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27/09/2022 | FRANCE | N°20/07912

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 27 septembre 2022, 20/07912


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07912 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5NC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/01045



APPELANTS



Monsieur [G] [N] [D] né le 17 septembre 1975 à [Local

ité 3] (Algérie), agissant en son nom personnel et, conjointement avec Madame [H] [T] épouse [D], née le 20 septembre 1982 à [Localité 4] - Algérie) en représentation des inté...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07912 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5NC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/01045

APPELANTS

Monsieur [G] [N] [D] né le 17 septembre 1975 à [Localité 3] (Algérie), agissant en son nom personnel et, conjointement avec Madame [H] [T] épouse [D], née le 20 septembre 1982 à [Localité 4] - Algérie) en représentation des intérêts de leurs enfants:

- [L] [D], né le 25 juillet 2011 à [Localité 3] ([Localité 2] - Algérie),

- [W] [D], née le 17 février 2013 à [Localité 3] ([Localité 2] - Algérie),

- [I] [D], né le 23 décembre 2014 à [Localité 3] ([Localité 2] - Algérie).

[Adresse 1]

[Localité 2] - ALGÉRIE

représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

34 quai des Orfèvres

75055 PARIS CEDEX 01

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitutt général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2022, en audience publique, l'avocat des appelants et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 12 février 2020 qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, déclaré M. [G] [N] [D], né le 17 septembre 1975 à [Localité 3] (Algérie), [L] [D], né le 25 juillet 2011 à [Localité 3], [W] [D], née le 17 février 2013 à [Localité 3], et [I] [D], né le 23 décembre 2014 à [Localité 3], irrecevables à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française, jugé que M. [G] [N] [D] et [L] [D] sont réputés avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, jugé que [W] [D] et [I] [D] sont réputés n'avoir jamais eu la nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamné in solidum M. [G] [N] [D] et Mme [H] [T] aux dépens et débouté ceux-ci de leur demande de distraction des dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 24 juin 2020 et les conclusions, notifiées le 8 février 2022, de M. [G] [N] [D], en son nom personnel et en qualité de représentant légal des enfants mineurs, et de Mme [H] [T], en sa qualité de représentante légale des enfants mineurs, qui demandent à la cour de constater que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, de déclarer l'appel recevable et rejeter la demande adverse de caducité, d'infirmer le jugement de première instance et dire que M. [G] [N] [D], agissant en son personnel, est recevable en son action déclaratoire de nationalité française, que M. [G] [N] [D] et Mme [H] [T], épouse [D] sont recevables dans leur action conjointe en représentation des intérêts légaux de leurs enfants légitimes mineurs [L], [W] et [I] [D], et que M. [G] [N] [D] et les trois enfants sont de nationalité française et de condamner le Trésor Public aux dépens ;

Vu les conclusions, notifiées le 1er mars 2022, du ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement et d'ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n° 65-422 du 1er juin 1965 portant création d'un service central au ministère des affaires étrangères ;

Vu l'ordonnance de clôture du 8 mars 2022 ;

MOTIFS

Sur l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré par le ministère de la Justice le 20 avril 2022.

Sur la nationalité de M. [G] [N] [D]

Les appelants soutiennent que l'arrière-grand-père de M. [G] [N] [D], [G] [S], né le 2 mai 1856 à [Localité 2] (Algérie), a été admis à la qualité de citoyen français de statut civil de droit commun par un décret du 17 septembre 1908. Ils en déduisent que M. [G] [N] [D] est lui-même français, de même que leurs enfants.

M. [G] [N] [D] n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient aux appelants, en application de l'article 30 du code civil, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française sont réunies.

Sur l'applicabilité de l'article 30-3 du code civil

Le jugement a fait application de l'article 30-3 du code civil, qui dispose que « lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français. Le tribunal devra dans ce cas constater la perte de la nationalité française, dans les termes de l'article 23-6 ». Cet article 23-6 du code civil dispose que « la perte de la nationalité française peut être constatée par jugement lorsque l'intéressé, français d'origine par filiation, n'en a point la possession d'état et n'a jamais eu sa résidence habituelle en France, si les ascendants, dont il tenait la nationalité française, n'ont eux-mêmes ni possession d'état de Français, ni résidence en France depuis un demi-siècle. Le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue. Il peut décider que cette nationalité avait été perdue par les auteurs de l'intéressé et que ce dernier n'a jamais été français ».

Les appelants soutiennent toutefois que cet article 30-3 ne serait pas applicable, de manière générale, aux ressortissants algériens revendiquant la nationalité française, en ce qu'ils ne peuvent pas être considérés comme des français d'origine au sens des dispositions de l'article 23-6 du code civil auxquelles renvoie l'article 30-3 puisque, selon eux, « les indigènes musulmans d'Algérie sont devenus français en vertu de l'article 1er du Sénatus consulte du 14 juillet 1865 » (conclusions p. 4) et ne sont donc pas français d'origine. Toutefois, ce moyen est inopérant car l'article 30-3 n'établit aucune distinction à ce sujet.

