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22/09/2022 | FRANCE | N°20/07564

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 22 septembre 2022, 20/07564


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07564 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4KT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mai 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-003695





APPELANTE



La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits de la socié...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07564 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4KT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mai 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-003695

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [K] [T]

né le 23 octobre 1954 à [Localité 7] (62)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1511

La SELAFA MJA, représentée par Maître [D] [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société VIVONS ENERGY (SAS)

[Adresse 2]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère pour le Président empêché et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

À la suite d'un démarchage à domicile, suivant bon de commande signé le 26 février 2014, M. [K] [T] a acquis auprès de la société Activ Eco devenue Vivons Energy une installation photovoltaïque pour un montant de 31 200 euros. Pour financer cet achat, la société Sygma Banque a consenti à M. [T], suivant offre acceptée le même jour, un crédit affecté portant sur la somme de 31 200 euros remboursable au taux de 5,76 % sur une durée de 144 mois.

Les panneaux ont été installés le 18 mars 2014, le crédit a été accepté le 26 mars et les fonds ont été débloqués le 7 avril 2014. La facture a été éditée le 7 mai 2014 et le Consuel a été adressé le 23 mai 2014.

L'installation a été raccordée le 6 août 2014 et est productrice d'électricité.

En juin 2017, M. [T] a procédé au remboursement anticipé du prêt.

Par un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2017, la société Vivons Energy a été placée en liquidation judiciaire. La SELAFA MJA, représentée par Me Frédérique Levy, a été désignée en qualité de liquidateur de la société Vivons Énergy.

Saisi le 25 février 2019 par M. [T] d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats de vente et de crédit, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 13 mai 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- rejeté la demande de communication d'un état des sommes formée par M. [T],

- déclaré recevable l'action de M. [T] à l'encontre de la société Vivons Energy, anciennement dénommée Activ Eco,

- prononcé la nullité du contrat de vente,

- dit que M. [T] devra tenir à disposition de la société MJA en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy l'ensemble des matériels posés à son domicile pendant un délai de 6 mois à compter de la notification du jugement,

- dit que passé ce délai, si le liquidateur n'a pas émis la volonté de récupérer le matériel, M. [T] devra porter ce matériel dans un centre de tri sans pouvoir en retirer aucun profit,

- constaté l'annulation par voie de conséquence du contrat de crédit affecté signé le 26 février 2014 entre la banque Sygma aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance et M. [T],

- dit que la banque a commis une faute la privant de sa créance de restitution, cette privation constituant l'exacte réparation du préjudice subi par M. [T],

- ordonné la restitution par la société BNP Paribas Personal Finance des sommes versées par M. [T] au titre du contrat de crédit, soit la somme de 39 132,94 euros,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire.

Après avoir souligné que l'action tendait à l'annulation d'un contrat et non au paiement d'une somme d'argent, le tribunal a retenu que le bon de commande méconnaissait les exigences de l'article L. 121-23 du code de la consommation en raison de la carence de certaines mentions sur le bon et de la disposition du bordereau de rétractation. Il a écarté l'argument tiré de la confirmation de l'acte en relevant que l'emprunteur n'avait pas connaissance du vice affectant l'acte puis a constaté la nullité du contrat de crédit. Le premier juge a relevé que la banque avait commis une faute en finançant un contrat nul, laquelle avait causé un préjudice à l'emprunteur.

Par une déclaration en date du 18 juin 2020, la société BNP Paribas Personal Finance (la société BNPPPF) a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises par voie électronique le 27 mai 2022, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- de déclarer irrecevables, ou à tout le moins infondées, les demandes de l'intimé en nullité des contrats et l'en débouter,

- subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de condamner M. [T] à lui payer la somme de 31 200 euros en restitution du capital prêté,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevable ou à tout le moins de débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

- très subsidiairement, de limiter la réparation qu'elle devrait eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice et limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour lui d'en justifier,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de sa créance, de condamner M. [T] à lui payer la somme de 31 200 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable,

