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14/09/2022 | FRANCE | N°20/11159

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 septembre 2022, 20/11159


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022



(n° 2022/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11159 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFWH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 19/00872







APPELANTE



Madame [N] [T] [R] épouse [X]

née le 31 J

anvier 1959 à [Localité 9] (ALGERIE)

[Adresse 6]



représentée par Me Bernard-Claude LEFEBVRE de l'ASSOCIATION LEFEBVRE HATEM-LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R031







IN...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022

(n° 2022/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/11159 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFWH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Juillet 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 19/00872

APPELANTE

Madame [N] [T] [R] épouse [X]

née le 31 Janvier 1959 à [Localité 9] (ALGERIE)

[Adresse 6]

représentée par Me Bernard-Claude LEFEBVRE de l'ASSOCIATION LEFEBVRE HATEM-LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R031

INTIMES

Monsieur [P] [R]

né le 18 Août 1980 à [Localité 8] (LIBAN)

[Adresse 3]

représenté par Me Amélia GARRET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1154

Monsieur [J] [R]-[B]

né le 11 Janvier 1943 à [Localité 12] (ALGERIE)

[Adresse 2]

Monsieur [G] [L] [R]

né le 16 Octobre 1945 à [Localité 12] (ALGÉRIE)

[Adresse 1]

Monsieur [D] [R]

né le 17 Janvier 1947 à [Localité 12] (ALGÉRIE)

[Adresse 7]

représentés par Me Bernard-Claude LEFEBVRE de l'ASSOCIATION LEFEBVRE HATEM-LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R031

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

[A] [R] a épousé en troisièmes noces [V] [K] sous le régime de la séparation de biens, le 4 septembre 1972.

[A] [R] est décédé le 14 novembre 2014. Il a laissé pour lui succéder :

- Ses fils issus de sa première union avec Madame [C] [W] :

' Monsieur [J] [R] ' [B]

' Monsieur [G] [R]

' Monsieur [D] [R]

- Sa fille, issue de sa deuxième union avec Madame [S] [U]

' Madame [N] [R]

- Son fils, issu de son union avec [V] [K] :

' Monsieur [P] [R]

- Son épouse survivante, [V] [K].

[V] [K] est décédée le 12 juillet 2018 laissant pour lui succéder son fils M. [P] [R].

M. [J] [R], M. [G] [R] et M. [D] [R] (ci-après les consorts [R]) ont assigné Mme [N] [R] et M. [P] [R] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins principalement de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions des époux [R]-[K] et de leurs intérêts matrimoniaux.

Par jugement du 10 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué dans les termes suivants :

-déclare M. [J] [R]-[B], M. [G] [R], M. [D] [R] irrecevables en leur demande de partage de la succession de [A] [R],

-les déboute de leurs demandes tendant à :

*ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [V] [K] et des intérêts matrimoniaux des époux [R]-[K],

*déclarer la succession de [V] [K] débitrice de la succession de [A] [R] d'une somme de 770 000 €,

*déclarer M. [P] [R] coupable de recel de cette créance et priver en conséquence ce dernier de toute part sur cette créance dans la succession de [A] [R],

*condamner M. [P] [R] à leur verser à chacun une somme de 192 500 €,

*le condamner à leur verser une somme de 6 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déboute Mme [N] [R] de sa demande tendant à :

*ordonner l'ouverture des opérations de comptes liquidation et partage des successions des époux [R]-[K] et de leurs intérêts matrimoniaux,

*déclarer la succession de [V] [K] débitrice de la succession de [A] [R] d'une somme de 770 000 €;

*condamner M. [P] [R] à lui verser une somme de 192 500 €,

*le condamner à lui verser une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déboute M. [P] [R] de ses demandes tendant à :

*condamner les demandeurs à lui verser une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne in solidum M. [J] [R]-[B], M. [G] [R] et M. [D] [R] aux dépens.

Mme [N] [R] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 juillet 2020.

