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06/09/2022 | FRANCE | N°19/22637

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 4, 06 septembre 2022, 19/22637


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 4



ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/22637 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBEVI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 17/07852





APPELANT



Monsieur [G] [J]

Né le 05 Octobre 1952 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse

3]



Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010





INTIMEE



Organisme ACADEMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

[Adresse 2]
...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/22637 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBEVI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 17/07852

APPELANT

Monsieur [G] [J]

Né le 05 Octobre 1952 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMEE

Organisme ACADEMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Christine BEZARD FALGAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0521

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Michel CHALACHIN, Président de chambre

Mme Marie MONGIN, Conseillère

M. François BOUYX, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur CHALACHIN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Cynthia GESTY

ARRET : contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Mme Gisèle M'BOLLO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 26 avril 2007, l'Académie des sciences morales et politiques (ci-après l'académie) a donné à bail à MM. [L] [Y] et [G] [J] un local à usage professionnel, destiné à l'exercice de leur activité d'avocats, situé [Adresse 1].

M. [Y] ayant donné congé pour le 15 janvier 2015, M. [J] est resté seul locataire du local.

Le 16 avril 2015, la bailleresse a fait délivrer au locataire un commandement de payer la somme de 12 582,78 euros visant la clause résolutoire du bail.

Par ordonnance du 8 décembre 2015, le juge des référés a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies, a condamné M. [J] au paiement de la somme de 18 453,80 euros à valoir sur l'arriéré locatif arrêté au 30 mai 2015 et a suspendu les effets de la clause résolutoire en octroyant au preneur un délai de six mois pour s'acquitter de sa dette.

Cette ordonnance a été signifiée à M. [J] le 16 janvier 2016.

Le 16 février 2016, la bailleresse a fait délivrer à son locataire un commandement de quitter les lieux et un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Par acte d'huissier du 26 février 2016, M. [J] a saisi le juge de l'exécution du tribunal de Paris aux fins d'annulation de ces deux commandements.

Le 11 avril 2016, la bailleresse a saisi la préfecture de police afin d'obtenir son concours en vue de l'expulsion du locataire.

Par jugement du 3 mai 2016, le juge de l'exécution a annulé le commandement de quitter les lieux et le commandement aux fins de saisie-vente et a condamné la bailleresse au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre du 28 juin 2016, le preneur a donné congé à la bailleresse pour le 30 novembre 2016.

Par acte d'huissier du 3 avril 2017, la bailleresse a fait assigner le locataire devant le juge des référés afin d'obtenir le paiement de l'arriéré de loyers qui s'élevait à la somme de 14 388,20 euros lors de la restitution des lieux ; par ordonnance du 3 octobre 2017, le juge a dit n'y avoir lieu à référé.

Par acte d'huissier du 21 avril 2017, M. [J] a fait assigner l'académie devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la communication de pièces et l'indemnisation d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral.

Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal a :

- débouté M. [J] de ses demandes de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, de communication des diagnostics du bien loué et de communication des justificatifs relatifs aux montants de la taxe sur les bureaux,

- déclaré la demande d'indemnité pour préjudice moral recevable et condamné l'académie au paiement de la somme de 4 000 euros à ce titre,

- condamné M. [J] au paiement de la somme de 14 388,20 euros au titre de l'arriéré de loyers avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2017,

- rappelé que la compensation était de droit,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté les autres demandes,

- condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 décembre 2019, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées le 5 mars 2020, l'appelant demande à la cour de :

- condamner la bailleresse à lui délivrer les justificatifs du diagnostic de l'appartement et de l'immeuble effectué en mai/juin 2016 sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- la condamner au paiement des sommes de 24 000 euros en réparation de ses troubles de jouissance et de 20 000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamner la bailleresse au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2020, l'académie demande à la cour de :

- débouter M. [J] de son appel,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son trouble de jouissance,

