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06/09/2022 | FRANCE | N°19/07223

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 4, 06 septembre 2022, 19/07223


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 4



ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07223 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7VAL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2019 -Tribunal d'Instance de Paris 17ème - RG n° 11-18-211471





APPELANT



Monsieur [O] [G]

Né le 23 Janvier 1961 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[L

ocalité 4]



Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Laurence BRUGUIER CRESPY, avocat au barreau de PARIS, toque: P0451





INTIME



Monsieur [P] [X]

Né le 26 Mars 1990 à [Localité 8]

chez Mad...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 4

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07223 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7VAL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2019 -Tribunal d'Instance de Paris 17ème - RG n° 11-18-211471

APPELANT

Monsieur [O] [G]

Né le 23 Janvier 1961 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Laurence BRUGUIER CRESPY, avocat au barreau de PARIS, toque: P0451

INTIME

Monsieur [P] [X]

Né le 26 Mars 1990 à [Localité 8]

chez Madame [D] [X]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Inés GARCIA NIETO, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Michel CHALACHIN, Président de chambre

Mme Marie MONGIN, Conseillère

M. François BOUYX, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Chalachin dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Cynthia GESTY

ARRET : contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel CHALACHIN, Président de chambre et par Mme Gisèle M'BOLLO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er septembre 2000, M. [O] [G] a donné à bail à M. [E] [X] un logement situé [Adresse 3] moyennant un loyer mensuel de 4 796 francs (soit 731,14 euros) outre une provision pour charges de 350 francs (soit 53,36 euros) ; le preneur a versé un dépôt de garantie de 9 592 francs (soit 1 462,29 euros).

Le bail a été tacitement reconduit jusqu'en 2012.

Par lettre du 28 février 2012, le bailleur a donné congé au preneur pour le 1er octobre 2012 au motif qu'il devait effectuer des travaux de rénovation rendant impossible le maintien dans les lieux d'un habitant.

Le 1er juillet 2012, les mêmes parties ont conclu un nouveau bail portant sur le même logement, moyennant un loyer mensuel de 1 350 euros, outre une provision pour charges de 65 euros et le versement d'un dépôt de garantie de 1 350 euros.

M. [E] [X] est décédé le 26 novembre 2017 ; les clés du logement ont été restituées au bailleur le 12 janvier 2018.

Par lettre recommandée du 29 janvier 2018, M. [G] a déclaré au notaire chargé de la succession une créance de 25 225 euros au titre de loyers et charges impayés.

Par acte notarié du 23 mai 2018, Mme [D] [U] épouse [X], mère du défunt, a renoncé à sa succession ; l'unique héritier de M. [E] [X] était donc son fils, M. [P] [X].

Par actes d'huissier des 12 juin et 7 septembre 2018, M. [G] a fait assigner Mme [D] [X] et M. [P] [X] devant le tribunal d'instance de Paris afin d'obtenir le paiement de la dette locative.

Par jugement du 19 février 2019, le tribunal a :

- constaté qu'aucune demande en paiement n'était formulée à l'encontre de Mme [D] [X], qui au demeurant a renoncé à la succession de M. [E] [X],

- rejeté les demandes de faire injonction aux défendeurs de produire l'exemplaire enregistré de la déclaration de succession et des extraits de la comptabilité du notaire, d'écarter les attestations émanant de personnes étrangères aux rapports locatifs, de comparution personnelle des parties et de témoins et de recueil des déclarations de témoins,

- déclaré irrecevables les demandes au titre de l'arriéré locatif antérieur au 12 juin 2015 formées par M. [G],

- dit que M. [P] [X] était redevable de la somme de 8 960 euros au titre de l'arriéré locatif pour la période du 12 juin 2015 au 26 novembre 2017,

- dit que M. [G] était redevable de la somme de 2 812,29 euros au titre de la restitution des dépôts de garantie,

- ordonné la compensation des créances réciproques des parties,

- condamné en conséquence M. [X] au paiement de la somme de 6 147,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- autorisé M. [X] à s'acquitter de sa dette par versements mensuels de 256 euros,

- rejeté la demande tendant à ce qu'il soit ordonné à M. [G] de justifier de ses revenus fonciers des cinq dernières années et de ses propriétés sur [Localité 7],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] et M. [X] à payer chacun la moitié des dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 avril 2019, M. [G] a interjeté appel de cette décision à l'encontre de M. [X].

