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08/09/2022 | FRANCE | N°19/21925

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 08 septembre 2022, 19/21925


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21925 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCIH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 août 2019 - Tribunal d'Instance du RAINCY - RG n° 11-18-001753





APPELANTE



Madame [K] [Y]

née le [Date naissance 1] 1967 au

[Localité 5] (72)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]



représentée par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0625

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale nu...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21925 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCIH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 août 2019 - Tribunal d'Instance du RAINCY - RG n° 11-18-001753

APPELANTE

Madame [K] [Y]

née le [Date naissance 1] 1967 au [Localité 5] (72)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0625

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019:062447 du 03/01/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

La société CA CONSUMER FINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 097 522 03309

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Serena ASSERAF, avocat au barreau de PARIS, toque : B0489

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère pour le Président empêché et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 10 juin 2016, la société CA Consumer Finance a consenti à Mme [K] [Y] un prêt personnel d'un montant de 9 000 euros, avec intérêts au taux nominal conventionnel de 5,271 % l'an, remboursable en 60 mensualités de 170,96 euros chacune hors assurance.

En raison d'échéances impayées, la société CA Consumer Finance s'est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 7 septembre 2018 par la société CA Consumer Finance d'une demande tendant principalement à la condamnation de Mme [Y] au paiement du solde restant dû au titre du contrat, le tribunal d'instance du Raincy, par un jugement réputé contradictoire du 30 août 2019 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré recevable la demande en paiement,

- condamné Mme [Y] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 6 989,39 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 7 septembre 2018,

- condamné Mme [Y] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société CA Consumer Finance des autres demandes et prétentions.

Le tribunal, après avoir contrôlé la recevabilité de l'action, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels considérant que le prêteur ne justifiait pas de la remise à l'emprunteuse de la fiche d'informations précontractuelles dans les conditions prévues aux articles L. 312-12, R. 312-2 et L. 341-1 du code de la consommation, ni de la notice d'assurance et qu'il ne justifiait pas avoir vérifié la solvabilité de l'emprunteuse en ne communiquant pas les pièces justificatives accompagnant la fiche de dialogue, ni les éléments de nature à apprécier la solvabilité

Suivant déclaration remise le 28 novembre 2019 Mme [Y] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 17 février 2020, elle demande à la cour :

- de la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes,

- d'infirmer le jugement en ce qu'elle a été condamnée au paiement de la somme de 6 989,39 euros,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts et sur le taux légal appliqué,

- de débouter la société CA Consumer Finance de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- de dire et juger que la banque n'a pas valablement prononcé la déchéance du terme,

- de dire et juger sans effet l'exigibilité immédiate du crédit prononcée à tort par la société CA Consumer Finance,

- sur la date de déblocage des fonds, de prononcer la nullité du prêt,

- sur la responsabilité de la banque, de condamner la société CA Consumer à lui payer la somme de 7 000 euros en raison des manquements à ses obligations de conseil et de mise en garde, et en raison de la déchéance du terme du contrat prononcée à tort,

- de dire et juger que cette somme de 7 000 euros viendra se compenser avec celles restant dues par elle,

- dire et juger que le taux d'intérêt applicable aux sommes réclamées sera le taux légal,

- dire et juger que les règlements à intervenir s'imputeront en priorité sur le capital restant dû,

- de lui accorder les plus larges délais de paiement,

- de condamner la société CA Consumer Finance au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Se fondant sur les dispositions de l'article L. 311-14 du code de la consommation, elle soutient qu'il n'est pas possible de déterminer la date de mise à disposition des fonds ainsi que le quantum de la créance réclamée car la banque n'a pas communiqué les relevés de compte depuis la date d'octroi du prêt. Elle en conclut que la sanction de la nullité du contrat de prêt doit être retenue.

Elle soutient au visa des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, que la banque ne justifie d'aucune créance exigible à son encontre faute de démonstration de l'acquisition de la déchéance du terme du contrat de manière régulière.

Elle s'oppose à la demande en paiement fondée selon elle sur des pièces totalement insuffisantes et parcellaires.

Elle soutient que la banque a manqué à ses obligations de conseil, de mise en garde et de vérification de sa situation financière, qu'elle n'a pas suffisamment vérifié sa solvabilité en ce que le prêt octroyé était disproportionné à ses revenus. Elle estime qu'elle doit être indemnisée des conséquences dommageables résultant de ce comportement fautif à hauteur de la somme de 7 000 euros correspondant au montant de la condamnation prononcée à tort à son égard.

Par des conclusions remises le 15 mai 2020, la société CA Consumer Finance demande à la cour de :

- débouter Mme [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, s'il était considéré que la déchéance du terme du contrat n'est pas valablement intervenue, prononcer la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de Mme [Y],

- en conséquence de la condamner à lui payer la somme de 6 989,39 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2018 et jusqu'au parfait paiement, outre la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CA consumer Finance indique avoir mis en demeure l'emprunteuse préalablement à la déchéance du terme du contrat, par courrier du 27 avril 2018, l'invitant à régulariser les échéances impayées sous peine de voir le contrat résilié et que la déchéance du terme du contrat est régulière. A défaut, elle estime être bien fondée à solliciter la résolution judiciaire du contrat sur le fondement de l'article 1184 du code civil, en raison de l'absence de tout paiement de la part de l'emprunteuse depuis le 20 septembre 2017.

Elle soutient avoir versé aux débats l'intégralité des pièces permettant de justifier du bien-fondé de sa créance et avoir respecté le délai de 7 jours concernant le déblocage des fonds. Elle ajoute qu'en cas d'annulation du contrat, Mme [Y] devra rembourser le capital emprunté et le prêteur devra régler les sommes versées, ce qui revient exactement à la même solution que la déchéance du droit aux intérêts prononcée par le premier juge qui a condamné l'emprunteuse à lui régler la somme de 6 989,39 euros.