Aux termes de leurs dernières conclusions communes notifiées le 26 mai 2021, l'appelante et les consorts [R], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

vu les articles 71 et 122 du code de procédure civile,

-infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré les demandeurs irrecevables et les a au surplus déboutés,

vu les articles 1543, 1479 et 1469 du code civil,

-ordonner l'ouverture des opérations de comptes et liquidation partage de la succession de [A] [R],

-ordonner l'ouverture des opérations de comptes et liquidation partage du régime matrimonial de [A] [R] et de [V] [K] ayant régi leurs relations matrimoniales,

-désigner tel notaire qu'il plaira à la cour avec la mission de procéder aux opérations d'inventaires, et de comptes et liquidation partage sus visées,

-dire et juger que M. [P] [R] en qualité de seul ayant droit de feue [V] [K] est redevable à la succession de [A] [R] de la somme 770 000 euros (sept-cent soixante-dix mille euros) soit l'intégralité du prix de vente de l'appartement sis [Adresse 4], lot n°632 (appartement 3 pièces), lot n°1064 (parking), lot n°1579 (cave),

-dire et juger que M. [P] [R] s'est indûment accaparé de la totalité du prix de vente de l'appartement de sa mère alors que des discussions étaient en cours sur le partage dudit prix entre les ayants droits de [A] [R] et celui de [V] [K],

vu les article 1543, 1479 et 1469 du code civil, dire et juger que M. [P] [R] en qualité de seul ayant droit de feue [V] [K] est redevable à la succession de [A] [R] de la somme 770 000 euros (sept-cent soixante-dix mille euros) soit l'intégralité du prix de vente de l'appartement sis [Adresse 4] (appartement 3 pièces), lot n°1064 (parking), lot n°1579 (cave),

-condamner M. [P] [R] à verser :

* la somme de 192 500 euros à Mme [N] [R],

* la somme de 192 500 euros à M. [R]'[B] [J],

* la somme de 192 500 euros à M. [R] [G] [L],

* la somme de 192 500 euros à M. [R] [D],

vu l'article 778 du code civil, dire et juger que M. [P] [R] s'est rendu coupable d'un recel successoral,

-dire et juger que M. [P] [R] sera privé de sa part dans la succession de feu [A] [R] sur ladite somme de 770 000 euros qui sera entièrement attribuée à ses cohéritiers laquelle sera donc partagée entre les quatre autres ayant droits de [A] [R],

par conséquent, condamner M. [P] [R] à verser :

*la somme de 192 500 euros à Mme [N] [R],

*la somme de 192 500 euros à M. [R]'[B] [J],

*la somme de 192 500 euros à M. [R] [G] [L],

* la somme de 192 500 euros à M. [R] [D],

en tout état de cause, vu les article 1543, 1479 et 1469 du code civil, dire et juger que M. [P] [R] en qualité de seul ayant-droit de feue [V] [K] est redevable à la succession de [A] [R] d'une créance à hauteur de la somme 770 000 euros ( sept-cent soixante-dix mille euros) soit l'intégralité du prix de vente de l'appartement sis [Adresse 4] (appartement 3 pièces), lot n°1064 (parking), lot n°1579 (cave),

-condamner M. [P] [R] à verser :

*la somme de 192 500 euros à Mme [N] [R],

*la somme de 192 500 euros à M. [R]'[B] [J],

*la somme de 192 500 euros à M. [R] [G] [L],

*la somme de 192 500 euros à M. [R] [D],

en tout état de cause, condamner M. [P] [R] à verser M. [R]'[B] [J], M. [R] [G] [L], et M. [R] [D] la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [P] [R] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 juin 2022, M. [P] [R], intimé, demande à la cour de :

-dire la filiation de M. [P] [R] établie à l'égard de ses parents [A] [R] et de [V] [K],

-dire que M. [P] [R] a la qualité d'héritier réservataire de [A] [R], en concurrence avec MM. [R]-[B] [J], [R] [G], [R] [D] et Madame [N] [R], épouse [X], dans la succession de [A] [R],

-dire que M. [P] [R] est l'héritier unique de [V] [K],

en conséquence, réformer le jugement déféré en ce qu'il a dénié à M. [P] [R] la qualité d'héritier de [A] [R],

y ajoutant,

-confirmer le jugement du 10 juillet 2020, en ce qu'il a :