Par dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2021, l'appelant demandait à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes,

- statuant à nouveau, dire que sa demande portant sur un arriéré locatif dû à compter de juillet 2012 n'est pas soumise à la prescription triennale au sens des articles 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et 2222 du code civil,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'il devait restituer les deux dépôts de garantie versés lors de la conclusion des baux successifs de 2000 et 2012, dire qu'il n'est redevable d'aucune somme au titre de la restitution du dépôt de garantie et que l'absence de régularisation et de justification des charges locatives ne saurait entraîner ipso facto le rejet de la demande en paiement de ces charges,

- en conséquence, condamner M. [X] au paiement de la somme de 25 225 euros outre les intérêts légaux à compter de l'assignation,

- infirmer le jugement en ce qu'il a accordé des délais de paiement à M. [X],

- confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit au principe de sa demande,

- condamner M. [X] au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2020, M. [X] demandait à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 8 960 euros au titre de l'arriéré de loyers,

- statuant à nouveau, dire que les demandes de l'appelant sont irrecevables, prescrites et mal fondées,

- dire que le bail du 1er juillet 2012 est nul ou, subsidiairement, qu'il s'agit d'un renouvellement de bail,

- débouter M. [G] de ses demandes,

- infirmer le jugement et dire qu'il n'est redevable d'aucune somme à quelque titre que ce soit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelant au paiement de la somme de 2 812,29 euros en restitution des dépôts de garantie avec intérêts,

- confirmer la compensation entre les sommes qui seraient éventuellement dues par les parties,

- confirmer le délai de paiement de deux ans qui lui a été accordé,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et débouter M. [G] de ce chef de demande formée devant la cour,

- condamner l'appelant au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris.

L'affaire avait été plaidée le 1er février 2022 après avoir été clôturée le 4 janvier 2022.

Par arrêt avant dire droit du 8 février 2022, la cour de céans a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et renvoyé l'affaire à la mise en état en demandant aux parties de conclure sur le moyen soulevé d'office par la cour quant à la nullité éventuelle du bail conclu le 1er juillet 2012 au regard des règles alors en vigueur en matière de renouvellement de bail avec réévaluation du loyer.

Par conclusions notifiées le 25 avril 2022, l'appelant a demandé à la cour de :

- dire n'y avoir lieu à prononcer la nullité du contrat du 1er juillet 2012 pour inobservation de l'article 17 c) de la loi du 6 juillet 1989, dire que le contrat constituait un nouveau bail et non un renouvellement et que le loyer pouvait être librement fixé entre les parties, ce qui exclut l'application de l'article 17 c),

- dire qu'il n'y a pas eu réévaluation du loyer lors d'un renouvellement décidé par le bailleur mais fixation d'un nouveau loyer résultant d'un nouveau bail expressément consenti par le preneur,

- dire qu'à supposer qu'il soit fait application de l'article 17 c), cela reviendrait à se substituer impérativement voire arbitrairement à une convention impliquant, par hypothèse, l'accord de volonté des parties,

- dire qu'aucune demande de nullité du bail reposant sur une prétendue inobservation de l'article 17 c) n'est formulée dans le dispositif des conclusions de l'intimé,

- dire que ces conclusions ne respectent pas les prescriptions légales en ce qu'elles ne comportent pas un exposé des prétentions et moyens sur lesquels se fondent ces prétentions,

- à titre subsidiaire, dire que l'action en nullité du bail, qui a couru soit de la date de signature du bail, soit de la date du renouvellement du bail, était prescrite au 28 juillet 2018, date des conclusions en réplique de l'intimé invoquant la nullité.

