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08/09/2022 | FRANCE | N°19/05843

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 08 septembre 2022, 19/05843


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05843 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7RBV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2018 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-15-02-0219





APPELANTE



La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, SA à con

seil d'administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la Banque SOLFEA

N° SIRET : 542 097 90...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05843 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7RBV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2018 - Tribunal d'Instance de PARIS - RG n° 11-15-02-0219

APPELANTE

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, SA à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège, venant aux droits de la Banque SOLFEA

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

substitué à l'audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [B]-[I] [D]

né le 28 juin 1969 à [Localité 8] (40)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

Madame [C] [O]

née le 1er novembre 1972 à [Localité 7] (40)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Ariane VENNIN de la SELEURL A7 AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1186

La SELARL [M] représentée par Maître [S] [M] en qualité de liquidateur judiciaire de la société NOUVELLE RÉGIE DES JONCTIONS DES ÉNERGIES DE FRANCE, (SAS)

[Adresse 4]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère pour le Président empêché et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre d'un démarchage à domicile et par bon de commande du 25 juillet 2012, M. [B] [D] a acheté auprès de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) une centrale photovoltaïque, pour le prix de 19 990 euros TTC.

Selon offre préalable acceptée le même jour, la société banque Solfea a consenti à M. [B] [D] et à Mme [C] [O] un crédit affecté d'un montant de 19 990 euros remboursable, après une période de différé de 11 mois, en 119 mensualités de 228 euros (hors assurance) incluant les intérêts au taux nominal de 5,37 % l'an.

Le matériel a été installé le 3 août 2012 et le raccordement de l'installation a été mis en service le 16 juillet 2013.

Par jugement du 12 novembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) en liquidation judiciaire.

Par ordonnance du 1er septembre 2016, la société [M] MJ a été nommée liquidateur.

Auparavant, par acte d'huissier du 31 juillet 2015, M. [D] et Mme [O] ont fait assigner en nullité du contrat de vente et en nullité du contrat de crédit le liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) et la banque Solfea devant le tribunal d'instance de Paris qui, par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2018 assorti de l'exécution provisoire, a :

-donné acte à la société BNP Paribas personal finance qu'elle vient aux droits de la société banque Solfea, selon les termes d'une déclaration de créance du 28 février 2017 ;

- donné acte à la société BNP Paribas personal finance de son intervention volontaire ;

- déclaré recevables les demandes à l'encontre de Me [M], en tant que liquidateur du Groupe solaire de France ;

- prononcé la nullité du contrat de vente ;

- constaté la nullité du contrat de crédit affecté ;

- rejeté l'ensemble des demandes de la société BNP Paribas personal finance ;

- dit que la banque avait commis une faute la privant du droit à restitution du capital et des intérêts prêtés ;

- dit que M. [D] et Mme [O] ne sont plus débiteurs de la banque ;

- condamné la société BNP Paribas personal finance à restituer les sommes versées « par eux aux demandeurs » ;

- condamné la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, à payer la somme de 1 000 euros aux demandeurs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [D] et Mme [O] à restituer à Me [S] [M], liquidateur judiciaire de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France), le matériel posé dans le cadre du contrat et dit que la mise à disposition de ce matériel à leur domicile pendant une durée de deux mois à compter de la signification de la décision vaudrait restitution ;

- mis les dépens à la charge de la banque BNP Paribas personal finance.

Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir déclaré les demandes recevables, a estimé que le bon de commande ne respectait pas les dispositions du code de la consommation et que les acquéreurs n'avaient pas été mis en état de manifester leur volonté tant sur les choses vendues que sur le prix. Il a précisé que la nullité du contrat de vente emportait de plein droit celle du contrat de prêt, en vertu de l'article L. 311-1 du code de la consommation. Le tribunal a considéré que la société banque Solfea avait eu un comportement fautif en ne débloquant les fonds qu'au vu de la seule attestation de fin de travaux, de sorte qu'elle devait être privée de son droit à restitution du capital et des intérêts prêtés.

Le 15 mars 2019, la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, a interjeté appel.

Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 14 juin 2919, la société BNP Paribas personal finance, venant aux droits de la société banque Solfea, requiert la cour :

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il a dit M. [D] et Mme [O] recevables en leur action, en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente, en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit, en ce qu'il a dit que la banque aux droits de laquelle elle vient avait commis une faute la privant du droit à restitution du capital et des intérêts prêtés, en ce qu'il a dit que M. [D] et Mme [O] ne sont plus ses débiteurs, en ce qu'il a condamné M. [D] et Mme [O] à restituer à Maître [S] [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France), le matériel posé et dit que la mise à disposition de ce matériel à leur domicile pendant une durée de deux mois à compter de la signification de la décision vaudrait restitution, en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [D] et Mme [O] la somme globale de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;

statuant à nouveau sur les chefs contestés,

- de déclarer irrecevable la demande de M. [D] et Mme [O] de nullité du contrat de vente et, par conséquent, de nullité du contrat de crédit ;