*jugé MM. [R]-[B] [J], [R] [G], [R] [D] irrecevables en leur demande de liquidation et partage de la succession de [A] [R], au visa de l'article 1360 du code de procédure civile et les a, en conséquence, déboutés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

*débouté Madame [N] [R], épouse [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

y ajoutant et réformant le jugement entrepris,

-condamner in solidum Madame [N] [R] épouse [X], Messieurs [R]-[B] [J], [R] [G] et [R] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à l'indemnité de 6 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 22 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le dispositif du jugement

Messieurs [J], [G] et [D] [R] font grief au tribunal, au visa des articles 71 et 122 du code de procédure civile, de les avoir (à tort selon eux) déclarés irrecevables, mais d'avoir néanmoins examiné le fond pour les débouter de leurs demandes.


L'irrecevabilité prononcée ne concerne que la demande relative au partage de la succession de [A] [R], alors que les décisions de débouté des consorts [R] d'une part et de Madame [N] [R] d'autre part sont relatives à la succession de [V] [K] ou à la liquidation des intérêts matrimoniaux des époux [R]-[K].

Le grief n'est donc pas fondé.

Sur le partage des intérêts matrimoniaux des époux [R]'[K]

Selon le tribunal, par nature, les créances entre époux séparés de biens sont étrangères à la masse indivise constituée des biens qui leur appartiennent concurremment ; par suite, la créance du défunt sur la défunte dont se prévalent les consorts [R] et [N] [R] ne peut faire partie de la masse à partager ; faute pour les parties d'établir l'existence d'une masse indivise des intérêts matrimoniaux des époux [R]'[K], la demande en partage doit être rejetée.

Madame [N] [R] et les consorts [R], sans critiquer le jugement sur ce point, persistent à demander devant la cour l'ouverture des opérations de comptes et liquidation partage du régime matrimonial de [A] [R] et de [V] [K] ayant régi leurs relations matrimoniales.

Il y a lieu sur ce point d'adopter les motifs justifiés des premiers juges.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande en partage.

Sur le partage de la succession de [A] [R]

Sur les filiations

Au vu des pièces qui lui avaient été produites et notamment du livret de famille de leurs parents, [A] [R] et sa première épouse, [C] [W], le tribunal a considéré que seuls [J], [G] et [D] [R] (consorts [R]) étaient héritiers de [A], mais les a déclarés irrecevables à demander le partage de la succession sur le fondement de l'article 1360 du code civil.

Monsieur [P] [R] ne conteste plus la filiation de MM. [J], [G] et [D] [R].

Madame [N] [R], appelante principale, pour établir devant la cour qu'elle est la fille que [A] [R] a eue avec son épouse d'alors, Madame [S] [U], produit son acte de naissance et la copie du livret de famille de [A] [R] et de [S] [U] portant la mention de sa naissance.

S'agissant de Monsieur [P] [R], il produit en cause d'appel la copie de son acte de naissance faisant état de la reconnaissance par [A] [R] et [V] [K], survenue le 1er octobre 1986 alors qu'il avait plus de 6 ans, et de son changement de prénom intervenu le 6 décembre 1989 et transcrit le 29 mars 1990.

Les consorts [R] ne contestent plus sa filiation à l'égard de [A] [R].

Il est ainsi désormais clairement établi (et non contesté par l'ensemble des les parties) que:

- Messieurs [J] [R] ' [B], [G] [R], [D] [R], Madame [N] [R] et Monsieur [P] [R], sont tous les cinq héritiers légaux (descendants directs) de [A] [R].

- Seul Monsieur [P] [R] est héritier de la troisième épouse de [A] [R], [V] [K], fils unique de cette dernière.