- d'enjoindre à M. [T] de restituer, à ses frais, le matériel installé chez lui à la société MJA ès-qualités dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de dire qu'à défaut de restitution, il restera tenu du remboursement du capital prêté,

- subsidiairement, de priver M. [T] de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable,

- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- de débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- en tout état de cause, de condamner M. [T] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante rappelle au visa des articles 1234 et 1271 du code civil que l'emprunteur a remboursé de manière anticipée son crédit en juin 2017, que ce paiement vaut reconnaissance de dette de sorte que les obligations afférentes au contrat de crédit ont été exécutées, éteintes et que les intimés sont irrecevables à réclamer l'annulation du contrat. Elle ajoute que l'installation est raccordée et fonctionnelle.

L'appelante rappelle au visa des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce que l'emprunteur n'a pas déclaré sa créance à la procédure de liquidation judiciaire dont fait l'objet la société Vivons Energy, de sorte que l'action en nullité du contrat de vente est irrecevable dès lors qu'elle tend indirectement au paiement d'une somme d'argent.

Soulignant le caractère exceptionnel de l'annulation d'un contrat, elle conteste les griefs émis à l'encontre du libellé du bon de commande, rappelle le caractère strict de l'interprétation de l'article L. 121-23 du code de la consommation et souligne que le premier juge est allé au-delà des exigences prévues par les textes. Elle soutient que les clauses du contrat sont apparentes et lisibles et précise que l'irrégularité formelle du bordereau de rétractation n'est pas sanctionné par la nullité du bon conformément aux dispositions de l'article L. 121-24 du même code. Elle relève que l'acquéreur n'allègue aucun préjudice pouvant résulter d'une éventuelle irrégularité formelle du bon de commande.

Subsidiairement, elle fait valoir que l'acquéreur a confirmé le contrat et renoncé à se prévaloir d'une nullité du bon de commande en attestant de l'exécution conforme des travaux sans aucune réserve, en ordonnant le paiement du prix puis en procédant au remboursement anticipé du crédit, en contractant avec la société EDF et en vendant l'électricité produite par l'équipement.

Elle note que les allégations de dol au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil ne sont aucunement étayées et relève qu'aucun élément n'est fourni sur la réalité d'une promesse d'autofinancement ou sur la rentabilité de l'installation. Elle soutient qu'aucune des tromperies alléguées n'est établie et ajoute que le défaut de performance allégué est sans effet sur la cause du contrat et sa validité. L'intimée rappelle que la nullité du contrat principal entraînerait celle du contrat de crédit de sorte qu'aucun manquement contractuel ne pourrait lui être reproché et que seule sa responsabilité délictuelle serait susceptible d'être engagée.

Visant notamment les articles L. 311-31 et L. 311-51 du code de la consommation, elle conteste toute obligation de contrôler la validité du bon de commande, toute faute dans la vérification du bon de commande, de l'exécution de la prestation qui ne lui incombe pas ou dans la délivrance des fonds sur la base d'un mandat de payer donné par les clients (en rappelant les obligations du mandataire) ; elle souligne que toutes les demandes de l'emprunteur à son encontre sont vaines dès lors qu'il ne justifie pas du moindre préjudice ni d'un lien causal entre celui-ci et un fait imputable à la banque.

Elle rappelle que le maintien du contrat obligera M. [T] à restituer le capital perçu au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué. À titre subsidiaire, l'appelante fait valoir que la nullité du contrat de crédit emporterait obligation pour de restituer le capital emprunté.

Elle note que l'évaluation d'un éventuel préjudice doit prendre en compte la valeur du bien que les acquéreurs conserveront et souligne que la légèreté blâmable avec laquelle les emprunteurs ont signé l'attestation de fin de travaux constitue une faute occasionnant un préjudice correspondant au capital prêté dont elle serait privée.

