REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/09241 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6FMY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 15/09317
APPELANTE
Madame [N] [E] [G] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mikaël KLEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0469
INTIMÉ
LES ETATS UNIS DU MEXIQUE représenté par l'Ambassadeur du Mexique auprès de l'UNESCO
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
MINISTERE PUBLIC
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Antoine PIETRI, substitut général, qui a fait connaître son avis.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie FRENOY, Présidente de chambre
Mme Corinne JACQUEMIN LAGACHE, Conseillère
Mme Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nathalie FRENOY, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [N] [E] [G] [C] a été engagée par la Mission Permanente des Etats-Unis du Mexique auprès de l'Unesco par contrat à durée indéterminée du 5 février 2004, en qualité de responsable administrative.
Son contrat de travail a été suspendu du 16 juin au 20 juin 2014, du 16 juillet au 13 août 2014, puis du 12 janvier au 15 février 2015 et enfin de manière continue à compter du 10 juin 2015.
Souhaitant obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme [G] [C] a saisi le 23 juillet 2015 le conseil de prud'hommes de Paris.
En date du 13 juin 2017, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail.
Par lettre du 24 août 2017, Mme [G] [C] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 septembre suivant, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 15 septembre 2017.
Par jugement du 14 décembre 2017, notifié aux parties par lettre du 25 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a :
-débouté Mme [G] [C] de toutes ses demandes,
-débouté les États-Unis du Mexique représentés par l'Ambassadeur auprès de l'Unesco domicilié à la délégation permanente du Mexique devant l'Unesco de sa demande reconventionnelle.
Par déclaration du 20 juillet 2018, Mme [G] [C] a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 mars 2022, l'appelante demande à la Cour :
-d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes,
et, statuant à nouveau,
à titre principal,
-de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [G] [C] aux torts de l'employeur et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
à titre subsidiaire,
-de dire et juger que le licenciement notifié à Mme [G] [C] est nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en tout état de cause,
-de condamner les États-Unis du Mexique à verser à Mme [G] [C] les sommes de :
*6 528,38 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*652,84 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
*40 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
*20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
-de condamner les États-Unis du Mexique à verser à Mme [G] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de condamner les États-Unis du Mexique aux dépens.
Par leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 17 février 2022, les Etats-Unis du Mexique, représentés par Monsieur l'Ambassadeur du Mexique auprès de l'Unesco, demandent à la Cour :
vu l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel,
-de juger que la Cour n'est pas saisie,
subsidiairement, au fond :
-de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
-de condamner Madame [G] [C] à verser aux Etats-Unis du Mexique la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Le ministère public, rappelant que le contrat de travail de Mme [G] [C] est régi par le code du travail français, a requis la conformité de l'acte d'appel et, n'étant pas en possession des justificatifs des dires des parties, a émis l'avis selon lequel la cour doit apprécier, à l'analyse des pièces produites, si le harcèlement moral invoqué par l'appelante est ou non constitué, et en tirer toutes conséquences de droit notamment sur le licenciement
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 avril 2022 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 21 avril 2022.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
Les États-Unis du Mexique font valoir que l'appel interjeté par Mme [G] [C] le 20 juillet 2018 est un appel total accompagné d'une lettre énonçant les chefs de jugement critiqués, alors que seul un empêchement d'ordre technique (inexistant en l'espèce ) permet l'adjonction d'une annexe à l'acte d'appel, comme l'a confirmé l'arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2022. Ils concluent à l'absence d'effet dévolutif de cet appel et demandent que la Cour constate qu'elle n'est pas saisie.