Sur la recevabilité de la demande en partage

Madame [N] [R] et les consorts [R] soutiennent que dès lors que la filiation paternelle de Monsieur [P] [R] est établie, le jugement devra être infirmé en ce qu'il les a déclarés irrecevables à solliciter l'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de [A] [R], car il y aurait dans ce cas un désaccord manifeste entre les ayants droits de [A] [R] et [P] [R] ; que, contrairement à ce qu'indique le jugement dont appel, les demandeurs justifient remplir les conditions posées par l'article 1360 du code de procédure civile, pour avoir tenté de trouver une solution amiable via le notaire de Monsieur [P] [R] sur le désaccord persistant sur la question de la créance dont bénéficient les ayants-droits de [A] [R] à l'encontre de Monsieur [P] [R] en sa qualité d'unique ayant droit de [V] [K].

Selon les appelants, la démonstration de l'échec d'une solution amiable est amplement démontrée par l'attitude adoptée par Monsieur [P] [R] et son notaire, leurs réclamations n'ayant absolument pas été prises en compte puisque Monsieur [P] [R] a tout simplement estimé que les demandeurs n'avaient aucun droit dans la succession de sa mère laquelle n'avait aucune dette à l'égard de la succession de [A] [R].

Ils soulignent qu'en réalité, du fait des « transferts » allégués, la succession de [A] [R] ne comprend plus rien.

Monsieur [P] [R] demande la confirmation du jugement sur le fondement de l'article 1360 du code civil au motif que l'assignation ne respecte aucunement les exigences de ce texte et que les prétendues démarches de règlement amiable invoquées en cause d'appel par les consorts [R] ne concernent pas le règlement de la succession de [A] [R], mais leur prétention à créance sur la succession de [V] [K].

L'article 1360 du code de procédure civile dispose que : 'A peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences en vue de parvenir à un partage amiable.' 

Ce texte, créé par le décret n°2006-1805 du 23 décembre 2006, est en vigueur depuis le 1er janvier 2007 et donc applicable en l'espèce.

L'omission de tout ou partie des mentions prévues à l'article 1360 du code de procédure civile est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

Si l'assignation ne fait pas état des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable, cette omission est susceptible d'être régularisée, de sorte qu'en application de l'article 126 du même code, l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue, la régularisation devant intervenir au plus tard lors de la clôture des débats ou de la mise en état. L'appréciation de la situation ne dépend donc pas du seul examen de l'assignation.

Enfin, l'article 1360 du code de procédure civile, n'impose pas le formalisme des tentatives de règlement amiable.

En l'espèce, il est constant que les consorts [R] ont assigné Madame [N] [R] et Monsieur [P] [R] aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions des époux [R]'[K] et de leurs intérêts matrimoniaux, déclarer la succession de [V] [K] débitrice de la succession de [A] [R] d'une somme de 770 000 euros, déclarer Monsieur [P] [R] coupable de recel de cette créance et priver en conséquence ce dernier de toute part sur cette créance dans la succession de [A] [R], condamner Monsieur [P] [R] à leur verser à chacun une somme de 192.500 euros, le condamner à leur verser une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Cet acte ne comporte aucun descriptif du patrimoine à partager et ne décrit pas les diligences entreprises en vue d'un partage amiable.

Néanmoins, il ne peut pas être sérieusement discuté que l'assignation visait au titre de l'actif successoral de [A] [R] la créance alléguée sur la succession de [V] [K] et les échanges avec les notaires qui agissaient pour le compte de leurs clients respectifs dans le cadre d'une médiation suffisent à caractériser les tentatives de règlement amiable, la loi n'imposant pas que les diligences soient effectuées directement par les parties sans l'intermédiaire de professionnels.
Les exigences de l'article 1360 du code civil ont donc été satisfaites et le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré les consorts [R] irrecevables.