Par des conclusions remises par voie électronique le 17 mars 2022, M. [T] demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son action recevable, prononcé la nullité du contrat de vente, tenu à disposition du liquidateur le matériel, constaté l'annulation du contrat de crédit, dit que la banque a commis une faute, ordonné en conséquence la restitution par la banque des sommes versées au titre du crédit, débouté la banque de sa demande de dommages-intérêts au titre de la légèreté blâmable et d'injonction, condamné la banque aux dépens et ordonné l'exécution provisoire,

- d'infirmer le jugement pour le surplus,

- de débouter la société BNPPPF de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

- de condamner la société BNPPPF à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Au visa des articles L. 621-40-I et L. 622-21 du code de commerce, l'acquéreur soutient que son action tend à l'annulation du contrat conclu avec la société Vivons Energy et non à la condamnation de celle-ci à quelque somme que ce soit, de sorte qu'elle est recevable. Il ajoute que le remboursement anticipé d'un crédit ne saurait être assimilé à une reconnaissance de dette.

À titre principal, il allègue au visa des articles L. 121-23 à L. 121-25 du code de la consommation des violations de dispositions impératives régissant le bon de commande, notamment en ce qui concerne la description du matériel promis, les conditions et délais d'exécution des prestations, les éléments relatifs au paiement ou encore le droit de rétractation.

Il dénonce des abstentions malicieuses, la référence mensongère à un partenariat avec la société EDF, une présentation fallacieuse de la rentabilité prévisible de l'installation et une dénomination trompeuse de l'acte qui ont affecté la validité de son consentement au sens des anciens articles 1109 et 1116 du code civil.

Il conteste toute confirmation de l'acte entaché de nullité en se prévalant de sa qualité de consommateur profane et en relève que la seule reproduction des dispositions du code de la consommation ne permet pas de présumer de la connaissance du vice.

Il soutient que la banque est tenue de vérifier la régularité du contrat principal et qu'elle a commis une faute en n'y procédant pas et en finançant un contrat nul. Il ajoute au visa de l'article L. 311-31 qu'elle a commis une faute confinant au dol en libérant les fonds sans que les travaux aient été achevés, de sorte qu'elle doit être privée de sa créance de restitution et être condamnée à prendre en charge les frais de remise en état.

L'intimé indique enfin avoir subi un préjudice caractérisé par l'obligation de rembourser un emprunt qu'il n'a pas matériellement touché, du fait de l'annulation du contrat principal et du placement en liquidation judiciaire de la société venderesse.

La déclaration d'appel et les conclusions appelantes ont été régulièrement signifiées à personne morale à la société MJA ès-qualités le 22 septembre 2020 puis le 25 février 2021. La société MJA ès-qualités n'a pas constitué avocat. Les conclusions d'intimé lui ont été signifiées le 24 novembre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 29 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur des demandes de : « dire et juger » qui ne sont pas des prétentions juridiques.

À titre préliminaire, il convient de noter qu'il n'est pas contesté que la société BNPPPF est venue aux droits de la société Sygma banque.

Le rejet de la demande de communication de pièces n'est pas contesté en appel.

Sur la fin de non-recevoir tirée du paiement volontaire

La société BNPPPP fait valoir qu'en application de l'article 1234 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige le remboursement par anticipation du crédit litigieux par M. [T], qui vaut reconnaissance de dette, a emporté extinction de la dette initiale au titre de ce contrat de crédit.

Elle n'invoque cependant aucune disposition légale selon laquelle un tel paiement ferait obstacle à l'action en annulation du contrat de vente conclu par M. [T] avec la société Vivons Energy.

M. [T] est donc recevable en son action de ce chef, à laquelle le remboursement du crédit est indifférent, étant observé que l'annulation du contrat de crédit affecté et désormais remboursé ne constituerait qu'une conséquence de plein droit de l'annulation ou de la résolution du contrat principal.

Par ailleurs, le remboursement du crédit affecté ne fait pas obstacle à une action en responsabilité à l'encontre du prêteur de deniers sur le fondement de ses obligations spécifiques et qui tend à l'octroi de dommages-intérêts et non pas à la restitution d'un indu.

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de ce chef est rejetée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de déclaration des créances au passif de la société Vivons Energy

L'appelante invoque l'irrecevabilité des demandes de M. [T] en l'absence de déclaration de créance dans la procédure collective de la société Vivons Energy, estimant que ses demandes, introduites postérieurement aux jugements de redressement puis de liquidation judiciaire de la société Vivons Energy tendent indirectement au paiement d'une somme d'argent.