Par conclusions notifiées le 14 mars 2022, M. [X] a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 8 960 euros au titre de l'arriéré de loyers,

- statuant à nouveau, dire et juger le bail du 1er juillet 2012 nul, dire que les demandes de l'appelant sont irrecevables, prescrites et mal fondées, et dire l'intimé recevable et bien-fondé en ses demandes,

- subsidiairement, dire que le bail du 1er juillet 2012 est un renouvellement de bail,

- débouter M. [G] de ses demandes,

- infirmer le jugement et dire qu'il n'est redevable d'aucune somme à quelque titre que ce soit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'appelant au paiement de la somme de 2 812,29 euros en restitution des dépôts de garantie avec intérêts,

- confirmer la compensation entre les sommes qui seraient éventuellement dues par les parties,

- confirmer le délai de paiement de deux ans qui lui a été accordé,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant et débouter M. [G] de ce chef de demande formée devant la cour,

- condamner l'appelant au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.

MOTIFS

Sur la régularité du bail conclu le 1er juillet 2012

M. [G] explique que, suite à des travaux réalisés par la copropriété en 2011 (changement des colonnes d'eau), son gestionnaire de biens avait tardé à faire réaliser les travaux de remise en état de la cuisine et des toilettes de l'appartement loué à M. [E] [X], si bien que celui-ci lui avait demandé de reprendre la gestion du logement et de lui consentir un nouveau bail ; le locataire aurait ainsi accepté de conclure un nouveau bail moyennant un loyer plus élevé pour pouvoir rester dans les lieux.

Dans ses explications, l'appelant omet d'évoquer l'existence de la lettre de congé qu'il avait adressée au locataire le 28 février 2012 au motif qu'il devait effectuer des travaux de rénovation dans le logement.

C'est à bon droit que le tribunal a jugé, dans les motifs de sa décision, que ce congé était nul et de nul effet en ce qu'il ne respectait pas les règles de forme imposées par l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction en vigueur au mois de février 2012, puisqu'il n'avait pas été adressé à M. [X] par lettre recommandée ou par acte d'huissier ; il était également nul quant aux règles de fond imposées par le même texte, puisque le bailleur ne justifie pas de la réalité des travaux de rénovation qu'il était censé entreprendre dans le logement ; en effet, l'intimé démontre que les travaux de remise en état de la cuisine et des toilettes suite au changement des colonnes d'eau ont été réalisés le 2 avril 2011 comme l'indique la facture de la société Deneux, soit plusieurs mois avant la délivrance du congé ; M. [G] ne démontre pas que d'autres travaux aient été entrepris dans le bien loué en 2012, après la délivrance du congé, ni que des travaux aient rendu impossible le maintien dans les lieux du locataire, puisque celui-ci a toujours habité dans le même appartement ; le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Suite à ce congé, M. [G] a obtenu de son locataire la signature d'un nouveau bail le 1er juillet 2012 moyennant le paiement d'un loyer nettement supérieur à celui du bail initial, le loyer principal étant ainsi passé de 963 euros (loyer dû en juin 2012) à 1 350 euros..

Même si M. [G] ne soulève la prescription de l'exception de nullité de ce nouveau bail qu'à titre subsidiaire, cette fin de non-recevoir doit être examinée avant d'évoquer le fond des demandes présentées à ce sujet par l'intimé.

Les conditions dans lesquelles le bail du 1er juillet 2012 avait été signé par le défunt n'ont été contestées par son fils, pour la première fois, que par conclusions adressées au tribunal d'instance le 28 juillet 2018.

Il doit être rappelé qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014 dite Alur, les actions dérivant du contrat de bail étaient soumises à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2224 du code civil.

L'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, créé par la loi du 24 mars 2014, dispose désormais que : « Toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit. » ; si cette disposition n'a pas été déclarée immédiatement applicable aux baux en cours par la loi du 24 mars 2014, la loi du 6 août 2015 dite Macron, a indiqué dans son article 82 II 2° que l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 était immédiatement applicable aux baux en cours, dans les conditions de l'article 2222 du code civil ; que néanmoins ce n'est qu'à compter du 7 août 2015 que ce texte est devenu immédiatement applicable aux baux en cours.