- le réformer sur ce point,

- condamner l'appelant au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

MOTIFS

Sur les troubles de jouissance invoqués par l'appelant

M. [J] expose que, suite à des travaux de réfection des persiennes effectués dans le courant de l'été 2012, la manivelle ne fonctionnait pas ; la bailleresse a reconnu, dans une lettre du 12 mars 2014, que la société Gouider qui avait effectué ces travaux n'était pas en mesure de procéder à la réparation du système d'ouverture, mais s'est engagée à faire venir un serrurier, la société Métal power ; M. [J] n'indique pas si cette intervention a été efficace, mais force est de constater que, dans ses lettres postérieures au 11 mars 2014, l'appelant n'invoque plus le dysfonctionnement de la manivelle ; de plus, dans le procès-verbal de constat d'huissier dressé à la date de remise des clés (soit le 30 novembre 2017 selon cet acte), il n'est mentionné aucun dysfonctionnement de la manivelle, alors que M. [J] était présent et aurait pu signaler ce désordre à l'huissier s'il était toujours d'actualité ; il s'agissait donc d'un désordre minime, qui a été réparé par un serrurier, et qui n'a pas causé de trouble de jouissance significatif à l'appelant.

M. [J] invoque un dégât des eaux qui se serait produit 'à la fin de l'année 2014 provenant des parties communes de l'immeuble' ; mais il ne produit aucune pièce attestant de la réalité ni de la cause de ce désordre et ne justifie pas avoir déclaré ce sinistre à son assureur ; la cour ignore donc si ce sinistre a bien eu lieu, et, si oui, quelles en ont été l'ampleur et la cause ; la preuve d'un trouble de jouissance imputable à ce désordre n'est donc pas rapportée.

Il invoque un second dégât des eaux qui se serait produit en janvier 2016 et qui proviendrait d'une fuite sur une canalisation de l'immeuble située dans la cage de l'escalier de service ; mais là encore, il ne produit aucun élément objectif attestant de la réalité et de l'ampleur de ce sinistre, puisqu'il s'est contenté d'écrire à la bailleresse à ce sujet, sans formaliser la moindre déclaration à son assureur ; une telle démarche aurait permis de déterminer la cause exacte de ce sinistre grâce à l'intervention d'un expert d'assurance et aurait permis de connaître précisément les conséquences d'un tel dégât des eaux sur l'appartement loué ; M. [J] prétend que ce sinistre aurait abîmé les peintures de l'entrée ; pourtant, dans une lettre du 18 juillet 2016, le mandataire de la bailleresse avait indiqué au preneur que le service travaux qui s'était rendu sur place avait constaté l'absence d'humidité sur le mur de l'entrée ; et dans le procès-verbal de constat dressé à la remise des clés, l'huissier a noté que les peintures des murs et plafond de l'entrée étaient en bon état, seul un 'écaillement' étant visible en entrant ; les photographies produites par M. [J] ne sont pas datées et rien ne prouve qu'elles correspondent à l'appartement dont il était locataire ; l'appelant ne justifie donc pas avoir subi un préjudice lié à ce prétendu dégât des eaux.

M. [J] se plaint de nuisances sonores causées par des travaux entrepris dans le sous-sol de l'immeuble et dans l'immeuble voisin ; mais il ne produit aucune pièce attestant de la durée et de l'importance de ces travaux puisque, là encore, il s'est contenté de se plaindre de la durée des travaux auprès de la bailleresse, sans faire constater que ces derniers avaient excédé les inconvénients normaux liés à la vie dans un immeuble collectif situé en milieu urbain ; ainsi, il ne justifie pas que les autres avocats qui partageaient son cabinet ni que d'autres occupants de l'immeuble se soient plaints de quelconques nuisances causées par ces travaux ; il ne rapporte donc pas la preuve d'un préjudice de jouissance lié à la réalisation desdits travaux.

L'appelant reproche à la bailleresse de n'avoir pas muni les fenêtres d'un double vitrage, alors que les locaux loués étaient situés au rez-de-chaussée et que les huisseries laissaient passer de l'air pollué ; mais il ne produit aucune pièce objective attestant du manque d'étanchéité à l'air des fenêtres, étant rappelé qu'aucune disposition légale n'oblige un bailleur à remplacer une fenêtre à simple vitrage par une fenêtre à double vitrage, et ce même pour un appartement situé au rez-de-chaussée.