Alors que les dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce n'interdisent que les actions qui tendent à la condamnation d'un débiteur sous le coup d'une procédure collective au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, force est de constater que l'action de M. [T] à l'encontre de la société Vivons Energy en liquidation judiciaire n'entre pas dans le champ de ces dispositions dès lors qu'elle tend uniquement à l'annulation du contrat de vente.

Sans qu'il y ait lieu de suivre l'appelante dans ses plus amples développements relatifs aux conséquences nécessaires d'une éventuelle annulation de ce contrat, en l'absence de toute demande en paiement formée dans le cadre de la présente instance à l'encontre de la société Vivons Energy, les prétentions de M. [T] sont recevables de ce chef.

L'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Vivons Energy par M. [T] est donc indifférente à la recevabilité de son action,

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef.

Sur la fin de non-recevoir soulevée sur le fondement de l'article 1134 du code civil

La société BNPPPF se fonde également dans ses écritures sur l'article 1134 alinéa 1 du code civil pour invoquer le caractère irrecevable et à tout le moins infondé de la demande de nullité des contrats, faisant état du caractère exceptionnel de la remise en cause d'un contrat par une partie qui ne doit pas agir de mauvaise foi.

Ce faisant, l'appelante n'explique pas en quoi le non-respect des dispositions de l'article 1134 du code civil en leur version applicable en la cause viendraient fonder une irrecevabilité des demandes formulées.

Si l'appelante sollicite que des prétentions de M. [T] soient déclarées 'irrecevables', force est de constater qu'elle ne soulève en réalité aucune fin de non-recevoir ou exception de procédure à l'appui, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette prétention au-delà de l'examen de la contestation élevée par la banque sur le fond.

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action de M. [T].

Sur la nullité du bon de commande

Sur le moyen tiré des mentions obligatoires

Il est constant que le contrat de vente et de prestation de services litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 ancien et suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au 26 février 2014, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile.

L'article L.121-23 dispose : 'Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26'.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L'absence d'utilisation de la faculté de rétractation ne fait pas obstacle à l'action tendant à l'annulation du contrat. L'action en annulation d'un contrat n'est pas davantage subordonnée à la démonstration d'un préjudice.

Pour prononcer l'annulation du contrat, le premier juge a retenu qu'il ne mentionnait aucune date de livraison, que le bordereau de rétractation n'était pas conforme et que la marque de l'onduleur n'était pas précisée.

En l'espèce, le bon de commande signé par M. [T] mentionne qu'il concerne :

- 18 panneaux photovoltaïques de type monocristallin d'une puissance de 250 Wc de marque GSE intégration d'une puissance globale de 4 500 Wc,

- Démarches administratives comprises (Mairie, consuel, EDF, Région) + mise en service.

La livraison aura lieu sous 12 mois suivant la disponibilité des produits commandés.

M. [T] soutient que le formulaire détachable ne peut être séparé du contrat sans l'endommager de sorte que le client ne peut plus se prévaloir du contrat objet de sa rétractation, et que cette pratique est illégale.

Néanmoins, la faculté de rétractation est prévue dans le bon de commande litigieux qui comporte, conformément au 7° de l'article susvisé, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26. Le fait que le bon de commande ait prévu un délai de rétractation supérieur au délai légal de sept jours encore en vigueur à la date de signature du contrat, n'est ni irrégulier ni interdit. Il convient de noter qu'il n'est cependant pas détachable sans amputer le contrat des signatures des parties, ce qui est une non-conformité mais elle n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat.

M. [T] dénonce également à tort un défaut d'indication des modalités de paiement qui sont mentionnées dans le bon de commande et pleinement précisées dans le contrat de crédit conclu simultanément à la signature du bon de commande litigieux dont il constitue un élément lié et un défaut de mention du prix unitaire de chaque élément de l'équipement qui n'est pas exigé par le texte précité et ne constitue pas une caractéristique déterminante. Il est donc retenu que le 6° du texte précité est satisfait.