Les appelants soutiennent qu'en tout état de cause, l'article 30-3 ne serait pas applicable aux ressortissants algériens car les ordonnances du 21 juillet 1962 et du 20 décembre 1966 régissant les effets de l'indépendance de l'Algérie ne prévoient pas son application. Cependant, ce moyen est également inopérant puisque le législateur n'a pas exclu l'application de l'article 30-3 aux personnes nées en Algérie.

Enfin, les appelants soutiennent que dès lors que l'action négatoire de nationalité est imprescriptible, il ne saurait être opposé aux personnes exerçant une action déclaratoire de nationalité le délai de 50 ans prévu par l'article 30-3. Néanmoins, ce moyen est lui aussi inopérant, dans la mesure où l'office du juge est d'appliquer la loi et où il n'est pas invoqué une contrariété de cet article 30-3 à des normes supérieures.

Sur l'application de l'article 30-3 du code civil

Ainsi, il y a lieu de retenir que l'article 30-3 du code civil est bien applicable en l'espèce.

Il est dès lors utile de rappeler, de manière générale, que la présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

La résidence habituelle à l'étranger s'entend d'une résidence hors du territoire national.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a dit en conséquence, dans son arrêt rendu le 13 juin 2019 (pourvoi n°18-16.838, publié), que « la solution retenue par l'arrêt du 28 février 2018 (1ère Civ., pourvoi n° 17-14.239) doit, donc, être abandonnée ».

Cet article empêche l'intéressé, si les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation. Dès lors qu'il ne suppose pas que la nationalité de l'intéressé soit établie préalablement mais seulement qu'elle soit revendiquée par filiation, la désuétude doit être examinée à titre principal.

En l'espèce, il n'est pas allégué que le père de M. [G] [N] [D], M. [M] [D], né le 12 février 1942 à [Localité 3] et donc antérieurement à l'indépendance de l'Algérie, a déjà résidé en France ou dispose de la possession d'état de Français.

Les appelants indiquent que M. [G] [N] [D] a quant à lui résidé en France, où il a fait ses études. Toutefois, d'une part, il ne prouve pas disposer de la possession d'état de Français. D'autre part, ainsi que l'a retenu le jugement, M. [G] [N] [D] ne prouve pas avoir résidé en France au cours de ses études. Devant la cour, les appelants ne fournissent pas non plus une telle preuve et se bornent à critiquer le jugement qui, selon eux, n'explique pas comment il « aurait pu suivre les enseignements sans présentiel lorsque l'attestation (validant l'année universitaire) ne fait pas mention d'un enseignement à distance ». Pourtant, les appelants ont produit des justificatifs d'études qui font précisément état d'un enseignement à distance : le relevé de notes édité le 27 avril 2016 a été établi par le Centre national d'enseignement à distance (CNED) et fait mention de l'adresse de l'intéressé à [Localité 3] ; le relevé de notes du mois de juin 2016 indique que M. [G] [N] [D] a été candidat au titre de l'enseignement à distance ; le récapitulatif annuel des notes de l'année 2016 porte le cachet du CNED ; et l'attestation de réussite au diplôme, datée du 2 octobre 2017, porte le cachet du centre de télé-enseignement de l'université de Franche-Comté.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il importe peu que la condition du délai de cinquante ans prévu par l'article 30-3 ne puisse pas être opposée à M. [G] [N] [D], qui a quarante-sept ans. Cette condition doit en effet être appréciée dans la personne de son père, né en Algérie avant l'indépendance.

Les conditions de l'article 30-3 sont donc remplies à l'égard de M. [G] [N] [D], ainsi que l'ont constaté à juste titre les premiers juges.

Le jugement sera cependant infirmé en ce qu'il a déclaré l'intéressé et ses enfants irrecevables à faire la preuve, qu'ils ont par filiation, la nationalité française, l'article 30-3 du code civil n'édictant pas une fin de non-recevoir.

Il y a lieu de juger que M. [G] [N] [D] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française.

Sur la nationalité des enfants

Les appelants soutiennent donc que M. [G] [N] [D] est français par filiation et qu'il en est de même de ses enfants [L] [D], né le 25 juillet 2011 à [Localité 3], [W] [D], née le 17 février 2013 à [Localité 3], et [I] [D], né le 23 décembre 2014 à [Localité 3].

M. [G] [N] [D] n'étant toutefois pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, l'extranéité de ses enfants doit être constatée, les appelants n'alléguant pas qu'ils pourraient être français à un autre titre.

Sur les dépens

Les appelants, qui succombent, sont condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté que les conditions de l'article 30-3 du code civil sont remplies à l'égard de M. [G] [N] [D],

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Dit que M. [G] [N] [D], né le 17 septembre 1975 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française,

Dit que M. [G] [N] [D] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012,

Juge que [L] [D], né le 25 juillet 2011 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Juge que [W] [D], née le 17 février 2013 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Juge que [I] [D], né le 23 décembre 2014 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne in solidum M. [G] [N] [D] et Mme [H] [T], épouse [D], aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/07912
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.07912 ?
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