Sur la créance revendiquée par les consorts [R] et Madame [N] [R]

Les consorts [R] et Madame [N] [R] font valoir que [V] [K] n'aurait jamais travaillé et donc qu'elle n'aurait pas pu financer la constitution d'un quelconque patrimoine personnel, que sa quote-part du patrimoine indivis aurait donc nécessairement été financée par son époux et que les ventes et achats consécutifs démontrent que [A] [R] a « transféré » son patrimoine à son épouse, que ce bien ayant été entièrement financé par [A] [R], ses héritiers ont « un droit à récompense » sur la vente, qu'il doit être fait application du mécanisme des récompenses prévues aux articles 1469 et 1479 du code civil par renvoi de l'article 1543 du même code, que [A] [R] en transférant la totalité de son patrimoine à son épouse a disposé au-delà de la réserve héréditaire, que Monsieur [P] [R] a reçu du notaire chargé de la succession de [V] [K] l'intégralité du prix de vente du bien vendu par sa mère, que le bien ayant été vendu au prix de 770 000 euros, Monsieur [P] [R] doit donc être condamné à leur verser à chacun une somme de 192 500 euros.

Monsieur [P] [R] répond que la demande n'est étayée par aucune pièce justificative et que sa mère a participé pleinement à l'activité commerciale de son époux et à la constitution du patrimoine indivis. Il écarte l'application de l'article 1543 du code civil et conteste l'existence de toute libéralité de [A] [R] envers [V] [K].

Pour rejeter la demande au titre de la réserve héréditaire, le tribunal a estimé :

-premièrement, que les créances ne peuvent naître que de la loi, du contrat ou du quasi-contrat ; que le fait que [V] [K] ait éventuellement bénéficié du « transfert » du patrimoine de [A] [R] ne crée pas une créance du second sur la première ; que la demande ne pouvait donc prospérer sur le fondement de l'article 1543 du code civil au titre d'une créance entre époux ;

-deuxièmement, que seules les libéralités sont susceptibles de porter atteinte à la réserve ; que si les consorts [R] et Madame [N] [R] rappelaient une succession d'actes à titre onéreux intéressant les époux [R]'[K], ils ne démontraient pas que certains de ces actes constituent des libéralités du défunt vers la défunte, faute d'établir que le défunt a effectivement financé les acquisitions de la défunte, étant observé que l'impécuniosité d'une épouse ne peut suffire à établir que les biens lui appartenant sont le produit de libéralités de son mari.

Il est préalablement observé que si la créance alléguée devait être reconnue, elle donnerait lieu à partage dans le cadre de opérations de liquidation de la succession de [A] [R] sauf pour les consorts [R] et Madame [N] [R] à invoquer comme ils le font contre Monsieur [P] [R] les dispositions de l'article 778 du code civil sur le recel et non pas à demander condamnation à paiement de celui-ci.

Il résulte des actes produits que :

-le 9 avril 1965, [A] [R] et [V] [K], non encore mariés, ont acquis le lot 11 de l 'immeuble sis à [Adresse 10] au prix de 73 000 francs,

-le 14 mars 1988 [A] [R] et [V] [K] ont acquis les lots 321 et 1450 de l'immeuble sis à [Adresse 11] au prix de 3 500 000 francs,

-le 13 février 1989, [A] [R] et [V] [K] ont vendu le lot 11 de l'immeuble sis à [Adresse 10] pour le prix de 400 000 francs,

-le 30 septembre 1991 [A] [R] a acquis le lot 726 de l'immeuble sis à [Adresse 11] au prix de 170 000 francs,

-6 novembre 2001 [V] [K] a acquis les lots 632, 1064 et 1579 de l'immeuble sis à [Adresse 11] au prix de 2 130 000 francs,

-le 9 avril 2002 [A] [R] et [V] [K] ont acquis les lots 321, 726 et 1450 de l'immeuble sis à [Adresse 11] au prix de 548 816,46 euros.
Le 6 juillet 2018, la tutrice de [V] [K], dûment autorisée par ordonnance du juge des tutelles rendue le 29 septembre 2017, a vendu les lots 632, 1064 et 1579 de l'immeuble sis à [Adresse 11], propriété de [V] [K], au prix de 770 000 euros.

Est versé aux débats un courriel du 16 décembre 2015 adressé par l'étude de Maître [I], notaire, aux héritiers de [A] [R] aux termes duquel le notaire indique que :

- l'acquisition le 6 novembre 2001 des biens immobiliers personnels de [V] [K] sis [Adresse 5] (lot 632, 1064 et 1579), aurait été financée par un prêt « relais ».