Cependant, comme le relève à juste titre le premier juge, il apparaît effectivement que le bon de commande mentionne un descriptif particulièrement sommaire des matériels vendus. Si l'absence de plans techniques n'est pas une cause de nullité du contrat, la description de la centrale photovoltaïque promise est incomplète dès lors qu'aucune indication n'est donnée sur le matériel fourni avec les panneaux. Elles ne satisfont pas le 4° de l'article précité dans la mesure où elles ne permettaient pas à M. [T] de comparer utilement les produits proposés avec d'autres produits présents sur le marché et ne lui permettaient pas de vérifier la complète installation des éléments avant de signer l'attestation de fin de travaux.

Il est également manifeste que l'adresse du lieu de conclusion du contrat n'est pas précisée et que ce bon de commande mentionne en petits caractères « la livraison aura lieu sous 12 mois maximum suivant la disponibilité des produits commandés ». Cette mention ne fournit pas une information véritable sur les modalités et le délai de livraison et d'exécution et est contraire à l'article 4 des conditions générales qui prévoit que la livraison est déterminée avec le vendeur qui fixe avec le client une date de livraison/installation qui respectant les dispositions du code de la consommation et qui fixe un délai maximum de 200 jours. Partant, le bon de commande n'est pas conforme au 3° et au 5° de l'article L. 121-23 précité.

Le contrat encourt donc l'annulation.

Il est admis que la nullité formelle résultant du texte précité est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

Selon l'article 1338 du code civil dans sa version applicable au litige, l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.

À défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.

La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Dans le rôle qu'elle reconnaît au juge national dans l'application d'une réglementation d'ordre public de protection, la Cour de justice de l'union européenne impose un examen in concreto qui implique notamment que le juge apprécie la cohérence entre les griefs émis par une partie et la réalité de ses prétentions et motivations.

En l'espèce, le bon de commande remis à M. [T] reproduit le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation dont la simple lecture suffit à informer une personne normalement avisée des exigences de la réglementation en matière de démarchage à domicile et plus particulièrement des mentions nécessaires à la validité du bon de commande.

Le seul fait que l'acquéreur n'ait pas souhaité, le cas échéant, prendre connaissance de ces dispositions que la loi impose pour sa protection, ne saurait justifier que la reproduction des articles précités soit sans portée quant à la capacité de l'acquéreur à apprécier les irrégularités formelles du bon de commande.

Le contrat de vente est assorti d'un formulaire d'annulation de la commande dont M. [T] n'a pas souhaité user.

Il est en revanche avéré que le 18 mars 2014 M. [T] a signé un « certificat de livraison de bien ou de fourniture de services » et qu'il a ainsi attesté de la fin des travaux en demandant au prêteur le déblocage les fonds et en signant un mandat de prélèvement sur son compte.

Par la suite, M. [T] a reçu la facture du matériel installé le 7 mai 2014 et le 6 août 2014, l'intimé a fait procéder au raccordement et à la mise en service de son installation.

M. [T] a signé un contrat d'achat d'électricité prenant effet à cette date et lui permettant de percevoir le prix de la revente d'électricité. Plus encore, M. [T] a également procédé à l'exécution effective du contrat de crédit en remboursant ses échéances entre le 4 mai 2015 jusqu'en mai 2017 puis en procédant, en juin 2017, au remboursement intégral de son contrat de prêt.

Si l'installation de la centrale photovoltaïque est intervenue 20 jours après la signature du bon de commande, l'intimé ne justifie d'aucune doléance émise à l'encontre de la société prestataire et n'a émis aucun grief sur le fonctionnement de l'équipement. Il ne justifie d'aucun dysfonctionnement et il exploite l'installation photovoltaïque et revend l'électricité ainsi produite comme en atteste le contrat d'achat signé le 10 décembre 2014 et les factures émises pour les années 2016-2017.

