acte de naissance de [B] [K] (pièce n°11 de l'appelante) ne fait qu'établir que celle-ci est née le 31 décembre 1902 à [Localité 5] et ne saurait justifier de la date et du lieu de naissance de ses parents, les actes d'état civil ne faisant foi que des faits que l'officier de l'état civil a personnellement constatés, les autres mentions de l'acte n'ayant valeur que de renseignement. L'appelante ne justifie donc pas que son arrière-grand-mère était française et relevait du statut civil de droit commun.

En outre, Mme [H] [M] ne justifie ni d'un état civil probant ni d'une chaîne de filiation interrompue jusqu'à [B] [K].

En premier lieu, comme le relève justement le ministère public, l'acte de naissance de l'appelante n'est pas probant. D'une part, il ne mentionne pas le nom du déclarant, l'acte se bornant à mentionner que la déclaration a été faite par le directeur de l'hôpital. D'autre part, alors que Mme [H] [M] prétend que [F] [M] (pièce de l'appelante n°17) est son frère jumeau, les deux actes de naissance portent respectivement les numéros n°3439 pour [F] né en à 5h et 3433 pour l'appelante, née à 5h10.

En second lieu, Mme [H] [M] se borne à produire une copie d'acte de mariage de ses parents transcrite sur les registres de l'état civil français, sans produire l'acte de mariage algérien. Elle ne produit pas plus l'acte de mariage de [B] [K].

Enfin, s'agissant de la discrimination invoquée par Mme [H] [M] par rapport à son frère jumeau, titulaire d'un certificat de nationalité, il est rappelé que la détermination par un Etat de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination même au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où le droit à une nationalité est assurée, et les articles 8 et 14 de ladite Convention ne peuvent pas faire échec au droit de chaque Etat de déterminer les conditions d'accès à sa nationalité.

En conséquence, le jugement qui a constaté l'extranéité de Mme [H] [M] est confirmée.

Mme [H] [M], succombant à l'instance, est condamnée aux dépens et ne saurait prétendre à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Ecarte la pièce n° 22 communiquée par Mme [H] [M],

Rejette la demande de nullité du jugement,

Confirme le jugement,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Rejette la demande formée par Mme [H] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [H] [M] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/14937
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.14937 ?
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