- de débouter M. [D] et Mme [O] de leur demande de nullité ;

- de condamner solidairement M. [D] et Mme [O] à lui payer la somme de 20 384,98 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,37 % à partir du 18 septembre 2015, outre la restitution des sommes versées à M. [D] et Mme [O] en exécution du jugement au titre des mensualités précédemment réglées ;

- condamner solidairement, en tant que de besoin, M. [D] et Mme [O] à restituer cette somme ;

- subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de condamner in solidum M. [D] et Mme [O] à lui régler la somme de 19 990 euros en restitution du capital prêté ;

- très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due par elle, ainsi que la décharge à concurrence du préjudice subi ;

- très subsidiairement, si la cour devait ordonner la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge de l'emprunteur,

* de condamner in solidum M. [D] et Mme [O] à lui payer la somme de 19 990'euros à titre de dommages-intérêts correspondant au capital perdu ;

* d'enjoindre à M. [D] et Mme [O] de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à la société [M] MJ, en qualité de liquidateur, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt ;

* subsidiairement, de priver M. [D] et Mme [O] de leur créance en restitution des mensualités réglées ;

- d'ordonner, le cas échéant, la compensation des créances réciproques à due concurrence ;

- de condamner M. [D] et Mme [O] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Elle invoque, en application des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, l'irrecevabilité -pour défaut de déclaration de créance- de l'action en nullité du contrat de vente, dès lors que celle-ci tend indirectement à faire supporter une condamnation pécuniaire à la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France en liquidation judiciaire. Elle ajoute que les manquements allégués ont leur origine antérieurement à l'ouverture de la procédure collective.

Elle estime que les prétendues imprécisions du bon de commande ne peuvent pas fonder le prononcé de la nullité et pourraient tout au plus générer la condamnation de la société venderesse au paiement de dommages-intérêts.

Elle souligne que M. [D] et Mme [O] ne versent pas aux débats le bon de commande dans son intégralité, alors qu'ils supportent la charge de la preuve de son irrégularité.

Elle considère qu'en exécutant volontairement le contrat, y compris après l'introduction de l'action, en réceptionnant le bien sans aucune réserve et en en payant le prix, l'acquéreur a renoncé à remettre en cause le contrat sur la base d'irrégularités purement formelles.

Elle rappelle qu'en cas d'annulation du contrat principal emportant celle du contrat de crédit, l'emprunteur devra lui restituer le montant du capital prêté.

Elle estime que les conditions d'engagement de sa responsabilité ne sont pas réunies, à défaut de faute de la banque et de préjudice. Elle souligne que l'emprunteur a lui-même disposé des fonds en donnant l'ordre de paiement et qu'en tant que mandataire, elle ne pouvait que s'exécuter.

Elle fait valoir que l'emprunteur qui signe un document attestant que la prestation a été réalisée et sollicitant de l'établissement de crédit le versement des fonds au vendeur est irrecevable à opposer que les travaux n'ont pas été effectués et à reprocher le déblocage des fonds.

Elle expose que le raccordement est une prestation qui est réalisée par ERDF -donc par un tiers- et non par la société venderesse.

Elle indique que la prestation incombant à la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) ayant été entièrement réalisée, l'installation étant raccordée et de l'électricité étant revendue, M. [D] et Mme [O] ne justifient d'aucun préjudice, d'autant plus qu'ils resteront de fait en possession de l'installation d'une valeur de 19 990 euros.

Elle souligne, s'agissant du lien de causalité, que si l'emprunteur ne peut pas obtenir restitution des fonds pendant les opérations de liquidation judiciaire, c'est en raison de la procédure collective du vendeur - et non d'une faute de la banque.

Elle soutient que l'emprunteur a fait preuve de légèreté blâmable en signant l'ordre de règlement désormais critiqué et en attestant par ailleurs la réception sans réserves des travaux.

M. [D] et Mme [O] ont constitué avocat en cause d'appel, mais, par ordonnance du 15 octobre 2019, le conseiller de la mise en état les a déclarés irrecevables à déposer des conclusions.

Par actes d'huissier délivrés à personne morale, la société BNP Paribas personal finance a fait signifier à la société [M] MJ, en qualité de liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) le 3 juin 2019 sa déclaration d'appel et le 12 juillet 2019 ses conclusions d'appel.

La société [M] MJ, en qualité de liquidateur de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France), n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

A titre liminaire, la cour constate :

- qu'il n'est pas contesté que la société BNP Paribas personal finance vient aux droits de la société banque Solfea, ce qui est au demeurant confirmé par l'acte de cession de créances du 28 février 2017 ;

- le contrat de vente conclu le 25 juillet 2012 entre M. [D] et la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile ;

- le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. [D], Mme [O] et la société banque Solfea est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la procédure collective

Par application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. L'article L. 622-22 prévoit que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.