M. [J] invoque le dysfonctionnement de la serrure de la porte d'entrée à compter du mois de juillet 2017 ; mais il résulte de la combinaison des articles 1754 et 1755 du code civil que l'entretien des serrures est à la charge du locataire, sauf si le désordre est occasionné par la vétusté ou la force majeure ; or l'appelant ne démontre nullement que le mauvais fonctionnement de la serrure soit imputable à la vétusté.

Enfin, l'appelant se contente d'affirmer que, au mois de juin 2016, un diagnostiqueur aurait détecté la présence de plomb dans les embrasures de fenêtres, sans rapporter la moindre preuve de cette allégation ; il ne démontre donc pas que l'appartement ne répondait pas aux normes de décence du décret du 30 janvier 2002, et ne peut prétendre voir condamner la bailleresse à communiquer un diagnostic dont l'existence n'est pas avérée.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a débouté M. [J] de sa demande en réparation d'un trouble de jouissance et a rejeté sa demande de communication du diagnostic dont la réalité est incertaine.

Sur le préjudice moral

M. [J] reproche à la bailleresse d'avoir tenté de le faire expulser et de lui avoir fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente alors que le juge des référés, par ordonnance du 8 décembre 2015, avait suspendu les effets de la clause résolutoire du bail et lui avait accordé un échéancier de six mois.

Par jugement du 3 mai 2016, le juge de l'exécution a annulé le commandement de quitter les lieux et le commandement de payer du 16 février 2016 au motif que la bailleresse ne disposait pas de titre exécutoire pouvant justifier la délivrance de ces actes.

L'académie invoque sa bonne foi en arguant du fait que le juge des référés avait arrêté la dette locative au 30 mai 2015, alors que le locataire avait continué à ne pas régler ses loyers après cette date, au point qu'il devait encore la somme de 24 215,70 euros au 16 février 2016, date de délivrance des commandements, et alors qu'il percevait des sous-loyers.

Mais, même si le preneur était encore débiteur, il n'en demeure pas moins que la bailleresse ne disposait pas d'un titre exécutoire pour les loyers postérieurs au 30 mai 2015 et ne pouvait donc pas lui faire délivrer les actes susvisés.

M. [J] avait également respecté l'échéancier accordé par le juge des référés puisque, le 4 février 2016, il avait remis au mandataire de la bailleresse un chèque de 8 945 euros correspondant au loyer courant et au premier acompte prévu à l'échéancier.

Non seulement le preneur a reçu un commandement de quitter les lieux parfaitement illicite puisque les effets de la clause résolutoire étaient suspendus, mais encore il a reçu des avis de la préfecture de police en vue de son expulsion les 11 avril et 26 mai 2016, alors qu'il avait saisi le juge de l'exécution le 26 février 2016 et que l'audience s'était tenue devant cette juridiction le 12 avril 2016.

Il s'est également vu dénoncer un procès-verbal d'indisponibilité de son véhicule le 26 avril 2016, ainsi qu'une saisie-attribution le 4 mai 2016 bloquant son compte bancaire.

La bailleresse ne peut se retrancher derrière l'attitude de son huissier, celui-ci n'ayant fait qu'exécuter le mandat qu'il avait reçu de sa cliente.

Elle ne peut non plus se retrancher derrière la décision du juge de l'exécution, lequel n'était pas saisi d'une demande indemnitaire de la part du preneur.

Le tribunal, en allouant à M. [J] une somme de 4 000 euros en réparation des troubles causés par les nombreux actes d'huissier délivrés durant l'exercice de son activité d'avocat, a fait une juste appréciation de l'importance de son préjudice ; le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la dette locative

M. [J] ne conteste pas le jugement en ce qu'il a évalué le solde de la dette locative, après déduction du dépôt de garantie et de la régularisation des charges de 2016, à la somme de 14 388,20 euros ; le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

L'appelant, qui succombe en ses demandes, doit être condamné aux dépens de la procédure d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter l'intimée de sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne M. [J] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/22637
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;19.22637 ?
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