Mme [G] [C] souligne que sa déclaration d'appel renvoie expressément à une lettre jointe énonçant les chefs de jugement critiqués, que cette lettre qui fait intégralement partie de l'acte était destinée à faciliter la lecture de la juridiction saisie et de l'intimé, que l'absence de mention des chefs de jugement critiqués dans le corps même de la déclaration d'appel n'a pas été préjudiciable à son adversaire qui a pu conclure en réponse sans difficulté et n'a soulevé ce moyen que postérieurement à l'arrêt de la Cour de cassation précité, de manière opportuniste et avec la plus parfaite mauvaise foi. Elle soutient que cet arrêt ne saurait avoir un effet rétroactif aussi manifestement disproportionné - près de quatre ans après l'appel- sans porter atteinte au droit à un procès équitable tel que défini notamment par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et invoque le décret du 25 février 2022 visant manifestement à faire échec à cette jurisprudence et permettant à une déclaration d'appel d'être, le cas échéant, accompagnée d'une annexe.
Le ministère public a considéré que :
- les dispositions du décret et de l'arrêté du 25 février 2022 étaient immédiatement applicables aux instances d'appel en cours, en ce comprises les déclarations formées avant l'entrée en vigueur de ces textes,
- lorsque la déclaration d'appel mentionne expressément l'existence d'une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, ce qui est le cas en l'espèce, l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile est constitué, la condition d'empêchement technique n'étant pas requise.
En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.
Le décret n°2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a modifié l'article 901 du code de procédure civile qui dispose désormais que 'la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.'
Par avis du 8 juillet 2022, la Cour de cassation a précisé que le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
Cet avis indique aussi qu'une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.
En l'espèce, la déclaration d'appel datant du 20 juillet 2018 de Mme [G] [C] porte la mention suivante : appel « total : cf lettre énonçant les chefs de jugement critiqués ».
Les dispositions du Décret du 25 février 2022 sont donc applicables en l'espèce, la déclaration d'appel n'ayant pas fait l'objet de contestation devant le conseiller de la mise en état.
Par conséquent, nonobstant l'absence d'empêchement technique, la présence d'une annexe à l'acte d'appel de la salariée est conforme aux dispositions précitées.
Le moyen soulevé par les Etats-Unis du Mexique doit être rejeté.
Sur le retrait de pièces :
La Représentation du Mexique auprès de l'Unesco invoque le principe d'inviolabilité dont elle jouit en matière d'archives pour solliciter le retrait des pièces n° 6, 7, 13,19, 20, 27, 28, 29, 30,31, 32,33 et 34 produites par Mme [G] [C].
Cependant, force est de constater que cette demande ne figure pas au dispositif des conclusions de l'intimée et que la Cour n'en est donc pas saisie.
Sur le harcèlement moral :
Mme [G] [C] affirme avoir été victime à partir de 2013 d'une situation digne d'un véritable harcèlement moral à son encontre, faisant l'objet d'actes de sa hiérarchie visant à la déstabiliser et à porter atteinte à sa santé et à sa dignité. Elle indique que ses fonctions ont été très explicitement remises en cause sans son consentement, qu'elle a été rétrogradée, devenant la subordonnée de Mme [K][S], qui l'a confinée à des tâches manifestement dévalorisantes et lui a enlevé toute autonomie. Elle fait état en outre d'une discrimination à raison de son état de santé, son employeur n'hésitant pas à pointer ses absences comme la cause des retards constatés au sein du service et à la sanctionner du fait de ses absences pour raisons médicales. Elle sollicite 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi depuis 2013.
Il convient de relever qu'aucune demande relative à la discrimination n'est formulée et que ce moyen vient au soutien de la demande de reconnaissance d'un harcèlement moral.