- ce prêt « relais » aurait été remboursé par les fonds de la vente le 9 avril 2002 des biens indivis (lots 321 et 1450) et du bien personnel de [A] [R] (lot 726) sis [Adresse 5].

-33,21 % du bien immobilier personnel de [V] [K] aurait donc été financé par [A] [R].

Si le notaire indiquait que 33,21 % du prix de vente du bien propre de [V] [K] devait revenir à la succession de [A] [R], le prétendu accord entre les héritiers pendant la phase amiable aurait porté sur 75 %, et devant la cour, la demande concerne désormais l'intégralité du prix.

Ni les consorts [R] ni Madame [N] [R] n'ont jamais versé aux débats de pièce de nature à étayer l'analyse de leur notaire Maître [I] (contrat de prêt, relevé des comptes des notaires, etc.) de sorte qu'il peut en être déduit que ce courriel n'a été rédigé que sur la base de leurs propres affirmations au notaire.

Il n'est justifié d'aucun mouvement de fonds entre les époux.

C'est dans ces circonstances qu'ainsi qu'il l'indique dans son courriel du 12 novembre 2018, Maître [F], chargé de la succession de [V] [K], a pu constater que l'appartement vendu lui appartenait en propre et que son fils [P] étant son seul héritier, il ne pouvait que lui verser l'intégralité des fonds.

Les actes d'acquisition successifs sus-visés ne font pas état d'autres modalités de paiement du prix que le fait qu'il ait été à chaque fois payé comptant.

[V] [K] apparaît dans le contrat de mariage comme retoucheuse, puis dans les actes d'achat et de vente, dans un premier temps comme tailleur ou culottière, puis comme retraitée.
Une attestation de sa cousine Madame [H] [Z] produite par Monsieur [P] [R] confirme qu'elle a toujours travaillé comme couturière culottière auprès de son époux qui était commerçant et tenait un fonds de « tailleur de vêtements et réparation, confection de rideaux et tapissier », acquis en 1969, trois ans avant son mariage.

[V] [K], conjointe de commerçant et elle même couturière, a donc participé pleinement à l'activité commune et donc à la constitution du patrimoine indivis.

Puisqu'il résulte des pièces produites que le bien vendu le 6 juillet 2018 était un bien personnel de [V] [K] et que la preuve n'est pas rapportée qu'il aurait été financé par des fonds personnels de [A] [R] par suite d'un « transfert » ou d'une libéralité, il ne peut exister aucune créance entre époux sur le prix de cette vente.

Les consorts [R] et Madame [N] [R] soutenant que la succession de [A] [R] a été vidée du moindre élément d'actif et en l'absence de justification de la créance alléguée, il n'y a pas lieu à ouverture judiciaire des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [A] [R].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à voir déclarer la succession de [V] [K] débitrice de la succession de [A] [R] d'une somme de 770 000 €, déclarer M. [P] [R] coupable du recel de cette créance et priver en conséquence ce dernier de toute part sur cette créance dans la succession de [A] [R], condamner M. [P] [R] à leur verser à chacun une somme de 192 500 €.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; les consorts [R] et Madame [N] [R] sont condamnés à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.

Partie perdante, ces derniers ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré M. [J] [R]-[B], M. [G] [R], M. [D] [R] irrecevables en leur demande de partage de la succession de [A] [R] ;

Y substituant,

Déclare M. [J] [R]-[B], M. [G] [R], M. [D] [R] recevables en leur demande de partage de la succession de [A] [R] ;

Confirme le jugement pour les surplus des chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute M. [J] [R]-[B], M. [G] [R], M. [D] [R] et Mme [N] [R] de leur demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [A] [R] ;

Condamne in solidum M. [J] [R]-[B], M. [G] [R], M. [D] [R] et Madame [N] [R] aux dépens de l'appel ;

Condamne in solidum M. [J] [R]-[B], M. [G] [R], M. [D] [R] et Mme [N] [R] à payer à M. [P] [R] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 20/11159
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;20.11159 ?
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