En l'espèce, M. [D] et Mme [O] n'ont formé aucune demande de condamnation pécuniaire à l'encontre de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) en liquidation judiciaire, mais une demande principale tendant à obtenir la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, prononcée par le premier juge et discutée en cause d'appel, peu important que cette action soit susceptible d'entraîner des restitutions.

L'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Nouvelle régie des jonctions des énergies de France (exerçant sous l'enseigne Groupe solaire de France) par M. [D] et Mme [O] est donc indifférente à la recevabilité de leur action.

Il s'ensuit qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef et qu'il convient de confirmer le jugement, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée.

Sur la nullité du contrat de vente

L'article L. 121-23 dispose : « Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 ;

7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ».

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, la société BNP Paribas personal finance produit, parmi les « pièces adverses citées », une copie peu lisible de deux pages du bon de commande où est simplement cochée la case « Centrale Photovoltaïque Fourniture, livraison et pose, garantie pièces, main d''uvre et déplacement ». A l'intérieur de cette rubrique il est coché, à la colonne « désignation », « 7,770 WC ». Il apparaît aussi une mention illisible sur la copie.

Ces dispositions, particulièrement sommaires, n'indiquent notamment pas si les accessoires nécessaires à l'installation sont inclus et les caractéristiques de l'onduleur.

La condition de désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés n'est manifestement pas satisfaite.

Le bon de commande ne permettait donc pas à M. [D] de comparer utilement les produits proposés avec d'autres offres présentes sur le marché.

Il plaçait aussi l'acquéreur dans l'impossibilité de vérifier, avant de signer l'attestation de fin de travaux, que tous les éléments nécessaires au bon fonctionnement de la centrale photovoltaïque avaient été livrés et installés.

Par ailleurs, les deux pages produites n'apportent aucune précision sur les modalités et le délai de livraison.

En conséquence, le bon de commande encourt l'annulation, pour violation des 4° et 5° de l'article L. 121-23.

Sur la renonciation à la nullité

Il est admis, sur le fondement de l'article 1338 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, que la nullité formelle résultant du texte précité du code de la consommation est une nullité relative à laquelle la partie qui en est bénéficiaire peut renoncer par des actes volontaires explicites dès lors qu'elle avait connaissance des causes de nullité.

En l'espèce, la copie du bon de commande qui est produite en cause d'appel par l'appelante et qui est en réalité une pièce de M. [D] et Mme [O] (voir ci-dessus) ne comporte que deux pages du recto du bon de commande, de sorte qu'il n'est pas possible à la cour de s'assurer que le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation figurait bien au verso de l'original.

Toutefois, il n'est pas allégué l'absence du rappel de ces textes, le jugement relevant au contraire qu' « il convient d'observer qu'il (le bon de commande) comporte un bordereau d'annulation de commande et les dispositions des articles L. 121-23 et suivants du code de la consommation ».

La simple lecture de ces articles suffit à informer une personne normalement avisée des exigences de la réglementation en matière de démarchage à domicile et plus particulièrement des mentions nécessaires à la validité du bon de commande.

Le seul fait que les acquéreurs n'aient pas souhaité, le cas échéant, prendre connaissance de ces dispositions que la loi impose pour leur protection, ne saurait justifier que la reproduction des articles précités soit sans portée quant à la capacité des acquéreurs à apprécier les irrégularités formelles du bon de commande.

Le 3 août 2012, M. [D] a signé au bas de l' « attestation de fin de travaux » contenant une formule pré-imprimée selon laquelle 'les travaux, objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau et autorisations administratives éventuelles), sont terminés et sont conformes au devis'.

Le caractère très sommaire, dans le bon de commande, de la désignation des biens offerts ne mettait pas M. [D] en mesure, avant de signer l'attestation, de vérifier que tous les éléments nécessaires au bon fonctionnement avaient été livrés et installés.

Toutefois, la cour constate que :

- M. [D] a signé au bas de l' « attestation de fin de travaux » dans laquelle il était sollicité par une formule pré-imprimée le déblocage des fonds par la société banque Solfea ;

- M. [D] et Mme [O] ont bénéficié d'une mise en service du raccordement de leur installation le 16 juillet 2013 ;

- EDF a conclu, pendant l'année 2013, avec M. [D] un contrat d'achat de l'énergie électrique ;

- le prêt a été régulièrement remboursé jusqu'au mois de mars 2015, soit pendant vingt mensualités (passées 11 mensualités de différé).

Ces actes positifs non équivoques caractérisent une volonté de percevoir les avantages attendus du contrat.