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [G] [C] invoque les pièces suivantes :
- le courriel du 18 novembre 2013 de la Délégation mexicaine à la Direction générale du service du budget indiquant l'absence de responsable administratif et souhaitant en obtenir,
- le courriel du 21 mai 2014 de l'employeur à la Direction générale du service du budget, faisant état de l'absence de responsable administratif au sein de la Délégation,
- le courriel de l'employeur en date du 25 juillet 2014 informant de la nomination de Mme [K][S] comme chargée de l'administration à partir du 25 juin 2014 et de l'activité de Mme [G] [C] comme 'auxiliaire administratif ' à compter de la même date,
- différents certificats en date des 31 mai 2005, 15 mai 2006, 15 février 2011, 4 octobre 2012 établis par la Mission permanente du Mexique à l'Unesco faisant état de l'activité de 'responsable administrative' de l'appelante, depuis février 2004,
- un certificat en date du 26 janvier 2015 faisant état de l'activité d' 'auxiliaire de comptabilité' de Mme [G] [C] depuis le 5 février 2004,
- la copie d'un document intitulé « acte de remise- réception » de la coordination administrative de la mission permanente entre Mme [G] [C] et Mme [K][S],
- un ordre de virement pour un salaire en date du 11 mars 2013 signé par Mme [G] [C] en tant que responsable de l'administration, un autre en date du 6 janvier 2014 portant mention de Mme [K][S] comme signataire potentielle de l'acte,
- une demande de congés de l'appelante, validée par Mme [K][S],
- diverses prescriptions médicales et avis d'arrêt de travail,
- le courriel de la Délégation du 30 janvier 2015 à la Direction générale des ressources humaines faisant état des absences pour maladie de l'appelante, lesquelles 'affectent le travail normal de l'administration',
- un courriel de Mme [K][S] du 11 mai 2015 listant les activités à faire par l'appelante du 11 au 8 mai 2015 (allant de la préparation des e-mails à la photocopie de rapports, en passant par des appels téléphoniques), avec un planning particulier 'chaque jour à partir de 15 heures les archives s'il te plaît' , '[W] réalisera les e-mails que tu prépares pour son envoi au Mexique', 'si le téléphone sonne pendant mon absence, je te remercierai de prendre l'appel, prendre note et me l'envoyer par courriel',
- le certificat d'un psychiatre en date du 20 septembre 2016 évoquant un traitement médicamenteux 'antidépresseur et anxiolytique depuis deux ans (illisible) et un surmenage professionnel comme encadrement hiérarchique quasi harcelant',
- le courrier du même médecin en date du 17 mai 2017 indiquant la transmission d'un écrit au médecin-conseil de la CPAM en septembre 2016,
-son évaluation annuelle pour la période comprise entre 2014 et février 2015, listant ses fonctions faisant mention dans la rubrique 'commentaires additionnels' ' la C [E] [G] présente fréquemment des problèmes médicaux qui l'obligent à s'absenter du lieu de travail',
- les mots de passe d'accès aux comptes bancaires et système SIGEPP.
Les éléments produits permettent de vérifier que les attributions de Mme [G] [C] ont été remises en cause, comme son statut de responsable administrative, qu'elle est devenue subalterne d'une autre salariée, ses fonctions à partir de 2014, tel que cela ressort de son entretien d'évaluation, consistant en la 'préparation des démarches pour l'exercice des dépenses budgétaires le contrôle des comptes'.
Divers éléments médicaux corroborent l'état de santé dégradé de la salariée à compter de ces remises en cause et des changements intervenus.
Mme [G] [C] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
Pour sa part, la Représentation du Mexique auprès de l'Unesco critique la traduction de certaines pièces adverses, rappelle que Mme [G] [C] a été engagée au poste de responsable administrative avec pour fonctions la préparation des démarches pour l'exercice des dépenses budgétaires et le contrôle des comptes bancaires notamment, que la répartition des responsabilités entre les fonctionnaires et les employés locaux relève de l'organisation de la Délégation soumise aux règles de Droit public mexicain qui prévoient que seul un fonctionnaire d'État peut accéder aux comptes et disposer d'une délégation de signature sur eux, que la nomination de Mme [K][S] n'a nullement altéré les attributions de l'appelante qui n'a jamais eu à assurer les prérogatives attachées au statut de fonctionnaire. Elle souligne que Mme [G] [C] n'a pas signé d'ordre de virement, n'ayant jamais eu de délégation de signature bancaire et considère que la pièce adverse n° 20 n'est pas la copie du document interne original. Elle soutient qu'en ce qui concerne les demandes de congés, la salariée a toujours dû faire valider ses demandes par un fonctionnaire, même avant l'arrivée de Mme [K][S], que la liste des tâches rappelées par cette dernière était liée à son départ en vacances, qu'aucune tâche inutile ni dévalorisante ne lui a été confiée, qu'aucune modification de son contrat de travail ou de ses fonctions n'a eu lieu. Elle fait valoir que la mention relative à ses absences sur son évaluation annuelle est purement neutre et n'empêche nullement une notation très satisfaisante, que le changement de bureau a eu lieu lors du réaménagement des différents espaces de travail et qu'aucun harcèlement moral n'a été commis.