L'alinéa 2 de l'article 2222 du code civil prévoit qu'en « cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

Ainsi, s'agissant des actions dérivant d'un contrat de bail, la prescription triennale s'est substituée à la prescription quinquennale à compter du jour de l'entrée en vigueur la loi du 6 août 2015, soit le 7 août 2015, sans que la durée totale puisse excéder cinq années.

En l'espèce, l'appelant reconnaît que la nullité du bail avait été invoquée pour la première fois par M. [X] par conclusions du 28 juillet 2018.

Or le délai de prescription ne pouvait courir à son encontre qu'à compter du décès de son père, dans la mesure où, jusqu'à cette date, il ne pouvait connaître les conditions dans lesquelles M. [E] [X] avait conclu le bail avec M. [G] ni avoir connaissance des éventuelles causes de nullité de ce contrat, et ce d'autant qu'il n'avait pas été désigné curateur de son père.

Le délai de prescription n'ayant commencé à courir que le 26 novembre 2017, l'exception de nullité du bail soulevée pour la première fois le 28 juillet 2018 n'était pas prescrite.

L'intimé explique la signature du nouveau bail consenti en 2012 à son père par l'altération de ses facultés mentales et intellectuelles ; il produit plusieurs attestations à l'appui de cette thèse ; mais la nullité d'un acte juridique sur le fondement de l'article 414-1 du code civil nécessite la preuve de l'existence d'un trouble mental au moment de la conclusion dudit acte ; or M. [X] ne rapporte pas cette preuve par un quelconque élément médical démontrant, de manière objective, que son père souffrait d'un trouble mental le 1er juillet 2012, étant observé que ce dernier n'a bénéficié d'une mise sous curatelle que par jugement du 15 décembre 2016, soit plus de quatre ans après la signature du bail litigieux.

M. [X] soutient également que son père aurait été induit en erreur par le bailleur, lequel l'aurait menacé de mettre fin au contrat dans le seul but d'obtenir la signature d'un nouveau bail moyennant le paiement d'un loyer nettement supérieur ; mais aucune pièce autre que la lettre de congé ne vient étayer la thèse d'un vice du consentement tel que le dol ou la violence ; il n'est donc pas démontré, de manière certaine, que la lettre de congé aurait été sciemment utilisée par le bailleur à seule fin de faire pression sur M. [X] et obtenir de lui la conclusion d'un nouveau bail.

En revanche, il est certain que, en agissant ainsi, M. [G] est parvenu à contourner les règles strictes imposées à l'époque par l'article 17 c) de la loi du 6 juillet 1989 quant au droit pour le bailleur de proposer au preneur un renouvellement du bail avec réévaluation du loyer ; en effet, le bailleur a obtenu la signature d'un nouveau bail avec un loyer nettement plus élevé que le précédent sans avoir à rapporter la preuve que le loyer initial était manifestement sous-évalué, sans respecter les règles de forme prévues à l'article 15, sans fournir la moindre référence de loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables dans les conditions prévues à l'article 19, et donc sans avoir respecté les règles de protection du locataire destinées à éviter à celui-ci de subir une hausse excessive de son loyer.

Aucune pièce ne vient démontrer que M. [X] lui-même aurait été demandeur d'un nouveau bail ; s'il voulait conserver le logement loué, il lui suffisait de profiter de la reconduction tacite du bail initial, qui lui permettait de continuer à régler le loyer de 963 euros après application de la clause d'indexation prévue au contrat ; il n'avait aucun intérêt à conclure un nouveau bail portant sur le même logement, mais pour un loyer nettement supérieur.

C'est à tort que le premier juge a affirmé que les parties avaient librement décidé de conclure un nouveau bail, alors que le bailleur avait manifestement contourné les dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989.

Le bail conclu le 1er juillet 2012 en fraude des droits du locataire et en violation des règles protectrices de l'article 17 c) susvisé doit donc être déclaré nul et de nul effet.

La conséquence de cette nullité est que les parties doivent être placées dans une situation identique à celle qui était la leur avant la conclusion du bail litigieux.

Ainsi, M. [G] devrait rembourser au fils du preneur les loyers et charges indûment perçus, et l'héritier de M. [E] [X] devrait régler les indemnités d'occupation dues par son père du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2017, les clés du logement ayant été restituées en janvier 2018.