Les pièces produites ne font d'ailleurs apparaître, avant l'introduction de l'instance, aucune doléance émise par M. [D] et Mme [O] concernant leur installation.

Il est donc retenu que M. [D] et Mme [O] ont renoncé, en toute connaissance, à se prévaloir des irrégularités affectant le contrat de vente et qu'ils sont mal fondés à en solliciter désormais la nullité pour des raisons formelles.

Le jugement est donc infirmé, en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal, constaté la nullité du contrat de crédit, statué sur le droit de la banque à restitution du capital et des intérêts prêtés, condamné la société BNP Paribas personal finance à restituer les sommes perçues et condamné M. [D] et Mme [O] à restituer le matériel posé.

Sur le solde du crédit affecté

Il y a lieu de rappeler que, conformément à l'ancien article L. 311-52 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l'espèce, il ressort de l'historique produit (pièce n° 15) que la première échéance impayée non régularisée remonte au 5 avril 2015.

La date du premier acte interruptif de forclusion, notamment celle des conclusions de la banque sollicitant à titre reconventionnel devant le tribunal d'instance le paiement du solde du prêt, ne peut pas être déterminée par la cour.

Dès lors, la cour soulève d'office, sur le fondement de l'ancien article L. 311-52 précité du code de la consommation, la fin de non-recevoir tirée de la forclusion, invite la banque à y répondre et à produire toute pièce utile à ce sujet.

Par ailleurs, il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment, à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-48 devenu L. 341-1 du code de la consommation) :

- la fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- (article L. 311-6 devenu L. 312-12) ;

- la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L. 311-19 devenu L. 312-29) ;

- la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L. 311-9 devenu L. 312-16) ;

- la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L. 311-9 devenu L. 312-16) ;

- la justification de la fourniture à l'emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement (article L. 311-8 devenu L. 312-14).

En l'espèce, la société produit le contrat de crédit, une « fiche de solvabilité », les justificatifs reçus des emprunteurs sur leur situation financière et le justificatif de consultation du FICP.

Ne sont en revanche produites ni la fiche précontractuelle d'informations (FIPEN) ni la notice d'assurance ni justificatifs du respect du devoir d'explications.

Dès lors, la cour soulève d'office, sur le fondement des anciens articles L. 311-6, L. 311-8, L. 311-19 et L. 311-48 du code de la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts, invite la banque à y répondre et à produire toute pièce utile, notamment la fiche précontractuelle d'informations (FIPEN), la notice d'assurance et les justificatifs du respect du devoir d'explications.

Dans la limite des moyens qu'elle a relevés d'office, la cour ordonne la réouverture des débats. Elle invite la société Paribas personal finance à faire valoir ses observations sur les moyens soulevés d'office et à produire tout pièce utile avant le 2 décembre 2022.

Sur la restitution des sommes versées en exécution de la décision de première instance

L'obligation de restitution résulte de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire, dans la limite des dispositions infirmées. La cour d'appel n'a donc pas à statuer sur la demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt mixte, réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement, en ce qu'il a :

- donné acte à la société BNP Paribas personal finance qu'elle vient aux droits de la banque Solfea aux termes de la cession de créance intervenue le 28 février 2017 ;

- donné acte à la société BNP Paribas personal finance de son intervention volontaire ;

-déclaré recevables les demandes à l'encontre du liquidateur ;

Infirme le jugement, en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat principal ;

- constaté la nullité du contrat de crédit ;

- statué sur le droit de la banque à restitution du capital et des intérêts prêtés ;

- condamné la société BNP Paribas personal finance à restituer les sommes qui lui ont été versées par M. [D] et Mme [O] ;

- condamné M. [D] et Mme [O] à restituer le matériel posé ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité du contrat de vente et, par conséquent, celle du contrat de crédit, puis de statuer sur les conséquences de ces nullités ;

Rappelle que l'obligation de restitution résultant de plein droit de l'infirmation du jugement assorti de l'exécution provisoire, et ce dans la limite des dispositions infirmées, la cour d'appel n'a pas à statuer sur la demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement ;

Soulève d'office :

- sur le fondement de l'ancien article L. 311-52 du code de la consommation, la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ;

- sur le fondement des anciens articles L. 311-6, L. 311-8, L. 311-19 et L. 311-48 du code de la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts pour défaut de fiche précontractuelle d'informations (FIPEN), défaut de notice d'assurance et non-respect du devoir d'explications ;

Ordonne la réouverture des débats, dans la limite des moyens soulevés d'office ;

Invite la société BNP Paribas personal finance à faire valoir ses observations sur les moyens soulevés d'office et à produire tout pièce utile, avant le 2 décembre 2022 ;

Renvoie l'affaire à l'audience du 3 janvier 2023 à 14h pour plaider ;

Réserve l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

La greffièrePour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 19/05843
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;19.05843 ?
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