Les États-Unis du Mexique représentés par l'Ambassadeur de cet Etat auprès de l'Unesco versent aux débats :
- une autre traduction du courriel du 18 novembre 2013 faisant état de l'absence de 'coordinateur' administratif,
- une autre traduction du courriel du 20 mai 2014 indiquant que la Représentation ne dispose toujours pas de 'coordinateur administratif',
- l'attestation de Mme [K][S] indiquant 'dès mon arrivée à cette délégation, les activités de Mme [G] n'ont pas été modifiées. En tant que fonctionnaire du service du ministère des affaires étrangères, j'ai des obligations et responsabilités qui ne sont pas attribuées aux employés locaux', listant ses différentes attributions et précisant que Mme [G] [C] 'n'a jamais été autorisée à signer des documents financiers (chèque , virements, etc.,) liés aux comptes bancaires de la délégation. Du fait qu'elle n'est pas membre du service extérieur mexicain, ses responsabilités ne sont pas celles d'un fonctionnaire mexicain',
- l'attestation d'une assistante de direction assurant de la continuité des tâches réalisées par Mme [G] [C] et de sa participation, comme tous les autres salariés fonctionnaires du service extérieur mexicain, à 'l'archivage' (...) 'partie importante du travail de l'ensemble du personnel',
- des exemples d'ordres de virement et des exemples de documents informatifs sur des virements élaborés par Mme [G] [C] et révisés par un fonctionnaire mexicain,
- une demande de prise de congés du 4 décembre 2009, contresignée par deux fonctionnaires du service extérieur mexicain,
- une demande de congés du 4 décembre 2014 contresignée par deux fonctionnaires,
- un devis ' moquette' du 8 octobre 2005, pour montrer que Mme [G] [C] était en contact direct avec les fournisseurs et prestataires de services pour la délégation du Mexique,
- plusieurs e-mails des 12 octobre 2012, 21 mai 2013 et 8 août 2013 concernant le rapport de paie du personnel local visé par un fonctionnaire mexicain,
- un e-mail du 16 mai 2011 concernant l'envoi de documents d'embauche du personnel local,
- l'attestation d'une diplomate en charge du réaménagement et de la distribution des bureaux, indiquant que tous les membres de la Délégation ont connu des changements de bureau régulièrement, les changements s'effectuant en fonction du personnel et des nouveaux arrivants.
Quelques invraisemblances dans les pièces et traductions présentées par la salariée sont vérifiables, à la lumière des explications de la Délégation intimée.
Il est établi, par les pièces produites par la Délégation mexicaine auprès de l'Unesco, que Mme [G] [C], avant la période de harcèlement moral allégué, n'était pas l'autorité décisionnaire en matière de congés payés, n'avait pas les compétences, ni la délégation de signature d'un fonctionnaire mexicain et pouvait intervenir sur les tâches en lien avec différents prestataires de services en relation avec l'Ambassade.