Si le bail du 1er juillet 2012 n'avait pas été conclu, M. [X] aurait été redevable de la somme mensuelle de 963 euros au titre du loyer principal.

Dans la mesure où M. [G] ne justifie toujours pas devant la cour avoir procédé à la régularisation annuelle des charges locatives conformément aux dispositions de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement des provisions sur charges ; dès lors, le montant des indemnités d'occupation dues par M. [E] [X] doit être limité à la somme mensuelle de 963 euros.

Au vu du décompte locatif produit par l'appelant, M. [E] [X] était uniquement redevable à son décès de la différence entre le nouveau loyer et l'ancien, le preneur ayant continué à régler par virements la somme de 1 030 euros correspondant aux loyers et aux charges dus au titre du bail initial ; seules les échéances d'avril 2014, février 2017 et décembre 2017 seraient restées impayées.

Selon ce décompte, M. [G] reconnaît avoir perçu depuis le 1er juillet 2012 63 mensualités de 1 030 euros chacune, soit au total la somme de 64 890 euros.

Or M. [E] [X] était redevable sur cette même période de 66 mensualités de 963 euros chacune au titre des indemnités d'occupation, soit au total la somme de 63 558 euros.

Ainsi, après compensation entre ces sommes, M. [E] [X] n'était pas débiteur envers M. [G], mais créancier de la somme de 64 890 - 63 558 = 1 332 euros.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné M. [P] [X] au paiement d'une dette locative, étant observé que celui-ci ne formule aucune demande en remboursement d'un trop-perçu d'indemnités d'occupation.

Sur les dépôts de garantie

M. [G] soutient qu'il n'a obtenu de son locataire que le règlement d'un seul dépôt de garantie de 9 592 francs (soit 1 462,29 euros) lors de la signature du bail initial, le dépôt de garantie de 1 350 euros mentionné dans le bail de 2012 n'étant que 'de pure forme' et ne lui ayant pas été réglé ; mais il ne rapporte aucune preuve de cette allégation, qui est contredite par les termes du bail de 2012 selon lesquelles le preneur a versé, à la signature du nouveau bail, un dépôt de garantie de 1 350 euros.

Ce bail étant déclaré nul par la cour, il appartient à l'appelant de restituer cette somme à l'héritier du preneur.

Pour ce qui concerne le dépôt de garantie versé en 2000, M. [G] se contente de produire des photographies prises lors de l'entrée dans les lieux de M. [E] [X] qui révéleraient que l'appartement loué était en parfait état ; selon lui, les lieux auraient été dégradés par le défunt ; mais, à défaut de produire un état des lieux de sortie, l'appelant ne justifie pas de l'existence de dégradations imputables à son locataire qui lui permettraient de conserver le bénéfice du dépôt de garantie.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné M. [G] au paiement de la somme de 2 812,29 euros au titre des deux dépôts de garantie versés par son preneur ; les intérêts légaux doivent courir sur cette somme à compter de la signification du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires

L'appelant, qui succombe en ses demandes, doit être condamné aux entiers dépens de première instance et de la procédure d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à l'intimé la somme de 2 000 euros sur le fondement de ce texte.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne la condamnation de M. [X] au paiement d'un arriéré locatif,

Statuant à nouveau sur ce point :

Déclare le bail signé par M. [E] [X] le 1er juillet 2012 nul et de nul effet,

Constate que M. [E] [X] n'était redevable d'aucune somme au titre des indemnités d'occupation dues à la date de son décès,

En conséquence, déboute M. [O] [G] de sa demande en paiement d'un arriéré locatif,

Y ajoutant :

Déboute M. [G] de toutes ses demandes formées devant la cour,

Condamne M. [G] à payer à M. [P] [X], en sa qualité d'héritier de M. [E] [X], la somme de 2 812,29 euros au titre des deux dépôts de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement entrepris,

Condamne M. [G] à payer à M. [P] [X] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] aux dépens de première instance et d'appel, cers derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/07223
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;19.07223 ?
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