Elle affirme avoir respecté ses obligations en termes de vérification de la solvabilité de l'emprunteuse et que le crédit octroyé n'était pas disproportionné au regard des éléments communiqués puisque l'intéressée a déclaré 3 437 euros de ressources par mois, des charges de logement à hauteur de 760 euros par mois et le remboursement d'autres crédits à hauteur de 175 euros par mois, ce qui fait un reste à vivre de 2 502 euros par mois. Elle ajoute que la capacité d'endettement de Mme [Y] de 825,66 euros par mois (2 502 euros x 33 %) n'était nullement atteinte puisque le prêt était remboursable par mensualités de 182,51 euros par mois.

Elle s'oppose aux demandes formées sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil à défaut de pièce justificative et en ce que Mme [Y] a déjà bénéficié de larges délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 15 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'action de la société CA Consumer finance au regard du délai biennal de forclusion, examinée par le premier juge, ne fait pas l'objet de contestation.

Le contrat litigieux ayant été conclu le 10 juin 2016, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 au 1er juillet 2016. Il convient également de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

Sur la demande d'annulation du prêt

L'appelante se fonde sur les dispositions de l'article L. 311-14 du code de la consommation pour solliciter l'annulation du contrat motif pris qu'il est impossible de déterminer la date de mise à disposition des fonds et donc le respect du délai de 7 jours prévu à cet article.

En application de l'article L. 311-14 dudit code, pendant un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat par l'emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait pas le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur.

Ainsi, pendant un délai de sept jours, aucun paiement sous quelque forme que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur. Une remise prématurée des fonds a nécessairement pour conséquence une atteinte à la faculté de rétractation et, ce faisant, une atteinte à la liberté de consentement du consommateur.

La méconnaissance des dispositions de cet article est sanctionnée par la nullité du contrat de crédit en vertu de l'article 6 du code civil laquelle peut être relevée d'office.

En l'espèce, Mme [Y] a accepté l'offre préalable le 10 juin 2016 de sorte que le délai légal de sept jours de l'article L. 311-14 expirait le 17 juin 2016 à minuit.

La société CA Consumer finance produit en appel un historique de compte ainsi qu'une position de compte desquels il résulte un déblocage des fonds au 17 juin 2016.

À cette date, Mme [Y] était encore en mesure de faire usage de son droit de rétractation et la mise à disposition des fonds ne pouvait donc valablement intervenir avant le 18 juin 2016 à 0 heure.

La mise à disposition des fonds doit être considérée comme étant prématurée et le contrat annulé.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution. Il s'ensuit que Mme [Y] est tenue au remboursement du capital emprunté à hauteur de 9 000 euros et la société CA Consumer finance au remboursement de l'intégralité des sommes versées par l'emprunteuse à hauteur de 2 010,61 euros. Mme [Y] reste redevable d'une somme de 6 989,39 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2018.

Partant, il y a lieu de confirmer le jugement sur le quantum de la condamnation de Mme [Y], l'examen des autres moyens soulevés au regard de la déchéance du terme du contrat ou de sa résiliation du contrat ou de la déchéance du droit aux intérêts étant sans objet.

Sur la responsabilité de la société CA Consumer finance

Mme [Y] formule une demande indemnitaire à hauteur de 7 000 euros en raison des manquements de la banque à ses obligations de conseil et de mise en garde.

Il est admis que le banquier est tenu à l'égard de ses clients non avertis d'un devoir de mise en garde en cas de risque d'endettement excessif de l'emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l'alerter sur les risques encourus.

Le devoir de mise en garde n'existe donc qu'à l'égard de l'emprunteur non averti et n'existe qu'en cas de risque d'endettement excessif.

En l'espèce, la fiche de dialogue remplie et signée par Mme [Y] fait état de 3 437 euros de ressources par mois (2 300 euros de revenus nets outre 1 137 euros de prestations familiales), des charges liées au logement pour 760 euros et le remboursement d'autres crédits à hauteur de 175 euros par mois. Il s'en déduit une capacité d'endettement de Mme [Y] de 825,66 euros par mois si l'on prend en compte le reste à vivre de 2 502 euros x 33 %, capacité d'endettement usuellement retenue par les banques.

Cette capacité d'endettement n'était nullement atteinte puisque le prêt était remboursable par mensualités de 182,51 euros par mois.

Il résulte de ce qui précède, que la société CA Consumer finance justifie avoir procédé à la vérification de la capacité financière de Mme [Y] et que les éléments déclarés par elle ne faisaient pas ressortir de risque d'endettement.

Le manquement allégué n'est donc pas caractérisé et Mme [Y] doit être déboutée de sa demande d'indemnisation.

Sur la demande de délais de paiement

En l'absence de tout justificatif concernant la situation actuelle de Mme [Y], au regard de l'ancienneté de la dette, de l'obtention de larges délais de fait et de l'absence de tout versement depuis le 20 septembre 2017, il convient de rejeter la demande formée sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil.

Sur les demandes accessoires

La société CA Consumer finance sera tenue aux dépens. Partant, le jugement est infirmé de ce chef. Il est également infirmé quant à la condamnation de Mme [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, rendue en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a reçu la société CA Consumer finance en son action et sur le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de Mme [K] [Y] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de prêt personnel conclu le 10 juin 2016 entre la société CA Consumer Finance et Mme [K] [Y] ;

Déboute Mme [K] [Y] de ses demandes ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société CA Consumer finance aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffièrePour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/21925
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;19.21925 ?
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