Ces actes positifs caractérisent une volonté effective réitérée et non équivoque de renoncer aux moyens et exceptions qu'il aurait pu opposer, de purger les vices du contrat de vente et de percevoir les avantages attendus des contrats, confirmée même après introduction de l'instance. L'action judiciaire engagée par l'acheteur la veille du délai de prescription, résulte d'une déception sur le montant de la vente d'électricité rapporté au coût du crédit et non des défauts d'information inhérents au texte du bon de commande.

Partant, il est retenu que M. [T] a renoncé en toute connaissance à se prévaloir des irrégularités formelles affectant le bon de commande.

Il n'y a donc lieu à annulation du contrat principal et il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 311-32 du code de la consommation. En conséquence, le jugement dont appel est infirmé en toutes ses dispositions sur le fond.

Sur le moyen tiré du vice du consentement

L'article 1116 devenu 1137 du code civil prévoit que : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé ».

En l'espèce, M. [T] soutient avoir été victime d'une réticence dolosive parce qu'il n'était pas suffisamment renseigné sur les caractéristiques essentielles des biens vendus ni sur les modalités d'installation de la centrale solaire, sur les délais de raccordement, sur les frais annexes et sur l'obsolescence du matériel. Il affirme avoir été victime d'une présentation fallacieuse sur la rentabilité de l'installation et sur l'existence de partenariats mensongers. Selon lui, ces man'uvres frauduleuses auraient vicié son consentement.

Le document contractuel est intitulé « Bon de commande ». Il ne contractualise aucun rendement des panneaux photovoltaïques ni rendement financier de l'installation photovoltaïque.

L'information insuffisante sur les caractéristiques de l'équipement vendu mentionnée ci-dessus et sur laquelle M. [T] a décidé de passer outre ne saurait constituer une man'uvre dolosive en elle-même.

L'intimé ne caractérise pas de manière circonstanciée les fraudes qu'il dénonce relatives notamment à une présentation fallacieuse de la rentabilité de l'opération ni que cet élément aurait été déterminant de son consentement. Il ne démontre pas, par ailleurs, que l'existence d'un partenariat avec la société EDF était un élément déterminant de son consentement, ni un engagement contractuel de rentabilité. Or, le seul caractère incomplet du bon de commande tel que retenu ci-dessus ne saurait suffire à caractériser une fraude. Il ne justifie nullement de la rentabilité effective de son installation.

Enfin, l'intimé ne peut faire accroire qu'il ne comprenait pas la portée de son engagement et le réduire à une simple « candidature », alors que concomitamment au contrat de vente, il a signé le contrat de crédit affecté pour financer l'installation commandée, étant rappelé que le bon de commande, qui s'intitule comme tel sur le document y afférent, précise le mode de règlement du financement par crédit.

M. [T] ne prouve pas, par conséquent, un comportement malicieux du vendeur, qui aurait égaré leur connaissance de la portée de son engagement, et partant, son consentement.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. [T] est mal fondé en sa demande d'annulation du contrat de vente.

Il n'y a donc lieu à annulation du contrat principal et il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 311-32 du code de la consommation.

En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation des deux contrats et la cour déboute M. [T] de ses demandes d'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.

Si l'exécution du contrat de crédit ne fait pas obstacle à ce que l'emprunteur recherche la responsabilité du prêteur de deniers dans les obligations spécifiques qui lui incombent dans le cadre d'une opération économique unique, force est de constater que l'intimé n'a formulé aucune demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société BNPPPF, se contentant de réclamer la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la faute de la banque l'a privée de son droit à restitution. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les moyens invoqués relatifs à la faute de la banque.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré M. [K] [T] recevable en ses demandes, en ce qu'il a rejeté la demande de communication de pièces et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M. [K] [T] de ses demandes de nullité des contrats de vente et de crédit affecté et de ses demandes subséquentes ;

Rappelle que M. [K] [T] est redevable de plein droit du remboursement des sommes perçues en exécution du jugement qui est infirmé ;

Déboute les parties de toute autre demande ;

Y ajoutant,

Condamne M. [K] [T] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la Selas Cloix & Mendes-Gil, avocat conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [K] [T] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièrePour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 20/07564
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;20.07564 ?
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