En revanche, s'il est possible de la part d'un employeur de créer un échelon hiérarchique supérieur à celui d'un salarié, sans modifier toutefois la sphère de compétence et les activités de ce dernier, en l'espèce, les pièces produites permettent de vérifier que si la coordination du service a été confiée à partir de la mi 2014 à Mme [K][S], fonctionnaire d'Etat, chargée de la supervisation des actes effectués par les employés locaux, cette nomination n'est pas justifiée comme ayant été sans incidence sur le statut, la fonction et les missions de Mme [G] [C] ; d'ailleurs les attestations d'emplois qui ont été remises à l'intéressée illustrent le changement de statut de cette dernière à l'arrivée de Mme [K][S], une rupture manifeste ayant existé dans ces documents la désignant invariablement comme 'responsable administrative' d'année en année, jusqu'en 2015 où son titre d' 'auxiliaire de comptabilité' apparaît.
S'il ne peut être tiré aucun argument du changement de bureau ayant eu lieu pour la salariée comme pour d'autres à l'occasion du réaménagement de l'espace dont disposait la Délégation mexicaine en fonction des recrutements, en revanche, la modification des tâches et attributions - sans son accord -, ainsi que la perte d'autonomie illustrée par une liste de tâches très précise transmise à l'intéressée - la circonstance d'un départ en congé étant indifférente- n'apparaissent pas justifiées par des éléments étrangers à tout harcèlement moral, à l'occasion de la désignation d'une responsable administrative ou coordinatrice du service, quelle que soit la dénomination utilisée.
Les arrêts de travail de la salariée pour cause de maladie ne sont pas justifiés comme ayant été indifférents au surplus, notamment relativement aux mentions apposées sur l'évaluation de l'intéressée de février 2015.
La Délégation du Mexique auprès de l'Unesco ne justifie donc pas par des données étrangères à tout harcèlement moral les éléments présentés à ce titre par la salariée.
Eu égard aux éléments de préjudice subi et à sa durée, il convient d'accueillir la demande d'indemnisation du harcèlement moral à hauteur de 4 000 €.
Sur la résiliation judiciaire :
Mme [G] [C], licenciée le 15 septembre 2017, sollicite que sa demande de résiliation judiciaire pré-existante soit accueillie et sollicite une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, ainsi qu'une indemnité pour licenciement nul à titre principal ou sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, d'un montant de 40'000 €, en l'état du préjudice lié à sa perte d'emploi et également à sa situation professionnelle obérée depuis.
Les États-Unis du Mexique sollicitent la confirmation du jugement entrepris et considèrent qu'aucun manquement grave, justifiant une résiliation judiciaire du contrat de travail à leurs torts, ne saurait leur être reproché.
En l'état du harcèlement moral retenu et de ses conséquences sur l'emploi de la salariée, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [G] [C], laquelle doit avoir les effets d'un licenciement nul.
Il y a lieu d'accueillir la demande d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur du montant réclamé, non strictement contesté et conforme aux droits de l'intéressée, et celle relative aux congés payés y afférents.
Tenant compte de l'âge de la salariée (59 ans ) au moment de la rupture, de son ancienneté (remontant au 5 février 2004), de son salaire moyen mensuel brut (soit 3 264,19 €), des justificatifs produits de sa situation de demandeur d'emploi après la rupture, bénéficiaire d'une allocation d'aide au retour à l'emploi d'octobre 2017 à octobre 2020, du justificatif du versement d'une allocation de solidarité spécifique à compter de cette date jusqu'en janvier 2022, il y a lieu de lui allouer la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à ce titre la somme de 2 000 € à Mme [G] [C].
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions déboutant les Etats-Unis du Mexique de leur demande au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
PRONONCE la résiliation du contrat de travail de Mme [G] [C] aux torts des Etats-Unis du Mexique représentés par l'Ambassadeur du Mexique auprès de l'Unesco,
Dit que la rupture a les effets d'un licenciement nul,
Fixe la date de la rupture au 15 septembre 2017,
CONDAMNE les Etats-Unis du Mexique à payer à [N] [E] [G] [C] les sommes de
- 4 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 6 528,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 652,83 € au titre des congés payés y afférents,
- 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE les Etats-Unis du Mexique représentés par l'Ambassadeur du Mexique auprès de l'Unesco aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE