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27/09/2022 | FRANCE | N°20/07922

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 27 septembre 2022, 20/07922


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07922 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5OE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/02362



APPELANTE



Madame [R] [J] épouse [T] et Monsieur [F] [T],

né le 10 mars 1969 à Tadert Oufella, Tizi N'Tlata (Algérie), agissant conjointement ès- qualités de représentants légaux de l'enfant mineur :



- [B] [S] [T], né le 20 février 20...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07922 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5OE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/02362

APPELANTE

Madame [R] [J] épouse [T] et Monsieur [F] [T],

né le 10 mars 1969 à Tadert Oufella, Tizi N'Tlata (Algérie), agissant conjointement ès- qualités de représentants légaux de l'enfant mineur :

- [B] [S] [T], né le 20 février 2008 à Sidi M'hamed, (Alger-Algérie),

Tous domiciliés au :

[Adresse 1]

[Localité 2] - [Localité 5] (Algérie)

représentée par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Mme BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2022, en audience publique, l'avocat des appelants et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, débouté Mme [R] [J] et M. [F] [T] de l'ensemble de leurs demandes, dit que [B] [S] [T], né le 20 février 2008 à Sidi M'Hamed (Algérie), n'est pas de nationalité française au titre de l'article 21-12 alinéa 3-1° du code civil, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné Mme [R] [J] et M. [F] [T], pris en leur qualité de représentants légaux du mineur [B] [S] [T], aux dépens et dit n'y avoir lieu à distraction de ces derniers ;

Vu la déclaration d'appel en date du 24 juin 2020 et les dernières conclusions notifiées le 8 février 2022 par Mme [R] [J] et M. [F] [T], ès qualités de représentants légaux du mineur [B] [S] [T], qui demandent à la cour de constater que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies, déclarer l'appel recevable et rejeter la demande adverse de caducité, infirmer le jugement de première instance et dire que M. [B] [S] [T], représenté par eux, est de nationalité française au titre de l'article 21-12 du code civil et condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 8 février 2022 par le ministère public qui demande à la cour, à titre principal, de constater la caducité de la déclaration d'appel, à titre subsidiaire, de confirmer en tout son dispositif le jugement de première instance, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner les appelants au paiement des dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture du 8 mars 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 16 février 2022 par le ministère e la Justice. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

Le 4 avril 2017 Mme [R] [J] et M. [F] [T] ont souscrit, au nom de l'enfant [B] [S] [T], né [B] [E] le 20 février 2008 à Sidi [U] (Algérie), une déclaration acquisitive de nationalité française fondée sur l'article 21-12 alinéa 3 1° du code civil, faisant valoir sa qualité d'enfant recueilli sur décision de justice et élevé par des personnes de nationalité française.

Le 13 août 2017, la consule adjointe, cheffe de chancellerie à [Localité 5] (Algérie), a notifié aux appelants la décision du ministre de la Justice refusant l'enregistrement de ladite déclaration.

Sur l'état civil de l'enfant

L'état civil de l'enfant [B] [S] [T] non contesté par le ministère public est établi au moyen des actes suivants :

- une copie certifiée conforme en formulaire E.C.7 de l'acte de naissance n°1506 de l'enfant, délivrée le 17 décembre 2018 (leur pièce n°51), indiquant qu'à sa naissance celui-ci était nommé [B] [E], et comportant trois mentions marginales relatives, respectivement, à un acte de recueil légal n°2134 du 20 juillet 2008, à une première rectification du nom de famille de l'enfant, devenu [B] [T] suite à une ordonnance prononcée le 21 octobre 2008, et à une seconde rectification des noms et prénoms de celui-ci suivant décision du président du tribunal de Sidi M'Hamed n°393 du 19 avril 2009, l'enfant devant désormais s'appeler [B] [S] [T] ;

-une copie conforme à l'original d'une ordonnance rendue par le tribunal de Sidi [U] le 21 octobre 2008, disposant du changement de nom de l'enfant recueilli [B] [E], appelé désormais [B] [T] ( leurs pièce n°5 et 6) ;

- une copie conforme à l'original, accompagnée de sa traduction en langue française ( leurs pièces n°7 et 8), d'une décision de rectification de pièce d'état civil n°393/09 rendue par le président du tribunal de Sidi [U] le 19 avril 2009, ordonnant que les prénoms et nom de l'enfant sur l'acte de naissance n°1506 deviennent [B] [S] [T].

Sur les conditions prévues à l'article 21-12 alinéa 3 1°

L'article 21-12 alinéa 3 1° du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer qu'il réclame la qualité de Français.

Devant la cour, Mme [R] [J] et M. [F] [T] font valoir que l'enfant [B] [S] [T] a été recueilli par kafala judiciaire n°2134/08 portant recueil légal en date du 20 juillet 2008.

Afin d'en rapporter la preuve, ils produisent  :

-la copie conforme à l'original dudit acte de recueil légal (kafala) émanant du tribunal de Sidi M'Hamed en date du 28 juillet 2008, accompagnée de sa traduction en langue française (leurs pièces n°1 et n°2).

-la copie d'une ordonnance n°3410/2017 de rectification de kafala prononcée par le tribunal de Sidi M'Hamed le 17 août 2017 et sa traduction en français, cette décision visant à « rectifier le numéro de l'acte de naissance de l'enfant [L] [E] [B] cité dans la kafala (acte de recueil légal) délivrée ['] le 20.07.2008 n°2134/08, en déclarant qu'il porte le n°1506 au lieu de 1502 ». (leurs pièces n°3 et n°4)

- une copie de l'ordonnance de modification de kafala n°1044/20 prononcée le 25 février 2020 par le tribunal de Sidi M'Hamed, qui a notamment ordonné « de modifier la kafala du 20.07.2008 en y ajoutant l'avis du Procureur de la République et dire d'autoriser l'enfant [L] : [E] [B], né le 20.02.2008 à Sidi-M-Hamed à quitter le territoire national en compagnie du [X] » ; (pièces n°57 et n°58).

Le ministère public soutient que l'acte de recueil légal n°2134/08 ne saurait produire d'effet aux fins de l'article 21-12 alinéa 3 1° du code civil.

Premièrement, il affirme que ledit acte ne peut pas être qualifié de décision de justice dans la mesure où, d'une part, il se bornerait à constater un accord préexistant, et d'autre part, il ne comporterait ni motifs ni dispositif. Par ailleurs, à ses dires, à supposer-même que l'acte ait une nature juridictionnelle, celui-ci serait contraire à la conception française de l'ordre public international en raison de son défaut de motivation, de sorte qu'il serait inopposable en France en vertu de l'article 1er de la convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l'exequatur et à l'extradition.

Néanmoins, il résulte de l'examen de la pièce n°2 versée par les appelants que l'acte de recueil légal du 20 juillet 2008, qui porte l'en-tête et le sceau du tribunal de Sidi M'Hamed, a été signé par un juge, à savoir Nacéra BOUHEDDI, présidente du tribunal de Sidi M'Hamed par interim, ainsi que par un greffier de ladite juridiction.

Cet acte, dressé par-devant ces autorités en présence de Mme [R] [J] et de M. [F] [T], fait mention d'éléments de fait et de droit relatifs au recueil légal de l'enfant [B] [S] [T], faisant notamment état des déclarations de deux témoins ayant affirmé devant le juge que « les bénéficiaires du recueil légal (kafil et kafila) sont musulmans, sensés et aptes à prendre en charge l'enfant recueilli », conditions exigées par l'article 118 du code de la famille algérien aux fins du prononcé d'une kafala.

Il en résulte que l'acte de recueil légal n° 2134/08 constitue une décision de justice motivée, la simple absence d'une distinction formelle entre ses motifs et son dispositif étant inopérante à démontrer le contraire.

Deuxièmement, le ministère public invoque la contrariété de l'acte de recueil légal à l'ordre public international français au titre d'une violation du principe du contradictoire, en l'absence de mention de l'avis du ministère public algérien alors que cet avis est exigé par l'article 494 du code de procédure civile et administrative algérien. Il ajoute que la décision rectificative du 25 février 2020 qui a ordonné l'ajout de l'avis du ministère public n'est elle-même pas motivée et est donc contraire à l'ordre public international.

Mais, le ministère public algérien n'ayant pas été amené à intervenir dans la procédure de kafala en qualité de partie, l'irrégularité reprochée ne saurait mettre en cause le principe du contradictoire. Cette simple méconnaissance des règles procédurales étrangères ne porte pas atteinte à la conception française de l'ordre public procédural. L'appréciation par cette cour de l'application de la loi étrangère par le juge étranger reviendrait au contraire à procéder à une révision au fond de la décision ce qu'il ne lui appartient pas de faire. L'acte de recueil légal est donc opposable en France

Le ministère public soutient encore que l'ordonnance de modification n°1044/20 et l'ordonnance rectificative n°3410/17 ne sauraient avoir d'effet sur la situation de [B] [S] [T], dès lors qu'elles ont été prononcées après la souscription de la déclaration acquisitive de nationalité française effectuée par les appelants au nom de l'enfant le 4 avril 2017.

Toutefois, ces décisions se rattachent à l'acte de recueil légal n°2134/08 et permettent de retenir que l'acte de kafala est opposable en France. L'acte de recueil légal étant antérieur à la souscription de la déclaration acquisitive de nationalité française peut donc produire des effets sur la situation de l'intéressé.

Le ministère public ne conteste pas que les autres conditions requises pour l'enregistrement de la déclaration de nationalité française sont réunies.

Il y a donc lieu d'ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par les appelants au nom de l'enfant [B] [S] [T] le 4 avril 2017 et de dire que ce dernier est français.

Le jugement est infirmé.

Les dépens sont mis à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

Dit que la déclaration d'appel n'est pas caduque ;

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau ;

Ordonne l'enregistrement de la déclaration souscrite le 4 avril 2017 par Mme [R] [J] et de M. [F] [T] ès qualités de représentants légaux du mineur [B] [S] [T] devant le consul général de France à [Localité 5] (Algérie)  ;

Dit que l'enfant [B] [S] [T], né le 20 février 2008 à Sidi M'Hamed (Algérie), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/07922
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.07922 ?
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